[alerte] - JM Bérard - 25 août 2013

Sommaire

Mon nuage Google

Je persiste : halte aux fausses évidences de Valls, halte au mensonge

Impôts : hésitations et atermoiements

Comment nourrir la planète

L'école

Le style de la lettre [alerte]

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Mon nuage Google

Vous pouvez accéder aux documents que j'ai déposés dans le nuage (cloud) Google tout simplement en cliquant sur documents alerte .

Mode d'emploi : en cliquant sur le lien vous obtenez une pré-visualisation des fichiers. Il suffit alors de faire un simple clic (simple clic) sur la pré-visualisation pour que le fichier s'ouvre.

J'y dépose des textes, des images, sans autre critère de sélection que le fait que cela m'a intéressé et que je souhaite vous le faire partager. Vous pouvez piocher, flâner, zapper. Cliquez, vous ne risquez rien...

Quoi de nouveau dans le nuage

J'y ai déposé récemment une photo de Robert assemblant un mur de pierre : choix des pierres, rigueur de l'assemblage, choix des couleurs. Double clic sur documents alerte puis simple clic sur « un mur de l'artiste Robert ».

J'y ai déposé aussi une nouvelle version de la recette du beurre cuit. Celle que j'avais donnée se fondait sur mes seuls souvenirs d'enfant passant ses vacances au village, une enquête sérieuse a été effectuée auprès d'une dizaine d'anciens. Icône « beurre cuit ».

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Je persiste : halte aux fausses évidences de Valls, halte au mensonge

J'ai écrit dans le dernier numéro de [alerte] un article intitulé Au secours, Sarkozy revient sous les traits de Manuel Valls. L'un de vous proteste : le peuple a droit à la sécurité, la sécurité n'est ni de droite ni de gauche. Manuel Valls se déchaine : nous ne sommes pas des bisounours, il faut assurer la sécurité (comme à Marseille ?). Rappelons que Valls a attaqué de front le projet de loi Taubira qui vise à aménager les peines de prison et à supprimer les peine plancher qui imposent de façon automatique les sentences que doivent prononcer les juges.

Le « raisonnement » de Valls est purement mensonger. Première étape : chacun a droit à la sécurité. C'est vrai. Troisième étape : il faut donc punir fermement, il faut des peines de prison ferme, des peines plus longues pour les récidivistes, ne soyons pas laxistes.

Vous avez remarqué qu'il manque dans ce raisonnement la deuxième étape. Pour que le pseudo-aisonnement de Valls soit valide, la deuxième étape devrait être : les peines de prison ferme et les peines plancher diminuent la récidive. Et c'est là qu'est le mensonge. Toutes les études nationales et internationales montrent que les peines de prison ferme pour les primo-délinquants sont criminogènes, et que les longues peines de prison « sèches » pour les récidivistes augmentent la récidive. Si Valls voulait vraiment assurer la sécurité et prévenir la délinquance, il dirait, comme Mme Taubira « il faut des peines de substitutions pour les primo-délinquants, il faut des mesures éducatives en prison et un suivi de sortie de prison pour les récidivistes. » Il dirait cela s'il voulait vraiment faire diminuer la délinquance. Mais non. Il préfère s'appuyer sur l'opinion publique. Les peines plancher sont nuisibles à la sécurité, mais elles permettent de gagner des voix. Pour quoi faire ?

Remarques incidentes :

* Je suis en vacances, je n'ai pas le goût de rafraichir mes connaissances, en relisant par exemple « Surveiller et punir, naissance de la prison » de Foucault. Les paresseux comme moi peuvent consulter http://fr.wikipedia.org/wiki/Surveiller_et_punir

et relire

« Les peines de prison ferme n'empêchent pas la récidive »

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/08/13/les-peines-de-prison-ferme-n-empechent-pas-la-recidive_3461046_3232.html

* La délinquance explose à Marseille, malgré une forte augmentation des effectifs de police. Valls continue de rouler des mécaniques, malgré les échecs répétés : davantage de police, davantage de CRS... C'est utile, sans doute. Mais tous les articles que j'ai lus disent aussi que cela ne suffit pas si, en même temps, on ne lutte pas contre la pauvreté et le chômage à Marseille.

