[alerte] - JM Bérard - 28 juin 2013

Sommaire

Mon nuage Google

    Au jour le jour

La fête à Féricy, Val de Marne, 600 habitants

Les drones et la guerre chevaleresque

Économie : mondial ou local ?

Prism : on nous entend, on nous voit, restons cyniques

Un scoop

    Enseigner, apprendre, évaluer

Qu'enseigner à l'école, comment évaluer les élèves ?

Feldenkrais et apprentissages


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Mon nuage Google

Vous pouvez accéder aux documents que j'ai déposés dans le nuage (cloud) Google tout simplement en cliquant sur documents alerte .

Mode d'emploi : en cliquant sur le lien vous obtenez une pré-visualisation des fichiers. Il suffit alors de faire un simple clic (simple clic) sur la pré-visualisation pour que le fichier s'ouvre.

J'y dépose des textes, des images, sans autre critère de sélection que le fait que cela m'a intéressé et que je souhaite vous le faire partager. Vous pouvez piocher, flâner, zapper. Cliquez, vous ne risquez rien...

1 Au jour le jour

La fête à Féricy, Val de Marne, 600 habitants

Dimanche, repas convivial où chacun a apporté sa contribution en investissant tous ses talents de cuisinier. Échanges, discussions, plaisir de se retrouver, concert de grande qualité, tout cela dans le parc municipal qui embellit de jour en jour grâce au travail des bénévoles, aux investissements de la municipalité, aux subventions des collectivités locales et au soutien de tous. Lecteurs de [alerte], vous avez vous mêmes participé à une collecte lorsque le grand bâtiment a été incendié, votre réaction a été appréciée.

Intéressant : l'appétit de connaissance et d'exploration d'un petit garçon de deux trois ans, qui, sans se donner du tout en spectacle, suivait le rythme de la musique avec tout son corps et expérimentait l'effet des chocs de ses pieds munis de bottes sur une large flaque d'eau boueuse. A Féricy les parents sont fous : on n'est pas venu le soulever de force et l'emmener en catastrophe en lui disant « c'est caca ! »

On dit de toute part que l'individualisme règne. Il existe un petit village du Val de Marne, cerné par les appétits des producteurs de gaz de schistes... Et tout cela sans potion magique. Chacun s'y met, tel le colibri. Rassurez-vous, ce n'est pas un bisounours gnangnan et totalitaire, où chacun devrait se plier à la norme du « tout le monde il est beau » et au conformisme du village. Des projets de la municipalité font débat, les associations vivent et parfois meurent, certains participent à telle activité et pas à d'autres, certains ne participent à rien, ce qui est leur droit, un incendie malveillant a en partie détruit la grande bâtisse du parc. Mais la vie, la convivialité, l'amitié sont là. Et les réalisations aussi. Parmi des centaines de réalisations, un tout petit exemple, significatif : fait rare pour un aussi petit village, la commune est équipée d'un système d'éclairage public piloté par ordinateur, qui permet d'arbitrer, lampadaire par lampadaire, lieu par lieu, saison par saison, entre les exigences de confort, de sécurité et d'économie d'énergie.

A vos agendas : le 8 septembre 2013, dans le parc, fête du cheval de trait. La première réalisation avait connu 3 000 visiteurs. C'est à 70 km de Paris. Ou alors gare de Fontainebleau, on peut aller vous chercher si vous voulez.

jean-michel.berard orange.fr

Le site : Féricy

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Les drones et la guerre chevaleresque

Quatre pages entières sur ce sujet dans Le Monde du 20 juin 2013, un article dans Le Monde du 18 juin.

Ces petits objets volants, télécommandés ou entièrement automatiques, sont promis à un succès commercial gigantesque : relevés de toutes sortes (agriculture, archéologie, climat, géographie, circulation routière, hydrographie, surveillance des lignes électriques...), gestion des catastrophes, surveillance des troubles à l'ordre public, surveillance des manifs (mieux que les caméras dans les rues), surveillance des clandestins à la frontière entre les USA et le Mexique, surveillance de tous par chacun et de chacun par tous, espionnage militaire ou industriel. Allons, aucun risque pour la vie privée ! :-) Un drone peut lire la marque d'un paquet de lait à 18 000 mètres d'altitude. (J'ai des doutes. Cela me semble une altitude élevée. C'est ce qui est écrit dans le journal. Quoiqu'il en soit les risques pour la vie privée sont graves, quelle que soit la marque du paquet de lait.)

