[alerte] - JM Bérard - 14 juin 2014

Sommaire

A savourer

Flash spécial Jacques Toubon : appel à la nuance

6 juin 44

Edgar Morin : ils n'ont pas su voir

Un peu de sciences : deux jeux mathématiques pour vous

* Logique 

* Probabilité

Au fil des jours

* Ils meurent, c'est bien leur faute

* La politique défaitiste de F. Hollande

* Choix difficiles

* Lutter contre les ides du FN

Droit à l'oubli sur internet, version 2 du 14 juin 2014

Droit à l'oubli : éléments de réflexion


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La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître. Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître et, dans ce clair- obscur, surgissent les monstres. Gramsci

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A savourer

* Recommandé par vous :

- L'exposition Paris 1900 au petit palais à Paris

- L'exposition Le pèlerinage à la Mecque à l'institut du monde arabe à Paris

- Les Lilas : métro mairie des Lilas, Le Triton le 27 juin à 21hwww.letriton.com

Christian Vander le batteur mythique de Magma développe avec son quartet une sonorité très personnelle, dense, intense, à travers des interprétations pleines d'émotion et de ferveur de la musique d'Elvin Jones, le batteur légendaire de John Coltrane

- Association AVEC Fontcouverte (près de St Jean de Maurienne en Savoie) le 13 juin : dernière rencontre culturelle de l'année, projections de films documentaires sur Fontcouverte par P. Robinet. Je sais, la date est passée. Je reconnais bien votre mauvaise foi : y seriez-vous allés si je l'avais signalé à temps ?

* Déjà dit

- L'émission « Carnets de campagne », à 12h30 sur France inter

- L'émission « Sur les épaules de Darwin » le samedi à 11h sur France inter

* Je n'y suis pas encore allé mais je compte le faire

Art robotique, cité des sciences Paris, jusqu'au 4 janvier 2015

Appel à tous : si, influencés ou non par mes conseils, vous avez participé à l'un des événements que je signale, envoyez-moi un retour, je le publierai. Et aussi signalez m'en d'autres.

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Flash spécial Jacques Toubon : appel à la nuance

Je vous ai envoyé le 13 6 2014 un flash spécial protestant contre la décision de F. Hollande qui a proposé la nomination de J. Toubon comme défenseur des droits. Je rappelais des étapes de l'itinéraire de Toubon qui rendent étonnante cette proposition. J'ai reçu peu de réactions, toutes approuvant mon article, sauf l'un de vous qui m'appelle à la nuance : certains aspects du cursus de Toubon méritent l'estime. Je fais la synthèse du message et des documents qu'il m'a envoyés :

Jacques Toubon est toujours à la direction de la cité nationale de l'histoire de l'immigration, voulue par J. Chirac. « Pour prendre la tête de la mission de préfiguration, le président Chirac choisit Jacques Toubon. L'objectif n'a pas varié : concevoir un musée sur l'histoire de l'immigration, stimuler la recherche, nourrir les programmes éducatifs et animer le vaste réseau associatif spécialisé. M. Toubon se passionne pour le projet. D'abord surpris par cette nomination, historiens et responsables associatifs saluent la pertinence du choix. Le fin politique met à profit ses talents de négociateur et l'ampleur de ses réseaux. » Le Monde

Sarkozy n'était pas favorable à cette institution, mais Toubon a tenu bon. Le président Sarkozy et son gouvernement boudent l'inauguration. (« Cette nouvelle Cité, qui consacre l'apport de l'immigration à l'histoire de la France, ne sera inaugurée en octobre 2007 ni par le président Sarkozy ni par le ministre de l'immigration, Brice Hortefeux. »). Toubon est toujours à la tête de l'institution, soutenu directement ou indirectement par de nombreux chercheurs et associations. Cela peut nuancer le jugement que l'on porte sur la décision de F. Hollande.

Merci pour cette réaction.

Bon. Mais tout de même. Quitte à nommer quelqu'un de droite (pourquoi pas?) pourquoi nommer Toubon, et pas d'autres dont le nom circulait et dont le cv prêtait moins au doute sur une nomination en tant que défenseur des droits ?

