[alerte] - JM Bérard - 6 avril 2014

Sommaire

Un rayon de soleil, à partager

Vigilance : l'ombre du populisme

Résurgence en France d'un racisme brutal

Au fil des jours

Babel résiste encore

Religion, vie, souffrance et mort

Bonne nouvelle : madame Taubira est ministre de la justice

Un rayon de soleil, à partager

Le journal Le Monde daté du 4 avril 2014 publie un cahier « Développement durable ». C'est déjà une très bonne nouvelle. Mais le contenu est encore plus réjouissant : de plus en plus les consommateurs abandonnent les modes de consommation individualistes, pour partager...

On y apprend en particulier que le « bouger ensemble » se développe à grands pas : co-voiturage gratuit ou payant, mise à disposition (payante) de son propre véhicule lorsqu'on ne s'en sert pas, partage (gratuit ou payant) de minibus, camping-cars, véhicules de livraison, places de parking. L'observatoire Société et consommation indique que « Nous constatons l'arrivée d'un véritable modèle de collaboration. La consommation se dématérialise au profit de l'usage. »

Ces pratiques sont facilitées par l'accès à des applications en ligne, qui facilitent les transactions.

La mode du « couchsurfing » consistait à prêter gratuitement un lit chez soi à un voyageur. Cela avait un parfum d'aventure, permettait de sillonner le monde et de faire connaissance de nouvelles personnes. Cette pratique a évolué, le site airbnb permet maintenant de trouver, à bas prix, des chambres chez les particuliers (six millions d'abonnés dans le monde). Il paraît que cela inquiète les hôteliers.

Je prends tout cela comme un rayon de soleil. Les choses bougent. La classe politique et les industriels ne l'ont pas encore compris, ils continuent de vouloir développer des systèmes de production et de consommation individuels (cf. le soutien à l'industrie automobile), leur manque de créativité et d'imagination les empêche de voir que le monde change.

Un autre article nous fait connaître le « Village vertical », bâtiment de cinq étages occupé par dix foyers (familles, célibataires) de Villeurbanne (banlieue de Lyon).

C'est un choix coopératif. Les familles sont propriétaires collectivement du bâtiment, mais locataires de leur logement.

La toiture est équipée en panneaux photovoltaïques, un cuve de 7 000 litres récupère l'eau de pluie, la chaudière à bois est collective. Les appartements sont plus petits que ce qui est prévu par les normes habituelles, mais l'immeuble dispose de locaux collectifs. A chaque étage dans les coursives sont installés des tables et des fauteuils pour faire la causette. Le potager, la laverie sont collectifs, une grande pièce permet les réunions, les apéros, les repas entre voisins, la livraison des légumes de l'Amap.

La vie privée est respectée, mais le vivre ensemble n'est pas toujours simple : les occupants sont des voisins, pas des militants. Les désaccords se règlent pas la discussion. Chacun peut quitter les lieux, en vendant non pas son appartement mais les parts sociales de propriété de l'immeuble.

J'allais dire qu'il est rare que l'on apprenne d'aussi bonnes nouvelles. Mais je me trompe : elles sont nombreuses, mais pas assez connues.

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Vigilance : l'ombre du populisme

Beaucoup de nous sont restés sidérés par le fait que, après les récentes élections, le Front National trouve une telle place aussi importante dans le paysage municipal.

Malheureusement, ce populisme ne touche pas que la France. Je constate que mon programme de télé favori annonce pour le mardi 8 avril 2014 à 20h50 sur Arte un documentaire intitulé « Populisme, l'Europe en danger ». Le film entreprend d'éclairer les méthodes, le discours et le style des leaders populistes (Italie, France, Pays-Bas, Hongrie) et l'irrésistible ascension de leurs formations.

Rediffusion le 16/4 à 8h55, et vous pouvez aussi enregistrer ou regarder en différé sur les différents sites.

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Résurgence en France d'un racisme brutal

Dans un rapport remis au premier ministre Valls la commission nationale consultative des droits de l'homme dénonce la résurgence d'un racisme brutal et biologisant.

Je ne puis citer la totalité de l'article, il faut être abonné à mediapart.

