[alerte] - JM Bérard - 28 juin 2014

Sommaire

A savourer

Les Lilas

Devise à méditer

Au fil des jours

A vouloir contenter tout le monde : écotaxe

Il y a trop de normes

Médecine

Le niveau scolaire baisse ?

Agriculture : péril en la demeure

Jeux mathématiques : les solutions

Logique et sécurité routière

Règlements sportifs

Israël, Onu et colonisation

Éducation : chronique d'un nouvel échec annoncé

Science et croyance


A savourer

Les Lilas

Commune du 9-3. D'accord, chers amis parisiens, c'est de l'autre coté du périph, mais tout de même : par la ligne 11, 15 minutes du Châtelet, ce n'est pas si loin de tout.

Rectificatif : Exposition : Anna Genard, sculptrice de tableaux cousus, expose au restaurant du triton (rue du coq français) jusqu'au 10 juillet 2014. Le choix des textures et des matériaux, l'alliance de l'ombre et de la lumière.

Devise à méditer

On n'est pas à l'abri d'un coup de bol.

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Au fil des jours

A vouloir contenter tout le monde : écotaxe…

Un nouvel exemple du manque de clairvoyance du gouvernement qui, chaque fois qu'il y a une décision à prendre, essaie de trouver un « juste milieu » qui mécontente tout le monde et renforce l'opposition. L'écotaxe était destinée, en taxant le transport routier au demeurant très polluant, à rétablir un équilibre entre les différents modes de transport, en particulier le transport ferroviaire. Le produit de l'écotaxe devait servir à alimenter un fond pour créer de nouvelles infrastructures de transport collectif (voies ferrées, trams, voies fluviales) et pour entretenir les routes. Manifestations des bonnets rouges qui cassent tout, panique du gouvernement qui a peur, recul. Au final une version light de l'écotaxe est mise en place, sur un nombre de kilomètres de routes beaucoup plus petit. (4 000 km au lieu de 15 000 km). Les recettes attendues sont diminuées de moitié, de nombreux projets déjà programmés sont remis en cause. (Exemple : menaces sur le prolongement de la ligne de métro N° 11 Châtelet Lilas.) Prime aux manifestants qui ont tout cassé et signal favorable pour les prochaines manifs... Les écolos sont mécontents : « c'est une taxe au rabais, un recul devant les lobbys routiers et agroalimentaires. » Les routiers ne sont pas contents : « c'est une taxe qui menace la compétitivité des entreprises. » Ce qui est sûr c'est que l'ensemble de la population va devoir payer les droits d'usage des routes dus par les transporteurs routiers. Le gouvernement a une fois de plus brillamment réussi sa politique de perdant-perdant. Je sais, la politique est l'art du compromis. Mais il ne fut pas confondre compromis et capitulation en rase campagne. Le journal Le Monde pense qu'il y aura des manifs sur les routes cet été. Il va falloir reculer à nouveau.

Il y a trop de normes

C'est actuellement le cheval du bataille du gouvernement « de gauche » prompt à répondre aux vœux des PME, des industriels, des commerçants. Les normes sont destinées à rendre la vie en société possible et à réguler la concurrence pour éviter le nivellement sauvage par le bas. Il y a de plus en plus de normes sur les jouets d'enfants, cela gêne les commerçants qui ne peuvent pas acheter à bas prix en Chine. Peut-être... Il y en avait moins autrefois, on pouvait travailler tranquillement ? C'est oublier que le nombre de matériaux, de procédés de fabrication a augmenté et surtout que les marchandises circulent maintenant dans le monde entier au lieu d'être consommées dans un petit rayon géographique. Il y a beaucoup de normes sur le fromage de chèvre, cela a entraîné la disparition de petits producteurs artisanaux qui n'ont pas pu équiper leurs locaux. Peut-être. Mais autrefois le fromage ne circulait pas dans le monde entier, il était vendu le samedi au marché. Moins de risques provoqués par les transports longs, moins de risques de propagation d'une épidémie de fièvre de malte. Et puis la traçabilité était immédiate, on savait à qui on avait acheté.