* Poursuivant sa stratégie de mise en avant personnelle sur une ligne droitière, Valls estime maintenant que les principaux problèmes de la France sont l'immigration africaine, le regroupement familial et l'islamisme. Sarkozy va bientôt regretter de n'avoir pas osé aller aussi loin. Je ne suis pas spécialiste de ce type de manœuvres méprisables. Il me semble que les propos mensongers de Valls vont plutôt faire monter le front national que conduire Valls à la présidence.

* Par une falsification historique, les tenants de la « sécurité » affirment que c'est un droit reconnu depuis la déclaration des droits de l'homme de 1789. En fait cette déclaration garantissait la sûreté, c'est à dire la protection de chacun devant l'arbitraire du pouvoir : lettres de cachets, peines discrétionnaires, etc. Je ne veux pas dire par là que la sécurité n'est pas nécessaire, je dis seulement qu'il ne faut pas falsifier les références historiques.

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Impôts : hésitations et atermoiements

Depuis son arrivée au pouvoir, l'équipe Hollande s'est comportée comme si elle avait peur d'être grondée par Bruxelles, par le FMI, par la droite, et n'a eu de cesse que de donner des gages aux dogmes de l'économie libérale : nous respecterons les limites de déficit arbitrairement imposées par Bruxelles, nous demanderons à notre peuple un effort de rigueur. D'où une forte augmentation des impôts, en particulier pour les classes moyennes. Et patatras, la directrice du Fond monétaire international s'inquiète : la France augmente trop les impôts, cela va nuire à la relance, n'ayant plus de pouvoir d'achat, les français ne pourront plus consommer suffisamment. La commission de Bruxelles, pourtant parangon de la rigueur, s'inquiète aussi : il y a trop d'impôts en France. Désarroi : on voulait plaire au FMI, voici qu'il nous gronde. Le ministre de l'économie lance un pavé dans la mare : à trop augmenter les impôts nous allons déplaire à la population. (Quelle surprise !) Plus question de demander, comme Churchill, du sang de la sueur et des larmes. Réaction fort juste de Mme Lienemann, sénatrice socialiste : après son élection, F. Hollande a totalement renoncé à la réforme fiscale d'envergure qui était indispensable, en particulier pour assurer une meilleure répartition sociale de l'impôt. Pourtant des études très précises étaient disponibles, en particulier celle de l'économiste Thomas Piketty. On a préféré bricoler, mettre des rustines, pour se rendre compte au bout de un an que l'on n'est pas très sûr de ne pas s'être trompé. A prétendre être de gauche tout en voulant respecter les critères de l'économie libérale, on ne sait plus trop où l'on va. Ces hésitations vont sans doute mobiliser l'opinion !

Ayant écrit cela, je me dois de prendre des distances vis-à vis de l'éditorial méprisant et arrogant du journalLe Monde des 25 2- août 2013. Le titre est tout un poème : « Ne prenez pas les contribuables pour des enfants de chœur. » Et le journal reprend avec hargne la thèse selon laquelle on a trop augmenté les impôts et pas assez réduit les dépenses publiques. Personnellement, je ne pense pas que l'on ait trop augmenté les impôts, je pense que l'on aurait dû le faire dans le cadre d'une réforme fiscale globale visant à mieux les répartir. Quant-à diminuer les dépenses, c'est une vieille antienne ultra-libérale : l'état n'est pas la solution, c'est le problème, disent-ils. Il me semble que les impôts assurent le vivre ensemble : les investissements (écoles, hôpitaux, transports collectifs...) sont nécessaires à la vie, et donnent du travail aux secteurs concernés. Les dépenses publiques assurent l'éducation, la justice, la santé, la sécurité, contribuent à la culture. Elles assurent aussi l'avenir de chacun, sous forme de salaires différés : retraites, sécurité sociale. Je suis très méfiant devant toutes les propositions non chiffrées qui disent que l'état dépense trop. Bien sûr, si l'on privatise la sécurité sociale, si l'on rend l'éducation payante, l'état dépensera moins. Mais à quel prix. Si réduction il doit y avoir, il faut en discuter point par point, au lieu de vouloir globalement, avec hargne, détruire tout service public.