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6 juin 44

Anniversaire du débarquement du 6 juin 44 sur la plage de Ouistreham. Les dirigeantdes pays concernés sont dans la tribune avec leur oreillette, le président Obama mâche du chewing-gum (vieille tradition datant de la libération, qui a permis aux soldats US d'être accueilli triomphalement), le président Hollande a l'air d'avoir les larmes aux yeux. Les anciens combattants, que l'on a pris en France la curieuse habitude d'appeler du terme anglais « vétérans », sont dignes, avec leurs médailles. Une très belle chorégraphie symbolise les étapes de la guerre, du débarquement et et de la libération, des films documentaires solides et un commentaire élaboré illustrent l'ensemble. Beau travail. Le DVD se vendra sûrement très bien. De temps en temps les personnalités applaudissent, sans que l'on sache bien si elles sont sensibles à la beauté de la chorégraphie ou aux événements évoqués. A la fin, un ancien combattant allemand et un ancien combattant français se retrouvent, ils sont vivants et sont devenus amis. L'hymne européen retentit, symbole de paix. « Oh quel magnifique rêve vient illuminer mes yeux... » Quel beau spectacle ! Selon la journaliste de la télé, le prince Williams (futur roi d'Angleterre et donc homme politique avisé !) et son épouse ont « apprécié le spectacle » ! (Heureusement, au prix où ça coûte...) Après les horreurs du nazisme, l'extermination des juifs et des roms, heureusement les pays démocratiques et l'URSS se sont alliés pour vaincre Hitler. Honneur à ceux qui ont participé à ce combat, quel courage et quelle droiture il leur a fallu. 50 millions de morts, de nombreux civils morts dans les bombardements des villes. L'humanité traîne cette folie meurtrière qu'est la guerre depuis ses débuts, et l'on constate dans le monde actuel que c'est loin d'être fini. Mais tout de même, quel beau spectacle. C'est ce que l'on appelle le devoir de mémoire.

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Edgar Morin : ils n'ont pas su voir

Je prends avec gravité cette analyse, cet appel, ce cri d'alarme inexorable de Edgar Morin dans Mediapart le 8 6 2014.

Cet article n'étant accessible que sur abonnement, j'ai enlevé un paragraphe pour pouvoir soutenir que je n'ai fait qu'une citation partielle. Un peu limite sur le respect du droit d'auteur, mais cet article m'a paru si important... J'attire votre attention. Il est rare que je publie dans [alerte] l'expression d'une pensée aussi importante. Chaque phrase, chaque mot porte et nous interpelle.

Edgar Morin Mediapart 8 6 14

« Éloignés du peuple, le peuple s’est éloigné d’eux » : compagnon aussi fidèle que critique de la gauche depuis toujours, Edgar Morin lance sur Mediapart une alerte passionnée sur l’aveuglement des somnambules qui nous dirigent et nous gouvernent.

Edgar Morin : Ils n’ont pas su voir le lent dépérissement du peuple de gauche, éduqué sous la Troisième République par les idées issues de la Révolution française, assumées et développées par le socialisme, réassumées après 1933 par les communistes, propagées par les instituteurs de campagne, les enseignants du secondaire, les écoles de formation du PS et du PC. Ils n’ont pas perçu le vide que laissait la mort du radical socialisme, la dévitalisation du PS, la désintégration du PC.

Ils n’ont pas su voir le vide de leur pensée politique, désormais à la remorque des dogmes pseudo-scientifiques du néo-libéralisme économique, s’accrochant aux mots gris-gris de croissance et de compétitivité.

Ils n’ont pas réfléchi sur les angoisses de plus en plus corrosives suscitées par les incertitudes et menaces du présent, la crise économique s’insérant dans une crise de civilisation, la perte d’un espoir dans le futur.

Ils n’ont pas su voir la mort d’une époque avec la fin des paysans, le déracinement généralisé, la perte de repères, la crise de la famille, la corrosion des précarités et des incertitudes, et leur impact sur des consciences troublées se fixant sur le fantasme d’une invasion migrante d’Africains, Maghrébins et Roms.

