[alerte] - JM Bérard - 25 mai 2014

Sommaire

Plus belle la vie

Drones

Protection des données personnelles

Au fil des jours



Plus belle la vie

Je n'ai pas accès au moment où j'écris cette lettre à tous les moyens qui me permettraient d'écrire un article solide et étayé sur le feuilleton « Plus belle la vie » de France 3. Pour aujourd'hui je dois me contenter de vous dire : ce n'est pas un feuilleton comme les autres, commercial et standardisé. Les personnages évoluent dans le quartier de la belle de mai à Marseille. Ce sont, pour autant que je puisse m'en rendre compte, de « vrais gens » qui tiennent de vrais propos, avec du sens, du contenu, une prise en compte « dans la vie » (de façon non pontifiante ou didactique) de problèmes sociaux en prise sur la réalité et une expression chaleureuse des rapports entre eux. Et puis, comme le dit le titre, la vie y est souvent belle, les personnages ont des difficultés mais aussi des joies, des réalisations, de la tendresse. Un feuilleton pas comme les autres. De nombreux articles sociologiques ont été écrits à son sujet. Pour aujourd'hui je ne puis que vous dire : en regardant « plus belle la vie » on n'a pas la sensation d'avoir cédé une part de son cerveau à Coca Cola.

De façon plus générale, beaucoup de vous, amis proches ou relations lointaines, regrettent le caractère systématiquement pessimistes de ma lettre [alerte]. Et la joie, l'avenir, la création, les relations avec les autres ? Il est de fait que ce caractère pessimiste est un peu un caractère constitutif de la lettre. Le style humoristique sarcastique est davantage conçu pour alerter sur les blocages que pour entraîner vers la joie. Il demeure que mes alertes sur les blocages me semblent bien utiles. De plus, lisez bien : il y a tout de même souvent dans la lettre des ouvertures vers la joie, allant de la recette des pâtes au saumon à la description de la vie culturelle et sociale à Féricy (77), de la vie associative, patrimoniale et culturelle à St Jean d'Arves (73) à la description de l'amap de St Denis (9-3) et à la valorisation constante de l'émission « Carnets de campagne » à 12h30 sur France inter.

Cela dit je serai très heureux vraiment de changer un peu la tonalité, en publiant par exemple les morceaux de joie que vous me décrirez.

***

Drones

Article inspiré par « Le Monde », Drones en civil, 24 mai 2014.

Vous le savez, les drones sont ces petits avions télécommandés.

Ils ont déjà un usage militaire très large, en particulier aux USA, dans la lutte « antiterroriste » : les services secrets US, sans procès ni garantie, décrètent que tel ou tel est un terroriste dangereux. Les drones, en général pilotés depuis les USA, permettent l'assassinat ciblé des personnes ainsi désignées. C'est bien sûr contraire aux lois de la guerre (je sais, l'expression lois de la guerre est déjà une absurdité) dans la mesure où sont visées des personnes qui ne sont pas clairement identifiées comme combattantes, par un uniforme par exemple. Bon, cher JM B, ne faites pas la fine bouche,les terroristes en font bien d'autres ! Je sais bien : à terroriste, terroriste et demi, vive l'absence de démocratie.

Un débat rigolo a eu lieu récemment aux USA. Le gouvernement US voulait créer une médaille militaire pour récompenser les pilotes de drones. Je ne sais quelle association de médaillés militaires s'y est opposée, en disant qu'il ne fallait tout de même pas confondre un pilote de drone devant ses écrans avec un type qui rampe dans la boue face à l'ennemi, situation dans laquelle le risque est symétrique, chacun, ennemi ou ami, jouant sa vie. Selon cette association, lorsque le risque n'est pas symétrique cela ne mérite pas une médaille. Si l'on admet l'absurdité de la guerre, cette position n'est pas absurde.

Dans l'article Le Monde décrit l'immense potentiel du marché privé des drones, dont les performances et les domaines d'application augmentent aussi vite que leurs prix baissent. Des millions, des milliards d'emplois sont en jeu !! ... Le marché est difficile à imaginer : livraison à domicile, surveillances des sites, des voies ferrées, repérage des déperditions de chaleurs dans les immeubles, exploration des sites archéologiques en Afghanistan, mais aussi repérage des immeubles squattés, piratage des téléphones mobiles des passants, vidéo surveillance, espionnage des voisins ou des concurrents commerciaux... En France une réglementation existe déjà sur les usages commerciaux des drones, mais elle est très légère sur la protection de la vie privée.