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Comment nourrir la planète

La population de la planète augmente, comment nourrir tout ce monde ?

Une solution très simple. Le Monde, 25 26 août 2013 : « La ruée sur le soja transgénique chasse de leurs terres les paysans paraguayens. Exporté vers l'Europe pour le bétail et les agro-carburants, « l'or vert » représente 80% des cultures du pays ».

Tout est dit dans le titre. Extrait : au Paraguay la ruée vers le soja dont le prix est monté en flèche sur les marchés internationaux a entrainé ces dernières années l'expulsion souvent violente des petits paysans qui vivaient traditionnellement de la culture du manioc, du maïs et de l'élevage, entraînant une flambée des prix alimentaires. […] Au Paraguay 80% des terres sont aux mains de 2% de la population, c'est à dire de grandes familles richissimes. […]Les cultures transgéniques utilisent sans aucun contrôle des pesticides mortels qui contaminent l'environnement et mettent en danger la santé de la population. Non seulement on les prive de ressources alimentaires mais on les empoisonne...

C'est pourquoi je disais que la solution au problème de la nourriture de la planète est fort simple : il suffit de priver de nourriture les pauvres pour donner à manger au bétail que mangeront les riches et donner à boire aux voitures dans lesquelles ils rouleront. Bon, j'ai un doute, il y a sans doute une erreur de raisonnement, mais pourtant c'est bien ce qui existe.

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L'école

Mes récents articles sur l'école (et en particulier l'article humoristique sur l'école aux iles Samoa paru dans la lettre du 28 juin 2013) ont beaucoup choqué certains de vous. Je leur ai promis de retravailler sur tout cela, et en particulier sur les réponses qu'ils m'ont envoyées, mais le plaisir des vacances, des relations et des rencontres avec les gens, de la participation aux activités culturelles coopératives ont pris tout mon temps. Partie remise.

Article sur les îles Samoa

« Qu'enseigner à l'école, comment évaluer les élèves,

http://alerte.entre-soi.info/post/2013/06/28/%5Balerte%5D-JM-Berard-28-juin-2013 »

Je reconnais que la thèse que j'exprimais dans ce texte ironique ne va pas de soi : l'école joue, en France encore plus que dans d'autres pays, un rôle de sélection sociale. Mon hypothèse est que peut-être n'est-ce pas seulement du fait des méthodes pédagogiques, mais aussi du fait du contenu même de ce que nous considérons comme « socle commun » et qui serait peut-être en fait calqué sur des valeurs élitistes. C'est une thèse choquante : comment, tu veux rétablir une sous-culture pour le peuple ? Et pourtant, chacun s'accorde à dire que l'épreuve de culture générale au concours de l'ENA est une épreuve de typique sélection sociale. Je pense que ce qui vous a choqué dans ce texte est que vous avez pensé que je donnais des conclusions. En fait je ne faisais qu'émettre des hypothèses, tout le travail reste à faire, au prix d'études sérieuses, pour réfléchir à tout ce que nous enseignons et se demander si au fil des siècles nous n'enseignons pas finalement un corpus par nature porteur de sélection sociale. Je n'ai pour l'instant trouvé aucune étude sérieuse sur cette hypothèse. Peut-être en connaissez-vous ?

Outre la question des contenus, un obstacle me semble massif : le rôle de sélection, de tri, de compétition que l'on attribue à l'école, rôle qui détruit certains, et marque tous pour la vie.

Intéressant article dans le magazine du Monde daté du 24 août 2013. Article Tu auras un an de retard mon fils.

Extraits : « Alors que en France les parents ambitieux rêvent de faire sauter une classe à leurs rejetons, des Américains se battent pour que leur enfant rentre à l'école avec un an... de retard. Le pari : plus grand, plus fort, plus mûrs, ils réussiraient mieux leur scolarité. […] Retarder l'entrée à l'école c'est aussi sanctuariser l'enfance et repousser le temps de la compétition. »

Il y a longtemps, en France, une enquête de l'inspecteur général Ferrier avait démontré que les enfants qui entrent plus jeunes à l'école maternelle, du fait de leur date de naissance, connaissent, durant leur scolarité, plus de difficultés. Et pourtant, on veut toujours avancer la précocité des apprentissages, en particulier en lecture, alors que le développement des enfants ne le permet pas.

