[alerte] - JM Bérard - 12 avril 2015

Sommaire

Quelques mots

Loi sur le renseignement

Bribes

* Grève à radio France

* La chute des idoles

* Sciences économiques et sociales : Michel Pébereau

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin


Quelques mots

Une lettre un peu minimaliste. Je n'ai pas cette semaine le temps de cerveau disponible ni l'enthousiasme pour rédiger un « vrai » numéro de [alerte]. Cela laisse d'autant plus de place à vos remarques, réactions et réflexions sur tout. Tout quoi ? Tout. Que serais-je sans toi, qui vins à ma rencontre... et qu'est la lettre sans vos apports ? Oui, vous...

https://www.youtube.com/watch?v=I1lqm5g4RsA

allez, une autre pour le plaisir

https://www.youtube.com/watch?v=nUE80DTNxK4

Loi sur le renseignement

Comme je le dis ci-dessus, je vous livre sur le sujet un petit article un peu paresseux et pas très travaillé, mais faut tout de même dire quelque chose car la question est d'importance.

Le projet de loi sur le renseignement, présenté par le gouvernement, poursuit son parcours en urgence à l'assemblée.

Après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo, contre des policiers et contre l'hyper cacher, les terroristes avaient gagné, outre les morts on pouvait craindre le pire. Le pire ne s'est pas tout à fait produit : il y a en France une montée des actes et des propos anti-musulmans, anti-arabes et anti-immigrés, mais d'une ampleur qui n'a pas pour l'instant atteint des sommets terrifiants. En revanche, comme on pouvait le craindre, et comme cela s'est passé aux USA après les attentats du 11 septembre, le gouvernement est aussitôt monté au créneau : il faut renforcer la sécurité en donnant beaucoup plus de pouvoirs aux services de renseignement. Argument imparable : qui peut raisonnablement soutenir qu'il ne faut pas défendre Wolinski et les clients de l'hyper ? Les protestations contre le projet ont été timides. Elles montent maintenant un peu en puissance : articles de l'observatoire des libertés numériques (Ligue des droits de l'homme, quadrature du net, Creis, Cecil), réactions des deux principaux syndicats de magistrats, du Syndicat des avocats de France, de Amnesty international et de Réseau Éducation Sans Frontière, articles dans plusieurs journaux, articles à la radio, réserves de la commission de l'informatique et des libertés, critiques d'un juge antiterroriste.

Pourquoi protester ? Parce qu'il est toujours dangereux d'accepter que nos libertés soient grignotées. D'autant plus que le projet ne vise pas seulement les actes terroristes, au demeurant mal définis juridiquement, mais aussi des atteintes à la sécurité nationale comme le fait d'organiser des manifestations. A bas les syndicalistes terroristes. On est encore plus inquiet de voir que pourront être surveillés les atteintes à la forme républicaine des institutions. Cela semble incontestable, mais est bien vague.

Le texte donne une définition assez large des personnes qui pourront être surveillées, et une liste assez large de ce que l'on pourra surveiller : messages, communications...

Au fil du texte le projet donne de grands pouvoirs aux services spéciaux (installer de nombreux dispositifs d'espionnage et de fichage de tout un chacun). Ces pouvoirs ne sont pas placés sous le contrôle d'un juge. Et l'on ne sait trop qui aura le pouvoir de contrôler les données stockées. C'est normalement le rôle de la commission de l'informatique et des libertés, qui vérifie que vous n'êtes pas fichés à tort. Mais là, ce rôle ne lui est pas donné.

Et l'on aboutit bien vite à la remarque habituelle : tout cela ne me dérange pas, je n'ai rien à me reprocher. Sauf que dans un système où les organismes de sécurité agissent sans contrôle, nul ne sait ce que l'on pourra vous reprocher. Pour l'instant on n'a pas trop d'inquiétudes sur le comportement du gouvernement. (Quoi que, ces menaces contre les organisateurs de manifestations...) mais est on sûr que les services qui détiendront ces renseignements, sans contrôle suffisant, ne vont pas dériver ? Et que seront les gouvernements de demain ?

