[alerte] - JM Bérard - 7 mai 2015

Sommaire

Urgent : soutien à la création

Le monde comme il va : foire de Paris, concours Lépine

Les objets connectés

Le concours Lépine et le poupoupidou

Moteur de recherche

Loi sur le renseignement, surveillance généralisée ? Une fois de plus

Grignotage des libertés

Fier d'être français ?

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin


Urgent : soutien à la création

Des personnes qui me sont très proches ont monté un projet de tournage d'un film. Le projet est présenté, de façon très convaincante, sur

http://fr.ulule.com/nuits-sans-lune/

Il me semble que prendre connaissance de ce site peut tout à fait faire partie de vos préoccupations de lecteurs de [alerte].

Le projet a bien sûr besoin de soutien financier. Ce n'est pas du crowdfunding, mais les personnes qui soutiennent financièrement seront reconnues par des attentions sympathiques. Voir le tableau complet des modes de remerciement sur le site.

Voilà. Il me semble que pour un tel projet une aide, même modeste, soutient les créateurs. À vous de voir.

Le monde comme il va : foire de Paris, concours Lépine

Je suis allé à la foire de Paris. Rendez-vous compte, elle existe depuis 1904. Je ne suis pas allé visiter la section électroménager, je ne suis pas sûr qu'il y en avait une. Je crois que dans les années 1950 un mari attentionné se devait d'offrir à son épouse une machine à laver et une cocotte minute pour la libérer. Il me semble que de nos jours une telle marque de « tendresse » serait perçue comme un peu macho. On en est là : les valeurs de base de notre civilisation s'effondrent...

Les objets connectés

De nos jours les objets connectés sont partout, ils sont pilotés par les téléphones, les tablettes, communiquent entre eux. Pilotage de votre santé, de votre maison, de votre voiture... C'est un secteur industriel promis à d'immenses développements. Raté total des organisateurs, qui n'ont pas compris l'importance de ce secteur, l'ont relégué dans un espace géographique introuvable (un comble à l'ère de la géolocalisation) et n'ont rassemblé qu'une petite dizaine d'exposants. Un oiseau biomimétique (s'inspirant des formes naturelles des oiseaux) piloté par le téléphone portable, un détecteur de fumée qui vous prévient par message sur votre portable, une petite carte bluetooth qui permet de retrouver un objet égaré, des boules transformant en musique les mouvements... Bien décevant, étonnant quant-à la compétence des organisateurs de la Foire.

Le concours Lépine et le poupoupidou

Rendez-vous compte, le concours a été créé en 1901 par le préfet Lépine. Les ingrédients restent les mêmes : des passionnés, inventeurs, trouveurs innovateurs et créateurs. Ils doivent avoir une invention protégée par un titre de propriété industrielle ou intellectuelle (brevet...), il faut que cette invention soit matérialisée par un prototype.

Chaque année des prix sont décernés, et l'on ne compte pas les inventions qui ont ensuite connu un grand succès industriel et commercial.

Je prendrai pour exemple l'invention Poupoupidou, non pas parce qu'elle est promise à révolutionner l'industrie, mais parce qu'elle me semble très typique du concours Lépine.

Marc et Céline D. aiment le vélo, à Nantes, mais Céline n'aime faire du vélo qu'en jupe. Problème : la jupe vole au vent. Solution inventée par Marc et Céline : le poupoupidou, nom qu'ils ont donné à leur invention à partir d'une onomatopée que l'on trouve dans une chanson de Marilyn Monroe, Marilyn Monroe dont la jupe se soulève célèbrement en passant sur une bouche de métro. Une pince à linge permet de retenir la jupe dans un mouvement convenable. Marc et Céline ont en effet remarqué que sur toutes les selles de vélo les tiges de l'armature sont à la même distance. La pince est fixée sur une pièce en plastique munie de deux puissants aimants séparés par la distance des armatures de la selle. Lorsqu'on ne s'en sert pas on agrafe le poupoupidou au vélo grâce aux deux aimants. Lorsqu'on s'en sert en pinçant la jupe les aimants permettent de ramener le pan avant de la jupe sous la selle et de le maintenir.

