[alerte] - JM Bérard - 13 àctàbre 2014

Sommaire

À savourer

Salon d'automne

Les Mayas

Le GPS nous fait-il perdre le nord ?

Vaccination

Merveilles de la technique et de l’organisation

Données massives, science en péril

Ce que parler veut dire

Juste de quoi vivre

Acrobate

Impossibilité d’agir

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]


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Ce texte est écrit dans l’orthographe recommandée 1990. Si vous n’êtes pas familier avec cette orthographe, certaines façons d’écrire vous apparaitront comme des fautes. Actuellement, les deux orthographes (usuelle et recommandée 1990) sont acceptées.

http ://www.orthographe-recommandee.info/

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À savourer

Salon d'automne

Une amie peintre m’informe : le Salon d'automne 2014 a lieu du 16 au 19 octobre 2014, avenue des Champs Élysées, de la Place de la Concorde au Grand Palais, tous les jours de 11 heures à 19 heures : peinture, dessin, sculpture, gravure, livre d’artiste, photographie, vidéo, art environnemental, architecture, art numérique, installation street art performance, Salon d'automne, poésie, musique, académie des banlieues.

Les Mayas

Exposition au musée du quai Branly, jusqu’en février. Vous feriez mieux d’y aller maintenant, vous risquez d’oublier.

Les Mayas, révélation d’un temps sans fin.

Remarquable, comme en général ce que fait le quai Branly.

J’ai été particulièrement intéressé par la conception de la mesure du temps chez les Mayas (trois cycles qui se superposent) et le déchiffrage de leur écriture, magnifique ouverture sur les méthodes de la linguistique.

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Le GPS nous fait-il perdre le nord ?

Je me moque parfois un peu de moi en disant qu’avec le GPS dans ma voiture je sais où je vais mais je ne sais plus du tout où je suis.

En fait, au-delà de la dérision, la question est d’importance. Je reproduis ci-dessous de larges extraits d’un article de la revue en ligne internetactu, Hubert Guillaud, 06 10 2014.

http ://www.internetactu.net/2014/10/06/numerique-la-representation-spatiale-en-question/

Citations :

Le problème est que les cartes numériques (google maps, cartes des GPS) transforment notre capacité à nous repérer spatialement […]. Nos cartes cognitives sont des mécanismes complexes qui assemblent des points de repère et des routes. Lorsque les gens doivent planifier un itinéraire, ils construisent une représentation mentale selon une séquence de points de repère, rappelle le professeur de géomatique australien Stephan Winter. Le GPS, lui, n’en a cure. Tant et si bien que la perte de notre capacité de repérage spatial, son déport dans nos mémoires numériques, commence à inquiéter les experts. […]

N’est-ce pas ironique ? Plus il est facile pour moi de savoir où je vais, moins je me souviens comment j’y suis arrivé ! En tant que consommateur soucieux de mon développement cognitif, devrais-je rationner mon accès aux outils de navigation comme je dois me souvenir de prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur ? […]

La carte qui s’ajuste à la position exacte de l’utilisateur élimine une part importante de l’effort mental nécessaire à sa lecture. Les systèmes de navigation mobile fonctionnent comme des œillères, réduisant le paysage à la largeur de la rue. Mais c’est aussi le cas de bien des cartes physiques. Les plans de métro simplifient toujours la ville en représentant les emplacements de stations de manière schématique et relative. Combien de citadins seraient capables de tracer le chemin d’une ligne de métro sur un plan de la ville ? […]