Ils n’ont pas rétroactivement découvert que la France était multiculturelle tout au long de sa formation historique qui engloba les ethnies les plus diverses, bretons, basques, catalans, alsaciens, flamands, etc., et que les implantations de nouveaux immigrants prolongeaient cette multiculturalité.

Éloignés du peuple, le peuple s’est éloigné d’eux.

Enfermés dans les calculs qui masquent les réalités humaines, ils n’ont pas vu les souffrances, les peurs, les désespoirs des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux qui conduisent si souvent au délire.

Ils ont vécu pensé et agi dans les mondes clos de l’énarchie, de la technocratie, de l’éconocratie, de la fricocratie.

Ils ont fermé les yeux sur l’inexorable croissance des inégalités de l’école jusqu’à la fin de vie, provoquées par la « mondialisation heureuse » d’Alain Minc, laquelle crée de nouvelles pauvretés et transforme des pauvretés en misère.

Ils ont fermé les yeux sur la domination insolente de la finance qui a réussi à noyauter les états-majors politiques y compris dans le gouvernement PS.

Ils n’ont pas vu la progression d’un vichysme rampant, issu d’une deuxième France qui fut monarchiste, antidreyfusarde, anti-laïque, xénophobe, antisémite, raciste, toujours dans l’opposition jusqu’à l’effondrement national de 1940, décomposée en 1944, aujourd’hui recomposée dans le dépérissement républicain et la crise de notre temps.

Ils ont toujours voulu croire que le Front national resterait figé au dessous de 20% alors qu’il devenait de plus en plus visible non seulement que le bleu Marine gagnait sur l’opinion de droite, mais qu’il s’implantait dans les sphères populaires et ouvrières qui furent les bastions communistes et socialistes.

Ils ont été incapables de voir que l’Europe bureaucratisée de Bruxelles, paralysée politiquement et militairement, survivait au bord de la décomposition sans qu’ils puissent concevoir ou imaginer la métamorphose régénératrice.

Y a-t-il eu victoire du parti des abstentionnistes, désormais majoritaires ? Y a-t-il eu victoire du Front National ? L’un et l’autre ? L’un dans l’autre ? En tout cas défaite pour la République, défaite pour la démocratie, faillite pour le Parti socialiste.

[…] (Paragraphe supprimé pour citation partielle, pourtant aussi important que les autres...)

Ne sommes nous pas en train de suivre somnambuliquement de nouveaux somnambules, en attendant de nouveaux désastres ?

Le mal du XXème siècle s’est annoncé en 1914. Le mal du XXIème siècle s’annonce dans l’accumulation des nuages noirs, les déferlements de forces obscures, l’aveuglement au jour le jour.

Et pourtant dans ce pays il y a des forces régénératrices se manifestant en associations, initiatives de toutes sortes dans les villes et les campagnes. Mais elles sont dispersées. Bien que le salut dépende de la convergence de leurs actions, elles n’arrivent pas à faire confluer chacune de leurs voies en une Voie commune et ainsi elles restent sans Voix.

Il est temps que s’expriment les Voix qui indiqueront la Voie de salut.

Je cite à nouveau l'avant dernier paragraphe :

« Et pourtant dans ce pays il y a des forces régénératrices se manifestant en associations, initiatives de toutes sortes dans les villes et les campagnes. Mais elles sont dispersées. Bien que le salut dépende de la convergence de leurs actions, elles n’arrivent pas à faire confluer chacune de leurs voies en une Voie commune et ainsi elles restent sans Voix. »

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Un peu de sciences : deux jeux mathématiques pour vous

Je vous propose deux jeux, l'un portant sur la logique, l'autre sur les probabilité. Je ne donne pas les réponses, ce sera pour le numéro suivant. Je vous suggère d'essayer posément. Je ne souhaite pas vous juger ou vous classer, mais si, avant la prochaine lettre certains de vous m'envoient leurs réponses cela me permettra de faire une analyse plus pertinente en vous donnant la solution. Comment enseigner les maths pour ne pas dégoûter les gens ?

