[alerte] - JM Bérard - 23 janvier 2015

Sommaire

Au fil des jours

Riches et pauvres

Un film, Timbuktu

Démocratie, exigeons de vivre dans le bruit

Refondation de l'école

Évaluation des élèves

Mouvement d'humeur personnel

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin



Au fil des jours

Riches et pauvres

En 2015 les 1% des personnes les plus riches de la population mondiale posséderont autant que les 99% restants. La grande rencontre financière de Davos réfléchit à une réécriture des règles fiscales internationales. Rions de bon cœur. Si une telle réécriture intervenait cela ne viendrait sûrement pas du temple libéral qu'est Davos. Et pourquoi légiférer : les riches sont riches, les pauvres sont pauvres, vous avez quelque chose contre ? Vous êtes contre la liberté de réussir ?

Un film, Timbuktu

Un film de Abderrahmane Sissako. Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple.

C'est le résumé trouvé sur internet. En fait une description insoutenable de la terreur djihadiste. On en sort bouleversé, sonné. Sans doute faut-il le voir après les attentats contre Charlie et à l'épicerie cachère. Remarque, évidente mais bon il faut le dire : on voit bien que même dans un pays musulman la barbarie ne provient que d'une petite minorité et touche tous les musulmans.

Démocratie, exigeons de vivre dans le bruit

Source : journal télévisé de FR3 le 20 1 2015. C'est une idée fausse à mon avis mais à la mode : pour être démocrate, il faut « rapprocher la décision du terrain ». Près de Morlaix les maires de six communes ont préparé un plan d'urbanisme avec construction de maisons, de lotissements, implantation de commerçants. Patatras : l'état met en place un plan de lutte contre le bruit (sans doute le bruit des avions d'un aéroport proche? Je n'ai pas entendu le début du sujet.) Les maires sont furieux : cela nuit au développement du village, on veut pouvoir construire, respectons la démocratie locale. Sans doute expriment-ils aussi les souhaits des habitants qui veulent se loger. Lorsqu'on aura construit les habitants fatigués par le bruit, exaspérés, souffrant de troubles auditifs feront des manifs pour exiger que l'on insonorise leurs maisons ! Notez, encore plus grave, le maire de La Faute sur Mer a été récemment condamné pour avoir autorisé des constructions dans une zone qu'il savait inondable, ce qui a provoqué 29 morts lors de la tempête Xynthia en 2010. L'idée de rapprocher la décision du terrain revient souvent à céder un peu trop aux intérêts locaux sans une prise en compte suffisante des exigences générales de l'intérêt public.

Refondation de l'école

Dans la tempête créée par les attentats contre Charlie, les policiers et l'épicerie cachère le gouvernement porte ses soins sur l'école : train de mesures concernant l'acte 2 de la refondation de l'école, mesures sur la laïcité et les valeurs républicaines. J'approuve, réfléchir sur l'école ne peut pas nuire. Même si, tout de même, l'école n'est pas forcément responsable de tout. Et même si c'est l'occasion pour les porteurs d'illusions de ressortir leurs vieilles lunes, dont on connaît pourtant l'inefficacité : restaurer l'autorité du professeur (?), demander aux élèves de porter un uniforme, laisser les élèves au cours préparatoire aussi longtemps qu'ils ne possèdent pas parfaitement (?) le français... (Florilège de quelques suggestions d'auditeurs sur France inter le 23 1 2015.) Je ne vais pas analyser en détail chacune de ces vieilles lunes, je le fais souvent ici. Juste rappeler une fois de plus que la mythique école du certif ne conduisait que 40% des élèves au certif les 60% autres sortaient sans qualification. Malgré les blouses grises, le 0 en orthographe, le piquet et les coups de règle sur les doigts. D'accord, cela marchait bien pour les valeurs du patriotisme : mourir pour la patrie est le sort le plus beau. Il y a eu des millions de morts dans la guerre de 14, y compris des africains et des nord-africains français de la grande époque coloniale. La vraie école, quoi, l'égalité dans les tranchées. Dans la foulée beaucoup demandent le rétablissement du service militaire. C'est embêtant, car l'armée n'y tient pas du tout. Elle ne saurait pas quoi faire de tous ces bidasses ne sachant pas se servir d'un char moderne. Je trouve que ce n'est qu'une demi-mesure : il faut rétablir la guerre mondiale. Avec le terrorisme, les guérillas, les drones et la guerre asymétrique, les divergences entre l'état islamique et al quaida on ne sait plus contre qui on se bat. Il faut d'urgence rétablir la notion républicaine de guerre mondiale. Du coup on rétablira la notion d'ennemi intérieur, dont chacun sait bien qui il est sans oser le dire !

