[alerte] - JM Bérard - 11 février 2015

Sommaire

A savourer

Ce que parler veut dire

Sic transit

Bon, encore la sécurité routière ? Ca va comme ça !

Sécurité routière : l'expression de l'un de vous

L'après 7-janvier

L'après 11-janvier

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin



A savourer

Prolongation, le spectacle mis en scène et interprété par Olivier Lacut sur le texte de Maurice Genevoix « Ceux de 14 » est prolongé jusqu'au 16 avril 2015, les jeudis à 19h30 au théâtre des Déchargeurs, près du Châtelet à Paris. 06 42 98 81 07

Ce que parler veut dire

Je suis comme vous le savez attaché à prendre les mots et les expressions au pied de la lettre.

Le Premier Ministre va à Marseille, sa visite est ponctuée par une fusillade à la Kalachnikov dans un quartier de la ville. Solennellement le Premier Ministre déclare « Ces évènements sont inacceptables. » On s'interroge. Quel sens donner à cette expression, qu'il veut énergique ? Aurait-on imaginé qu'il dise « Ces évènement, bon, au fond, je peux les accepter en partie » ? J'aurais compris qu'il dise « inacceptable » s'il avait pu aussitôt sortir de sa poche un moyen de faire cesser ces évènements, mais ce n'est pas le cas. Encore un mauvais choix sémantique des communicants.

Sic transit

Mort de Desproges et du tribunal des Flagrants Délires (il y a longtemps), mort de Brassens, de Jacques Chancel et José Arthur, assassinats de Bernard Maris, de Cabu, de Wolinski... Ce qui contribue à construire notre vie passe aussi. Reste la vie, nous, les enfants, les petit-enfants, qui font leur miel des graines semées par tous.

Bon, encore la sécurité routière ? Ca va comme ça !

J'ai écrit dans le dernier numéro de [alerte] un long article sur la sécurité routière. J'ai déjà eu à ce sujet quelques remarques un peu excédées ou pas convaincues de votre part.

Suis-je personnellement touché par les questions concernant la sécurité routière ? Un peu. Un membre de ma famille a été victime d'un accident dans lequel il n'était absolument pour rien, pour rien. Et je ne souhaite à personne de connaître les affres que subit la famille : attente des pompiers sur la route, transfert à l'hôpital, attente de plusieurs jours en soins intensifs entre la vie et la mort, rééducation, perturbations du travail, de la vie de famille...

Outre le fait que je trouve cela important en soi, j'en parle souvent parce que cela symbolise asez bien les contradictions de notre société du productivisme, du toujours plus : pour ne pas compromettre l'industrie de la voiture, qui a un fort poids économique, on est contraint d'être un peu tolérant et du coup d'accepter la mort pour, en principe, soutenir la vie économique.

Bon, ci-dessous une réaction de l'un de vous. Tout le monde ne partage pas forcément mon point de vue.

Sécurité routière : l'expression de l'un de vous

Sur un autre sujet : je suis d'accord avec vous sur le soin que l'on doit mettre à préserver la sécurité routière.

Mais cela ne doit pas nous amener à considérer comme normales les pratiques de certains qui utilisent les mesures de sécurité à leur profit et sans souci de heurter le sentiment de citoyenneté : par exemple, les lobbies qui s'engraissent sur la vente des équipements de sécurité obligatoires dont le nombre ne finit jamais d'augmenter ; ou les gendarmes qui placent leurs radars dans des zones qui constituent de véritables pièges où n'importe qui risque de dépasser la vitesse permise de 10 km/h (zones urbaines désertes, réductions nombreuses à 70 km/h mal annoncées, etc.) et à plus de 5 km/h au dessus : PV !

Il faut passer beaucoup plus d'énergie à surveiller les panneaux et le compteur de vitesse qu'à regarder la route !

Pour limiter le nombre de PV il nous faut adopter tout un tas de mesures qui n'ont rien à voir avec la sécurité :

* prendre systématiquement l'autoroute : les vitesses limites sont bien indiquées,

* aller en vacances en Italie : la maréchaussée y est moins disposée à poser des pièges contre ses concitoyens,

* avoir un GPS qui indique la vitesse limite de façon très lisible ! etc.