* Logique 

Authentique : dans une fête populaire, un parcours d'acrobranches. Les organisateurs n'admettent que les enfants assez âgés et ayant un gabarit suffisant. Ils ont donc affiché l'avertissement suivant : « le parcours est interdit aux enfants ayant moins de 13 ans et mesurant moins de 1,5 m. » Cette affiche n'exprime pas du tout ce que veulent les organisateurs. Pourquoi ? Qu'auraient-ils dû écrire ? Pourquoi l'ont-ils écrit comme cela ?

Au fond, qu'est-ce qu'on en a à faire, tout le monde comprend ! Sauf si les organisateurs sont attaqués en justice suite à un accident. Et puis cette faute de logique est très courante. Pour pouvoir avoir des débats clairs entre citoyens, ne vaudrait-il pas mieux se fonder sur la même logique ?

* Probabilité

Une famille a deux enfants, l'un est un garçon, quelle est la probabilité pour que l'autre soit une fille ? Pour vous aider : spontanément tout le monde y compris moi répond « Une sur deux ». Eh bien non.

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Au fil des jours

* Ils meurent, c'est bien leur faute

Un immeuble brûle à Aubervilliers, des morts, des blessés.

L'immeuble est miteux : installations électriques dangereuses, fuites d'eau, personnes vivant entassées à dix personnes dans une pièce. L'immeuble appartient à un propriétaire privé. Il a déjà brûlé l'an passé. La mairie est alertée depuis des années, mais que peut-elle faire ? Déclarer l'immeuble insalubre ? Il est pourri mais pas en assez mauvais état pour être légalement déclaré insalubre. Et puis si l'on expulsait, où reloger les gens ?

En tout cas la police semble avoir trouvé la solution et a fait « fuiter » la vérité  : c'est la faute des habitants de l'immeuble. Il y a de forts conflits entre eux, l'un des habitants a mis le feu pour se venger de son voisin. C'est leur faute. On lance donc une procédure pour incendie volontaire. A supposer que ce soit vrai, n'y aurait-il pas eu moins de morts et de blessés si les conditions de sécurité avaient été remplies et si les gens ne logeaient pas entassés à dix dans une pièce ? Peut-être même, on peut rêver, y aurait-il moins de conflits entre eux si les conditions étaient meilleures ? Allez, ne soyez pas angéliques, c'est leur faute. Ces gens ne sont pas civilisés, ils préfèrent vivre à dix dans une pièce.

Dernière minute le 9 juin 2014 à 18 h : c'est un garçon de douze ans qui a mis le feu dans le local à poussettes. On a raison de le sanctionner, mais pourquoi ne pas mettre en examen aussi le propriétaire de l'immeuble et le maire de la commune ? Vous rigolez ! Ils se tuent entre eux, le propriétaire et le maire n'ont rien à faire là-dedans !

Dernière dernière minute le 10 juin 2014: France inter a trouvé un angle d'analyse ! On ne parle plus du propriétaire qui a loué des espaces pourris et sur-occupés On met en cause la justice des mineurs : selon la loi française, un enfant de moins de 13 ans n'est pas passible d'une mise en cause pénale. On a des tas de sanctions possibles, mais il n'ira pas en prison ! Scandale ! Je n'ai pas la place ici pour faire une analyse historique de la justice des mineurs en France depuis la libération. Rappelons-nous seulement que N. Sarkozy était très agacé par les « privilèges » dont bénéficiaient les mineurs et avait créé un tribunal correctionnel pour mineurs. Que croyez-vous qu'il advint ? Après un débat confus à l'assemblée nationale, la majorité PS a eu peur d'être taxée de laxisme et a maintenu les tribunaux correctionnels pour mineurs. Exit une fois de plus l'esprit du conseil national de la résistance.

Cela dit... Il est sûr que si l'on mettait le garçon en prison pour un temps suffisant, il ressortirait l'esprit droit, honnête et purifié, ayant pris conscience du bien et du mal et ne songerait pas à sombrer dans la récidive et la délinquance. C'est du moins ce que pensent les partisans du « tout carcéral ».