Nous n’avons jamais été aussi mauvais dans le repérage spatial, et pourtant, nous n’avons jamais été autant confrontés à des cartes et des visualisations ! Pour le cartographe et collectionneur de cartes David Rumsey, la dynamique numérique devrait pourtant rendre les gens géographiquement plus lettrés. Alors que pour les cognitivistes, les cartes connectées diminuent notre talent pour la perception, la cognition, la résolution de problèmes, force est aussi de reconnaitre qu’elles nous aident à explorer le monde comme jamais. Les cartographies numériques rendent les systèmes urbains plus accessibles, plus détaillés, permettant d’en avoir une meilleure représentation mentale, comme quand on va voir sur l’internet un lieu que décrit un roman. Les cartes favorisent une connaissance précise des distances entre les lieux, tandis que l’expérience directe aide les gens à estimer les distances réelles entre des lieux imaginaires, estime Ishikawa. Dit autrement un changement est en cours qui nous conduit à avoir une vision plus universelle de la ville, moins personnelle, exposés que nous sommes à une cartographie commune et plus riche en détail que la réalité. […]

Nous avons besoin d’appareils de lecture, de systèmes cartographiques électroniques, d’ordinateurs qui réintroduisent de la corporalité… c’est-à-dire capables de compenser l’absence de physicalité de nos outils numériques. C’est en tout cas là, un enjeu de conception de demain. Nos outils numériques doivent apprendre à mieux mobiliser notre corps. Peut-être d’une manière radicalement différente de la pratique dont nous ont habitués nos pratiques prénumériques. Mais c’est une piste bien plus stimulante que la guerre des supports, papier contre numérique.

Ensemble de l’article sur le site.

Cela m’évoque la question des montres à affichage numérique : elles affichent l’heure, 12.32, mais elles gomment la durée, matérialisée par la position des aiguilles dans les montres classiques.

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Vaccination

La grippe est une maladie grave, avec en particulier une très forte fièvre et des complications sérieuses et parfois mortelles. Beaucoup confondent la grippe avec un simple état grippal et se disent : "le vaccin est inutile, ce n’est pas si grave." Personnellement j’ai eu la grippe, la vraie, il y a une dizaine d’années. J’ai été très malade, j’ai mis du temps à m’en remettre, et je n’hésite pas une seconde : dès que je reçois le papier de la sécu je me fais aussitôt vacciner. On critique trop souvent le système de santé français qui ne prendrait pas assez en compte la prévention. Alors il faut être logique, vive le vaccin. (Dans le même ordre d’idées, je suis stupéfait que des personnes reçoivent un test gratuit de dépistage du cancer du côlon et ne le fassent pas.)

Je suis exaspéré et ahuri en permanence par cette mode bobo qui consiste à jouer les esprits forts en disant : "je suis contre les vaccins, je ne me fais pas vacciner et je ne fais pas vacciner mes enfants." C’est pourtant bien le vaccin qui a permis l’éradication de la variole, la baisse massive de la polio et de la rougeole, et bien d’autres encore.

Aux parents qui me disent "je ne veux pas injecter de saloperies dans le corps de mes enfants" je ne pose qu’une question : " lorsque votre enfant, à vingt ans, dans son fauteuil roulant, vous demandera "au nom de quelle fantaisie as-tu refusé que je sois vacciné contre la polio ?", que répondrez-vous ?"

Mon argument porte sur la protection individuelle. Je devrais en ajouter un autre : "de quel droit ouvrez-vous un chemin à la propagation des maladies en refusant votre responsabilité sociale de faire barrage grâce au vaccin ?"

Y compris chez des amis proches, les arguments "anti" sont bien implantés :

- "je n’ai pas confiance dans les adjuvants qui sont nécessaires pour fabriquer le vaccin". Cet argument circule, personne n’a lu les études qui ont été faites sur ce danger réel. Tout médicament présente un risque, des effets secondaires. Pour le vaccin, la question est simple : son usage permet-il de sauver beaucoup plus de vies que les effets secondaires ne risquent d’en détruire ? Les avantages sont-ils nettement supérieurs aux inconvénients ? Pour tous les vaccins qui ont obtenu une autorisation de mise sur le marché, la réponse est évidemment oui.

