[alerte] - JM Bérard - 16 janvier 2015

Sommaire

Présentation : le jour d'après, une pause

Cadre général : vos réactions

Ce que vous dites entre le 7 et le 15 janvier 2015

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin


Numéro spécial 16 janvier 2015 vos réactions

Présentation : le jour d'après, une pause

Une semaine épouvantable et dense : les morts de Charlie Hebdo, les morts juifs de l'épicerie cachère, la mort des policiers, la mort des terroristes, les milliers, puis centaines de milliers puis millions de personnes qui, dans la dignité sereine, marchent pour exprimer leur émotion, les réactions dans le monde entier.

J'étais à l’affût des informations et analyses données par les radios, les sites, les journaux et même les télés. Le déroulement des faits, les analyses des chroniqueurs, des sociologues, des personnes qui marchent dans les rues, des intellectuels. Je n'ai pas écrit « Je suis Charlie Hebdo ». J'ai participé autant que j'ai pu au rassemblement de la République, bloqué au milieu du défilé par un lumbago féroce à rebours de mes intentions et de l'Histoire.

Et puis le jour d'après j'ai besoin d'une pause. Tant de problèmes évoqués, tous d'une importance vitale pour notre avenir. Tant d'analyses qui se complètent et se contredisent, les propos des personnalités politiques qui, trop tôt, retombent dans leurs vieilles habitudes. Aujourd'hui, peu d'expression d'espoir, beaucoup de craintes : nouveaux attentats, lois liberticides, racisme antimusulman, antisémitisme, non-respect des valeurs de la république... Comment, devant tant de sujets exprimer dès maintenant quelque chose en plus de ce qui se dit et se répète, qui fasse un peu sens ?

Pause provisoire, et pourtant j'ai tant à dire, trop.

Je vous propose donc ce numéro spécial de [alerte] avec un texte formé uniquement de quelques unes de vos réactions, courtes ou longues, percutantes, émouvantes, pertinentes. J'ai pensé que le fait de suspendre, moi, ce que j'écris, ne doit pas vous empêcher, vous, d'écrire. Franchement, à lire ce que vous écrivez, je suis fier d'avoir des lecteurs comme vous. La réflexion est bien engagée.

Cadre général : vos réactions

Je n'ai pas publié tout ce que j'ai reçu. Je publie la version « brute » de ce que vous m'avez envoyé, sans commentaire, cela ne signifie pas que je sois d'accord avec tout ce que vous dites.

Il me semble que ce que vous écrivez, à la date où cela est publié, est le début d'une réflexion que les jours à venir vont se charger de mettre en cause, de faire évoluer, d'approfondir rien de définitif mais des pistes denses.

Comme à l'habitude les textes que vous envoyez pour [alerte] sont publiés sans signature, mais bien sûr aucun texte n'est anonyme.

Ce que vous dites entre le 7 et le 15 janvier 2015

***

Texte JM Bérard le 7 1 2015 fin de matinée

Attentant à Charlie Hebdo. 12 morts, journalistes et policiers. 8 blessés.

Wolinski, Bernard Maris...

Je suis atterré : pour beaucoup de personnes de ma génération, Hara Kiri puis Charlie ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des formes de la liberté d’expression, et dans l’évolution des conceptions de la vie en société.

Je suis bien sûr très inquiet de cette montée, en France et pas seulement en France, de cette montée d’un terrorisme brutal et cruel.

Au moment où j’écris, on n’a aucune certitude sur les auteurs de l’attentat.

A l’époque de Houellebecq et Zemmour, je suis inquiet aussi des possibles réactions.

Après les attentats du 11 septembre, les USA avaient pris de nombreuses mesures antidémocratiques et contraires à leur propre constitution : torture, emprisonnements illégaux, censure par le patriot act, restrictions des libertés sur les médias numériques.

C’est bien connu : pour défendre nos libertés contre les terroristes, il faut supprimer nous-mêmes nos propres libertés.

