[alerte] - JM Bérard - 5 septembre 2014

Sommaire

Le business de l'ADN

Ce que parler veut dire

Glané au fil d'un journal radio

École

Ministre

Ministre bis

Penser



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Le business de l'ADN

Source : Le Monde 2 septembre 2014, je m'efforce de résumer, dans la limite de ce que j'ai compris. C'est à la fois plein d'avenir et terrifiant.

Le génome humain peut être représenté sous la forme d'un codage de lettres A T C et G. Le décodage de l'adn de nos chromosomes consiste à trouver les milliards de paires ATCG qui le constituent. (NB ; je ne suis pas très sûr de ce que j'écris, quelqu'un peut-il m'aider?)Le décodage du génome d'un individu peut être effectué, en 2014, en quelques heures et pour mille dollars, alors qu'il y fallait 100 millions de dollars il y a dix ans.

Cela permet donc désormais l'analyse massive et généralisée du génome de chacun.

Je vous ai déjà parlé de cette question, mais j'avoue que je n'avais pas réalisé, jusqu'à la lecture de cet article du Monde, les conséquences gigantesques de cette possibilité. Dépistage des maladies héréditaires, profilage des tumeurs, recherche d'ancêtres, identification d'un criminel... Alors que les scientifiques esquissent à peine les premières réponses, start-up et grands labo sont dans les starting blocks pour un marché qui pèse déjà 20 milliards de dollars.

Les conséquences sur notre conception de ce qu'est un être humain, sur les droits qu'il a sur sa propre personne, sur les droits que la société a sur sa personne et sur ce qu'est l'humanité sont difficiles à imaginer.

Analyse d'hérédité, de parenté, décodage dans le génome de chacune des maladies génomiques existantes ou probables, ou même (bien que cela ne soit pas du tout prouvé) « espoir » de décoder des séquences permettant de prédire des comportements ou des aptitudes intellectuelles, mise au point de médicaments ou de thérapies géniques. L'espoir des savants fous (je veux dire : qui ont de l’homme une conception mécaniste) est que à terme rien d'humain n'échappera à ces analyses. Et du coup les problèmes affluent : qui sera propriétaire de ces données, à qui seront-elles communiquées, quel usage en sera fait ?

Avant même de décoder le génome on savait reconnaître l'identité de deux ADN et donc identifier une personne si l'on possède par ailleurs un exemplaire de son ADN.

Faut-il ficher l'ADN de tous les êtres humains ? La question a été manipulée de main de maître par les partisans du fichage. En France, on est parti « petit » : le fichier national des empreintes génétiques créé en 1998 ne concernait les délinquants sexuels. On allait enfin trouver les horribles violeurs de petits enfants. Ce type d'arguments marche à tous les coups. Aujourd'hui, petit à petit, en douceur, sans qu'on y prenne garde, de très nombreux crimes et délits, même relativement mineurs, entraînent l’inscription d'office au fichier, qui recueille plus de deux millions d'empreintes. (Tout de même, on a épargné les gens biens : le fichier ne concerne pas les délinquants de la route, ni les délinquants financiers.) Une forte tendance idéologique (mais qui avance avec prudence) est tentée par le fait de ficher l'adn de tout un chacun à sa naissance. Au lieu de personnes, d'individus, la société se transformerait en immense base de données gérant des numéros.

La difficulté de la réflexion sur cette question est que, fort efficacement, on nous persuade de l'utilité de ce fichage. Dans les feuilletons américains, on offre un verre d'eau au suspect, on prélève son adn sur le bord du verre, on rentre tout cela dans la machine, et toc, « match », ça colle, voici tout le dossier du suspect qui apparaît sur l'écran. Quelle sécurité pour tous ! Pour l'instant l'ordinateur ne trouve que ceux qui ont déjà été fichés pour une raison ou une autre, mais bien sûr cela serait beaucoup plus efficace si tout le monde était systématiquement fiché !

La société change de paradigme : au lieu de poursuivre les criminels, on considère a priori que chacun est un criminel en puissance. Ce qui rassure l'opinion est que ce fichage est en principe pour l'instant destiné à retrouver des délinquants. Mais qui empêchera, le relâchement de la vigilance citoyenne aidant, que des industries ou commerces avides de nous pister, de nous suivre, peut-être de nous traquer, ou que des gouvernements peu démocratiques mettent tout cela au service de la traque permanente de l'individu ? Les mentalités y auront été bien préparées.

Les conséquences du décodage du génome sont beaucoup plus considérables, puisqu'on peut désormais non seulement identifier une personne, mais aussi connaître une partie de ses caractéristiques individuelles.

Les applications attendues : diagnostic des cancers et recherche de thérapies ; étude du génome des différentes espèces vivantes, sélection de plantes ; recherche d’ancêtres ou de liens de parenté ; tests de dépistage concernant des maladies héréditaires, recherche de thérapies. Le bonheur pour l'humanité !

