[alerte]- JM Bérard - 15 décembre 2014

Bonnes fêtes à tous

Joie, c’est encore plus beau lorsque c’est inutile : le télescope européen de 39 mètres

Au fil des jours

* Qu’apprend-on avec internet ?

* Ouverture culturelle : ne cherchez pas, je vous propose ce que je sais que vous aimez déjà

* Moteur de recherche

Libérons, faisons sauter les verrous

Evaluation à l'école

À lire en 2015

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

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Ce texte est écrit dans l’orthographe recommandée 1990. Si cette orthographe ne vous est pas familière certaines façons d’écrire vous apparaitront comme des fautes. Actuellement, les deux orthographes (usuelle et recommandée 1990) sont acceptées.

http ://www.orthographe-recommandee.info/

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Bonnes fêtes à tous

Après cette lettre, suspension de la parution pour quelque temps.

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Joie, c’est encore plus beau lorsque c’est inutile : le télescope européen de 39 mètres

Source Libération, 12 décembre 2014. Les états membres de l’observatoire européen austral ont décidé de consacrer un milliard d’euros en dix ans à la construction d’un télescope muni d’un miroir de 39 mètres de diamètre. Cela me réjouit.

https ://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_europ%C3%A9en_austral

Le système européen de satellites de positionnement Galiléo, destiné à concurrencer le système américain GPS, a connu et connait de gros retards de mise en œuvre. Les puissances économiques d’Europe peinent à se mettre d’accord sur les investissements et les structures de décision. C’est pourtant un système destiné à être largement rentable. Le télescope, lui, n’aura pas de retombées industrielles, il ne sert à rien, il est juste destiné à mieux connaitre notre monde. En période de crise, je trouve fort réjouissante la décision de le construire.

Un miroir de 39 mètres de diamètre, c’est énorme. Actuellement la pointe de la technologie est occupée par des télescopes à miroir de 12 mètres. C’est un progrès technologique magnifique : construire et assembler par petits morceaux (une centaine) un miroir à la surface parfaitement définie, et assembler le tout avec une précision d’un millionième de mètre.

Une fourmi de 18 mètres, ça n’existe pas… Et pourquoi pas ? Robert Desnos.

Le télescope permettra de beaucoup mieux comprendre notre monde : avec un grand miroir, il permettra l’observation plus fine de zones plus lointaines de l’univers, l’observation de galaxies très lointaines, la recherche améliorée de planètes extérieures.

Tout cela pour quoi ? Juste pour mieux connaitre. Peut-être trouver des formes de vie sur des exoplanètes. Et surtout comprendre pourquoi les théories que nous utilisons pour décrire notre univers nécessitent d’admettre, pour être cohérentes, l’existence de matière noire et d’énergie noire dont nous ignorons tout pour l’instant. Pour l’instant, nous ignorons tout de ce qui, d’après nos équations, constitue pourtant la majorité de notre univers !

Donc rien de directement vendable. J’admire que l’on soit parvenu à prendre cette décision. La soif de connaitre est toujours présente en nous.

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Au fil des jours

* Qu’apprend-on avec internet ?

Cela devient l’une des banalités de la « pensée » actuelle : tout le savoir du monde est sur internet, et cela bouleverse l’enseignement. C’est absurde : toute l’information du monde est sur internet (y compris tout et le contraire de tout), cela ne constitue pas un savoir. Au contraire, le rôle du professeur et des divers outils didactiques pour comprendre ce que cela veut dire en est renforcé.

Un exemple, très joliment exposé par Titiou Lecoq dans une revue dont j’ai découpé une page sans noter ni le titre ni la date.

Une application gratuite pour smartphone permet de photographier une équation à résoudre. Le logiciel analyse l’image, résout l’équation grâce aux méthodes de calcul formel et imprime non seulement le résultat, mais aussi toutes les étapes des calculs qui permettent d’aboutir au résultat… Idéal pour avoir 20 au contrôle. Que sait-on après cela ? Rien du tout, sauf si, précisément, un médiateur (par exemple le professeur) permet d’accéder au raisonnement et du coup rend capable de résoudre d’autres équations analogues. Tel quel, ce n’est rien d’autre que de copier sur un voisin bon en maths. L’auteur conclut « les applis de ce type vont nous obliger à repenser l’enseignement, ce que l’on veut apprendre aux élèves et surtout par quels moyens. » Il me semble que les réflexions en cours sur le socle commun sont bien défaillantes sur ce point. On annonce comme le fin du fin de la démocratie le fait que l’on va équiper les collégiens avec des tablettes numériques. Cela ne dit malheureusement que peu de chose sur « que va-t-on enseigner et comment ? » C’est la baguette magique technologique.