Bien sûr, aux USA, ce mouvement visant à retarder l'entrée à l'école ne concerne que 5 à 10% de la population, et est souhaité par les parents ayant fait des études.

Cette pratique est controversée, et n'a pas fait l'objet d'analyses sérieuses.

Mais tout de même... les enfants qui rentrent plus jeunes à l'école maternelle française ont plus de difficultés.

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Le style de la lettre [alerte]

Mon mode d'expression favori, y compris dans la vie courante, est l'usage de l'humour au second degré. Cela pose beaucoup de problèmes pour la lettre [alerte] : l'humour au second degré se pratique dans la conversation, avec un interlocuteur précis en face de soi. Sur internet, on s'adresse à des personnes diverses, que l'on ne connait pas, et dont on ne perçoit pas les réactions.

Qui plus est, ce style d'humour nécessite un talent surtout présent chez de très grands humoristes. Et encore... Rappelons-nous Guy Bedos : réputé humoriste de gauche, il disait un texte sur ses vacances au Maroc : « le Maroc, ça nous a pas plu. Il y a trop d'arabes. Même le roi, qui est d'une bonne famille, est arabe ». Il pensait se moquer des racistes, mais recevait des lettres de félicitation : « qu'est-ce que vous leur avez mis. » Il a été obligé, lors des spectacles, de changer son sketch pour préciser que c'était de l'humour...

Alors vous pensez bien, moi qui n'ai pas le talent de Guy Bedos, comment s'étonner que ce que je crois être de l'humour puisse être mal compris ? Il faut que je soigne la rédaction pour introduire des « signaux d'humour », mais si l'on dit « c'est de l'humour » ce n'est plus de l'humour.

Deux exemples : j'avais fait il y a bien longtemps un article pour me moquer de la façon dont certains hommes politiques de droite concevaient l'apprentissage d'une façon rétrograde et en se référant à un mode d'artisanat qui n'existe plus. Je ne critiquais pas l'apprentissage, mais une certaine conception de l'apprentissage, et pourtant certains de vous m'en font encore le reproche.

Autre exemple : je me demande pourquoi l'orthographe est à ce point un marqueur social, et pourquoi il est si dévalorisant socialement de « faire des fautes ». Même les personnes qui, dans les enquêtes sur internet, recherchent le grand amour sur les sites de rencontre (Meetic ou autres) disent : j'élimine d'emblée les messages où il y a des fautes. Pour me moquer de ce préjugé social j'avais écrit le texte suivant :

« Une affichette dans l'entrée d'un immeuble cossu : « j'ai perdu hier un petit oiseau jaune, un serein, qui s'est envolé de la rambarde du balcon .» L'auteur a t il voulu faire un jeu de mots en disant que le petit oiseau jaune était calme et tranquille ? Ou a-t-il vraiment confondu serein/serin ? Non non, impossible dans un tel immeuble, c'est sûrement une affiche du gardien ou d'une femme de ménage. »

Certains de vous ont pensé que je me moquais du gardien. Je voulais dire : vu les préjugés sociaux sur l'orthographe, l'opinion publique ne peut pas imaginer que l'habitant d'un immeuble cossu fasse une faute, c'est donc forcément le gardien. Je pensais faire de l'humour. Comment aurais-je pu raconter mieux l'histoire pour qu'on perçoive mieux mon intention ? Ou alors peut-être mon histoire est-elle tordue et ne prouve rien ?

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Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

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La liste de diff comporte environ 200 personnes, et qui plus est les lettres sont disponibles sur le présent site internet. C'est pourquoi, lorsque vous m'envoyez des réactions, je les publie sans votre signature. En effet, c'est une chose que d'écrire à des personnes que l'on connait ou qui sont rassemblées sur la base d'un consensus précis, c'en est une autre d'écrire à une liste à laquelle chacun peut s'abonner sans condition.

Si vous préférez que vous contributions soient signées, dites-le moi en les envoyant.

jean-michel.berard orange.fr

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fin de la lettre du 2013 8 25 / 25 août 2013