[alerte] - JM Bérard- 19 janvier 2015

Sommaire

Au fil des jours

Mieux vivre le présent

Agonie d'une société

Charlie Hebdo, une légende urbaine

En vrac

Où nous vivons, où vivrons-nous ?

Au delà de cette limite

La vie, la mort

Homme et science

Le jour d'après, une pause

A suivre

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin

Dans la précédente lettre [alerte] la citation du premier ministre norvégien Jens Stoltenberg suite aux attentats qui ont endeuillé son pays en 2011 était incomplète :

«J’ai un message pour celui qui nous a attaqué et pour ceux qui sont derrière tout ça: vous ne nous détruirez pas. Vous ne détruirez pas la démocratie et notre travail pour rendre le monde meilleur.

Au fil des jours

Mieux vivre le présent

L'émission « Carnets de campagne » tous les jours de semaine de 12h30 à 12h45 sur France Inter.

Entendre l'actualité sous un autre angle : Radio France Internationale RFI, 89,00 MHz à Paris.

Agonie d'une société

Dans la vitrine du marchand de journaux « Pas de Charlie », chez Picard surgelés « Carte bleue muette », dans le bazar à vêtements « Plus de chaussettes taille 46 », mon Dieu, où va-t-on ? Cela dit, par rapport à beaucoup, je ne suis pas dupe : l'attentat à Charlie a été organisé par les actionnaires de Charlie pour supprimer du personnel et relancer la notoriété du titre et les ventes afin de négocier en position de force avec un grand groupe financier de la Corée du Nord. C'est de l'humour, je plaisante, c'est de l’humour. C'est pour me moquer de ceux qui, sur internet, diffusent des textes et des photos pour prouver que l'attentat a été organisé par le gouvernement. Bon je sais, n'est pas Charlie qui veut...

Charlie Hebdo, une légende urbaine

Une légende court dans ma ville : au supermarché, les clients du rayon presse se sont cognés dessus, physiquement, pour avoir Charlie Hebdo.

C'est une belle histoire, bien dans l'air du temps. Je pense que c'est une légende, il n'y avait de Charlie nulle part, pas plus au supermarché qu’ailleurs. Mais j'ai été frappé devant l'attitude limite agressive des gens dans les longues files d'attente des kiosques démunis ou chez mon marchand de journaux qui refusait de prendre une liste de réservations pour des arrivées aléatoires.

On en est donc à se demander ce que signifie « se battre pour Charlie Hebdo ». Dans la grande époque Hara Kiri puis Charlie une partie de la population réprouvait vivement le contenu de ces journaux. Et tout récemment Charlie était au bord de la faillite faute de lecteurs. En réalité je ne sais pas trop ce que cela signifie, pas plus que je ne comprends clairement le caractère immense des manifestations de dimanche : on marchait pour qui, contre qui, autour de quelles valeurs exprimées ? Je pense que cela va se décanter et que l'on y verra plus clair.

En vrac

Où nous vivons, où vivrons-nous ?

Source Libération 16 janvier 2015 : grâce aux satellites nous pouvons mieux suivre l'évolution du niveau des mers. Ce niveau augmente plus vite que prévu. Le Giec estimait que d'ici à 2100 le niveau des océans s'élèverait de 0,6 mètre, on estime maintenant que ce sera 1 mètre. Les océans vont couvrir les plaines basses, souvent les deltas des fleuves, où vivent 300 millions de personnes. Pour « limiter » les dégâts il faudrait limiter massivement l'usage du charbon, de pétrole et de gaz. Suite à une démonstration que je ne reproduis pas ici, le journal explique que pour atteindre ces objectifs il faudrait mettre en place des négociations internationales contraires aux règles du libre échange qui régissent les marchés internationaux. Le journal conclut : «  cette étude suppose de bouleverser les bases de l'économie de marché et du commerce international ». On ne va tout de même pas détruire les principes fondamentaux de notre vie en société sous prétexte que nous sommes en train de détruire notre cadre de vie !

Au delà de cette limite

En une du journal Le Monde le 17 janvier 2015 : la planète a dépassé plusieurs de ses limites. Un groupe de chercheurs internationaux ont fondé en 2009 dans la revue Nature la notion de « limite planétaire » qui donne selon eux la liste des limites à ne pas franchir pour éviter que le système Terre ne bascule dans un était très différent de l'actuel, probablement beaucoup moins favorable au développement des sociétés humaines.