Allez. Il y a eu ce week-end un grand article dans Libération le 11 avril et un grand article dans Le Monde le 11 avril. Un peu paresseux, je recopie des extraits de l'article de Libé.

L'indifférence est toujours l'alliée des pouvoirs. L'apathie que montre l'opinion dans les affaires de surveillance a quelque chose d'inquiétant. […] Aujourd'hui alors que le gouvernement s'apprête à faire voter une législation qui donne aux services secrets une latitude inédite pour espionner la société les protestations sont encore dispersées. Les services secrets pourront intercepter les données d'un nombre incroyable de personnes, surprendre les conversations de militants syndicaux ou associatifs, rechercher plus facilement les sources des journalistes, surveiller tout quidam suspecté d'entretenir de près ou de loin des liens avec de présumés délinquants. […] Que se passera-t-il si un autre gouvernement plus répressif ou un responsable trop zélé s'avise d'utiliser ces moyens de surveillance à des fins malignes ?

Alors que le gouvernement avait promis que l'on ne pratiquerait pas la surveillance de masse, mais seulement des surveillances ciblées, il est maintenant prévu que des dispositifs pourront pratiquer des interceptions massives.

Bribes

* Grève à radio France

Cette grève est particulièrement longue, et comme toujours dans ce cas je me trouve un peu désorienté. Dans la vie normale, je ne me rends pas compte à quel point France-Inter et France-Info sont mes repères, mon environnement familier. Je ne cite pas France-Culture ? Non. Chez moi on capte très mal France-Culture, brouillée tout à fait légalement par des émetteurs commerciaux plus puissants. Il y a même une association, l'Association des Sans Radio de l'Est Parisien, qui défend nos intérêts depuis des années. Reste heureusement Radio France Internationale, RFI, (89,0 MHz à Paris) dont je vous ai déjà chaleureusement parlé : du sérieux dynamique, un point de vue plus ouvert sur le vaste monde que France-Inter et France-Info. Reste aussi la possibilité du désespoir : se connecter sur Europe 1 ! Ce n'est pas du tout que je croie à l'objectivité : tout ce que l'on dit résulte d'une grille d'analyse, implicite ou explicite. Mais du coup cela saute aux yeux sur Europe 1 : questions insidieusement orientées à droite dans les entretiens, revue de presse massivement orientée à droite, des plages entières consacrées à la télé, ses programmes, ses coulisses, comme si la télé n'étais plus seulement un outil de diffusion de culture ou d'inculture mais un objet d'observation en soi. C'est le congrès des organisateurs de congrès cher à l'humoriste.

Bon, je vous l'ai dit, cette semaine je suis un peu paresseux. Je ne dis donc rien sur ce qui est vraiment important : la place, la nature et le projet d'un service public de la radio et de la télévision dans les productions et les rapports de force culturels. Comme cela, si j'en reste au pur parti pris hâtif et intuitif, je n'ai pas la sensation que le gouvernement de droite de Hollande et sa ministre de la culture aient un projet beaucoup plus structuré culturellement que le gouvernement de droite Sarkozy qui l'a précédé.