Face à un attentat cruel et meurtrier, va-ton restreindre les libertés pour défendre les liberté ?

Les terroristes sont fanatiques, brutaux, meurtriers. Mais ils ne sont qu’une minorité, pas moins, mais pas plus.

JM Bérard le 7 janvier enfin de matinée.

*Envoi de l'un de vous 

Beaucoup de gens citent Jens Stoltenberg

(Désolé, je ne suis pas parvenu à recopier la citation de Stoltenberg premier ministre norvégien, après les attentats de 2011 dans son pays. JM Bérard)

Sa conclusion :

Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, d'ouverture et de tolérance.
* Envoi de l'un de vous

Nous sommes bien sûr nombreux à être comme toi, atterrés ! Et tout aussi nombreux sans doute a craindre les récupérations les plus odieuses... nous devrons encore et plus que jamais opposer à la barbarie la raison tranquille , la beauté , la générosité et l'hospitalité.

* Envoi de l'une de vous

Je partage ta révolte contre la cruauté brutale et tes craintes d'une Réaction contraignante pour les libertés démocratiques  : hier mon fils de 23 ans me disait "notre pays a besoin d' un électrochoc ".... je m'inquiétais du manque d'espoir que révélaient ses arguments ... et ce soir, je ne sais pas au juste comment trouver des paroles apaisantes contre sa colère jeune et violente ....

* Envoi de l'un de vous

J'avais publié un extrait d'un article de Étienne Balibar qui disait en substance : il y a certes la liberté d'expression, mais je doit-on pas aussi s'interroger sur la violence faite aux millions de personnes qui se sentent attaquées dans leurs croyances et le respect qui leur est du ?

Juste une réaction à chaud à ta question "faudrait-il s’abstenir de caricaturer pour ne pas faire de peine à ceux qui sont concernés ?"
Cette question n'est-elle pas déjà traitée par la personne qui écrit ?
Toute personne qui écrit pour un large public ne se pose-t-elle pas nécessairement la question de l'impact que peut avoir son écrit sur les populations concernées et n'adopte-t-elle pas une attitude qu'elle juge responsable en regard à cet impact supposé ?
Évidemment ce n'est que son jugement personnel, mais peut-on aller au delà ?

* Envoi de l'un de vous

Les propos d'E Balibar me paraissent recevables.
Les prises de position et les dessins des journalistes de Charlie Hebdo peuvent tout à fait être critiqués dans le cadre sain du débat démocratique et non bien sûr en voulant créer un délit de blasphème pour interdire les dessins concernés ou, pire, en justifiant leur assassinat.
J'avais lu des articles au contenu similaire lors de la parution des caricatures et E Balibar a raison de faire remarquer que l'on doit aussi s'interroger sur les conséquences de nos propos qui peuvent parfois aller à l'encontre des idées que nous voulons promouvoir.
Je n'ai toutefois pas un avis tranché sur fallait-il ou non publier ces dessins et qu'importe puisqu'ils ont été publiés !

* Envoi de l'un de vous

Oui, après avoir été à la manif, j'ai un peu plus la tête à l'endroit... bien qu'épuisé....
Et ce soir, à la fin de cette journée qui donne de l'espoir, où tant de choses justes ont été dites, le 20h de France 2 : c'est la fin : sur le plateau, 2 invités : Jean D'Ormesson et Abd al Malik : un moment à déguster : ça m'a semblé tellement bien ....que je n'en ai rien retenu, sinon que "c'était bien".
Toi, tu n'étais pas par hasard devant la télé ?

JM B Non hélas. Peut-être certains de vous l'ont-ils vu et ont des commentaires ? Ou alors une adresse où le regarder ?

Ca y est : http://pluzz.francetv.fr/videos/jt20h_,115764390.html

début à 49 min 20 s replay jusqu'au 19 janvier 2105.

* Envoi de l'un de vous (le texte est long car j'ai regroupé plusieurs messages du même interlocuteur.)