* La politique défaitiste de F. Hollande

Libération, 5 juin 2014, Eric Decouty : « Le projet de loi pénale, la réforme territoriale et celle des rythmes scolaires ont un point commun. Elles illustrent jusqu'à la caricature la capacité du pouvoir socialiste à déformer, (déformer, pas réformer), à réduire et même à abîmer ses ambitions les plus vertueuses. […] Les dégâts faits par les petits renoncements du pouvoir ne se rattraperont pas. […] François Hollande et Manuel Valls ont la responsabilité de ne pas céder […] avant tout parce que les réformes engagées sont justes. » Je suis enchanté : je ne délire pas totalement, il y a au moins une personne qui a la même analyse de la situation que moi. Mais je suis désolé : tout comme moi, cette personne ne propose aucune solution, sauf à croire que, par miracle, les écailles tomberaient des yeux de Hollande.

* Choix difficiles

Station de métro Châtelet. Il pleut comme vache qui pisse. (J'utilise cette expression car vu la diminution de la ruralité bientôt personne ne la comprendra plus. Je ne sais pas si en Afrique on dit il pleut comme éléphant qui pisse. De toute façon avec le braconnage et le réchauffement climatique, il n'y aura bientôt plus en Afrique ni éléphant ni pluie.) Trois jeunes gens se postent à la sortie et proposent des parapluies à 5 euros. J'en achète un, en disant « C'est une bonne idée ». Une dame, sans doute commerçante, n'est pas d'accord et me dit « C'est du travail au noir. » C'est vrai, je n'y avais pas pensé. En plus les parapluies sont peut-être volés. Me voici complice de travail dissimulé, peut-être receleur, mais sec. Dur, le respect des lois...

* Lutter contre les ides du FN

Un message reçu par mail :

Connaissez vous Désinvox, la première émission sur YouTube qui décortique et démonte le programme et le discours du FN? C'est l'initiative de quatre jeunes d'Indre et Loire qui parviennent, tous les mois, à rassembler plusieurs milliers de personnes autour de ce programme qui se veut un outil d'éducation populaire au service de la lutte contre le FN, en même (temps ?) qu'un objet de divertissement drôle et dynamique.

Désinvox est un projet totalement amateur qui ne bénéficie pas de relais médiatique ou d'aides publicitaires. Pour que cette émission puisse vivre, il faut qu'elle soit diffusée au plus grand nombre. C'est pourquoi nous contactons tous les groupes militants luttant contre l’extrême droite possible, pour faire connaître notre émission, en espérant que vous la transmettrez à vos réseaux de militants, et que vous la partagerez sur les réseaux sociaux.

Voici donc notre dernier épisode : http://www.youtube.com/watch?v=WXF1CdJk2Bg

N'hésitez pas, par ailleurs, à nous faire part de vos commentaires et critiques. C'est aussi grâce à ça que nous pourrons devenir encore plus efficaces.

Bon voilà. En fait je me demande si ce type d'arguments peut convaincre d'autres personnes que les gens déjà convaincus. D'une part, c'est une réponse construite entre gens déjà convaincus, alors qu'il faudrait construire les réponses en argumentant réellement avec de vrais partisans de ces thèses. D'autre part c'est surestimer la place que peut avoir le rationnel dans la lutte contre les croyances. Mais bon, cela vaut le coup d'essayer. En cliquant sur le lien vous vous ferez une idée par vous-mêmes et surtout vous soutiendrez des adversaires du FN. C'est déjà ça. Qu'en pensez-vous ?

Rappel : beaucoup de gens dont peut-être vous pensent qu'il y a beaucoup plus de naissances les nuits de pleine lune, alors que aucune étude, aucun nombre ne confirme cette croyance. Il n'y a pas plus de naissances les nuits de pleine lune, mais le rationnel ne suffit pas à combattre la croyance. Alors essayez donc de convaincre une personne sensible aux idées du FN que les immigrés ne prennent pas le travail des gaulois et que la « montée » de l'islam ne menace pas notre civilisation.