Enfin, cette question n'est qu'une parmi les nombreuses qui font le sel de la vie !

D'autres sont beaucoup plus graves et se renouvèlent éternellement sans que l'espoir d'une amélioration se fasse jamais sentir !

De plus, j'ajouterai que c'est un sport millénaire, celui qui consiste à détourner les meilleures règles légales, les meilleures règles morales ou religieuses à son profit personnel !

L'après 7-janvier

L'onde de choc créée par le fait que, dans des établissement scolaires, des élèves ont refusé de s'associer à la minute de silence après le massacre du 7 janvier n'est pas près de s'éteindre, d'une part par l'émotion que cette attitude à suscitée, mais aussi par la difficulté de savoir comment réagir, comment éduquer.

Bref rappel du « feuilleton » Kacini : un écrivain connu intervient dans un lycée professionnel (pour parler littérature) et il raporte que des élèves lui disent « Les gens de Charlie ils l'ont bien cherché, etc. » Deuxième épisode : des organes de presse disent que les élèves n'ont pas vraiment tenu ces propos. Je reprends en partie cette thèse dans [alerte] en disant que Kacini a synthétisé des propos entendus en divers endroits, et qu'il n'aurait pas du mettre des guillemets. Réaction analogue de Kacini : j'ai bien entendu des propos du même ordre.

Suite à ce débat, l'un de vous m'écrit :

Non,ce n'est pas moi qui t’avais transmis les propos de Mohammed Kacimi.

Il se trouve en revanche que je l’avais vu il y a longtemps dans un petit théâtre de la rue Mouffetard jouer sa pièce excellente “la confession d’Abraham”

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/La-Confession-dAbraham/ensavoirplus/

Quant au fait de savoir si ses propos étaient un enregistrement fidèle ou une reconstruction, je n’en sais bien sûr rien.

L’important est la réalité qu’il évoque. Tu t’étais étonné de l’ampleur des réactions négatives à la “minute de silence” et autres initiatives enseignantes.

Pourtant, les enseignants (et pas seulement dans les établissements situés dans des quartiers “communautarisés”) s’y attendaient. Suite à d’autres refus au quotidien.

Tu n’avais pas vu passer le rapport 2004 de l’IG ?

Tu n’avais pas lu “Les territoires perdus de la république” ? La juxtaposition de nombreux témoignages pouvait prêter à une généralisation excessive, mais ces témoignages eux-mêmes ne pouvaient guère être mis en doute.

Et puis des films : d’excellents documentaires sur les problèmes du collège, des films de “fiction réaliste” tels “la journée de la jupe”. Tout récemment “les héritiers”, où Ariane Ascaride joue le rôle de la vraie prof : c’est le récit d’une expérience magnifique, mais le début montre ce qu’est la classe avant ce que va réussir à en faire une prof exceptionnelle... malgré le renoncement de sa hiérarchie.

Et parler avec des enseignants, et pas seulement en Seine-St Denis. Les congrès de l'union des professeurs de physique et chimie m’en donnent encore l’occasion. Récemment, un jeune prof breton enseignant dans un collège de quartier communautarisé à... Versailles me racontait sa galère. Même en physique, il y a du halal et du haram...

Merci. Cet apport ne clôt pas le débat, qui va durer longtemps, sur ce que l'on constate, comment on l'explique et surtout comment faire évoluer les situations. Pour ma part, j'avoue que je sous estimais les problèmes. Mais je voudrais aussi raison garder : au delà de l'émotion, comment mesure-t-on avec méthode l'ampleur des problèmes ? Et puis un fois cela dit, que faire ? Je ne crois pas, comme semblent le penser nos ministres, que restaurer les valeurs républicaines se fasse d'un coup de potion magique en chantant la Marseillaise, en allant aux monuments aux mort et en rétablissant les distributions des prix. Ce sont des réponses à mon avis à coté de la question : elles ne « marchent » que pour des gens déjà convaincus.

L'après 11-janvier

(Oui oui, lorsqu'on parle d'une date, on ne met pas de - : les rassemblements ont eu lieu le 11 janvier. Mais lorsqu'on parle d'un événement on met un - )

Cet immense rassemblement était chaleureux, réconfortant, mais on n'a pas fini à mon avis d'en analyser les différents aspects et d'en tirer les conséquences.