Au bout de ce “certain temps”, j’aurais peut-être été capable de lui dire [à cette dame voilée qui disait dans le tramway que à la manif ce serait Merkel et l'Otan] que :

- les centaines de milliers (millions, on ne savait pas encore) qui allaient comme moi à la manif n’en avaient absolument rien à cirer de Merkel & Cie (1), au contraire, et que c’était le peuple français qui descendait dans la rue dire son attachement à la liberté de conscience et d’expression pour tous, et pour elle-même en particulier

- que c’était donc aussi pour dire que nous refusons que les différends entre adversaires politiques, religieux, culturels (2), se règlent à coup d’attentats, exécutions, massacres...

- qu’en revanche nous voulons que les agressions, attaques, profanations visant mosquées (3) ou synagogues soient punies, tout comme celles contre journaux ou institutions culturelles...

Si une discussion s’en était suivie, peut-être aurais-je dit :

(1) qu’en effet nombre des chefs politiques paradant en tête de manifs sont des criminels de guerre, et que je me passerais bien de la “solidarité” d’un président US fier de l’action de ses drones tueurs. D’ailleurs, qui a armé et financé, pendant si longtemps, les djihadistes ?

(2) qu’on pouvait participer à la manif, non seulement en n’ayant rien à voir avec l’OTAN, mais aussi en refusant de proclamer “je suis Charlie”. J’avais beaucoup de raisons (différends culturels disons) de ne pas être Charlie. Peut-être aurait-elle pu manifester comme d’autres musulmans avec la pancarte “pas en notre nom” ?

(3) que je souhaiterais qu’aux musulmans aussi, on ait dit “sans les français musulmans, la France ne serait pas la France”. [Si tant est que la dame du tramway se veuille française, ce qui peut être une partie du problème]

La manif d’hier, dans ma ville de province, me semble avoir confirmé cet aspect “le peuple français dans la rue”, aussi divers que possible mais attaché aux valeurs républicaines.

J’aime bien la “une” du journal local de ce matin qui montre un tout petit morceau des 115 000. Le titre : liberté, fraternité (donc pour l’égalité il reste du boulot !). L’image : un drapeau français (il y en avait d’autres), trop souvent abandonné ces dernières années au FN. Et, si on agrandissait beaucoup la photo, les vieux et les jeunes, les musulmans (rien qu’en comptant les volontairement “visibles”, en nombre non négligeable) et les anti-religieux militants. Au hasard de la manif, je suis tombé à moment donné sur la présidente des Assoc culturelle et cultuelle juives amicalement entourée de quelques femmes discrètement voilées, dont la présidente du centre culturel islamique.

Beaucoup d’autres impressions réconfortantes : alors que l’individualisme et la lutte de chacun pour ses intérêts semblent avoir tout emporté, le collectif renaît lorsque nos fondamentaux sont attaqués ? Bon, ne nous faisons tout de même pas trop d’illusions sur l’après... déjà “bien” commencé !

Suite, du même interlocuteur

"Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire" : il paraît que Voltaire n'a jamais ni prononcé ni écrit cette phrase, mais peu importe, c'est devenu une valeur de notre République. Elle signifie que nous n'avions pas besoin "d'être Charlie" pour défendre la liberté d'expression, et a fortiori la défendre contre des massacreurs.

Des raisons de ne pas brandir un panneau "je suis Charlie" ? Je vais essayer de dire les miennes, mais d'autres ont dit bien mieux les leurs, comme la philosophe Marie-José Mondzain dans cet article de Mediapart (elle avait déjà refusé, après le 11 septembre, le "nous sommes tous américains")

1. Ils auraient bien rigolé de nous voir, ces pourfendeurs de tout ce qui ressemble au panurgisme : j'imagine leurs caricatures nous représentant en moutons ou autres veaux.

2. Les Charlie ont continué pendant des années malgré les menaces de mort. Puis-je affirmer que j'aurais eu le même courage ? (Mais cette raison, comme la première, est secondaire : Dire qu'on se voudrait à leur hauteur – le "même pas peur" - est un beau symbole.)