Et aussi, problème dont on parle beaucoup ces derniers temps, assassinats ciblés et sans jugement d'adversaires politiques par les États.

L'usage des assassinats par les drones sur ordre de Barack Obama commence à soulever de nombreuses interrogations aux USA. Les drones des services secrets US interviennent partout, en Afghanistan, au Yémen, au Pakistan, en Somalie, en Libye. Les assassinats ciblés visent les « ennemis », dans le secret de décisions prises parfois sur de simples présomptions. Les assassinats effectués par l'armée sont classés « secret », ceux effectués par la CIA sont classés « covert », ce qui veut dire que les USA n'ont même pas le droit d'en reconnaitre l'existence. Ces usages provoquent en Chine et en URSS un grand appétit pour l'achat de ce type de matériel. Business as usual. Je crois que les industries US et israéliennes sont leaders en la matière, voici quelques dollars en perspective. Il est bien normal que les industriels US puissent présenter leur matériel en temps réel, en Afghanistan, au Yémen... Cela soutient l'emploi.

Dans le deuxième article Le Monde nous décrit les questions éthiques que se posent les états-majors sur l'automatisation des questions militaires et en particulier sur l'automatisation du droit de tuer un être humain. On est en effet désormais capable de construire des armes pouvant sélectionner et attaquer des cibles sans intervention humaine. Les débats éthiques sont en cours. Ce n'est peut-être pas bien de tuer de façon automatique ? Vu les énormes intérêts financiers et militaires en jeu, le débat ne fait que commencer. Il serait bien étonnant que l'humain l'emporte.

Ces questions sont fondamentales, et ne concernent pas que les drones, mais toutes les tâches que nous sommes prêts à déléguer à des robot, humanoïdes ou non, ou que nous avons déjà déléguées sans le savoir.

Cela dit, je ne peux me retenir d'un rire un peu amer. La guerre est et reste, de toute éternité, une transgression absolue du « tu ne tueras point » que l'on présente pourtant comme inhérent à la morale humaine. Cela était couvert, déguisé par l'esprit chevaleresque : je prends des risques, mais l'ennemi aussi. Ce sont les tournois à la lance, ou au colt entre les deux cow boys à la fin du film. La guerre de 14 -18 avec ses millions de morts au front (quatre millions ?) était chevaleresque, c'était une vraie guerre : chacun risquait sa peau dans les tranchées si humaines. Comme disait Brassens, c'est celle que je préfère...

Les drones ne sont pas chevaleresques, c'est une guerre asymétrique. Le pilote est dans un bureau aux USA, il tue à distance. Il paraît que c'est plus stressant que d'être pilote de bombardier, car dans un bombardier on largue sa bombe et l'on s'en va, alors que là on voit les gens mourir. (On n'a pas interrogé les victimes : préférez-vous les avions ou les drones ? Ah oui, c'est vrai, elles sont mortes.) On dirait un sketch des Inconnus, pour distinguer la bonne guerre de la mauvaise guerre. Je ne sais pas si le fait de bombarder Londres, Dresde ou Hiroshima était chevaleresque, ni s'il est chevaleresque de priver des populations d'eau, de nourriture.

Je suis peut-être un mauvais patriote, mais je doute que, drones ou non, il existe des guerres chevaleresques, humaines. Il me semble tout de même qu'il existe des guerres justes, comme le fait de rejoindre de Gaulle et la Résistance sous Hitler et Pétain. Mais je n'y étais pas.

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Économie : mondial ou local ?

Mondial : source : Hervé Kempf, Le Monde

Le 17 juin, les USA et l'Union européenne ont lancé des négociations pour un partenariat transatlantique de commerce et investissement. Selon Hervé Kempf dans Le Monde, le résultat de ces négociations aura un faible avantage économique pour l'Europe. Si elles aboutissent, le taux de chômage en Europe passerait de 11% à 10,83%. En fait les USA veulent surtout abaisser les barrières non tarifaires aux échanges : normes environnementales (viande aux hormones, moratoire sur les produits transgéniques et ensemble de la réglementation sur l'alimentation, exploitation des gaz de schistes et ensemble de la réglementation sur le carbone...) Cet accord conduirait aussi à un abaissement des normes sociales, considérées comme une atteinte à la liberté du commerce. Judicieusement la France et l'UE veulent placer la culture (pas l'agriculture) en dehors du champ de l'accord. Cela ne serait qu'un tout petit morceau du problème. Selon Hervé Kempf, le bilan des avantages et des inconvénients d'un tel accord sur l'économie et le mode de vie des européens serait largement négatif et il vaudrait mieux ne pas le négocier du tout.

