[alerte] - JM Bérard - 21 novembre 2015

Sommaire

Attentats, vivre ou cultiver la mort ?

Ce que j'aime, ce que j'aimerais vivre

Les Lilas, Observatoire de la diversité culturelle

Ce que je n'aime pas, mais alors pas du tout

Instinct de mort

Sécurité et liberté

Bribes

Un spectacle important et réjouissant, réserver très vite

Culture et spectacles aux Lilas

#prayforparis

Lettre alerte

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin

Écrire cette lettre-ci est bien difficile. Merci de vos réactions, même critiques.

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Plusieurs des articles que je lis conseillent la lecture de « Paris est une fête » de Hemingway.

Tournent aussi beaucoup Imagine de John Lennon (hélas je ne comprends pas bien l'anglais) et La vie en rose, d’Édith Piaf (Sans doute à cause du titre. L'aspect sociétal est moins évident.)

https://www.youtube.com/watch?v=XLgYAHHkPFs

Les paroles ont été inspirées à Lennon, par l'espoir d'un monde en paix, dont il dira lui-même : « Ce n'est pas un nouveau message : avec Give Peace a Chance, nous ne sommes pas déraisonnables, nous disons juste « donnez une chance à la paix ». Avec Imagine, nous disons « Pouvez-vous imaginer un monde sans pays ou religions ? » C'est le même message, encore et encore. Et c'est positif » Wikipedia

https://www.youtube.com/watch?v=kFzViYkZAz4

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Les Lilas, la ville où j'habite : le faire-part du journal Le Monde m'apprend que David Perchirin a été tué au bataclan à 41 ans. Il habitait les Lilas, je crois que je ne le connais pas du tout, mais je salue sa mémoire.

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Attentats, vivre ou cultiver la mort ?

Ce que j'aime, ce que j'aimerais vivre

J'aime que ma fille, qui habite St Denis, ait pensé à m'envoyer un message vendredi 13 dans la nuit, alors que je ne savais pas qu'il se passait quelque chose, pour me dire que elle, son mari, leur fille allaient bien.

J'aime tous ceux dont on a salué le courage, la mobilisation ou décrit la peur durant la soirée du 13 novembre.

J'aime ceux qui sont, samedi, dimanche, venus sur les places et dans les rues pour déposer des bougies et des bouquets. Certains ont chanté la Marseillaise. Cela permet de se retrouver dans l'union. Il me semble que vendredi ce n'était pas seulement la France qui était visée, c'était une façon de penser, de vivre, d'aimer boire un pot à la terrasse avec les autres, d'écouter de la musique, de voir un match sportif, de partager du plaisir, de s'aimer les uns les autres. Plutôt l'humanité entière que la France en tant que nation. Mais le drapeau tricolore sur les profils facebook, la Marseillaise, permettent de se sentir rassemblés, partageant des valeurs de vie, vivant ensemble. Plusieurs sites rappellent l'histoire, pour dire que durant la révolution le drapeau tricolore a été un symbole d'unité. D'autres ont chanté le chant des partisans. Horreur de la barbarie nazie ou de la barbarie prétendument religieuse. D'autres enfin, un peu partout dans le monde, ont chanté une chanson d'amour. J'aurais aimé être avec eux.

J'aime les personnes que les journaux, les réseaux sociaux ont placées parmi les héros anonymes, espérant que ces personnes ne deviendront pas, à leur corps défendant, des icônes statufiées. Plusieurs journaux ont, en dessous de photos de personnes tuées, décrit leur vie, dans les termes simples, chaleureux donnés par les familles. On se dit : tous les jours je les côtoyais, tant de richesse dans leurs vies que j'ai ignorées.

J'aime ce monsieur, dont la femme, l'amour de sa vie, la mère de son fils de 17 mois est morte vendredi et qui écrit aux terroristes : "Vous n'aurez pas ma haine ».

J'aime cette dame de 70 ans dont l'interview à BFMTV tourne en boucle sur les réseaux. Elle parle des « 5 millions de musulmans qui exercent leur religion librement et gentiment et des 10 000 barbares qui tuent soit disant au nom de Allah. » Elle nous conseille de lire « Paris est une fête » de Hemingway, et dit : « Aimez la vie, indignez-vous comme disait Hessel, soyez unis, aimez-vous les uns les autres et zut aux barbares. »

J'aime ce « beur » de St Denis qui dit « Pour la première fois je me suis senti français, ils auraient pu tuer ma mère ». Sentiment de faire partie d'une société qui partage, qui vit.