L'un de vous a été un peu agacé par la façon qu'ont eue les ministres de claironner «l'école a pour mission de restaurer les valeurs républicaines. » Il m'envoie le texte ci-dessous, merci :

La défense des valeurs de notre République laïque doit être pensée à l’aune des finalités de l’École.

La France est de par sa constitution une République, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Ces quatre qualificatifs s’adossent au système de valeurs représenté par le triptyque liberté égalité fraternité. La laïcité qui nous est apparemment si familière prend, suite aux attentats récents, des accents inquiétants. Isolée des autres piliers de notre République, elle risque de devenir un écran qui empêche de voir les élèves, de lire le monde ou de penser l’avenir.

La loi de 1905 fixe le cadre de la laïcité : une garantie de la liberté de conscience et le libre exercice des cultes associé à la non-discrimination et à l’égalité des citoyens devant la loi quelle que soit leur religion. Pour atteindre cet objectif la loi énonce que la religion n’est pas affaire d’État ; celui-ci est neutre. Et cette neutralité s’applique aux représentants de l’État, notamment aux fonctionnaires, mais pas aux citoyens. La laïcité n’est donc pas la négation de la religion ou sa relégation dans la sphère « intime ». Même si les débats ont été vifs en 1905, la loi n’a jamais interdit les manifestations de la religion sur la voie publique. Ces dernières devaient simplement ne pas être agressives envers les non-catholiques, chacun acceptant la libre expression de l’autre.

Depuis vingt ans la laïcité stigmatise trop souvent la religion musulmane, ainsi la loi de 2004 sur le foulard qui en interdisait le port aux élèves mineurs des écoles publiques s’est traduite par une dénonciation globale du foulard. La suppression, par Nicolas Sarkozy, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) crée par Jacques Chirac et le fait de confier le sujet de la laïcité au Haut Conseil à l’intégration a eu un effet désastreux en accréditant l’idée que la laïcité s’appliquait essentiellement aux immigrés et à leurs descendants. En 2010 le Front national a d’ailleurs fait de la laïcité un des arguments majeur de son discours identitaire.

Pour promouvoir et enseigner la laïcité dans notre École, il convient donc d’en retrouver le sens originel : celui de la liberté et de la non discrimination. Or la première discrimination est l’échec scolaire. Quel que soit le niveau d’enseignement et quel que soit l’indicateur, les inégalités sociales et culturelles en matière de réussite scolaire restent très fortes. La France est un des pays où le milieu social exerce la plus grande influence sur le niveau scolaire. Les enfants issus de l’immigration sont sur représentés dans les milieux socialement défavorisés et, à milieu comparable, ces élèves ont des scores inférieurs à ceux des élèves autochtones. Le combat pour la laïcité ne fait alors que conforter les mission essentielles de l’école de la République : la lutte farouche pour l’égalité des chances et contre l’échec scolaire et le décrochage, la transmission de valeurs et de repères communs.

Intégrer par l’École passe par la reconnaissance de l’altérité.

Tous les pédagogues savent que les apprentissages se tissent avec les mémoires, les identités et les cultures, qu'elles soient paysannes comme au début du vingtième siècle, ouvrières, religieuses ou ethniques. Nos appartenances participent à notre construction. La force d’une intégration par l’École et par la culture commune qu'elle transmet est de reconnaître et de s’appuyer sur la richesse que représente cette diversité pour la transcender sans la détruire.

Reçu de l'un de vous

L'Opinion, dans son n°27 du 18 juillet 1908 donne les résultats d'une enquête militaire (sans doute auprès conscrits), 36% des Français de 20 ignorent que la France a été vaincue en 1870-1871, et 42% ignorent qu'à pareille date la France fut dépouillée de deux de ses provinces.

Comme quoi, même à la grande époque de l’École...

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https://drive.google.com/folderview?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

jean-michel.berard x orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

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Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], peuvent être diffusés dans la lettre, (un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal), mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction sur la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

Fin

de la lettre du 11 février 2015