Comme vous le voyez, le journal n'est pas très précis sur l'ampleur et la validité de ces travaux. En tout cas, le 16 janvier 2015, ces chercheurs ont indiqué que les limites sont dépassées sur quatre points : changement climatique, érosion de la biodiversité, changement d'usage des terres avec perte du couvert forestier, perturbation des cycles de l'azote et du phosphore.

Je ne vois absolument pas pourquoi cela fait la une d'un journal sérieux. Il suffit de contester la validité des études et l'on est tranquille.

La vie, la mort

15 1 2015 : la proposition de loi Claeys Leonetti sur la fin de vie suit son cours parlementaire et entame son dernier parcours avant le vote. Cette proposition ne parle ni d'euthanasie ni d'aide à mourir. Je m'en réjouis, les idéologies de destruction et de mort sont suffisamment présentes dans notre société, je pense qu'il ne faut pas en rajouter.

La proposition déposée par les députés Claeys (PS) et Leonetti (UMP) se nomme « proposition relative aux droits des malades et à la fin de vie. » Après les critiques faites aux dispositions de la loi actuelle (loi Leonetti) le projet intègre une grande partie des réflexions qui ont été conduites, en particulier le fait que les patients auront accès à la sédation en phase terminale. En phase terminale, c'est à dire si leur état de santé conduit irréversiblement à la mort à court terme. Sédation, pour éviter les situations terribles de malades mourant dans d'atroces souffrances parce qu'ils avaient été privés d'hydratation. La projet de loi parle de sédation profonde et continue, c'est à dire le droit d'administrer des médicaments dont on sait qu'ils peuvent conduire plus rapidement à la mort. Le projet de loi prévoit aussi une meilleure prise en compte des directives anticipées des patients.

Personnellement je trouve ces évolutions de la loi Leonetti positives. Une autre proposition va être déposée par une députée EELV qui prévoit le suicide assisté et l'euthanasie. Je ne suis pas partisan du suicide assisté, dont la seule idée me fait frissonner. Les forces de mort à l’œuvre dans chacun de nous suffisent, pourquoi les encourager et les soutenir ? Quant-à l'euthanasie, elle soulève la question souvent abordée ici : qu'est-ce que vivre dans la dignité, et que devient notre société si l'on se met à décider (même avec l'accord de la personne) qui est digne de vivre ou non ?

La ligue des droits de l'homme, l'association pour le droit de mourir dans la dignité, l'union rationaliste et la ligue de l'enseignement publient une « déclaration commune des associations laïques pour une fin de vie apaisée, une demande qui monte de toutes parts. »

http://www.ldh-france.org/fin-vie-apaisee-demande-monte-toutes-parts/

Je suis en désaccord avec ce communiqué. Je passe sur le fait que ce communiqué mélange les questions relatives à plusieurs personnes, alors que chaque cas cité nécessite une analyse séparée et qui, à mon avis, ne conduirait pas aux mêmes conclusions. Je passe sur le titre « une demande qui monte de toutes parts » : les questions éthiques (comme par exemple la peine de mort) ne relèvent pas d'un comptage de majorité. Essentiellement, ce texte rassemble implicitement en une seule argumentation les questions de fin de vie en cas de maladie irréversible conduisant à une mort certaine et proche et les questions relatives au suicide assisté et à l'euthanasie. (« Extension aux personnes atteinte de maladies graves ou chroniques et toute personne qui nécessite des soins individuels importants », usage de l'expression floue «droit à  l'aide médicale à mourir. ») L'avant dernier paragraphe insiste sur la pratique du suicide assisté et de l'euthanasie. Ce sont des questions très différentes, que je me refuse à traiter de façon unique. Enfin, il me semble que, outre le fait que ce texte mélange des questions à mon avis différentes, ses critiques portent sur l'état actuel de la loi Leonetti et non sur le projet Claeys Leonetti.

Homme et science

J'ai eu l'occasion des jours-ci de parcourir à nouveau Galilée et les indiens, Étienne Klein, éditions Flammarion 2008. Je vous a déjà parlé de Étienne Klein qui est non seulement un éminent chercheur en physique mais aussi un remarquable vulgarisateur qui sait mettre à la portée de vous et moi les théories physiques complexes par lesquelles la communauté scientifique décrit actuellement notre monde.