J'ai déjà signalé dans une [alerte] précédente comment l'accord de libre échange Alena entre les USA et différents pays voisins a totalement ruiné les producteurs de maïs mexicains, qui sont obligés de devenir clandestins dans les champs de maïs américains dont la production ruine le Mexique...

Lettre [alerte] du 9 décembre 2012

Kempf suggère de construire un protectionnisme sélectif fondé sur les normes environnementales et sociales qui régiront l'économie mondiale de l'avenir. Doux rêveur... Comme si l'humain et l'avenir de notre planète avaient un rapport avec le fonctionnement du système économique et financier mondial. J'ai l'air, comme ça, mais hélas non je ne plaisante pas.

Local : source Le Monde 23 24 juin 2013

Dans des villes françaises de plus en plus nombreuses(une quinzaine) a été créée une monnaie locale. Cela existe déjà largement à l'étranger.

Le système : une institution financière légère est créée, on lui achète (avec du vrai argent) des bons qui servent de monnaie d'échange locale : le sol-violette à Toulouse, l'abeille à Villeneuve sur Lot, l'eusko au pays basque. Ces bons sont acceptés dans les échanges locaux (commerces, etc.) mais nul n'est obligé de les accepter ou de les utiliser. Ils sont remboursables à vue, avec tout de même une petite taxe-punition. A la différence des multiples monnaies régionales qui existaient avant la révolution de 1789, ces billets sont libellés en monnaie nationale. Avantage : cet argent sort du circuit spéculatif, car l'institution qui le gère n'a pas vocation à spéculer. Injecté dans des circuits courts, il redynamise l'économie locale. Pour l'instant, en France, ce système a un développement moindre qu'en Allemagne. Ses effets sur l'économie locale en France sont, selon Le Monde, encore peu perceptibles.

Heureuse extension du système des Amap, où des personnes se regroupent pour acheter la production d'un maraicher local, en général bio et reçoivent toute l'année un panier de légumes par semaine.

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Prism : on nous entend, on nous voit, restons cyniques

Pour une fois, une question d'atteinte aux libertés via le numérique fait la une des journaux. Vous le savez, un ancien membre des services secrets US a rendu publiques les méthodes de surveillances des agences gouvernementales US qui utilisent le système Prism : suivi des messages, requêtes, échanges de toute nature transitant par les serveurs informatiques des sociétés US, c'est à dire la grande majorité. Émotion, chacun est visé dans sa vie professionnelle et privée, même des citoyens américains, c'est tout dire ! (Civis romanus sum, National Security Agency est.) Qui plus est, les usages de ce système pour l'espionnage économique sont évidentes.

Il a fallu longtemps pour que l'opinion publique se réveille. Usuellement, pour se « protéger » chacun est preneur de surveillance : je n'ai rien à me reprocher, c'est l'autre qu'il faut surveiller.

Depuis toujours la société doit tracer la limite entre liberté et sécurité. Aux USA depuis le 11-septembre, cette limite me semble allègrement franchie : les terroristes sont partout, il faut tout surveiller. C'est bien connu, pour empêcher que les terroristes détruisent nos libertés, faisons-le nous mêmes.

Mon effarement vient de l'actualité de ce matin 25 juin 2013 : l'auteur des « fuites » s'est réfugié à Hong-Kong, puis en Russie. Et les USA grondent et menacent la Chine et la Russie. Étonnant non ? Pendant longtemps, à juste titre, on a dénoncé les méthodes policières de l'URSS, de la Chine, de Cuba, de l'Allemagne « démocratique ». Et puis tout d'un coup les USA, dont on constate qu'ils font aussi bien, mais avec une efficacité beaucoup plus grande vu les progrès techniques, se rebiffent. C'est comme pour la chasse et la guerre : il y a une bonne liberté surveillée (celle des USA !) et une mauvaise.

