[alerte] -JM Bérard - 25 aout 2016 burkini

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Orthographe

Je n'aime ni ce qui se passe ni ce qui se prépare

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À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin

 

 

 

Orthographe

Ce texte est écrit dans l’orthographe recommandée 1990 en suivant (sauf oubli ! ) les conseils de correction du dictionnaire électronique Robert.

http ://www.orthographe-recommandee.info/index.htm

Je n'aime ni ce qui se passe ni ce qui se prépare

Certes, la montagne est superbe et les couchers de soleil sur les aiguilles d'Arves et d'Argentières m'arrachent toujours des cris de joie. Certes le glacier, autrefois blanc jusqu’au sommet est maintenant en partie gris et continue inexorablement de fondre. Certes les rencontres, échanges, discussions, activités avec les personnes rencontrées, les amis, la famille sont denses et chaleureux, émouvants, reconstruisent des souvenirs en partie disparus. Certes ma petite-fille m'a tenu la main pour aller au trampoline. Certes on vit dans ce petit hameau dans un lieu encore un peu protégé, qui nous rend plus libres.

Certes les statistiques montrent que la fréquentation des festivals artistiques de l'été a rassemblé un très nombreux public, la plupart des spectateurs interviewés au hasard déclarant « On ne va tout de même pas renoncer à tout par crainte d'un terrorisme qui peut frapper n'importe où n'importe quand. » Bon d'accord, ceux qui ont répondu cela étaient présents. Mais ce qui est significatif est que la fréquentation a été élevée.

Malgré toutes ces joies, je n'aime ni ce qui se passe ni ce qui s'annonce.

Les radios, les télés, les journaux sont saturés d'affirmations et de polémiques sur le burkini. Je sais que je suis sur ce point peut-être en désaccord avec une partie d'entre vous. On nous dit que le port par les femmes musulmanes de cette chemise de bain est une provocation, une agression, une entorse à nos traditions. Trente villes ont pris des arrêtés antiburkini, le Premier ministre, au lieu de dénoncer ces dérives, dit qu'il approuve les maires, le conseil d'État, très complaisant ces derniers temps envers toutes les dérives sécuritaires, doit statuer cet après-midi 25 aout. Je n'en espère rien. De toute façon la question posée au conseil est mal posée : interdire le burkini est-il une atteinte aux libertés individuelles ? La question est plus vaste : dans quelles limites la collectivité publique a-t-elle le droit de régenter les tenues, les comportements ? Une personne handicapée qui veut se baigner sans montrer son corps doit-elle se voir interdire de porter une chemise ?

J'approuve totalement la loi anti-voile intégral. Initialement ce devait être une loi antireligieuse. Elle s'est heureusement transformée au fil des débats, en loi interdisant à quiconque de masquer totalement son visage sur la voie publique. C'est me semble-t-il une base absolue de la vie en société. Je suis d'ailleurs toujours mal à l'aise dans une station-service quand un motard ne retire pas son casque pour faire le plein.

L'interdiction du burkini est tout autre : cela revient à dire que certaines façons de s'habiller sont en soi, des provocations, des agressions, sont contraires à nos traditions. Étrange notion ! Qui dit à quoi il faut être conforme ? Il y a une cinquantaine d'années ma sœur n'avait pas le droit d'aller au lycée en pantalon même par les dures et humides journées d'hiver. Maintenant, même dans les églises catholiques à la messe le dimanche le pantalon féminin me semble être la norme. Et même le jean denim. Est-il conforme à « nos » traditions de se teindre les cheveux en bleu ? De se mettre plein d'anneaux sur le visage ? Au nom de quoi, comment, va-t-on se mettre à légiférer ? Il est bien clair à mon avis que l’interdiction du burkini n'est qu'un angle pour déclarer les musulmans hors de « chez nous ». Cela est d’ailleurs confirmé par le fait que ces derniers jours des polices municipales ont verbalisé des femmes en foulard islamique sur la plage. On s'y perd ! Le foulard est autorisé par la loi en ville et interdit sur la plage ! Le burkini choque parait-il comme contraire à « nos » traditions. Ce vêtement me semble pourtant bien pudique. Rappelons-nous qu'au tout début des bains de mer les femmes de la bonne société se baignaient le corps couvert des pieds au visage et étaient amenées par une carriole roulante pour qu'on ne les voie pas. Certains de nous se rappellent de photos de leurs parents sur la plage en un maillot de bain d'une seule pièce qui couvrait le corps des épaules aux genoux. Contraire à nos traditions ?

Extrait de Wikipedia

À la Belle Époque, on pouvait se baigner sans être vu !