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Droit à l'oubli sur internet, version 2 du 14 juin 2014

Ce texte a été publié il y a une semaine sur d'autres supports. Cette version 2 tient compte de quelques unes des réactions exprimées sur la version 1. Merci aussi de vos réactions, ce texte exprime une réflexion en cours, non « bouclée ».

Dans un arrêt, la cour de justice de l'union européenne a condamné Google et les moteurs de recherche en général à prendre en compte les demandes des personnes qui font valoir le « droit à l'oubli » (en fait droit à la désindexation) et qui estiment que les informations qui les concernent sont inadéquates, excessives ou périmées. (En voilà des critères qu'ils sont précis !) La substance de l'arrêt de la CJUE est le suivante : Le plaignant fait une demande au moteur de recherche (pour l'instant Google a mis en place cette possibilité) et après avoir étudié la pertinence de la requête cette entrepirse enlève l'information incriminée des résultats que donne son moteur de recherche.

La question du droit à l'oubli rentre dans un ensemble plus large : celui de la transparence de la société. Aux États-Unis, l'idéologie dominante est que la société doit être transparente, de ce coté de l'Atlantique la tradition de pensée est qu'une société totalement transparente n'est pas démocratique, que chacun y vit sous le regard de l'état, des institutions et de tous les autres, et qu'il faut, quelles que soient les exigences sociales, préserver à chacun un espace de liberté.

Les questions qui se posent à ce sujet sont donc bien réelles. Simplement je regrette que la CJUE ait tranché à la hache, par un petit bout (le droit à l'oubli) en ne prenant pas en compte l'ensemble, en n'organisant pas de réflexions sérieuses. Le présent article qui porte sur le droit à l'oubli est plutôt défavorable à cette notion, mais cela ne dispense pas d'une réflexion plus générale prenant la forme d'un vaste débat public argumenté, qui reste encore, à ma connaissance, à organiser,

En deux semaines suite à l'arrêt de la CJUE Google a déjà reçu des dizaines de milliers de demandes.

Cet arrêt de la CJUE est généralement salué positivement par ceux (associations, journalistes, particuliers) qui s'intéressent à l'internet. Le droit à l'oubli est un vieux marronnier.

Personnellement, je suis, en l'état, contre cette décision prise, tant elle est floue et dangereuse.

Première raison : Google et les moteurs de recherche sont des moteurs de recherche. Malgré l'argumentation de la CJUE on ne doit pas leur confier le soin de censurer les résultats de leurs propres recherches. Les moteurs balaient la toile, et ce que l'on attend d'un moteur de recherche est qu'il livre les résultats de ses recherches. On en est hélas déjà bien loin : les algorithmes qui permettent à Google de classer les résultats sont secrets, on ne sait pas du tout sur quels critères tel résultat apparaît en N°1. De plus (cf une lettre [alerte] précédente), le web sémantique va aggraver les choses, en remplaçant une recherche rationnelle par une prise en compte de ce que pense la majorité, grâce aux big data. On voit déjà, dans certains pays non démocratiques, les ravages que provoque le droit que se donnent les gouvernements de demander à Google de censurer ses résultats.

Si des renseignements nuisant à une personne, ou des sites illégaux (révisionnisme, pédophilie) sont trouvés par le moteur, c'est au site qu'il faut s'en prendre, pas au moteur qui indexe le site. S'en prendre au moteur ouvre la porte à toutes les censures. Je pense donc que les personnes qui se sentent lésées doivent saisir la justice et attaquer le ou les sites où se trouvent les informations incriminées pour en demander la suppression. Le problème est qu'il est techniquement difficile ou impossible d'exécuter cette décision. Il me semble donc que, une fois le site condamné par la justice, le tribunal peut utilement ajouter une injonction aux moteurs de recherche d'avoir à désindexer le site. C'est tout à fait différent de la procédure mise en place par la cour de justice : on saisit la société qui gère moteur de recherche, et, sur des critères fort vagues, cette société décide ou non de désindexer l'information. Voici un magnifique exemple de création d'une justice privée !