J'aime le groupe Zebda, et vous communique ce que dit le chanteur Magyd Cherfi

http://www.ladepeche.fr/article/2015/11/16/2218243-attentats-13-novembre-magyd-cherfi-zebda-partage-ode-france-facebook.html

Il reste tant à dire... Et la variété et la richesse de ce qui se dit est presque frustrante : on voudrait tout citer...

Les Lilas, Observatoire de la diversité culturelle

L'ODC est une association des Lilas, ville où j'habite. Je reproduis leur communiqué du 20 11 2015 :

Certains d'entre vous auront peut-être été touchés par le drame survenu la semaine dernière. L'ODC s’incline devant les victimes et s'associe à la douleur de leurs proches. La ville diabolisée, lieu présumé de promiscuité et de décadence, a toujours été l'obsession des fondamentalismes religieux et des idéologies de l'extrême qui ont souvent rêvé ou réalisé de la purifier par le sang. Pourquoi ? Parce qu 'elle est le creuset par excellence des multiples appartenances qui nous constituent tous et chacun. L'incapacité de pouvoir les exprimer a conduit ces jeunes forcenés, qui sont eux-mêmes porteurs de cette diversité, à vouloir la nier en eux-mêmes comme chez les autres. Nous sommes en deuil à Paris comme à Bamako, à Ankara, comme à Beyrouth et ailleurs mais comme d'autres, résolus plus que jamais à faire de la diversité culturelle non pas le lieu de l'affrontement mais celui de la paix.

Ce que je n'aime pas, mais alors pas du tout

Instinct de mort

Je n'aime pas du tout les fous de Dieu ou d'autres idéologies, qui, au nom de leur idéologie, se donnent le droit de tuer ou de régenter la vie de tous ceux qui ne vivent pas comme ils ont décrété que l'on doit vivre. Je ne suis pas historien, je ne sais pas si ces situations de terrorisme idéologique ont varié au cours des siècles. Elles ont toujours existé. Je ne peux leur trouver aucune excuse.

Dans Libération le 21 novembre Mathieu Lindon écrit : « Faites la mort, pas la paix. Tel semble être le slogan de ceux qui ne demandent qu'à mourir pourvu qu'ils aient tué avant. » Camille Laurens écrit : « chacun de nous est visé dès lors qu'il participe à la seule grâce d'exister. La cible des terroristes c'est la vie. »

En considérant le monde, les diverse intégrismes religieux, les divers fanatismes, en considérant certains états, je dois constater qu'on ne peut focaliser notre réprobation sur les seuls terroristes de daech.

Sécurité et liberté

Hélas je n'aime pas non plus l'usage d'opportunité qui est fait de ce terrorisme. On le pressentait dès vendredi, et déjà bien avant. Après les attentats du 11 septembre à New York le gouvernement US, pour protéger (!) la population, s'est empressé de mettre en place des mesures totalement liberticides (le patriot act par exemple) qui restreignent les libertés publiques d'une façon qui n'est même pas conforme à la constitution des États unis, qui transforment chacun, aux USA et ailleurs en suspect soumis à l'araignée vaste et totalement secrète de la surveillance des services de renseignement.

Je sais. En période de terrorisme, il faut dit-on accepter de restreindre ses propres libertés pour un peu plus de sécurité. Mais reste à trouver une limite raisonnable au regard des droits de l'homme, un équilibre entre liberté et sécurité. Sinon les terroristes auront gagné, nous restreindrons nous-mêmes nos libertés pour éviter que les terroristes ne les restreignent !