Extraits, mediapart, 1er avril 2014

En matière de haine de l’autre, 2013 a en effet été le théâtre d’un retour aux sources, selon la CNCDH qui observe avec inquiétude la résurgence en France d’un « racisme brutal, biologisant, faisant de l’étranger un bouc émissaire ». Dans son rapport, cette Autorité administrative indépendante, composée de 64 personnalités et représentants d’organisations issues de la société civile, s’indigne de l’attaque primaire dont Christiane Taubira, plusieurs fois comparée à un « singe » ou une « guenon », a été victime. En même temps, les nouvelles formes de racisme, moins frontales, essentialisant de supposées différences culturelles, ont continué de prospérer. Les « cibles privilégiées », constate-t-elle, changent de visage avec une cristallisation autour de la population arabo-musulmane et des Roms.

Le racisme a subi un profond changement de paradigme dans les années post-coloniales, avec un glissement d’un racisme biologique vers un racisme culturel, observe la CNCDH. Se cachant derrière ce nouvel habillage, le terme d’“islamophobie” a été utilisé par les groupes politiques pour fédérer un électorat plus large et revendiquer le droit d’exprimer sa détestation de la religion musulmane et du musulman. Plus inquiétant encore, une certaine frange radicale franchit le pas du discours aux actes. Selon eux, l’islamophobie relèverait de la liberté d’opinion et d’expression, et à ce titre, les manifestations de haine qu’elle inspirerait, que ce soit à l’encontre du culte musulman ou de ses croyants, ne sauraient tomber sous le coup de la loi pénale. Suivant ce dangereux raisonnement, l’agression d’une femme voilée ne serait qu’un acte de militantisme contre une pratique jugée comme une forme d’oppression à l’égard des femmes.

Faudra-t-il fabriquer un mot pour signifier le rejet dont les Roms font l’objet ? L’Autorité administrative indique avoir été contrainte de créer un indice particulier pour prendre en compte le caractère massif de l’hostilité à leur égard. Elle recense les préjugés innombrables qui les assimilent à des voleurs exploitant les enfants. Des entretiens en face à face conduits par l’institut de sondages CSA montrent les appréciations négatives qu’ils suscitent. En vrac : « Aversion et dégoût, accusation d’impureté et refus du contact, déception et frustration dues à leur incapacité supposée à changer, mépris et même haine en liaison avec la croyance en leur différence et leur infériorité. » Et de citer le témoignage emblématique d’une femme de 57 ans, secrétaire, qui habite à Paris, catholique non pratiquante, et qui vote PS : « Je ne suis pas raciste, mais je ne veux plus voir les Roms. C’est de la vermine. Ils volent les sacs à main. Ils agressent les vieilles dames. Ils maltraitent leurs chiens. Je donne à manger à leurs chiens, pas aux Roms. »

Cette population est la « moins-aimée » des minorités, conclut la CNCDH. Perçue comme « séparée du monde », elle se voit reprocher à la fois d’être « hors-système » tout en « profitant du système ». En déclarant que les Roms sont « des populations qui ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation », Manuel Valls n’a pas contribué à « arranger les choses », souligne l’institution dans une litote. » Remarque : Manuel Valls était ministre de l'intérieur, il est maintenant premier ministre. Ah bon, vous le saviez déjà ? Excuses-moi.

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Au fil des jours

* Obamacare : le président Obama a fondé une grande partie de sa politique sur la mise en place d'un système (modeste, mais tout de même) de sécurité sociale, alors que jusqu'à maintenant les personnes qui n'étaient pas assurées suffisamment n'étaient tout simplement pas soignées. Cette réforme prend à contre-pied l'individualisme libéral selon lequel la collectivité n'aurait pas à se préoccuper des dépenses de santé, chacun doit se débrouiller. Et pourtant, bonne nouvelle, malgré les obstacles de toutes sortes, la réforme semble, timidement, sur le point de prendre, les personnes concernées s'assurent, tout doucement, mais elles s'assurent. Il reste du chemin, les ultralibéraux partisans du « chacun n'a qu'à se débrouiller » ont encore plus d'une grenade dans leur sac pour torpiller la réforme. C'est tout de même un petit rayon de soleil.