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Un scoop

Selon Le Monde daté du 25 juin 2013, un mafieux corse a été tué par une bombe « télécommandée à distance ». Ces corses sont vraiment à la pointe du progrès.

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2 Enseigner, apprendre, évaluer

Qu'enseigner à l'école, comment évaluer les élèves ?

Je lis dans la revue « l'Archicube » de juin 2013 un article de Mme Duru-Bellat, sociologue : « quelle (juste) place pour le mérite scolaire ? »

Extraits :

L’école elle-même n’est pas neutre. ... La définition du mérite scolaire est très particulière : non seulement les notes ne se fondent pas sur l’ensemble des compétences des élèves, mais seulement sur celles que l’école choisit de valoriser, souvent plus présentes chez les familles a priori plus proches de l’école. (Je n’ai pas trouvé de mais encore. Non seulement...). Tout un ensemble de travaux démontrent ainsi qu’entre les connaissances et les qualités des élèves et les évaluations qui prétendent mesurer leur valeur un véritable processus de « fabrication » est en place. Une part des inégalités sociales des résultats scolaires est ainsi fabriquée, pas toujours en rapport avec le mérite.[...]

Les évaluations scolaires peuvent-elles être considérées comme de fidèles indicateurs des qualités qui vont compter dans la vie ? [...]

La logique du mérite hypertrophie le classement, la sélection et la logique de promotion individuelle, qui ne peuvent être les seules priorité de l’école, sauf à renoncer à l’éducation de tous en se désintéressant du sort des moins bons.

La prééminence donnée à la logique du mérite scolaire induit aussi des gaspillages toute la vie durant. Fin de citation.

En fouinant un peu j’ai trouvé un article sur l’école aux iles Samoa www.ecole_samoa.eu

Extraordinaire, et, je me demande pourquoi,  méconnu.

Je résume car c’est un peu long.

Au moyen âge les samoans étaient dirigés par l'empereur et par les samoans majeurs. Ces personnes avaient un vif goût pour les couleurs, car leurs châteaux étaient décorés d'œuvres d'art commandées aux artistes de Besançon, les fameuses icônes bisontines. Ils avaient aussi besoin de la couleur du ciel comme augure pour savoir s'ils devaient faire la guerre, aller à la chasse au wapiti ou déguster des œufs de tortue naine. Ils parlaient le samoan-antique, langue qui comportait un riche vocabulaire désignant les couleurs.

La majorité de la population travaillait dans les mines de Béryllium, le B12. Ils n'avaient pas besoin de désigner les couleurs : ils se levaient avant le soleil, allaient à la mine et rentraient la nuit dans leur chaumière enfumée. Ils parlaient le samoan gris, où n'existaient que les termes pour désigner le noir, le blanc et huit niveaux de gris.

Lorsque leur empereur a créé l'École, il a tout naturellement, dans les enseignements et les contrôles, donné une part dominante à la reconnaissance des couleurs : les camemberts et les graphiques étaient de plusieurs couleurs, et de nombreuses informations étaient fondées sur un code de couleurs, A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu. Dans les sujets d’examens les questions étaient en rouge sang et les notes de bas de page en vert jade.

Petit à petit la situation évolua, et le clivage social s'aggrava. Les mines de B12 étaient de plus en plus profondes, il fallait plus de samoans-mineurs. Une catégorie nouvelle était apparue, les samoans-mobiles, qui commerçaient avec l'étranger pour vendre le B12 et acheter des arbalètes et des couteaux Opinel. Pour commercer avec les inuits du pôle nord et leur acheter des harpons à bébés phoques, ils avaient appris leur langue qui, comme on sait, comporte 43 mots rien que pour désigner les couleurs de la neige. Les samoans mineurs ne savaient rien de tout cela.

Vu les besoins de la société, de plus en plus de samoans devaient aller à l’école, l'empereur pour empeurer, les samoans-majeurs pour diriger, les samoans mobiles pour commercer et les samoans-mineurs pour lire le mode d'emploi des pelles modernes en bronze. Les enseignements et les examens continuaient d’être fondés sur les mêmes contenus et les mêmes épreuves.