D'emblée les problèmes éthiques surgissent. Le laboratoire qui a mis en évidence les séquences génomiques permettant de prévoir que l'actrice Angelina Jolie avait un fort risque de développer un cancer du sein voulait breveter sa découverte. La cour suprême des USA a décidé que l'on ne pouvait pas breveter et s'approprier le vivant. L'actrice, suivie ensuite par beaucoup d'autres personnes, a décidé une ablation de ses deux seins. La réalité du risque justifiait-elle une telle extension de cette ablation ? Quant à la non privatisation du vivant, nul doute que les habiles avocats des industries américaines trouveront d'autres angles d'attaque.

L'extension des tests génétiques sur le fœtus posent évidemment les problème de l'eugénisme. Actuellement, en dehors de la trisomie 21, les tests de dépistage prénataux ne se font que dans des circonstances particulières où les antécédents familiaux laissent prévoir un risque sérieux. Mais rien n'empêchera de futurs parents de sélectionner un enfant parfait. Il suffit de faire les tests avant la douzième semaine de grossesse (délai légal) puis de recourir à une IVG. Pour éviter l'IVG on peut aussi soumettre les candidats parents à des analyses poussées décrivant les risques qui guettent leurs futurs enfants. C'est en partie le cas aux Usa et en Israël, où l'on propose des tests recherchant dans le génome du futur père et celui de la future mère des mutations récessives et évaluer les risques pour le futur enfant. Un cauchemar : dans quelques années, pour s'inscrire sur un site de rencontre et trouver l'âme sœur il faudra fournir son profil génétique.

Certains s'inquiètent ; rejoindra-t-on le scénario du film américain Bienvenu à Gattaca où la sélection génétique des individus a totalement remplacé le hasard des naissances naturelles ?

Un monde où chacun sera numéroté à la naissance, identifiable, pistable. Un monde où le vivant risque d'être breveté et soumis à la propriété privée. Un monde où l'on saura tout sur vos origines et vos liens de parenté. Un monde où l'on pourra prévoir les risques de maladie. Un monde où l'on pourra choisir des enfants parfaits.. Le meilleur des mondes. Je ne sais si les comités d'éthique auront assez de poids pour résister aux exigences de l'industrie et faire un tri humain dans tout ce fatras.

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Ce que parler veut dire

Je suis toujours ému par les affiches qui fleurissent sur les vitrines en août. L'équipe nous annonce la fermeture estivale du magasin et nous souhaite de bonnes vacances. Mais non voyons, c'est eux qui sont en vacances, les lecteurs de l'affiche ne sont pas forcément en vacances. Ou alors ils veulent dire que la fermeture du magasin constitue des vacances pour les lecteurs de l'affiche ?

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Glané au fil d'un journal radio

C'est fou ce que l'on entend dans un seul journal de France inter, le 2 9 2014.

* Des parents d'élèves interpellent le maire de Marseille sur sa politique concernant les rythmes scolaires. Le maire répond « occupez-vous de vos enfants ». Il a raison. Il n'y a évidemment aucun rapport entre les enfants et les rythmes scolaires.

* Le nouveau gouvernement Valls montre qu'il lutte énergiquement contre le chômage. Première mesure annoncée par le ministre du travail : demander à pôle emploi de radier les chômeurs qui sont inscrits à tort. On sait pourtant que le nombre d'inscrits à tort est minime par rapport au nombre total de chômeurs et que, qui plus est, nombreux sont ceux qui renoncent à demander des indemnités auxquelles ils auraient droit. Cette initiative majeure va évidemment plaire à tous ceux qui pensent que leurs propres malheurs viennent des abus perpétrés par leurs voisins. Le ministre a trouvé la méthode pour réduire le nombre de chômeurs. Il ne lui reste qu'à trouver comment réduire le chômage. Vous l'avez compris, je ne soutiens pas du tout la fraude mais je trouve tout de même que, comme signal de début, il y avait plus urgent.

* La fin de l'école : c'est le titre d'un livre de l'historien François Durpaire et de la sociologue Béatrice Mabilon-Bonfils, qui vient de paraître. Avec un titre pareil, cela va bien se vendre. L'historien nous déclare  : l'école a un rôle essentiellement social (rencontrer d'autres personnes) ; avec les nouvelles technologies on peut tout apprendre sans l'école. (je n'ai pas noté le texte exact, je n'ai pas retrouvé le texte de l'émission, j'espère ne pas déformer.) Pour dire une telle ânerie l'historien confond allègrement « s'informer » et « comprendre ». Imaginons un enfant qui se lèverait chaque matin pour passer la journée à la bibliothèque nationale (qui, tout comme l'internet, contient toute la connaissance du monde.) Cet enfant n'aurait- il pas besoin de l'école pour l'aider à structurer tout ce fatras ?