Cette offensive du gouvernement contre l'excès de normes répond à une logique ultralibérale de la production et du commerce : laissez-nous faire ce que nous voulons et tout ira bien. Non. On peut pour faciliter le travail des promoteurs abaisser le niveau d'exigence des normes sur l'accessibilité des handicapés. Les promoteurs seront contents. Pas les handicapés. On peut, pour satisfaire les industriels et les tenants de l'agriculture intensive, baisser le niveau d'exigence sur les pesticides. Cela n'améliorera pas l'état de santé de la population ni la protection de la biodiversité. Et puis les industriels et PME semblent ne pas comprendre que les normes les protègent eux-mêmes contre la concurrence sauvage, en apportant un peu de civilité dans la jungle.

Je suis vraiment étonné (en réalité pas vraiment) qu'un gouvernement dit de gauche enfourche à ce point les vieilles lunes ultralibérales du laisser faire. Nous avons besoin de normes et de règlements.

Médecine

La ministre de la santé Marisol Touraine a pour projet d'étendre le tiers payant aux médecins. Comme à la pharmacie : vous donnez votre carte vitale, vous n'avancez pas d'argent, le médecin est payé directement par la sécu. Protestations chez les médecins : cela va tuer les médecins généralistes. On ne voit pas pourquoi. Les médecins sont d'un illogisme absolu : ils vivent grâce à un système totalement socialiste, la sécu. Et ils voudraient en même temps avoir les conditions d'un exercice totalement libéral.

Le niveau scolaire baisse ?

C'est une affirmation péremptoire et un avis généralement partagé. Il me semble (j'en ai parlé dans plusieurs lettres précédentes) qu'il faudrait y regarder de beaucoup plus près.

Et puis sommes-nous, adultes, vraiment capables de faire ce que l'on demande aux élèves ?

Deux problèmes de math au brevet, troisième, fin de la scolarité obligatoire :

En 3ème A il y a trente élèves dont 40% de filles. En 3ème B il y a vingt élèves, dont 60% de filles. Si l'on regroupe les deux classes, quel est le pourcentage de filles? Bien sûr comme je vous pose le problème vous vous dites qu'il vaut mieux réfléchir avant de répondre. Mais qu'auriez-vous répondu spontanément ?

Martin possède un enclos dans lequel il y a 18 animaux avec uniquement des poules et des chèvres. Martin dit par téléphone à son petit-fils, qui est très loin : je compte quarante pattes, quel est le nombre de poules et le nombre de chèvres dans mon enclos ? Bon d'accord, c'est le genre de problème qui discrédite les maths auprès des élèves : pourquoi compter les pattes et pas directement les animaux ? On ne sait pas non plus si le petit-fils apprécie ce genre de relations avec son grand-père. Et puis avec l'agriculture intensive il y a de moins en moins d'enclos à 18 bêtes, on va vers les fermes à mille vaches. Et pourquoi mélanger les poules et les chèvres ? Vous savez sans doute résoudre ce problème de façon « intuitive ». Savez-vous aussi le résoudre en écrivant un système de deux équations à deux inconnues ?

Je veux bien que l'on dise que le niveau baisse. Moi, je ne trouve pas si facile ce que l'on demande aux élèves.

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Agriculture : péril en la demeure

Inspirés peut-être par les bonnets rouges les agriculteurs manifestent. Ils estiment que l'excès de réglementation nuit à leur compétitivité. Exemple qui les scandalise : il est désormais interdit de répandre des pesticides à moins de 200 m des maisons de retraite, des crèches et des écoles. C'est vrai, ça, les pesticides ne sont pas dangereux... Comment le gouvernement va-t-il reculer ? Négocier à 100 mètres ? Interdire seulement un ou deux pesticides ? Limiter l'interdiction aux écoles publiques et permettre les pulvérisations autour des écoles privées ? En tout cas le ministre a déjà annoncé que cette interdiction ne serait pas étendue aux habitations : cela prendrait trop d'hectares aux agriculteurs. On croit rêver.