Lorsqu'on pénètre dans une zone surveillée par des caméras, on est informé par des panneaux. Rien de tel pour les drones. Les habitants de Deer Trail, aux Usa, ont lancé un référendum local pour avoir le droit d'abattre sans sommation un drone qui survolerait leur propriété. Rappelons qu'il n'y a pas d'être humain à bord des drones. Eh bien cette proposition a été refusée. Aux Usa un drone est mieux protégé qu'un cambrioleur qui pénètre la nuit chez quelqu'un. Business as usual : un drone fait marcher l'industrie, pas un cambrioleur.

***

Protection des données personnelles 

De vastes négociations internationales sont en cours sur la protection des données personnelles. La situation mondiale ne rend guère optimiste sur l'issue de ces négociations. Il est désormais pratiquement admis que les intérêts des états conduisent à une surveillance totalement généralisée et sans contrôle. Intérêts justifiés en principe par la lutte contre le terrorisme, mais conduisant en réalité à une collecte minutieuse de toutes les données, dans des buts politiques, commerciaux, ou tout simplement à tout hasard, parce que c'est possible et qu'il n'y a donc pas de raison de ne pas le faire.

En France, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés tente de prendre des positions courageuses et efficaces dans ces négociations, mais avec quel espoir ? Les gouvernements, en particulier celui des USA, ne sont pas favorables à la protection des données personnelles, la plupart des données transitent par de serveurs soumis au droit américain.

Dans Le Monde du 20 mai 2014 Mme Falque Perrotin, présidente de la CNIL, publie un article intitulé « l'aspiration automatique des données personnelles, ce n'est pas possible ». Curieux titre. A la lecture de l'article on constate qu'elle exprime simplement un vœu (« cela ne devrait pas être possible ») et pas une réelle impossibilité. La présidente constate que actuellement les services secrets américains ont un pouvoir excessif pour accéder aux données personnelles. Elle souhaite que dans le droit européen le fait de livrer des données à des états étrangers soit soumis à l'autorisation des états qui livreront les données. C'est un très beau projet. Aucune chance d'aboutir, vu les risques de rétorsion, mais au moins on aura le mérite de l'avoir dit...

La présidente constate que pour des raisons d'antiterrorisme ou de sécurité on accepte un degré inédit de collecte et de traitement des données. Je partage son avis. Mais je n'ai vu nulle part dans l'article de proposition pour s'y opposer efficacement, tant les rapports de force commerciaux et politiques dynamitent la notion même de donnée personnelle.

Remarque : on a coutume lorsqu'on écrit un article comme cela de parler de Snowden, des services secrets US, etc. N'oublions cependant pas que tous les états, y compris la France, ont des pratiques analogues, ce qui ne facilite pas la protection des données. La présidente de la Cnil a proposé au gouvernement français que la Cnil soit responsable du contrôle des fichiers de renseignement (conditions de sécurité, durée de conservation.) Le ministre de l'intérieur de l'époque, Manuel Valls, n'a pas répondu. Peut-être aura-t-elle plus de chance avec un ministre de gauche ?

***

Au fil des jours

* Info en continu

Le philosophe Luc Ferry, une remarque bien judicieuse à propos des chaînes d'information en continu telles BFM : l'immédiat remplace l'essentiel.

* Consensus mou et illusoire

L'équipe Hollande s'est heurtée dans la mise en place de la loi sur le mariage pour tous à une haine hystérique. Elle a ensuite subi un grave revers électoral aux municipales, alors que les communes sont le principal point fort de l'implantation du PS. Il me semble hélas que du coup l'équipe Hollande est maintenant conduite à gouverner en se fondant sur un principe du « pas de vagues, ne choquons personne ». Malheureusement, cela ne marche pas : à ne choquer personne, on ne contente personne non plus. Et de toute façon l'opposition hystérique qui s'est structurée à l'occasion du mariage pour tous (toute proposition de Hollande met les principes fondamentaux de l'humanité en danger) ne sera jamais satisfaite. Le gouvernement s'est placé lui-même dans la nasse : abandonnons toute réforme, concentrons-nous sur le chômage. Piège grossier : dans l'état actuel de l'économie mondiale, aucun gouvernement ne peut quoique ce soit sur le chômage. Échec garanti sur l'objectif déclaré principal.