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École

Nous sommes tous concernés, et je m'attendais à une rafale de protestations suite à mes deux articles sur l'école. Seulement deux messages qui approuvent.

En fait si j'ai eu si peu de réactions à mes articles c'est que chacun a eu peur d'avoir une mauvaise note.

En voici un :

« Bien vu l'article sur l'éduc : je l'ai mis dans ma page facebook en soulignant la phrase suivante "Pourquoi l'élite au sens large souhaiterait-elle réformer un système dont elle bénéficie ?", phrase qui, elle, n'est pas récurrente.

Remarque JM B : je ne crois pas avoir parlé d'élite, car cela accentue le classement, mais c'est bien l'idée. Et elle est effectivement peu développée dans les journaux. Je ne sais pas ce qu'est facebook mais je suis content d'y être ;- merci. Je confirme à tous que les textes de cette lettre sont en diffusion libre à condition de citer l'auteur et surtout la date.

Quant au redoublement, il ne sert à rien de le supprimer, comme dit le Café pédagogique, si on ne met pas en place une autre stratégie.

Le redoublement coûte cher et ne sert à rien : ça on le sait depuis des années : les enseignants font semblant de l'ignorer car ils n'ont aucune autre solution à proposer quand le diagnostic est fait en février mars : c'est trop tard.Une autre stratégie coûterait aussi mais peut être moins cher à terme ! En Finlande les élèves en difficulté sont diagnostiqués et pris en charge dès le début de l'année scolaire ?

Remarque JM B : oui mais il ne suffit pas de diagnostiquer, il faut aussi tenir compte des résultats, en pratiquant une pédagogie différenciée, et ça, les enseignants français n'y sont pas du tout formés. Seuls 20% des enseignants pensent à proposer à leurs élèves des exercices tenant compte de leurs difficultés. On préfère faire appel au Rased, au Cmpp, aux cours de soutien proposés par les associations ou des boites privées, que sais-je encore, pour exclure l'élève de la classe et se trouver face à une classe homogène.

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Ministre

Après des attaques de la droite contre la ministre de l'éducation nationale Mme Vallaud-Belkacem, accusée de vouloir développer à l'école la prétendue théorie du genre, voici que Minute et Valeurs actuelles montent dans l'ignominie en la dénonçant comme marocaine et musulmane. Je croyais qu'il y avait des lois pour interdire de telles ignominies. Quoiqu'il en soit, à quelques rares exceptions près, les hommes politiques de droite (et même de gauche) ne se précipitent pas pour dénoncer ces propos. Mme Vallaud-Belkacem a répondu avec humour en citant Pierre Desproges : il vaut mieux lire Minute que JP Sartre car avec Minute on a à la fois la nausée et les mains sales. Il faudrait tout de même une réaction plus énergique.

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Ministre bis

Huit jours après la formation du gouvernement un secrétaire d'état a été obligé de démissionner. Il y a des années qu'il ne déclarait pas ses revenus, et ne payait donc pas d'impôts. On reste abasourdi : nul n'avait fait d'enquête sur lui ? Et, après l'affaire Cahuzac (ce ministre chargé entre autres de la lutte contre la fraude fiscale, et qui avait des comptes illégaux à l'étranger...), nul n'avait prévu les effets dévastateurs de telles pratiques. ? On se demande vraiment où ils vivent. Petite histoire rigolote : ce secrétaire d'état avait été membre de la commission d'enquête Cahuzac ! Je suis tout à fait ébahi : comment a-t-il pu envisager une seule seconde d'accepter sa nomination ? D'autant plus qu'il savait que, conformément à la loi, sa situation serait vérifiée. Il m'arrive de me présenter comme Mme Irma et de prévoir l'avenir de la situation politique en France. (Prévisions non garanties !) Mais là, la situation est telle que je ne vois rien.

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Penser

Source : revue La Recherche, septembre 2014.

« Penser sans rien faire, ce n'est pas si facile ». Une équipe de l’université Yale aux USA a demandé à des personnes de rester assises sans rien faire pendant une dizaine de minutes. Plus de la moitié des sujets ont trouvé cela désagréable, quelles que soient les conditions de confort matériel. Mêmes résultats lorsqu'on demande aux personnes de choisir un sujet de réflexion précis pendant 15 minutes. Les sociologues en concluent qu'il est difficile d'obliger notre cerveau à penser sans but à atteindre.

Remarque juste pour faire de l'humour : on constate couramment qu'il est difficile de penser avec un but à atteindre. Doit-on conclure qu'il est difficile de penser ? Après « il est difficile d'aimer », voici un beau titre de chanson.

Les adeptes de la méditation savent pourtant (et c'est confirmé par le corps médical) que c'est une excellente pratique contre le stress. Mais cela demande de l’entraînement et ne va pas de soi dans une société qui tourne à la vitesse de la lumière et au rythme de l'information instantanée et vide des chaînes d'info.

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fin de la lettre du 2014 9 5/ 5 septembre 2014

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