La juriste Mireille Delmas Marty, professeur au collège de France, pour laquelle j'ai depuis fort longtemps un grand respect, alerte dans Le Monde du 18 novembre 2015. « La course à la répression pourrait être mortelle pour la démocratie. Chaque attentat terroriste est suivi d'un renforcement de l'arsenal législatif, sans résultat satisfaisant. »

« Le risque est, au motif de défendre les valeurs humanistes, de les mettre en danger comme l'on fait les Américains en autorisant la torture et en ouvrant Guantanamo. […] Si l'on change le cadre des transferts de pouvoirs, il faudra préciser la durée, les conditions, les garanties et les limites, y compris les droits auxquels il ne peut être dérogé, même temporairement. »

Bon, je sais, je choque une partie de vous. Il faut lutter contre la terreur, faire vivre la vie. Mais il faut aussi rester vigilant sans accepter a priori n'importe quoi qui, justement, tuerait la vie au titre de « victime collatérale ». Le texte de Mme Delmas-Marty me semble poser des limites bien nécessaires. Prendre des mesures contre le terrorisme, oui, absolument, sans aucun doute . Mais vérifier au coup par coup leur utilité et leurs conséquences, évaluer les résultats grâce à des instances ne dépendant pas que de l’exécutif, limiter leur dures e. J'ajoute : pourquoi dans tous les textes sur l'état d'urgence qui sont votés en ce moment exclut-on le judiciaire comme si c'était l'ennemi, le complice des terroristes. La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est le principe fondamental des démocraties représentatives. Wikipedia, et peut-être déjà Montaigne ?

J'hésite à écrire tout cela. Beaucoup de vous vont penser : lorsqu'il y a danger, il faut accepter de perdre un peu de sa liberté pour avoir plus de sécurité. Hélas, on peut perdre l'un sans avoir l'autre. Je n'ai pas l'intention pour l'instant d'analyser tous les articles des journaux qui montrent les germes liberticides et la relative inefficacité antiterroriste de plusieurs des mesures adoptées à la hussarde ces derniers jours. Il faut tout de même un peu de recul. Mais six députés de la nation ont déjà refusé de voter la loi sur l'état d'urgence, et plusieurs éditorialistes ou philosophes analysent avec sévérité la position actuelle du président. Je vais prendre un peu de recul, laisser un peu de temps, pour y revenir en dehors de l'immédiat.

Pratiquement ? Je ne suis pas d'un tout d'un courage extrême, et si j'approuve ceux qui disent « continuons comme avant pour leur montrer que nous ne cédons pas » je n'oserais pas prendre la responsabilité de donner cela comme conseil à d'autres. Je pense simplement que les actes terroristes peuvent se produire n'importe où (le passé a déjà montré une longue liste de lieux) et pas forcément là où ils ont déjà eu lieu. Je vais donc continuer d'agir exactement comme avant, pas tellement par courage mais parce qu'il me semble que je ne peux pas vivre terré. Si l'on me disait « il va y avoir un cyclone qui durera trois jours. » je resterais chez moi pendant trois jours ; Mais là...

Ce qui me rend triste : la suppression des grandes manifestations citoyennes.

Les deux manifestations citoyennes sur le climat à l'occasion de la conférence internationale COP21 étaient préparées depuis des mois, elles sont supprimées. Il me semble pourtant que la mobilisation citoyenne aurait été bien utile pour « accompagner » les chefs d'état discutant entre eux de la façon de faire le moins de concessions possible et de prendre le moins de décisions contraignantes possible. (Bon, même Nicolas Hulot ne désapprouve pas cette suppression. Le conseiller du prince est-il libre ? )

La suppression du salon de l’éducation ? Ce n'est pas très connu du grand public, mais quelle logique y a-t-il à dire « la lutte contre l'intolérance commence dès l'école » et à supprimer le salon de l'éducation ?

La suppression d'une grande manif sociale organisée par les syndicats CGT FO ? Allons, qui se soucie d'une manif sociale ?

La suppression de la fête des lumières à Lyon. Trois jours de liesse, des œuvres d'art jouant avec la lumière partout dans la ville, la vieille tradition lyonnaise consistant à mettre une bougie sur sa fenêtre le soir du 8 décembre, trois millions de personnes attendues.. Et quitte à vous surprendre je trouve que les arguments des commerçants, des hôteliers, des restaurateurs montrant les sommes énormes que va leur faire perdre cette suppression ne sont pas ridicules. Quelle est la cohérence qui dans le même temps conduit à maintenir le marché de Noël à Strasbourg ? Marché avec des aspects encore plus commerciaux que la fête de Lyon, mais sans doute moins culturel et créatif. C'est la culture que craignent les jihadistes, autant leur donner raison tout de suite !