L'objet a été produit en petite série, les inventeurs cherchent des distributeurs. Actuellement le prix public est 12 euros.

contact@lepoupoupidou.fr

J'ai constaté en écrivant qu'il est difficile de décrire un objet pourtant tout simple. Regardez le site, vous comprendrez mieux. La vidéo est fort bien faite.

Www.lepoupoupidou.fr

Le dépliant rédigé par l'inventeur est plein d'humour. On y précise que le dispositif ne fonctionne pas avec des jupes trop courtes, ni avec des aubes de prêtres, trop lourdes.

Moteur de recherche

Par défaut, j'utilise donc désormais le moteur de recherche Qwant.

https://www.qwant.com/

J'en avais parlé dans la précédente lettre. Ce moteur se présente avec des arguments très convaincants : protection de la confidentialité des données de navigation, société de droit français, ordinateurs situés en France. Je ne parle pas de la France par chauvinisme, mais juste pour dire que les données collectées ne sont pas soumises au droit US, qui protège fort peu les données personnelles. Je suis assez satisfait des premiers usages que j'en ai faits. Les résultats sont classés en plusieurs colonnes, l'une d'elles permet de retrouver les fonctions d'un moteur de recherche classique, une autre est consacrés à l'actualité, une autre aux réseaux sociaux.

Aucun de vous ne m'a envoyé de réactions sur Qwant. En fouillant un peu, la réalité est-elle conforme à ce que disent les promoteurs du site ? J'aimerais bien qu'elle le soit. Tout comme je trouve très gênant d'être, pour la géolocalisation, tributaires du système américain GPS, je trouve très préoccupant pour l'avenir d'être soumis à Google pour un nombre d'usages de plus en plus important : l'aspect « pieuvre qui mange tout » de Google inquiète.

Loi sur le renseignement, surveillance généralisée ? Une fois de plus

J'écris ce texte le 5 mai à 17h, je n'ai pas encore pris connaissance des résultats du vote à l'assemblée nationale portant sur la loi sur le renseignement. Cette loi est massivement approuvée par les députés et par l'opinion publique, son adoption massive ne fait de doute pour personne.

Ce n'est pas très étonnant : dès que l'on parle de terrorisme, surtout après les attentats de janvier 2015, chacun tend à accepter de restreindre ses propres libertés pour plus de sécurité, sans même se demander si cela sera réellement efficace. Tout gouvernement est est avide de ce genre de pouvoirs. Après les attentats du 11 septembre 2001 le gouvernement US, sous le nom de patriot act, a fait adopter tout un ensemble de mesures liberticides et parfois même contraires à la constitution des USA. En France, l'adoption de cette loi est de la part du gouvernement Valls la réussite d'un magnifique tour de prestidigitation : en parlant de terrorisme, on fait passer dans la loi tout un ensemble de mesures répressives qui n'ont rien à voir avec le terrorisme, et qui pourront même viser les mouvements sociaux. Le gouvernement se pense démocratique et considère donc qu'il fera un bon usage de la loi. C'est oublier à bon compte que l'on ne peut vraiment contrôler l'usage qui sera fait de la loi par l'ensemble des services secrets et des personnes qui les contrôlent, et que l'on ne peut garantir que les gouvernements de l'avenir feront un usage démocratique de cette loi.

Bon, on en reparlera, il y aura les débats au Sénat, il y aura l'avis du conseil constitutionnel. Mais hélas cela ne changera pas grand chose. Le gouvernement a déclaré que ces pratiques de surveillance par les services secrets existaient déjà, sans être légales. La loi va seulement régulariser la situation juridique.

Dans son numéro du 6 mai 2015 Le Monde publie une synthèse des critiques adressées à cette loi par Jean-Marie Delarue, président de la commission chargée des interceptions de sécurité et par la commissions nationale consultative des droits de l'homme, organisme officiel placé auprès du premier ministre. Je m'en inspire.