Évaluation des élèves

Dans ce contexte, le président, le premier ministre, la ministre de l'éducation nationale répètent avec détermination : oui, l'école doit noter. Logique : si les profs ne « tiennent » pas les élèves par la notation, le classement et le redoublement, comment restaurer leur autorité ? (Attention : humour au second degré. De nos jours, je préfère être précis...)

Je ne suis hélas pas surpris que, mal conseillé, le président affirme que “l’école doit continuer à noter, mais pas blesser. “ On ne semble pas avoir compris “en haut lieu” que la question de l’évaluation n’est pas le signe (note, couleurs, lettres) mais la réflexion sur ce que l’on évalue. De très nombreux travaux sont pourtant faits “à la base” depuis longtemps (faut-il remonter à Freinet ?) mais ignorés en haut lieu.

La réflexion sur la notation a été très mal engagée par le ministre Hamon, qui a présenté la question de façon telle (en gros : chiffres ou lettres) qu’il y a eu une immédiate levée de boucliers. Il y a eu ensuite la formulation stupide “notation bienveillante”, il y a eu les déclarations du président du jury Étienne Klein, montrant qu'il n'avait pas compris la question qu'il est chargé de traiter. Vu la façon dont c’est engagé on va avoir une levée de boucliers parents syndicats d’enseignants et personnel politique qui fera que rien ne pourra bouger.

Dommage, la réflexion sur “qu’évalue-t-on” va une fois de plus passer aux oubliettes. C’est pourtant une question de fond dans notre école.

Vous l'avez remarqué, dans cet article je traite la question de l'évaluation de façon un peu allusive, sans approfondir. C'est parce que j'ai beaucoup approfondi, par des articles personnels ou par des citations denses, dans les numéros précédents de [alerte], je ne veux pas trop me répéter.

Plusieurs de vous m'ont promis des articles intéressants sur l'évaluation.

Revue La Recherche : mouvement d'humeur personnel

J'ai dit souvent combien j'apprécie de recevoir la revue mensuelle « La recherche », qui offre chaque mois (normal pour une revue mensuelle) un panorama riche de réflexions, d'articles, d'images sur l'étendue actuelle du champ de la recherche scientifique, de la médecine à la paléontologie, de la physique aux mathématiques. Le seul fait de parcourir la revue est déjà une information sur l'état actuel de la science. Même si certains articles sont un peu difficiles pour moi, tous font preuve d'une remarquable qualité tonique de rigueur et de vulgarisation, pour que chacun puisse percevoir les enjeux actuels de la recherche. Je viens de recevoir ma proposition de réabonnement. Pourquoi pas vous ?

Bon, juste pour exprimer un petit mouvement d'humeur humoristique. Il est de fait que je suis très souvent en désaccord avec l'informaticien Gérard Berry, lauréat de la médaille d'or du CNRS 2014 pour ses travaux sur les langages formels. La rubrique « En bref » de la revue met en exergue chaque mois un certain nombre d'informations, d'idées, de remarques intéressantes. En février 2015 cette « pensée » de Gérard Berry : « Un ordinateur est une bestiole extrêmement rapide et efficace qui ne fait jamais d'erreur mais qui est d'une stupidité absolue, c'est pourquoi il faut tout lui spécifier. » Comment la revue peut-elle ainsi mettre en exergue, comme si elle était originale et brillante, une pensée d'une telle banalité ? Mis à part le style familier qui fait chic (bestiole, stupidité) on exprime ici tout banalement la définition même d'un ordinateur. C'est un peu comme les critiques de films dans Télérama : les films des metteurs en scène célèbres y sont rarement démolis. Dans le prochain numéro une pensée de Gérard Berry pour dire que, bien que l'information y soit codée sous forme de 0 et de 1 seulement, les ordinateurs peuvent faire des choses très compliquées.

Allez, au sommaire du numéro de février 2015 : un dossier sur les progrès dans la connaissance de l'origine de l'univers permis par le satellite Planck, une note sociologique sur le fait que 4% des couples vivent séparément (seulement?), un article mathématique sur les espaces de dimension 3 (un peu difficile pour moi), une polémique sur le véritable emplacement de la bataille d'Alésia...

Abonnement un an plus 6 numéros hors série 118, 20 euros.

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https://drive.google.com/folderview?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

jean-michel.berard x orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

Lorsque je publie l’une de vos réactions, je ne mentionne pas votre nom. La liste de diffusion comporte 200 abonnés, qui plus est la lettre est disponible sur internet, et je pense que vous ne tenez pas forcément à ce que votre qualité de lecteur de [alerte] soit diffusée ainsi.

Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], peuvent être diffusés dans la lettre, (un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal), mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction sur la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

Fin

de la lettre du 23 janvier 2015