Deuxième raison : je suis très méfiant devant la notion de droit à l'oubli, qui va permettre à tout un chacun de réviser son passé, alors même que le public a peut-être droit à l'information dont on demande la suppression. Va-t-on voir disparaître au fil des années tel ou tel aspect de mes engagements politiques ou sociaux sous prétexte que me évolutions personnelles font que ces traces sont devenues gênantes ? Quelle aubaine pour les falsificateurs de l'histoire, les personnes (publiques ou non) au passé gênant. Quiconque aura le droit, en fonction de ses propres louvoiements, de gommer des pans entiers de la vérité historique. La CJUE est elle-même très gênée, comme le montrent les motivations alambiquées de son arrêt :

Extrait de numérama, 13 mai 2014 : « Cependant Google est dans une position délicate, car la CJUE reconnaît que ce "droit à l'oubli" se heurte au droit à l'information des citoyens, qui peuvent avoir un intérêt légitime à rechercher et trouver une information sur un tiers. Aussi, la Cour demande à Google d'apprécier au cas par cas les requêtes, en vérifiant que les informations à censurer n'ont pas un intérêt public particulier. » fin de citation de numérama.

Pas de droit à l'oubli pour les informations d'intérêt public :

Citation de la CJUE : "Les liens vers des pages web contenant ces informations doivent être supprimés de cette liste de résultats, à moins qu’il existe des raisons particulières, telles que le rôle joué par cette personne dans la vie publique, justifiant un intérêt prépondérant du public à avoir, dans le cadre d’une telle recherche, accès à ces informations", écrit la CJUE. L'appréciation doit se faire au regard de "la nature de l’information en question et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que de l’intérêt du public à recevoir cette information".

C'est tout de même un drôle d'arrêt : on confie aux moteurs le soin de désindexer, sur des critères totalement flous et sans faire appel à une instance judiciaire. Création d'une justice privée. Gageons que les personnes gênées par leur passé vont user et abuser du formulaire de demande de droit à l'oubli. Gageons aussi que Google ne va pas se précipiter pour répondre. Dans ce cas les intéressés feront appel à la justice. C'est ce que la CJUE aurait dû décider dès le départ, en visant les sites et pas les moteurs de recherche.

Je suis très surpris que les commissions nationales de l'informatique et des libertés européennes saluent positivement cet arrêt, qui porte en germe d'énormes risques pour les libertés.

Va-t-on aussi demander aux journaux papier de supprimer leurs archives si un article dérange un particulier ?

Une réaction de l'une de vous : Par contre le droit à l'oubli n'est pas du tout un concept/droit nouveau, il ne trouve ici qu'une modalité particulière d'application. C'est sur lui que repose "off line" toutes les prescriptions : ex. 1 an pour contester une facture téléphonique, condamnations pour tel type de crime pour tant de temps seules dans le bulletin n° 3 du casier judiciaire, décision de la CNIL non remise en cause par une loi ultérieure de durées de conservation raccourcies dans les fichiers de police pour les infractions commisses par des mineurs,et dans la loi informatique et liberté depuis le début le principe des  données exactes et non périmées, de durée de conservation des données que le temps nécessaire à la réalisation de la finalité  etc. Non, je ne suis pas du tout d'accord avec cette analogie. Il y a effectivement en droit français des délais de prescription des crimes et des délits. On estime que au bout d'un certain temps la connaissance précise des faits s'estompe, et qu'il ne serait pas fiable de poursuivre sur la base de faits très anciens. Mais le droit à l'oubli n'a aucun rapport avec cela : dans le droit à l'oubli c'est la personne elle-même qui demande la suppression de la connaissance de faits qu'elle estime gênants. Qui plus est, dans l'arrêt de la CJUE cette suppression est faite sans intervention de la justice publique.

Une réaction de l'un de vous :Imagine-t-on que l'on puisse reprocher à quelqu'un dans la cinquantaine sa conduite, lorsqu'il avait 20 ans ? Reprocher, je ne sais pas. Mais on peut poser la question autrement : imagine-t-on que tout un chacun va pouvoir constamment au fil de sa vie reconstruire sa propre histoire ? Cela me choque, et c'est pourquoi je suis plutôt contre une idée générale de « droit à l'oubli » en dehors de règles précises, limitées et clairement définies.