- "je me traite avec des médecines non traditionnelles qui permettent d’éviter le vaccin." Connaissez-vous vraiment des acuponcteurs ou des homéopathes sérieux (si si il doit bien en exister) qui peuvent affirmer sans rire que leur technique combat les virus ? Un médecin sérieux devrait dire : "je vous soigne avec ma technique, mais, en plus, faites-vous vacciner."

- "je ne veux pas enrichir l’industrie pharmaceutique". C’est vrai, ça. Si l’on se met à faire appel à l’industrie privée dans notre vie, où allons-nous ?

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Merveilles de la technique et de l’organisation

J’en ai déjà parlé, la fusée russe qui devait mettre en orbite deux satellites du système européen de positionnement Galiléo a mal fonctionné : les satellites ne sont pas sur la bonne orbite, ils ne seront pas utilisables pour Galiléo. On a trouvé la cause de la panne : sur la fusée, un tuyau contenant un liquide très froid était voisin d’un tuyau dans lequel circulait le carburant. Le liquide très froid a fait geler le carburant. Tant de technologie, d’intelligence, d’argent, d’enjeux industriels et personne n’avait pensé qu’un liquide très froid pouvait en faire geler un autre. C’est un peu comme à l’hôpital ou dans certaines maisons de retraite : on définit en détail des procédures très strictes et l’on finit par déresponsabiliser tout le monde. Je suppose que l’organigramme de conception de la fusée ne prévoyait pas que l’équipe chargée de l’un des liquides échange avec l’équipe chargée de l’autre liquide.

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Données massives, science en péril

Inspiré par l’article du Monde du 8 Aoctobre 2014 "La rencontre de Google et de Descartes"

La collecte et l’usage des données massives (big data) sont l’un des points forts du développement de l’industrie informatique. Grâce aux multiples fichiers et réseaux sociaux on collecte et l’on stocke des quantités considérables de données sur tout et sur tous Notons au passage que cela nécessite l’usage d’énormes batteries d’ordinateurs qui dépensent d’énormes quantités d’énergie.

Il reste alors à traiter ces données pour en tirer des conclusions utiles à la société, aux États, au commerce. La liste est gigantesque et croit sans cesse. Un tout petit exemple : en suivant la façon dont les personnes consultent les sites médicaux on peut analyser la propagation des épidémies de grippe avant même que les données médicales aient été collectées.

Se pose alors un réel problème de mise en danger du raisonnement logique et de la recherche scientifique. Schématiquement, la science permet d’établir des lois qui permettent de lier des causes à des conséquences. Connaissant ces lois, on peut alors mieux comprendre la nature, agir sur elle, créer de nouvelles techniques.

Un point crucial, en sciences il ne faut pas confondre concomitance et causalité. Deux phénomènes peuvent évoluer d’une façon analogue sans que l’un soit la conséquence de l’autre. Établir une causalité suppose un travail de recherche, d’expérimentation qui va bien au-delà de l’observation d’une simple coïncidence, même répétée. Depuis que les femmes portent couramment des pantalons la terre connait un fort réchauffement climatique. Faut-il en conclure que pour lutter contre le réchauffement il suffit d’interdire aux femmes de porter des pantalons ?

Ce risque de confusion intellectuelle est pourtant bien tentant avec les données massives : on collecte, on compare, et l’on trouve des corrélations entre n’importe quoi et n’importe quoi d’autre. Ces constats peuvent donner des idées de recherche : pourquoi observe-t-on cette corrélation ? Mais ils peuvent aussi conduire au manque de rigueur consistant à énoncer des lois de façon hâtive. Exemple donné par l’article du Monde : une étude parue en 2012 montre qu’il y a une forte corrélation positive entre la consommation de chocolat par habitant dans un pays et le nombre de prix Nobel de ce pays. Peut-on en tirer une loi ?