* S. Royal .et l'écologie : la ministre de l'environnement vient d'annoncer qu'elle va « remettre à plat » les questions concernant l'éco-taxe visant les transports routiers, taxe honnie par les bonnets rouges. Raison donnée par la ministre : l'éco-taxe est un impôt, et la ministre n'est pas pour une écologie punitive. Fini le principe pollueur payeur : une profession crée des dommages, c'est à l'ensemble de la collectivité de payer. Au lieu de faire payer la taxe par les pollueurs, on fait payer l'impôt par toute la population, qui aura donc à prendre en charge les dommages (conséquences de la pollution, occupation et dégradations du réseau routier, importation de produits pétroliers). L'argument de Mme Royal semble imparable. Il n'est pas soutenable. De toute façon quelqu'un paye. L'ensemble de la population va payer pour le transport routier, c'est autant de moins pour le transport ferroviaire, fluvial... La formule de Mme Royal est démagogique et trompeuse. L'impôt pour tous doit effectivement jouer un rôle de solidarité. Mais dire que l'impôt de tous doit financer le transport routier, c'est faire un choix au détriment des autres moyens de transport. C'est demander à l'ensemble de la population d'assumer une partie des coûts des transporteurs.

J'ai écrit cela avant la parution du journal Le Monde du 5 4 2014. La plupart des associations de défense de l'environnement sont plus sévères que moi. Elles dénoncent aussi l'abus de langage qui consiste à dire que l'éco-taxe est un impôt, alors que c'est une droit d'usage du réseau par les transporteurs routiers. Ces associations signalent aussi que Mme Royal n'a pas attendu les résultats des travaux des parlementaires chargés par le gouvernement Ayrault d'évaluer l'éco-taxe.

Dernière nouvelle : le ministre des transports annonce qu'il n'est pas pour une sécurité routière punitive. Depuis l'an 2002 le nombre de morts chaque année sur la route est pourtant passé de 7000 à 3000, mais cependant le ministre a décidé de supprimer les contrôles radar. Ils seront remplacés par des récompenses aux conducteurs qui s'engagent moralement à réduire leur vitesse : attribution d'un litre de vin de marque, par exemple. Il faut jouer sur le positif, pas sur la punition. L'engagement des conducteurs sera moral, puisqu'on n'aura plus de radars pour arrêter les assassins de la route. (A la réflexion, je ne suis pas sûr que cette nouvelle soit vraie. Mon mécontentement contre Mme Royal me conduit à des errements.)

* Journal Le Monde daté du 6 avril 2014 : le premier ministre annonce qu'il gardera le style et la méthode qu'il avait place Beauvau en tant que ministre de l'intérieur. C'est les roms qui vont être contents.

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Babel résiste encore

C'est le beau titre d'un article du journal Le Monde le 4 avril 2014, Roger-Pol Droit

Extrait de Wikipedia :

« Après le déluge, les descendants de Noé, qui parlent la même langue , décident de construire une ville avec une tour immense qui atteindra le ciel . Tout le monde se servait d'une même langue et des même mots.Comme les hommes se déplaçaient à l'orient,ils trouvèrent une plaine au pays deShinéar et ils y bâtirent une ville. Ils se dirent l'un à l'autre:"Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! " Or Dieu descendit pour voir la ville et la tour que les les hommes avaient bâties. Et Dieu dit : "Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant,aucun projet ne sera irréalisable pour eux. Allons descendons ! Et là, rendons confus leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres. » Dieu les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville.Aussi la nomma-t-on Babel,car c'est là que Dieu mit de la confusion dans le langage de tous les habitants de la terre et c'est de là qu'il les dispersa sur toute la face de la terre. »

L'interprétation du mythe de Babel donnée ici est contestable : elle considère que Dieu a voulu limiter l'ambition des hommes. En fait de nombreux exégètes ont une interprétation autre : si tous les hommes restaient fixés au même endroit, dans une seule tour, avec un seul langage, il n'y aurait plus de diversité, et la pensée humaine s'en trouverait appauvrie.