La chronique illustrant ces propos est hélas trop facile à faire :

- il est vital de faire des économies sur le budget de l’État. Cela dit, à l'approche des élections, on annonce à grand son de trompe des mesures visant à augmenter les dépenses, ou à ne pas les diminuer. C'est la façon qu'a l'équipe Hollande de préparer à une politique de sang, de sueur et de larmes.

- il n'est plus temps de choquer les gens avec des réformes de société : abandonnons. La loi sur la famille avait été abandonnée. Le gouvernement a laissé aux députés le soin de présenter une proposition de loi, à condition qu'elle soit minimaliste : pas de gestation pour autrui, pas de procréation assistée pour les homos. Malgré cela, la droite hystérique a compris le truc : dès que Hollande parle de famille il faut entretenir la panique en disant qu'il veut détruire la nature même de l'humanité... D'où 700 amendements de l'opposition pour bloquer la discussion, sur une loi si audacieuse qu'elle permet aux beaux-parents d'aller chercher les enfants à la sortie de l'école ! On a mobilisé les pères pour dire que cette loi est insuffisante, les mères pour dire qu'elle donne trop de droits aux pères, on a mobilisé en filigrane tous ceux qui au fond sont contre le divorce et les familles recomposées. Finalement le gouvernement a été obligé de reporter le débat sans fixer de nouvelle date. C'est pour cela que je dis que la politique du « pas de vagues » est illusoire : même en édulcorant, cela n'empêche pas du tout l'opposition de s'opposer, on est perdant sur tous les tableaux.

Cela augure mal des débats sur la politique pénale.

Je comprends, on ne peut passer en force sur des sujets de conscience, etc. etc. Mais à reculer sur tout, que reste-t-il ? Peut-on se faire élire avec rien ?

* VSD : un hebdomadaire que les circonstances m'amènent à découvrir cette semaine. Madame Miesterfeld, femme de boucher en Allemagne : « je ne veux pas que mes économies servent à financer des pays en crise ». Quelle mauvaise formation économique. Il faut bien que les pays riches prêtent aux pays pauvres, sinon les pays pauvres n'auront pas les moyens d'acheter ce que produisent les pays riches. En plus, lorsqu'on leur prête, cela crée une dette qu'ils doivent nous rembourser avec intérêt. Tout bénef. Il ne reste plus qu'à piller les pays pauvres en leur achetant à bas prix leurs matières premières, pour les transformer et leur revendre. Génial. Réfléchissez, Mme Miesterfeld. C'est votre intérêt de financer des pays en crise. Pas le leur...

*Fraude fiscale : madame Balkany, adjointe au maire UMP de Levallois Perret, est mise en examen pour une affaire de fraude fiscale concernant une propriété dans l’île de St Martin et une autre à Marrakech. Pour sa défense, son avocat dit : « c'est une affaire purement personnelle, cela n'a rien à voir avec ses fonctions politiques. » En clair : cela ne rentre pas dans tous les scandales qui atteignent en ce moment l'UMP. On retombe toujours sur ses pieds... Dans le cas contraire il aurait dit « elle est honnête, ce n'est pas un enrichissement personnel, c'est pour son parti. »

***

Fin de la lettre du 2014 5 25/25 mai 2014

________________________________________________________________

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.


La liste de diff comporte environ 200 personnes, et qui plus est les lettres sont disponibles sur internet. Lorsque vous m'envoyez des réactions je les publie sans signature. En effet, c'est une chose que d'écrire à des personnes que l'on connaît ou qui sont rassemblées sur la base d'un consensus précis, c'en est une autre d'écrire à une liste à laquelle chacun peut s'abonner sans condition.

De nombreux documents que j'estime intéressants sont dans le nuage alerte de Google. Pour y accéder cliquer sur documents alerte puis faites un simple clic sur l'icône du document que vous souhaitez consulter.

Outre le présent site, vous pouvez lire la lettre [alerte] en la recevant par liste de diffusion. Demander à

jean-michel.berard   orange.fr