Conclusion de Gompel et Prud’homme, auteurs de l’article : à ce jour rien ne remplace la force des tests expérimentaux et l’analyse cartésienne pour identifier des liens de causalité. Si [en biologie, en physique…] la nécessité de cette phase expérimentale est parfois remise en question parce qu’elle est longue et onéreuse, elle n’en reste pas moins un pilier essentiel de la compréhension.

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Ce que parler veut dire

Juste de quoi vivre

Le Monde, le 9 octobre 2014, consacre un article à Bernard Arnault, entrepreneur et collectionneur, qui ouvre la fondation Louis Vuitton le 24 octobre à Boulogne. Il parle des artistes qu’il aime, des tableaux qui ornent son appartement et déclare "quand j’achète un tableau je me demande si je peux vivre pendant 20 ans avec lui." Non non, il ne se demande pas s’il peut vivre pendant 20 ans avec la somme consacrée à l’achat du tableau, mais s’il peut l’apprécier pendant 20 ans dans son entourage. À l’exception de cette expression un peu maladroite je ne critique pas spécialement B. Arnault : l’art et les artistes ont toujours eu besoin d’amateurs éclairés, de mécènes et de personnes qui achètent. Je suis simplement toujours stupéfait par les prix totalement insensés auxquels s’échangent actuellement les œuvres d’art. Un "petit" exemple : un Nymphéa de Monet adjugé pour 40 millions d’euros en juin 2014. Oeuvre d’art ? Produit spéculatif ?

Acrobate

Dans un pays voisin, le nouveau Premier ministre a un socle d’alliances politiques très restreint. Pour tenter de l’élargir, il déclare : "je tends la main à tous ceux qui voudront se retrousser les manches." Contorsionniste ?

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Impossibilité d’agir

Le Monde du 10 octobre 2014 s’interroge longuement : quels sont les projets de l’équipe de F. Hollande pour les actions et les réformes à entreprendre jusqu’en 2017 ? La tonalité générale de l’article est : on ne voit pas trop.

J’ai déjà parlé de l’écotaxe : le transport routier contribue fortement à la pollution, dégrade les infrastructures routières, crée des encombrements et des accidents. À l’unanimité droite plus gauche, il avait été décidé de mettre en place une écotaxe. Manifestations des bonnets rouges, destruction de matériel public, le gouvernement (représenté par Ségolène Royal, à l’époque nouvellement nommée ministre de l’écologie) recule : finie l’écotaxe, perte des ressources prévues, frais couteux pour que l’état se désengage de contrats signés. On remplace l’écotaxe par un "péage de transit", beaucoup moins ambitieux. C’est encore trop pour le patronat du transport routier qui persiste, gronde, menace : recul immédiat du gouvernement. Le péage de transit est reporté sine die, sans aucun projet pour le remplacer. Avec quel argent va-t-on financer les investissements dans les infrastructures de transport que la taxe devait permettre de financer, au moment où tous les économistes soulignent la nécessité d’une reprise des investissements publics ?

Cela pose un problème de fond : l’ensemble des contribuables doivent-ils payer pour soutenir un secteur industriel ? Les frais causés par le transport routier ne devraient-ils pas être payés par le transport routier, et non par l’ensemble de la population ? Je sais bien, nous payons tous pour que l’école, le collège, le lycée et l’université soient gratuits, alors que tout le monde ne bénéficie pas du lycée et de l’université. Mais il me semble que pour l’ensemble de la nation c’est un investissement d’avenir. On peut certes décider que tout le monde doit payer pour soutenir l’industrie. Mais avec quel argent ?

Quoi qu’il en soit la capitulation du gouvernement est une débâcle pour l’écologie. L’avenir est clair : toute réforme devra désormais avoir l’assentiment du patronat et des petites entreprises pour les mesures économiques et de la Manif pour Tous pour les questions sociétales. Cela laisse peu de marge d’initiative au gouvernement "de gauche".

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Fin de la lettre du 2014 10 11/ 11 octobre 2014

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À propos de [alerte]

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