Dans le pays, ceux qui connaissaient mal les couleurs et ne maitrisaient pas le samoan antique étaient humiliés : ils étaient toujours mal classés aux évaluations  et aux concours. Mais ils s’étaient résignés. De toute façon ils savaient bien qu’ils ne pouvaient pas réussir aux examens élevés, car plus le niveau montait plus la palette des couleurs se diversifiait. A l'examen de fins d'études les camemberts étaient tracés en 1024 couleurs, et les samoans mineurs manquaient d'aisance devant ces épreuves.

Pour sortir de la mine les mineurs pouvaient passer les examens de chasseurs de zèbres ou de vaches normandes, pas de chasseurs de papillons.

Malheureusement, grâce au télégraphe de Chappe, ils avaient appris l'importance des couleurs en recevant des messages des habitants de l'Arc en Ciel. Ceux qui maitrisaient les couleurs et parlaient le samoan antique se sont dit : il faut que l’on fasse quelque chose, sinon la révolte va gronder. Les droits de l’hommistes disaient : il faut faire quelque chose, c’est trop injuste. Un peu naïfs, ils ne se rendaient pas compte qu’il n’y avait pas lieu de changer un système où ceux qui connaissaient bien les couleurs pouvaient garder la possession des mines de B12 et parler entre eux, dans les salons, des icônes bisontines.

On a donc organisé des redoublements, des soutiens, des activités extra-scolaires, des établissements spécialisés. Rien n’y faisait, mais au moins on avait fait semblant de faire ce qu’il fallait. Les syndicats disaient “c’est parce qu’on n’a pas assez de crayons feutres et trop de tableaux noirs”, et tous, y compris ceux qui connaissaient mal les couleurs, disaient “il faut bien admettre que nous ne sommes pas égaux”. Personne n'avait remarqué que dans tout ce système, finalement, le critère principal était la maitrise innée du samoan-antique. Pour bien en convaincre tout le monde, le leitmotiv admis par tous était « la couleur, c'est ce qui reste quand on a tout oublié ».

Personne ne se demandait pourquoi c’était justement ceux qui connaissaient mal les couleurs qui ne réussissaient pas. On avait bien intégré, depuis le moyen-âge, que les contenus d’enseignement et les épreuves devaient être en couleur, et que le critère principal de sélection devait être le samoan antique. Les évolutions de la société n’avaient fait que renforcer cette croyance.

L’article de Google ajoute que, il y a une centaine d’années, un petit groupe de novateurs avait créé des cours de samoan antique pour les samoans-mineurs, imprimé les épreuves d’examens en noir et blanc, tracé les camemberts en niveaux de gris, imprimé le nom des couleurs à coté des photos historiques de kilts samoans dans les épreuves d’histoire. Ils avaient aussi créé des épreuves où le critère principal de sélection n'était pas le samoan antique, tel le tissage de laine de limi (c'est le lama local) pour faire des œuvres d'art ou la production de joutes de théâtre d'improvisation en samoan-gris. Ils ont scandalisé même ceux qui connaissaient mal les couleurs, qui ont crié à la discrimination : « des épreuves en couleur pour tous, pas d'examens au rabais. »

Ces novateurs  ont du quitter le pays et sont venus en France fonder le mouvement contre la couleur macabre. Quelle naïveté. En France les couleurs étaient dans la tête, les idées reçues étaient plus difficiles à détecter. Et de plus, outre les couleurs, de nombreux autres enseignements étaient dispensés et servaient aussi de critères de sélection : savoir peler les poires avec une fourchette (cours de remise à niveau pour les amputés d’une main) ou savoir faire un plan de table pour recevoir une évêque anglicane et son mari en même temps qu’un académicien français et son mari (difficile quand on ne connait dans sa famille ni évêque ni académicien). Pendant ce temps, d'autres se sont mis à sauter sur leur chaise comme des cabris en criant “refondons l’école”. Mais ils restaient in petto convaincus que, pour la dignité de tous, le samoan-antique devait être le principal critère de sélection.

Le plus étonnant dans cet article de Google est que chacun aux iles Samoa reste polarisé sur le samoan antique, sans percevoir que, du fait du télégraphe Chappe et des pigeons voyageurs, les façons mêmes de trouver l'information, de comprendre, de raisonner, ont changé. Je vais reprendre mes recherches, car je crois qu'en Syldavie on a réfléchi là-dessus.