Absurde d'extraire quelques phrases de Galilée et les indiens, cela détruit la cohérence de la pensée de l'auteur. Il vaudrait mieux le consulter dans une bibliothèque.

Elle va nous sauver, disent certains. Elle nous a trahis et nous mène tout droit à l'apocalypse clament les autres aussi absurdement. Les avis contemporains sur la science ne font pas dans la nuance. […] Depuis quelques temps déjà je pense qu'un divorce se profile entre la science et la société, sans en distinguer précisément les causes.[...] Galilée est l'homme qui a bouleversé notre rapport au monde en proclamant que la nature, la « vraie » est écrite en langage mathématique. (Il me semble que cela concerne essentiellement la physique, mais cela reste pour moi une énigme intellectuelle : comment la nature peut-elle être décrite par les mathématiques, qui sont une pure création de l'esprit humain ? JM B) Le monde s'est comme dissocié, d'un coté la nature, appréhendée sous le seul angle physico-mathématique, de l'autre l'homme, renvoyé à lui-même, à la solitude de sa raison et de ses affects. […] Les sciences ne traitent vraiment bien que des questions scientifiques, qui ne recouvrent pas l'ensemble des questions qui se posent à nous.[...] Le mode de développement scientifique, technique et économique du monde moderne est victime d'une contradiction douloureuse : il se pense universel mais sait désormais que son extension à l'ensemble de l'humanité se heurte à des obstacles impitoyables, tant dans l'espace que dans le temps, ne serait-ce que parce que parce que l’atmosphère de notre globe ne supporterait ni sa généralisation ni son maintien.

Je vous l'ai dit : on ne peut pas faire sentir, même un peu, le « fumet » d'un tel ouvrage en piquant ça et là quelques citations !

Le jour d'après, une pause

Une semaine épouvantable et dense : les morts de Charlie Hebdo, les morts juifs de l'épicerie cachère, la mort des policiers, la mort des terroristes, les milliers, puis centaines de milliers puis millions de personnes qui, dans la dignité, marchent pour exprimer leur émotion, les réactions dans le monde entier.

J'étais à l’affût des informations et analyses données par les radios, les sites, les journaux et même les télés. Le déroulement des faits, les analyses des chroniqueurs, des sociologues, des personnes qui marchent dans les rues, des intellectuels. Je n'ai pas écrit « je suis Charlie ». J'ai participé autant que j'ai pu au rassemblement de la République, bloqué au milieu du défilé par un lumbago féroce et à rebours de mes intentions et de l'Histoire.

Et puis le jour d'après j'ai besoin d'une pause. Tant de problèmes évoqués, tous d'une importance vitale pour notre avenir. Tant d'analyses qui se complètent et se contredisent, les propos des personnalités politiques qui, trop tôt, retombent dans leurs vieilles habitudes. Aujourd'hui, peu d'expression d'espoir, beaucoup de craintes : nouveaux attentats, lois liberticides, racisme anti musulman, antisémitisme, non-respect des valeurs de la république... Comment, devant tant de sujets, exprimer quelque chose en plus de ce qui se dit et se répète, qui fasse un peu sens ?

Pause provisoire, et pourtant j'ai tant à dire, trop.

Je vous ai donc proposé un numéro spécial de [alerte] le avec un texte formé uniquement de quelques unes de vos réactions, courtes ou longues, percutantes, émouvantes, pertinentes. J'ai pensé que le fait de suspendre, moi, ce que j'écris, ne doit pas vous empêcher, vous, d'écrire.

A suivre

Deux articles, peut-être, sur l'évaluation des élèves.

Un article sur le transhumanisme.

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https://drive.google.com/folderview?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

jean-michel.berard x orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

J’explique dans chaque numéro pourquoi, lorsque je publie l’une de vos réactions, je ne mentionne pas votre nom. La liste de diffusion comporte 200 abonnés, qui plus est la lettre est disponible sur internet, et je pense que vous ne tenez pas forcément à ce que votre qualité de lecteur de [alerte] soit diffusée ainsi.

Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], peuvent être diffusés dans la lettre, (un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal), mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction sur la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

Fin

de la lettre du 19 janvier 2015