La Cncdh s'alarme de la surveillance de masse. […] Il ne s'agit plus seulement d'accéder aux données utiles concernant une personne identifiée mais de collecter de manière systématique et généralisée un volume important de données relatives à des personnes qui peuvent être totalement étrangères à la mission du renseignement. […] Les appareils qui permettent de capter les signaux de tous les appareils dans une zone déterminée permettront inévitablement les d'intercepter à leur insu les données relatives à des personnes étrangères à la mission de renseignement. Cela veut dire que seront tracées non seulement les personnes suspectées de terrorisme ou autres intentions malveillantes, mais tout le monde sans que l'on puisse faire le tri. Une heure d'utilisation de la valisette « IMSI catcher »à l'assemblée nationale permettrait d'enregistrer toutes les données de connexion des téléphones, ordinateurs, tablettes des parlementaires, ministres, assistants, journalistes, huissiers. Tous terroristes potentiels ? Non bien sûr, cela sera strictement contrôlé !! Par qui ?

La loi pourra s'appliquer non seulement au terrorisme mais aussi en cas de menace contre les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs. […] La Cncdh ajoute Le contrôle des ''violences collectives pouvant porter atteinte à la sécurité nationale'' pourrait aboutir à la surveillance massive des mouvements sociaux.

Des critères aussi vagues peuvent viser des quantités considérables de personnes. On est loin de l'alibi du terrorisme martelé par la communication gouvernementale.

L'autorisation de pister telle ou telle personne sera donnée par le premier ministre, sur simple avis (non impératif) d'une commission, et non sur décision d'un juge.

Bon, c'est assez pour aujourd'hui. De toute façon cela ne sert à rien. On ne peut pas convaincre ceux qui pensent que pour lutter contre le terrorisme et le désordre il faut renoncer à une part de ses libertés. Jusqu'au jour où c'est à leur porte que la police vient frapper.

Grignotage des libertés

J'hésite à écrire, car dès que l'on parle de terrorisme ou de pédophilie aucun argument rationnel ne vaut et l'on est aussitôt suspecté d'être laxiste ou complice. Je pense que je vais choquer certains de vous.

Préoccupés à juste titre par deux affaires de pédophilie dans des écoles, nos ministres vont faire voter une loi obligeant le parquet à prévenir l'éducation nationale dès qu'une personne sera mise en cause ou même simplement objet d'une enquête préliminaire dans une enquête visant la pédophilie, sans attendre le jugement. On pourra donc par exemple suspendre un fonctionnaire sans tenir compte de la présomption d'innocence. La personne mise en cause aura peut-être été l'objet d'une dénonciation malveillante ou sera peut-être totalement innocentée par l'enquête ou par le jugement. L'historien Claude Lelièvre a étudié la question et constaté que de 1995 à 2000 les trois quarts des dossiers concernant des enseignants suspectés de pédophilie ont été classés sans suite. (208 classés sans suite sur 285 poursuivis. Sur 850 000 enseignants.) Je sais bien, l'opinion publique et les parents d'élèves seraient bouleversés si une personne mise en cause exerçait de nouveaux actes pédophiles pendant l'enquête avant son procès. Je ne vois donc pas tout de suite de solution à ce problème réel. Mais tout de même, ne pas appliquer du tout la présomption d'innocence alors que le ¾ des poursuites sont classées sans suite. Il faut faire quelque chose, certes, mais je ne pense pas que la bonne solution ait été trouvée.

Je rappelle seulement que, dans notre tradition politique, le terrorisme et la pédophilie sont souvent des points d'entrée d'atteintes plus graves aux libertés. Voir ci-dessus le débat concernant la loi sur le renseignement, dont l'alibi est le terrorisme. À sa création le fichier national des empreintes génétiques ne devait concerner que les délinquants sexuels. Il vise maintenant les auteurs d'un très grand nombre de crimes et délits (exemple : les faucheurs d'OGM), en attendant que puisse être enfin réalisé le fantasme de tout un chacun : un fichage de tous, à la naissance, pour qu'aucun délinquant n'échappe.

Tous coupables potentiels. Je parlerai dans la prochaine lettre alerte de la pratique des analyses personnelles du génome.