Titre de une du journal Le Monde le 25 juin 2014 : Les pesticides sont responsables d'une hécatombe chez les insectes. « Une étude scientifique dénonce le rôle de certains pesticides dans l'érosion globale de la biodiversité. Outre les abeilles, on assiste à une disparition progressive des insectes et des oiseaux des champs. En cause les insecticides systémiques dits néonicotinoïdes. » Je trouve que les agriculteurs ont raison de protester contre l'excès de réglementation qui les empêche de produire. On a le droit de scier la branche sur laquelle on est assis, et de détruire l'agriculture sous prétexte de la sauver ! Extrait de l'article scientifique qui rend compte de ces résultats : « Nous assistons à une menace de notre environnement agricole et naturel. Loin de sécuriser la production alimentaire l'utilisation des pesticides néonicotinoïdes la menacent en mettant en péril les insectes pollinisateurs qui la rendent possible. » Leitmotiv bien connu de ma lettre [alerte] : pour survivre notre civilisation doit se détruire ! Il y a une erreur logique ? Oui, mais hélas c'est comme cela que nous vivons...

La lecture de la totalité de l'article du journal Le Monde s'impose, si vous y avez accès. Jusqu'à maintenant on savait que les pesticides étaient dangereux pour les abeilles. C'est je crois la première fois qu'une étude prend en compte la dégradation de la biodiversité dans son ensemble.

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Jeux mathématiques : les solutions

Logique et sécurité routière

La réponse que vous attendez tous : certains experts préconisent la baisse de la limitation de vitesse à 80km/h sur les voies bidirectionnelles. Les associations qui se nomment elles-mêmes de défense des automobilistes (des automobilistes encore vivants) protestent : une telle mesure créera des accidents car les automobiles ne pourront plus doubler les poids-lourds. C'est, je pense, une faute de logique. Sauriez-vous me dire laquelle ? Supposons la vitesse limitée à 80 : si le camion roule à moins de 80, rien n'empêche de le doubler. Et s'il roule déjà à 80, il n'y a pas à le doubler puisque la vitesse est limitée à 80.

Règlements sportifs

Lu dans une fête : « La pratique de ce sport est interdite aux enfants de moins de 13 ans ET de moins de 1,5 m. » Question : les organisateurs ont-ils vraiment dit ce qu'ils voulaient dire ? Réponse : non. En fait c'est plus simple lorsqu'on exprime la règle en positif : pour pratiquer ce sport il faut avoir plus de 13 ans ET plus de 1,5 m. Il faut remplir les deux conditions. Mais si l'on veut s'exprimer en négatif, la pratique est interdite à partir du moment où l'une des conditions n'est pas remplie : c'est interdit si l'on n'a pas treize ans OU si l'on n'a pas 1,5 m. (Ou alors). C'est interdit à partir du moment où l'une des conditions n'est pas remplie.

Si l'on exprime cela en formalisme mathématique, on dit que la négation de A ET B est NON A OU NON B

C'est une faute de logique très courante.

Autre exemple : je sors si c'est dimanche ET s'il fait beau. (Il faut les deux conditions pour que je sorte : ET)

Je ne sors pas si ce n'est pas dimanche OU (ou alors) s'il ne fait pas beau. Par exemple si c'est mardi et qu'il fait beau je ne sors pas (on n'est pas dimanche). Et si c'est dimanche et qu'il pleut je ne sors pas (il ne fait pas beau.) Je ne sors pas à partir du moment où l'une des deux conditions n'est pas remplie. (OU).

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Israël, Onu et colonisation

Israël s'apprête à diriger un comité spécial des Nations Unies sur la décolonisation. Cette commission aura entre autres à s'occuper des droits du peuple palestinien dans les territoires occupés. Occupés par qui ? Par Israël ! Le fait que Israël occupe de nombreux territoires en Palestine est considéré comme illégal au regard du droit international défini par l'ONU. Alors que Israël s'apprête à construire 3000 nouveaux logements en Cisjordanie et Jérusalem Est occupées, le secrétaire général de l'ONU a invité Israël à suspendre la colonisation et a réaffirmé que la construction de nouveaux logements dans les territoires occupés est illégale au regard du droit international. La nomination d'Israël à la vice-présidence d'une commission chargée de la décolonisation est donc, c'est le moins qu'on puisse dire, déroutante ! Fidèles à leurs « principes » les Usa soutiennent sans équivoque la nomination d'Israël.

Rappel : je suis partisan de l'existence de deux états, Israël et la Palestine, vivant dans des frontières sures et reconnues. Mais cela n'empêche pas de critiquer résolument la politique menée par le gouvernement actuel de l'état d'Israël.