* Ouverture culturelle : ne cherchez pas, je vous propose ce que je sais que vous aimez déjà

Reçu de l’un de vous : « Ton expérience YouTube m’a fait penser à l’article sur NetFix dans le Que Choisir du mois dernier – je vais le rechercher – qui revendique explicitement ces méthodes d’offre personnalisée avec une précision qui va bien plus loin que l’indexation globale du titre, en étudiant l’intérêt du spectateur pour chaque séquence, chaque acteur. Plus inquiétant pour les Modiano du septième art, le « modèle économique » de NetFix envisage la production – le mot est ici particulièrement adapté – de films répondant à la tendance majoritaire du marché. »

* Moteur de recherche

Je vous signalais que, suite à je ne sais quelle lecture, j’ai choisi duckduckgo comme moteur de recherche. L’article que j’ai lu disait que ce moteur protège beaucoup mieux que google les données personnelles de l’internaute. J’espérais un peu que l’un de vous, connaissant la question, me donne un avis sur ce choix.

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Libérons, faisons sauter les verrous

C’est l’antienne vers laquelle convergent tous les « penseurs », J. Attali, le ministre Emmanuel Macron, les éditorialistes de la presse et de la télé. Détruisons les mesures qui protègent les travailleurs dans le Code du travail, supprimons les contrats définitifs, facilitons les licenciements, permettons que l’on puisse travailler longtemps, le jour, le soir, le dimanche… Cela va libérer le travail. Le travail. Pas les travailleurs ! Si l’on pousse l’absurdité du raisonnement, le marché du travail le plus libre, aux yeux de ces penseurs libéraux, c’est l’esclavage : pas de verrous, pas de contraintes.

La valeur suprême de ces penseurs : le travail. Renversement des valeurs : l’homme doit être au service du travail, ce n’est plus le travail qui doit être la condition d’une vie heureuse. Fini le fait de pouvoir rêver, flâner, créer, vivre en famille, avoir des loisirs, avoir des activités sportives, culturelles, associatives. Cela ne fait pas partie des critères économiques.

Travailler, consommer, tout le reste n’est qu’idéologie paralysante. Bon, j’exagère, il n’y a rien de nouveau, déjà au XIXe siècle, lorsque Marx décrivait la dure loi du profit, il n’y avait aucune place pour l’humain dans les équations économiques. Ce n’est même pas qu’on le négligeait : il n’avait simplement aucune place dans le problème.

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Évaluation des élèves à l’école

Un tout petit résumé du chapitre précédent, de mon propre point de vue : la réflexion sur l’évaluation des élèves lancée par les ministres Hamon puis Vallaud-Belkacem n’a rien à voir avec le fait de remplacer les notes par des lettres ou des couleurs ou de supprimer les notes. Il s’agit d’essayer, lorsqu’on évalue le travail d’un élève, de savoir ce que l’on évalue exactement, ce qui suppose une analyse fine des apprentissages visés et de ce que sait faire réellement l’élève. Il ne s’agit pas non plus de mettre, par démagogie de gauche, de « bonnes » notes à tous les élèves, mais de réformer un système d’évaluation qui a en général pour conséquence de trier, de classer, d’éliminer et même parfois d’humilier. L’école actuelle tend à aggraver les inégalités initiales, dues essentiellement au niveau social. L’objectif de cette réflexion sur l’évaluation : tenter de construire une école qui permette à chacun de progresser à son meilleur niveau.

Cela étant dit, c’est pas gagné, tant la quasi-totalité des acteurs du système éducatif condamnent a priori tout changement.