Mais alors me dit-on, si tu étais en charge des décisions, tu prendrais le risque de provoquer de nouveaux morts ? Heureusement je ne suis pas en charge. Il me semble simplement que les actes terroristes peuvent se produire n'importe où et là où on les attend le moins. Supprimer les manifestations dont je viens de parler est une attaque contre l'esprit qui marque la victoire des terroristes, ces interdictions doivent donc être prononcées après une analyse très fouillée. Je peux le dire sincèrement : j'étais inscrit au salon de l'éduc et j'y serais allé sans hésitation s'il n'avait pas été supprimé. Je n'avais pas prévu cette année d'aller à la fête de Lyon, mais si je l'avais prévu j'y serais allé. J'avais beaucoup beaucoup aimé la dernière fois. Quant aux manifs à propos de la Cop, leur suppression est une défaite de la démocratie, mais je n'y serais de toute façon pas allé : je crains les violences qui, trop souvent, concluent ce genre de manif. Mais cela n'a pas de rapport avec le terrorisme jihadiste.

Sécurité, liberté ? Nous ne sommes par près de cesser d'en parler.

Bribes

Un spectacle important et réjouissant, réserver très vite

Je vous ai parlé récemment du cirque Romanès. Les 5 et 6 décembre 2015 le chapiteau Romanès accueille la deuxième édition du festival Anima.

L’idée directrice du festival est celle d’une mosaïque de genres et de cultures où toutes les influences peuvent s’exprimer.

Musiques juives et musique tzigane se rencontrent autour d’une indéniable joie de vivre, joie du vivre… ensemble !

Pour la deuxième édition de « Anima fait son festival… « , chansons et musiques yiddish, tziganes et klezmer, s’uniront à nouveau sous le chapiteau du cirque à Paris).

Juifs et Tziganes, éternels voyageurs, nous entraîneront au « fil du Danube », », en passant par Bucarest, les « Portes de Fer », Paris, Buenos Aires et New-York. 

http://anima-cie.fr/anima-fait-son-festival-chez-les-romanes-samedi-5-et-dimanche-6-decembre-2015/

Le dimanche à 16h30 se produit Talila. Je suis tout content, elle se fait rare, il y a longtemps que je ne l'ai pas entendue.

Suite à mes considérations ci-dessus sur l'état d'urgence : je vous parle de ce spectacle car j'irai.

Culture et spectacles aux Lilas

Le Triton est une salle de spectacle aux Lilas, je n'en parle pas assez souvent.

Pour les parisiens : rassurez-vous, certes pour y aller il faut traverser le périph, mais ce n'est pas la brousse : c'est au métro Mairie des Lilas, juste à 11 minutes du Châtelet.

Plusieurs spectacles ont dû être annulés vu l'état d'urgence. Les concerts ont repris le 19 novembre 2015.

http://www.letriton.com/

Le restaurant qui jouxte la salle de concert est un lieu convivial, et en plus c'est bon.

Un petit extrait du programme que vous consultez sur le site : le 28 novembre 2015, Armel Veilhan et Andy Emler.

#prayforparis

Johann Sfar est un humoriste, auteur de la série de BD « Le chat du rabbin ». Samedi, surtout aux USA, est apparu le slogan #prayforparis. Il est vrai que le rapport à la religion est assez différent que l'on soit aux USA ou en France. Le président US prête serment sur la bible !

Quoiqu'il en soit, Sfar désapprouve

"Friends from the whole world, thank you for #prayforparis, but we don't need more religion, Our faith goes to music! Kisses! Life! Champagne and Joy! #Parissaboutlife."

« Amis du monde entier, merci pour #prayforparis, mais nous n'avons pas besoin de davantage de religion. Notre foi va à la musique, aux baisers, à la vie, au champagne et à la joie. Paris la vie.» (JM B : c'est moi qui ai traduit, je ne suis pas très sûr de joie/joy.)

En tout cas un site américain déclare que la réaction de Sfar est surprenante !

Lettre alerte

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

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Fonctionnement de la lettre [alerte]

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Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

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Fin

de la lettre du 21 novembre 2015