* La chute des idoles

Du temps où Philippe Val dirigeait Charlie Hebdo j'achetais ce journal et attendais impatiemment les éditoriaux de son directeur qui étaient pour moi une source de réflexion que j'estimais précieuse. J'ai commencé à me poser des questions (et à cesser d'acheter le journal) lors du renvoi brutal du dessinateur Siné. Je n'appréciais pas Siné, mais me suis posé des questions sur les méthodes de Val et les arguments qu'il avançait. Puis il a été nommé directeur de France-Inter, peut-être à la suite d'interventions de l'entourage de Nicolas Sarkozy ? Il s'y est en tout cas fait remarquer par la brutalité de ses méthodes et le simplisme de ses analyses. Le voici interviewé longuement et très complaisamment sur Europe 1 à propos de la parution de son livre « Malaise dans l'inculture ». Bon, je caricature à gros traits ce que j'ai entendu : tous les intellectuels, les journalistes, les hommes politiques ont renoncé à penser, à analyser, pour réduire toute expression à l'idée que tout est la faute du « système ». Philippe Val, heureusement, est là, vigilant pour éviter la ruine de la pensée : « les autres points de vue (le sien, sans doute) sont insultés, ridiculisés, marginalisés, refoulés aux confins de l'hérésie. On n'a jamais vu dans l'Histoire qu'une telle censure morale des points de vue puisse durer bien longtemps. Face à ce mur derrière lequel agonise le débat démocratique, ''Malaise dans l'inculture'' propose la réhabilitation du marteau-piqueur. » Pourquoi le marteau-piqueur ? Pour détruire l'idéologie de ses adversaires l'autodafé a, jusqu'à une période récente, montré son efficacité. On est rassuré : au milieu du champs de ruines il reste un penseur vigilant : Philippe Val. Même pas Eric Zemmour ? Quelle injustice ! Je suis content : sans la grève de France-inter, je n'aurais pas eu la chance d'entendre Val et son intervieweuse complaisante sur Europe 1.

* Sciences économiques et sociales : Michel Pébereau

Je tiens à être très clair : je n'ai rien contre la personne de Michel Pébereau.

Michel Pébereau exerce et a exercé d'éminentes fonctions : haut fonctionnaire, banquier, etc. Le point qui m'intéresse est qu'il est depuis de nombreuses années adversaire actif de l'enseignement des sciences économiques et sociales au lycée. C'est son droit.

Introduites au lycée depuis bientôt cinquante ans, les sciences économiques et sociales ne limitent pas l'analyse du fonctionnement de la vie économique aux strictes lois de l'économie classique (taux de profit, etc.) mais considèrent que des facteurs sociologiques doivent être pris en compte pour analyser cette vie économique : nature des relations sociales, contrat de travail, organisation du travail, structures de la société...

La prise en compte de ces facteurs dans l'enseignement des sciences économiques et sociales n'a jamais été approuvée par les tenants d'une interprétation économique libérale stricte. L'objectif de l'enseignement doit être, à leurs yeux, de « susciter le goût d'entreprendre », comme si cela pouvait dispenser de la recherche d'une compréhension un peu globale. La question de la place des SES au lycée est donc un objet constant de conflit, c'est depuis cinquante ans un marqueur traditionnel des divergences entre la « droite » et la « gauche ».

Pourquoi parler de cela ?

Il y a quelques jours trois personnalités ont été nommées par la ministre de l'éducation nationale membres du comité éducation économie, institution qui a un fort poids dans la définition des programmes de sciences économiques et sociales. Parmi ces trois nouveaux nommés, Michel Pébereau. Au moment où l'ensemble des programmes d'enseignement est en cours de révision, je trouve tout à fait étonnant qu'un gouvernement se disant de gauche nomme à une telle responsabilité une personnalité aussi emblématique d'une culture économique ultralibérale. Curieux signal !

Un communiqué de l'association des professeurs de sciences économiques et sociales

http://www.apses.org/

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https://drive.google.com/folderview?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

 

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

jean-michel.berard x orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

Lorsque je publie l’une de vos réactions, je ne mentionne pas votre nom. La liste de diffusion comporte 200 abonnés, qui plus est la lettre est disponible sur internet, et je pense que vous ne tenez pas forcément à ce que votre qualité de lecteur de [alerte] soit diffusée ainsi.

Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], peuvent être diffusés dans la lettre, (un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal), mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction sur la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

 

Fin

de la lettre du 12 avril 2015