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Éducation : chronique d'un nouvel échec annoncé

Ce paragraphe est écrit de façon lapidaire, sans trop expliquer ou justifier. Prenez-le comme l'expression d'une réaction à développer. En fait ce texte s'adresse pour l'instant à ceux qui connaissent déjà un peu les questions abordées.

Le gouvernement, avec Peillon, avait commencé avec des projets intéressants pour l'éducation nationale. (La refondation.) Les pressions des corporatismes (parents, syndicats conservateurs) l'ont conduit à reculer largement : aménagements du dispositif concernant les activités périscolaires, recul en rase campagne sur le socle commun.

On annonce une décision qui me fait m'étouffer d'indignation : le retrait probable des ABCD de l'égalité filles-garçons. Cet ensemble de documents pédagogiques vise à l'éducation des élèves contre les préjugés sexistes. Ils ont été expérimentés dans de 275 écoles. Ces documents ont été l'objet de la part des sympathisants de la manif pour tous d'attaques haineuses, mensongères. On a accusé les ABCD de vouloir convaincre que c'est à chacun de choisir s'il est fille ou garçon, d'inciter à l'homosexualité, de conduire les instituteurs à apprendre aux enfants de maternelle à se masturber. Face au déferlement de mensonges la riposte du gouvernement a été faible. Tout laisse supposer que le gouvernement va capituler devant de déferlement de haine et retirer du circuit les ABCD. Je suppose que la prochaine étape consistera à retirer tout ce qui permet de lutter contre le racisme. Comme le dit le site Mediapart, « les obscurantistes ont gagné. »

Bon, revenons à nos moutons. En panne de réforme, le ministère choisit de lutter contre les méfaits de l'évaluation à la française. C'est une certitude qui n'est guère à démontrer : en France l'évaluation est surtout fondée sur un classement, une recherche de la performance, une mise en valeur de la concurrence plus que sur l'évaluation de ce que chacun a appris et est capable de mobiliser. Une telle réflexion, une telle évolution sont capitales pour l'avenir de l'école française et la recherche d'une école moins inégalitaire. Patatras ! Partant d'une bonne idée, la communication du ministère polarise d'emblée le débat sur les notes, ce qui n'est qu'un tout petit aspect, presque secondaire, des questions concernant l'évaluation. Et pof, bien sûr, la machine démarre : un sondage montre que les ¾ des sondés sont pour les notes, les accusations visant le ministère pour laxisme fleurissent déjà. Parti comme cela, ce travail pourtant capital n'a aucune chance d'aboutir. Sauf si par je ne sais quel miracle le ministère parvient à expliquer clairement à l'opinion publique les enjeux de la question.

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Science et croyance

C'est un thème que j'aborde souvent : les développements des connaissances ne suffisent pas à lutter contre les croyances. Je recopie quasi in extenso, avec quelques coupures et quelques modifications, un article extrait de la revue La recherche, numéro spécial juillet août 2014 « La réalité n'existe pas »

Article de François Louis, journaliste

Le 17 janvier 2014 un paisible couple de retraités dans un petit village rameute ses voisins : la vierge en plâtre, sur la cheminée depuis 15 ans est, disent-ils, soudainement devenue lumineuse. […] Après quelques reportages à la télévision des centaines de personnes se pressent chaque jour. Tout le monde veut croire au miracle. […] En touchant la statue avec ses mains un villageois a guéri son eczéma. Le maire commande une expertise universitaire.[...] Cinq laboratoires sont mobilisés : chimie, minéralogie, prévention des radiations, optique physique, archéométrie. […] Le rapport tombe : pas de miracle, la statue est recouverte d'un enduit à base de sulfure de zinc, procédé bien connu. L’évêché accepte le verdict, mais le curé et les villageois rejettent la lumière des chercheurs, ils préfèrent celle de la vierge. Le maire a « escamoté » la statuette pour rétablir le calme. L'erreur de l'université fut sans doute aussi grande que celle des dévots. Au lieu de faire appel à des chimistes et à des physiciens, elle aurait dû faire appel à des psychologues et à des sociologues. Le mystère dans cette affaire n'est pas la luminosité de la statue, c'est ce besoin de merveilleux que la science ne peut tarir.

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Fin de la lettre du 2014 6 28/28 juin 2014

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