Je suis très embarrassé, je comprends la souffrance et l'indignation des parents d'enfants victimes de délinquants sexuels, mais je constate que une fois de plus les solutions que l'on trouve vont vers le grignotage des libertés. N'y en a-t-il pas d'autres ? C'est en tout cas, de nos jours, le mouvement « naturel » de notre société.

Une petite remarque : Bernard Toulemonde, ancien recteur, juriste éminent, haut fonctionnaire respecté du ministère de l'éducation nationale déclare en substance : il existe pour la transmission des informations de la justice à l'éducation nationale une circulaire qui répond aux besoins. Annoncer une loi là où la circulaire existe et suffit est une opération de communication.

80% des agressions sexuelles contre des mineurs proviennent de l'entourage familial. La presse en parle peu. Ne pas attaquer la famille, attaquer plutôt l'autre, l'enseignant, l'immigré, le rôdeur, le SDF, le rom. Cela nous met moins en cause ! Je le redis, ce n'est pas un soutien aux violeurs enseignants immigrés ou rôdeurs.

Fier d'être français ?

L'une de vous me disait avec émotion : « Si Le Pen ou Sarkozy sont élus à la présidence, je quitte la France. » Le leitmotiv de la droite et de l'extrême-droite est « Soyons fiers d'être français ». C'est une expression que je ne pratique pas. Je suis né en France, je vis en France, voilà. Mais indépendamment du fait d'être fier, je dois avouer que je ne suis pas très à l'aise. Les sondages montrent une montée massive de tendances, de conceptions tout à fait contraires à ce que je pense, contraires à mes intimes convictions. Bon et alors, c'est la démocratie ! Peut-être mais je ne me sens pas à l'aise.

Le Monde, le 7 mai, publie les résultats de l'enquête annuelle sur les fractures françaises. (Ipsos, Sopra, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès et le programme « Vie politique » de Sciences Po). Selon cette étude, 52% des français estiment que « En France c'était mieux avant » (avant quoi?), 52% pensent qu' « il faudrait rétablir la peine de mort en France », dont 36% des sympathisants PS, 67% pensent qu' « il y a trop d'étrangers en France », 61% qu' « on ne se sent plus chez soi ». 54%, en pensant à la manière dont l'islam est pratiqué en France, estiment que « l'islam n'est pas compatible avec les valeurs de la société française ». Et, hélas, le social libéralisme de Valls et Macron gagne du terrain : 53% pensent que « pour relancer la croissance il faut limiter au maximum le rôle de l'état dans l'économie française et donner aux entreprises le plus de libertés possible », 56% pensent que « les chômeurs pourraient trouver du travail s'ils le voulaient vraiment ». En un an le profil moyen du sympathisant socialiste a sensiblement évolué, dans une direction que le premier ministre préconise de longue date, plus libérale au plan économique et plus autoritaire.Le sondage publié ne se limite pas à cela, j'ai juste relevé les points qui me navrent.

Et alors ? C'est la démocratie, vous ne pouvez pas obliger tout le monde à être d'accord avec vous. Peut-être, mais vivre dans une telle ambiance ne me met pas à l'aise.

Quitter la France ? La parole, la maîtrise du langage ont une telle importance pour moi que je ne pourrais aller que dans un pays francophone. La Belgique ? Elle connaît une forte montée de l'extrême-droite. La Suisse ? Ils ne voudraient pas de moi ! Un pays d'Afrique ? Le Québec ? Des amis beaucoup plus jeunes sont partis au Québec, je ne suis plus d'âge !J'ai ici un passé, des amis, des repères, en fait je me verrais mal vivre ailleurs. Fier d'être français ?

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https://drive.google.com/folderview?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

jean-michel.berard x orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

Lorsque je publie l’une de vos réactions, je ne mentionne pas votre nom. La liste de diffusion comporte 200 abonnés, qui plus est la lettre est disponible sur internet, et je pense que vous ne tenez pas forcément à ce que votre qualité de lecteur de [alerte] soit diffusée ainsi.

Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], peuvent être diffusés dans la lettre, (un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal), mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction sur la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

Fin

de la lettre du 7 mai 2015