La « Bathing machine » est un charriot à 4 roues en forme de fourgon, recouvert de toile, et tiré par un cheval. Ce charriot est ordinairement plongé jusqu’à l’essieu. Le baigneur peut ainsi se mettre à l’eau à l’abri des regards. Aux Sables d’Olonne, c’est en 1825 que le négociant Pître Raguet a établi sur le rivage, en face de la place d’Armes (actuelle place du Palais de Justice) huit de ces cabanes roulantes pour l’usage des baigneurs.*

* Source : archives municipales Les Sables d'Olonnes

La notion de ce qui est conforme ou pas en matière d'habillement est bien complexe, elle devient un peu inquiétante lorsqu'elle vise systématiquement les tenues portées par les pratiquants d'autres religions ou les originaires d'autres peuples.

Là où je deviens totalement stupéfait c'est en lisant les arguments du deuxième type de motivation du rejet du burkini : la France pays des droits de l'homme ne peut pas tolérer des méthodes qui sont le symbole d'une soumission de la femme. Vous avez sans doute remarqué que cet argument déclenche une ironie féroce dans beaucoup de pays étrangers. On cherche un peu la logique qu'il y a vouloir développer les droits des femmes en les restreignant ! D'accord, vous supposez que porter le burkini n'est pas un vrai droit des femmes mais une soumission. Cela va loin ! Porter une alliance est-il un droit ou un signe volontaire de soumission ? Je trouve cela bien étonnant. Un pays où les femmes sont officiellement moins payées que les hommes, où l'on hésite à embaucher des femmes parce qu'elles sont susceptibles de prendre des congés de maternité, où les femmes qui travaillent en ayant des enfants se heurtent à de nombreuses difficultés professionnelles, où l'on découvre ces temps - ci (on préférait ne pas le savoir) que la plupart des femmes sont victimes dans les rues de harcèlements sexuels verbaux violents, que dans le métro l'agression est la coutume dominante, que une femme est tuée tous les trois jours par son conjoint, que le « crime d'honneur » est encore la coutume tolérée par certains tribunaux dans certaines régions... Un tel pays est-il le mieux placé pour prétendre mener la lutte pour le droit des femmes ?

Je m'étais réjoui dans la lettre précédente : après l'assassinat d'un prêtre catholique dans son église par deux fanatiques, les représentants de toutes les religions présentes en France se sont unis pour dire qu'il n'y a pas à réagir par la haine ou la vengeance, que les religions sont des pensées d'amour et de paix. Le pape et les évêques français s'étaient faits remarquer par la clarté de leurs position contre la haine. Cela n'a pas duré. Un sondage récent dont je n'ai pas relevé les détails montrent que les sondés qui se déclarent catholiques sont plus intolérants que l'ensemble des sondés à l'égard des musulmans. (Ils ont une trop grande visibilité, ont trop d'influence.) Et que les sondés qui se déclarent catholiques non pratiquants sont plus intolérants que l'ensemble des catholiques à l'égard des musulmans : ils sont moins sensibles aux analyses du pape et de la hiérarchie catholique. Pas étonnant après cela que seuls six sondés sur cent (j'ai peine à le croire, me suis-je trompé?) pensent qu'il ne faut pas interdire le burkini.

Lorsque les immigrés italiens, polonais sont arrivé pour travailler en France ils ont été victimes d'un racisme violent, parfois d'émeutes. Maintenant la haine devient plus facile, le bouc émissaire tout trouvé, tel le juif en 1930 en Allemagne : ils ont une religion étrangère à la notre, viennent prendre notre travail, bénéficient de notre systèmes social sans rien faire, ont été nos ennemis féroces pendant la guerre d'Algérie, ils sont maintenant partie d'une guerre mondiale terroriste... Tout cela serait à analyser en détail, mais ce n'est plus possible, cela fait bloc, la haine est en marche.

 

Vos réactions

Vos réactions à la lettre [alerte ]

du 25 8 2016

 

En plein mois d’aout j’ai reçu de vous des réactions quasi instantanées à ma lettre sur le burkini, certaines émanant de personnes qui ne m’écrivent pas d’habitude.

Merci de contribuer à ce débat dont les conséquences me semblent lourdes de menaces : on constitue l’ennemi, on le désigne et du coup on ameute facilement pour la guerre. Pour un homme politique il est toujours plus facile de mobiliser pour la guerre que de rechercher la paix et la concorde. Respect à Jacques Chirac qui avait su ne pas se laisser entrainer dans cette spirale en ne partant pas en guerre avec les autres. Respect au pape François qui a su dire qu’il n’y a pas de rapport entre le terrorisme et la religion. Désaccord profond avec le Premier ministre qui approuve (ou ne désapprouve pas, je ne sais plus, c’est trop subtil) les maires qui ont pris des arrêtés anti-burkini. Rappel de Pierre Desproges : l’ennemi est idiot, il croit que l’ennemi c’est nous, alors que c’est lui.