Réaction de l'un de vous, qui parle couramment le cloudnet (c'est la langue qu'on parle en Syldavie) :

Je pense personnellement que Mme Duru-Bellat ne va pas assez loin, en considérant que les évaluations du mérite (ou plus précisément de la réussite) scolaire sont inadaptées parce quelles ne cessent de se référer à un système de valeurs traditionnelles  de la bourgeoisie cultivée. Ce qui est plus inquiétant c'est leur inadaptation chronique aux nouvelles logiques de penser, de dire et d'agir impliquées par l'évolution des technologies et de l'environnement sociétal. Le divorce n'est plus seulement entre deux classes sociales mais entre deux "temps" de l'évolution d'une société.

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Feldenkrais et apprentissages

Je vous ai parlé dans la lettre précédente des cours et stages Feldenkrais organisés par Brigitte à Montreuil. Le sondage pour fixer les heures de cours de l'an prochain est lancé, c'est le moment pour vous de la contacter.

FeldenkraisLa montagne dans la brume

CONTACT /INSCRIPTION lamontagnedanslabrume@orange.fr01 42 87 62 51

Que dire de Feldenkrais ? Difficile. C'est difficile à partager si l'on ne pratique pas.

Alors que plusieurs lettres [alerte] récentes portent sur le savoir et l'évaluation, je pense que, pour moi qui ai été très imbibé par le système scolaire du samoan antique, (j'irai jusqu'à dire : victime) Feldenkrais est d'un apport qui renverse totalement mes idées reçues et prend de court mes comportements.

  • Chacun est étendu sur le sol, on ne voit pas les voisins. Le professeur ne montre jamais le mouvement, mais le décrit avec précision. Le professeur ne rappelle personne à l'ordre ; si sa description n'a pas été comprise, elle la reprend, collectivement. Lorsqu'elle pose une question, ce n'est pas pour que chacun réponde, mais pour que chacun se la pose. Elle ne dit jamais « c'est bien, c'est mal. » On ne peut pas être meilleur ou moins bon que les autres.

  • Dans une telle relation, le classement, la récompense, l'élimination n'ont aucune place, aucun sens. Il est aussi totalement impossible de vouloir « faire bien » pour plaire au professeur. On ne peut se situer que par rapport à soi-même. Difficile !

  • L'important n'est pas le but mais le chemin. On lève le bras, l'épaule, on observe si son propre mouvement est saccadé, fluide, on observe l'influence de ce mouvement sur les côtes, le sternum, on observe ce qui se passe si l'on bloque les côtes ou au contraire si on les invite à participer au mouvement. Un corps global, chaque partie a un effet sur toutes les autres. Mais la consigne n'est jamais donnée en termes de « touchez votre pied avec votre main» , ce qui serait un but. « Descendez votre main, observez si le mouvement est fluide ou saccadé, observez ce que fait votre bassin...  Ne forcez jamais, ce qui compte est la perception du mouvement et des inter-relations. »

Bon, comme je vous le disais, c'est vraiment difficile à partager si l'on ne pratique pas. Et l'on ne peut même pas mesurer de progrès au sens de la mesure dans une salle de sport, où les cadrans affichent les forces, les vitesses, les calories. Les sensations que l'on a de se mouvoir avec plus d'aisance, d'avoir un meilleur équilibre sont précieuses, mais non mesurables. Je ne sais pas vous, mais moi je trouve cela bien intéressant.

Vous constatez que l'on retrouve tout de même les questions qui me préoccupent : d'une part, c'est le professeur qui dit qu'on ne se situe que par rapport à soi-même. Et d'autre part, comment devient-on professeur ? La validation des professeurs Feldenkrais est très stricte. Il y a donc bien quelque part quelqu'un qui dit qu'on peut, une évaluation, un test, une sélection. Je précise, je n'ai nulle intention de devenir professeur de Feldenkrais, mais cette question de validation se pose partout et toujours.

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Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Lorsque vous m'envoyez des réactions, je les publie sans votre signature. En effet, c'est une chose que d'écrire à des personnes que l'on connait ou qui sont rassemblées sur la base d'un consensus précis, c'en est une autre d'écrire à une liste à laquelle chacun peut s'abonner sans condition.

Si vous préférez que vous contributions soient signées, dites-le moi en les envoyant.

jean-michel.berard orange.fr

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fin de la lettre du 2013 6 28 28 juin 2013