3. Ç'aurait été malhonnête. J'ai en effet souvent critiqué Charlie (que je ne lis plus depuis longtemps, malgré, je sais, de bons articles aussi). Je n'aimais pas qu'il n'y ait que "nous" et les "cons", donc pas d'adversaire légitime. La dérision, à composante de préférence obscène, interdit le débat aussi sûrement que la violence. Je n'aimais pas que l'on prenne plaisir à choquer les gens dans leurs convictions les plus profondes, notamment dans leurs croyances religieuses. Je suis athée, est-ce une raison de se croire supérieur aux "cons" et aux croyants ? Humour potache de "sales gosses" disait-on, mais des potaches avec un complexe de supériorité, je me trompe ?

4. Je tiens à ce que la France reste un des pays où le blasphème ne soit pas puni, alors qu'en certaines régions, et avec une notion de blasphème très extensive, il est puni de mort. Mais, personnellement, je tiens à l'éviter. Par exemple, certaines exhibitions des Femen, ou le "Piss Christ" de Serrano me dégoûtent. En France, cela ne nécessite d'ailleurs aucun courage - en revanche bravo la pub - tant qu'il s'agit des religions chrétiennes. Pour revenir à l'Islam, Chaunu, caricaturiste d'Ouest-France, dit "je ne pourrais pas caricaturer Mahomet. Pour moi, c'est trop fort comme provocation. Ayant des amis musulmans, je penserais tout de suite que ça ne leur rendrait pas service"). Il explique : "Le problème, c'est que la caricature n'est rien s'il n'y a pas de culture, car elle est réductrice, elle simplifie. [J'adore Charlie mais…] je trouve que la France est fragile, qu'elle est faible d'un point de vue culturel. Les gamins sans repères, sans valeurs, risquent de ne pas comprendre ce genre de dessins." Il me semble qu'il a raison. La France d'aujourd'hui est sans doute beaucoup plus fragile – désintégrée – que celle de Voltaire, qui était pourtant grosse d'une révolution. Les problèmes de conflits de cultures y sont assez graves pour qu'on évite de les transformer en guerres des cultures.

J'entendais l'autre jour sur F-Inter une enseignante qui s'étonnait qu'après avoir pendant une heure fait "l'explication de texte" des caricatures de Mahomet devant une classe constituée d'élèves majoritairement "issus de l'immigration", elle n'ait pas réussi à les persuader, non pas simplement qu'il ne fallait pas tuer pour ça, mais que ces caricatures, c'était bien ! Cette ignorance de la culture de l'Autre est effarante, et contre productive car elle ne peut que pousser au communautarisme.

Je cite à nouveau M-J Mondzain "l'intégration ou la non-intégration d'une certaine communauté musulmane en France pose question". Il n'y a pas que le non respect de la culture de l'Autre qui contribue à la non-intégration. Il me semble qu'une autre façon est de nier tout simplement que le problème existe et de chanter sans nuance les louanges du multiculturalisme, ou de voir du racisme dans les écrits de Gilles Kepel décrivant récemment les actions de certains islamistes visant à constituer des "enclaves musulmanes". Mais il faudrait une longue discussion sur ce sujet. Pour l'instant j'arrête !

* Envoi de l'un de vous

Le message de mon interlocuteur comporte en pièce jointe des propos de l'auteur Mohamed Kacini, venu en tant qu'intervenant parler de théâtre avec les élèves d'un lycée professionnel. Au bout d'un temps, il aborde les attentats de Charlie Hebdo.

Grâce à ce lien vous pouvez lire le texte de Kacini en entier. Prenez le temps de le faire.

https://www.facebook.com/mohamed.kacimi.9/posts/10205650057991726

Remarque JM B : A regret je ne publie qu'un court extrait du texte, dommage, sortir ces échanges de leur contexte aggrave leur violence. J'ajoute que, au contraire du ministre qui semble avoir des certitudes, je n'ai aucun élément me permettant de connaître l'ampleur de ce type de réactions dans les établissements scolaires.