Peut-être y a-t-il des cas où le droit à l’oubli s'impose, sur des situations auxquelles je n’ai pas pensé. Mais je voudrais que cela soit défini de façon sérieuse, en faisant appel entre autres à des historiens des philosophes, des sociologues, et sans limiter à  l’internet. (Archives des journaux, des radios, de la télé...) Je me méfie du consensus actuel, qui n’interroge pas vraiment la notion en cause.

Non décidément, je suis contre l'intervention d'une justice privée en matière de contenus de l'internet, et je suis contre un « droit à l'oubli » défini de façon aussi vague.

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Droit à l'oubli : éléments de réflexion

Sur cette question, j'ai demandé l'avis d'un ami historien compétent. Il n'a pas pour l'instant suffisamment réfléchi à la question. J'aurais pourtant bien aimé, ce serait un beau sujet d'examen : histoire et droit à l'oubli.

Il me donne un cadre de référence juridique sur l'état de l'art actuel, que je vous communique. Merci à lui d'avoir fait tout cela en un temps aussi bref.

Je ne vois pas  de “droit à l’oubli”; je vois deux situations:

1 L’amnistie, vieille  histoire; le premier cas est en 403 av JC à Athènes, après la chute de la  dictature imposée par Sparte à Athènes vaincue dans le guerre du  Péloponnèse: le jeu de mots amnistie-amnésie a été fait alors, puisqu’il  était interdit de faire mention des actes des uns et des autres. Il y a les  amnisties françaises après la Commune, après l’Affaire Dreyfus (pour couvrir  l’Etat Major) après la 2e guerre mondiale, après la guerre d’Algérie (une loi post guerre d’Algérie  interdit les poursuites, voire l’information sur les faits.) A l’étranger je ne sais guère (sauf en RFA vers 1950, et l'amnistie  octroyée par Gerald Ford à Nixon après sa démission) ; ce sont des lois de  circonstances, guidées par le souci de pacifier, par la raison d’État, pas  des lois fixant des droits; en outre cela concerne des faits susceptibles de  poursuites pour délits ou crimes. Idem il y a eu des lois d’amnistie votées  par l’Assemblée nouvellement élue (généralement au printemps, ça permettait  de vider un peu les prisons), de quand date le dernier cas ?
Mais nous  sommes toujours dans le collectif et dans des peines, pas dans un droit à  l’oubli individuel

2 L’oubli judiciaire. Le droit français établit  la prescription, avec des délais différents pour les contraventions, délits  et crimes. C’est pourquoi en 1964 il a fallu voter en hâte (en France, et je  crois en Allemagne) l’imprescriptibilité des crimes de guerre, et poursuivre  encore les anciens nazis (Barbie) et consorts (Touvier), puis décider  ensuite l’imprescriptibilité générale des crimes contre l’humanité. De même  passé un délai ( le même que pour la prescription ?) le casier judiciaire  est nettoyé des délits (et crimes ?), ce qui pose le problème du fichier STIC qui lui est accusé d’être mal ou pas “nettoyé”. Il faudrait que je revoie dans Les Misérables le cas de Jean Valjean. Et les pays de  Common Law (UK, USA) ignorent la prescription, cf le cas de Roman Polanski  toujours sous le coup de poursuites aux États Unis trente cinq ans  après.

3 Je veux bien croire que Google  permet en un clic de faire revenir à la surface des masses de faits qui  sinon resteraient enfouis, ou déterrés en petites quantités. Cela change  l’ampleur du phénomène de vieilles histoires déterrées, mais est ce que cela  change la nature de la question ?

Je ne peux pas tirer dans un sens ou dans un autre ce texte que mon ami estime provisoire. Constatons tout de même que, dans ce qui vient spontanément à l'esprit d'un historien à qui l'on demande d'écrire quelques lignes en très peu de temps (merci encore) le droit à l'oubli demandé par quelqu'un qui s'estime gêné par son passé n’apparaît pas du tout.

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Fin de la lettre du 2014 6 14 /14 juin 2014

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