Titre d’un article de Pierre Merle, Libération 9 décembre 2014 :

« La notation actuelle n’indique pas ce qui va bien et ce qu’il faut travailler. »

Le ministère de l’éducation nationale a organisé une conférence nationale de deux jours sur l’évaluation et nommé un « jury » de trente personnes présidé par Étienne Klein. Drôle d’idée de créer un « jury » sur un tel sujet ! Quant à Étienne Klein, je vous fais souvent part de mon admiration pour son travail de physicien et son extraordinaire compétence de vulgarisateur. Mais sur l’évaluation ? Il a d’ores et déjà indiqué qu’il n’était question ni de supprimer les notes, ni de donner plus de travail aux enseignants. Lorsqu’on sait l’énorme travail que représente l’élaboration d’exercices d’évaluation un peu affinés…

Extrait de la revue en ligne « Le café pédagogique » sur la conclusion de la conférence nationale : « comment concilier une évaluation par compétences du socle commun et la tradition scolaire ? Le président du jury Etienne Klein promet de trouver "le juste milieu". Florence Robine, directrice de l’enseignement scolaire, parle de trouver le "consensus minimum". On ne sait toujours pas comment on impulse et accompagne un tel changement»

Vous trouverez dans ce numéro du Café pédagogique d’intéressants exemples de critères d’évaluation et de bulletins scolaires des élèves.

http ://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/12/15122014Article635542258737052761.aspx

Quelques éléments de réflexion sont proposés par « Le café pédagogique » dans son dossier sur l’évaluation, avec pour conclusion « un bilan fort mince »

http ://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2014/2014EvaluationGarderNotes.aspx

Lire aussi l’éditorial de F. Jarraud. Impossible à résumer, je me suis régalé à sa lecture et à la finesse de ses analyses…

http ://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2014/157_2.aspx

Un extrait d’un entretien de F. Jarraud avec Pierre Merle, professeur à l’IUFM (?) de Bretagne :

Les notes sont-elles justes ?

http ://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/pages/2007/86_lesnotessontellesjustes.aspx

« Comment expliquez-vous cette importance de la moyenne et de la note dans le système éducatif français ? Pourrait-on s’en passer ?

Par rapport aux autres systèmes européens, le système scolaire français se caractérise par une proportion élevée de redoublants. Les notes et la moyenne trimestrielle assurent une fonction centrale : autoriser ou empêcher le passage dans la classe supérieure. Dans les pays nordiques, l’absence de redoublement explique le moindre recours à la notation. Les élèves faibles font l’objet d’un soutien spécifique, d’une évaluation formative, et la sélection a lieu seulement à la fin du collège qui est véritablement unique, c’est-à-dire indifférencié. Cette organisation particulière est à la fois plus démocratique (la reproduction des inégalités sociales est moindre) et plus efficace : le niveau moyen des élèves, à l’âge de quinze ans, est supérieur à celui constaté en France. Le système le moins démocratique est le système allemand où la sélection par les notes a lieu à la fin du primaire. Le projet actuel du ministère qui vise l’assouplissement, voire la suppression du collège unique avec la création de voies professionnelles, nous rapprocherait du système allemand.

Bon, désolé, le précédent numéro de la lettre [alerte] était tout de même plus motivant, dans son souci de simplifier. Les quelques articles cités aujourd’hui montrent la complexité des choses. Et encore, dans l’ensemble j’ai choisi de citer des articles qui confirmaient plutôt ma façon de voir !

Une conclusion un peu pessimiste : la façon de noter est l’une des bases sur lesquelles s’est historiquement construit le système éducatif. Ici encore plus qu’ailleurs je doute de la possibilité de réformer ce système par une conférence et des circulaires nationales. Un point positif : tout cela représente une réelle avancée dans la réflexion. Quant-à la mise en œuvre… Les graines sont semées.

Signalé : à paraitre ces jours-ci aux éditions canope (CRDP de Créteil) « l’évaluation et ses pratiques ». Pour préparer la rentrée, pour suggérer en tant que commande à votre CDI… Je vous donnerai dès que possible l’adresse sur laquelle on pourra lire des extraits.

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À lire en 2015

Mes regrets à nouveau pour ceux de vous qui m’envoient des contributions. (Attali, particules fines, open data, redoublements…) Comme vous le voyez, l’abondance de l’actualité, du moins de ce que je considère comme l’actualité, m’empêche de tout publier.

Mes regrets aussi : j’ai prévu d’écrire un article sur le transhumanisme, l’homme augmenté, l’homme qui dépasse ses limites grâce à la technologie, à partir d’un dossier de Libération le 8 décembre 2014. Là encore, à lire plus tard, en janvier.

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Fin de la lettre du 15 décembre 2014

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À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Pour accéder au nuage cliquer sur :

nuage de [alerte] ou sur

https ://drive.google.com/?authuser=0#folders/0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0

Fonctionnement de la lettre [alerte]

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jean-michel.berard x orange.fr

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