Je vous communique les réactions reçues de vous, avec un petit regret : je sais que certains de vous sont en total désaccord avec ce que j’écris, leur avis manque un peu. J’ai reçu un message de l’une de vous qui demande à quitter la liste de diff, je suppose que c’est en réaction à la lettre, mais cela ne m’a pas été dit.

 

Reçu d’Éric Fafey, vice-président de la Ligue de l’enseignement​

Bonjour Jean-Michel, je partage en tous points (et la Ligue dans son ensemble) tes inquiétudes et ton analyse. Certains à gauche jouent avec le feu en détournant la laïcité du sens que Jaurès et Briand ont voulu lui donner à travers la loi de 1905. On peut être à la fois inquiet de la montée DES fondamentalismes en général et de celui qui frappe l'islam en particulier et refuser que soient à ce point menacées les libertés publiques et en premier lieu celle de croire, de ne pas croire et de pouvoir le dire publiquement ; sous réserve que cela ne trouble pas l'ogre public… arrêté par la loi et pas par ses interprètes locaux ou nationaux, ouvertement nationalistes… ou bêtement mus de la peur de l'autre. Amicalement.

Éric Favey

(Je ne sais pas si ordre/ogre est volontaire. JM B)

Après coup : non ce n'est pas volontaire, un coup du correcteur d'orthographe. Il s'agit bien d'ordre public.

 

Reçu de l’un de vous

J’approuve totalement et l'analyse et les termes de celle-ci.

J’ai vu sur le site d'information du journal "Le Soir" des photos prises sur une plage de Nice où 3 (oui, trois !) policiers interpelaient une dame d'un certain âge étendue "habillée" sur le sable. Elle aurait dû ôter sa tunique. (Je n'ai pas pu vérifier ce fait)

Que vais-je faire, moi qui adore me promener sur le sable en bord de mer, habillé (oui, en pantalon et chemise ou pullover) pieds nus sur le sable ? D'accord, j'accepte quand même de dénuder mes petits petons !...

Suivant la NTF (Nouvelle Tradition Française) on devrait quand même imposer les seins nus à toutes les femmes.

On devrait pouvoir en rire si ce n'était dramatique de bêtise et inquiétant pour notre société.

 

Reçu de l’une de vous : Jean-Michel, Bravo ! Amitiés

 

Reçu de l’un de vous

Bonsoir Jean-Michel et merci pour ton article sur le Burkini, 100 % d'accord avec toi.

 

Reçu de l’un de vous

Je partage ton indignation.

Prétendre défendre les droits des femmes en leur dictant comment elles ne doivent pas s'habiller ! Quel mépris !

Respecter les droits des femmes c'est leur laisser le choix de se baigner avec la tenue de leur choix burkini, bikini, monokini etc..

Ce n'est ni au mari ni au Premier ministre ni à un maire de décider pour elles.

Ces arrêtés sont du pain bénit, si je peux dire, pour les fanatiques de Daech et autres groupes similaires.

Profite bien de la montagne après quatre semaines près de Briançon et de Barcelonnette je trouve aussi que la montagne est belle !

Cordialement

 

Reçu de l’une de vous

Je partage entièrement votre analyse, cette affaire est ahurissante, je crains que toute cette excitation ne reflète qu'une bien navrante entrée en campagne électorale. Jusqu'où irons-nous dans l'arrogance et l'intolérance, on ne fait que le jeu de Daech qui cherche à opposer les Français les uns aux autres.

 

Reçu de l’une de vous

À peu près d’accord avec toi sur le burkini !

Autre exemple : l’an dernier sur la plage du Roussillon une femme voilée ne se baignait pas et regardait avec envie son mari et ses fils qui jouaient dans l’eau ! Je veux espérer qu’avec un burkini cette année, elle irait se baigner !

 

Reçu de l’un de vous

Merci Jean-Michel

Je suis aussi choqué par cette manière de prendre les musulmans comme cibles ostentatoires de notre peur.

 

Reçu de l’un de vous

Je suis en totalité en accord avec ton texte. Nous sommes avec le burkini la risée du monde entier.

 

Il me semble que cela serait bien si ceux d’entre vous qui sont en désaccord en faisaient part aux autres.

Sur la suggestion de l’un de vous, je vous ai proposé d’ajouter vos initiales ou votre prénom à votre réaction. Cela ne vous a guère semblé utile.

 

Dans 20 minutes va tomber le verdict du Conseil d’État !

 

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés À votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https ://drive.google.com/folderviewrr?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

Pour accéder aux fichiers, simple clic sur l’icône.

Fonctionnement de la lettre [alerte]

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Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http ://alerte.entre-soi.info/

Fin

de la lettre du 25 aout 2016