Remarque JM B : la biographe de Kacini n'est pas indifférente dans cette histoire

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohamed_Kacimi

Kacimi : Sentant mon auditoire peu passionné par la dramaturgie, j'ai décidé de mettre les pieds dans le plat :

Comment vous avez vécu les.... événements du journal... satirique ?

Un frisson parcourt les deux classes:

- Vous parlez de Charlie?

- Oui c'est ça.

- Vous l'avez vécu comment, vous monsieur ?

- Je dois vous avouer que j'ai eu beaucoup de peine.

- Ah, s'esclaffent certains, pas nous.

- Pourquoi?

- Ils l'ont bien cherché.

- Ils l'ont voulu.

- Ils ont eu ce qu'ils voulaient.

- On n'insulte pas les gens comme ça.

- Surtout notre Prophète, personne ne l'a vu, personne ne lui a serré la main, comment peuvent-ils le dessiner.

J'essaye de calmer le jeu :

- Croyez-vous que l'assassinat soit la meilleure réponse ? Ne vaut-il pas mieux répondre à la critique par la critique ?

- Vous rigolez, si on critique, ils risquent de recommencer.

- Comme ça on n'en parle plus.

Je calme un peu le brouhaha:

- Vous vous rendez compte que vous vivez dans un pays démocratique et qui a une longue tradition anticléricale qu'il faut connaître et respecter.

Le propos loin d'apaiser les élèves jette de l'huile sur le feu :

- Oui démocratique pour les uns pas pour les autres.

- Tu fais une quenelle tu te retrouves en garde à vue.

- Tu dis Allah Akbar tu te reçois une balle dans la tête.

- Et Dieudonné lui n'a pas le droit de déconner comme vous dites.

- Y que les juifs qui ont droit à l'humour ?

- Oui, nous comme on a pas le droit de rigoler on tire dans le tas.

- On se marre comme on peut.

Au fond de la salle un grand black lève la main

- Monsieur, faut que je vous dise une chose, c'est la guerre, ça va être la guerre nous les musulmans et les autres, les juifs et les chrétiens,la guerre à mort

- Tu es musulman.

- Non, je suis chrétien

- Je dis ça parce que j'aime Anelka, il est musulman, tout le monde le déteste, lui déteste tout le monde, et nous on l'aime... Je vais me convertir juste pour Anelka, monsieur. Ce sera la guerre, monsieur, comme avec Anelka.

Mon interlocuteur conclut le message qui contient ce dialogue en disant :

Que faire  lorsque l’on se trouve en face d’une situation comme celle que nous décrit Mohamed Kacimi ?

On peut évidemment disputer de ce qui a conduit à de telles situations … des politiques à mener et des discours généraux à tenir pour essayer de faire bouger positivement notre société … :


ATTENTION : publié ultérieurement dans ma lettre [alerte] du 2 février 2015

 Mes excuses, je suis tombé dans le piège de la rumeur : dans la lettre [alerte] du 16 janvier 2015 je transmettais une info communiquée par l'un de vous. (Je ne sais plus qui, et de toute façon c'est in fine moi le responsable de ce qui paraît dans [alerte]). Un écrivain connu disait être intervenu dans un lycée professionnel pour parler de littérature et de théâtre. Il disait avoir lui-même abordé la question des attentats à Charlie et avoir entendu de la part des élèves des propos qu'il relatait avec précision, en citant le nom du lycée : ceux de Charlie l'ont bien cherché, entre juifs chrétiens et musulmans c'est la guerre, etc. Cela tombait à pic après l'inquiétude provoquée par le fait que, dans divers établissements, des élèves avaient refusé d'observer la minute de silence à la mémoire des victimes de Charlie. Évidemment A. Finkielkraut a repris cette « info » dans un débat télévisé.

J'ai diffusé. Avec le recul, il apparaît que le texte diffusé par l'écrivain était bidon : les « citations » qu'il donne ne proviennent pas toutes d'élèves du lycée qu'il cite, elles ne sont pas textuelles, elles ont été approximativement entendues dans d'autres lycées dont l'écrivain se refuse à donner la liste, puis refuse finalement de répondre aux questions.

http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/29/charlie-ils-lont-bien-cherche-temoignage-choc-etait-invente-257401

Je suis désolé d'avoir propagé une rumeur sur un sujet aussi sensible, alors que je conseille toujours de vérifier ses sources. Avant de diffuser j'ai vérifié que l'auteur du texte était bien un écrivain et dramaturge connu. Mais je n'avais pas de moyen de vérifier l'authenticité de ce qu'il disait lui-même. Dois-ajouter à ma grande honte que le fait qu'il soit de culture musulmane m'a fait baisser la garde : il ne pouvait avoir inventé de tels propos anti musulmans. Donnons lui acte du fait qu'il dit ne pas avoir inventé, mais seulement synthétisé l'esprit de ce qu'il a entendu dans divers établissements scolaires. Il n'aurait pas du présenter ces propos comme une citation.

* Réaction de l'un de vous suite à un article du sociologue Dubet

Merci pour cet article intéressant. Je m'associe à l'essentiel des remarques, notamment le caractère provocateur des adolescents et donc sur le fait qu'imposer à ce public un hommage était s'exposer à des déconvenues.

Le caractère élitiste de notre enseignement et ses discriminations sociales et ethniques sont des faits. Il est toutefois plus facile de les dénoncer que de formuler des propositions pour les éliminer. C'est ainsi que la conclusion me laisse sur ma faim "enseigner autrement", volontiers, mais comment donc ?

C'est là que je diverge entièrement. Même si les perturbateurs avaient mille excuses, voire des raisons valables, je persiste à penser qu'il convient de leur faire sentir l'autorité républicaine, même et surtout s'ils la rejettent en n'en comprenant pas les origines.

Je trouve dangereuse l'idée très dominante dans le monde enseignant que tout peut être résolu par l'éducation, le dialogue, etc. Face à certaines déclarations ou manifestations, par exemple d'apologie du crime ou devant un antisémitisme affiché, il faut savoir dire "ceci est interdit, par la loi", dans la vie d'adulte, ceci vous conduirait devant un tribunal, ici dans l'institution scolaire, vous vous exposez à des sanctions.

On m'a dit que de telles sanctions reviendraient à "faire des martyrs".

Est-ce que l'on pourrait sérieusement qualifier de martyrs des jeunes qui auraient par exemple été convoqués avec la solennité nécessaire et amenés à signer un engagement de respect des lois de la République ?

Bien entendu, l'essentiel est sur la durée d'instruire et de convaincre, de faire comprendre les valeurs de la République et d'y faire adhérer. En attendant, il faut en imposer le respect.

********

Pour ne mettre aucun de vous en porte-à-faux j'ai prévenu tous les auteurs des textes avant de publier. Plusieurs me disent que ce qu'il pensent a, depuis, évolué. C'est pourquoi j'ai pris soin de préciser les dates (entre le 7 et le 15 janvier). Bien sûr c'est le début pour tous d'une longue réflexion.

L'un de vous précise :

A la relecture de ma réaction à l'article de Balibar je la trouve sans intérêt j'enfonce des portes ouvertes ! De plus je pense que Charlie, compte tenu de son positionnement dans le paysage médiatique avait tout à fait raison de publier les dessins!

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https://drive.google.com/folderview?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

jean-michel.berard x orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

J’explique dans chaque numéro pourquoi, lorsque je publie l’une de vos réactions, je ne mentionne pas votre nom. La liste de diffusion comporte 200 abonnés, qui plus est la lettre est disponible sur internet, et je pense que vous ne tenez pas forcément à ce que votre qualité de lecteur de [alerte] soit diffusée ainsi.

Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], peuvent être diffusés dans la lettre, (un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal), mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction sur la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

Fin

de la lettre du 16 janvier 2015