Dans l'article du journal Le Monde le philosophe Roger Pol Droit vient en appui de cette thèse : la multiplicité des langues, leurs disparités, leurs dissemblances constituent la perfection du monde humain, qui consiste à n'être ni uniforme ni uniformisable. […] La mondialisation affecte les mots, les idées, les institutions tout autant que les vêtements, les aliments et les machines à communiquer. […] Cela passe par la conviction insidieuse que nous partageons partout les mêmes notions de base. Or ce n'est pas vrai.

L'auteur cite alors les résultats des analyses de P. Legendre, juriste et psychanalyste, Tour du monde des concepts, Ed. Fayard 23 euros.

Legendre compare les conceptions qui, dans neuf univers linguistiques différents, se rapportent à des grands thèmes ou concepts : religions, institutions de l'état...

Il montre que en général ces conceptions sont très différentes, voir incompatibles. Le problème de la traduction est quasi insoluble. On croit traduire en remplaçant un mot d'une langue par un synonyme dans une autre langue, alors que cette transposition masque le fait que les concepts désignés par chacun des deux mots sont probablement très différents.

Nature, ou religion, n'ont pas de synonyme exact d'une langue à une autre. En hindi « prakriti » (ce qui a été fait) ne dit pas exactement ce que nous entendons par « nature » pas plus que « dharma » (l'ordre du monde et les devoirs qu'il implique) ne correspond à « religion ».

D'une langue à une autre le sens se révèle sujet à une quantité de métamorphoses et anamorphoses, ruptures et disjonction.

L'auteur de l'article (qu'il faudrait lire en entier sans se contenter de mon modeste résumé) tire de ces analyses des conséquences multiples et vertigineuses. Parmi toutes celles-ci j'en retiens une : le fait que, chaque décennie, des centaines de langues disparaissent n'est pas un progrès vers un mythique outil global de communication dans une humanité réunifiée par le libéralisme (globish) mais sans doute un appauvrissement de l'extension globale de la pensée de l'humanité et de toutes les conceptions du monde qui s'y expriment.

On en revient au mythe de Babel, mais, cette fois-ci, dans la réalité.

***.

Religion, vie, souffrance et mort

L'article que j'avais publié dans la précédente lettre [alerte] sous ce titre a suscité de l'un de vous une réflexion que je vous communique. Cet ami se décrit comme français juif incroyant athée. Message un peu long pour le format de la lettre [alerte], mais cela vaut une dérogation, car je n'ai pas vu quoi enlever du texte.

J'ai placé dans le nuage le texte de la nouvelle de Tchekhov dont parle cet interlocuteur. Pour accéder au nuage cliquer sur documents alertepuis simple clic sur l'icône Tchekhov.

Le texte du message que j'ai reçu :

« Remarques sur 3 passages de [alerte]

[alerte] : Tout cela pour dire que je suis toujours mal à l'aise d'être accueilli dans une église par un homme en grande souffrance sur sa croix. [...]

Je ne me serais peut-être pas arrêté sur cette phrase si tu n'y accordais pas assez d'importance pour répéter là ce que tu avais déjà écrit dans un ancien "alerte"

[alerte] Remarque pour tous les amis non-croyants : pourquoi parler de cela ? Parce que tout cela imbibe notre civilisation, et nous-même, même si nous pensons avoir pris des distances.

Pour cette raison justement il me semble que ta réflexion est un peu courte, et qu'il faut aller un peu plus loin dans l'exégèse.

Le français-juif-incroyant-athée (ordre des termes aléatoire) que je suis n'est pas très qualifié pour le faire. Mais tout de même : un Dieu qui choisit de s'incarner, non dans un superman, mais dans un homme avec la faiblesse, les souffrances, les doutes ("pourquoi m'as-tu abandonné ?")... qui caractérisent l'espèce humaine, n'est-ce pas une belle idée ?

Il n'est pas anodin que les 2 grands totalitarismes du 20è siècle aient voulu rompre avec cette idée (et avec la civilisation qu’elle imbibe, comme tu dis). Au nom de l'homme nouveau – homme de fer ("d'acier" se dit en russe "staline") – ou du surhomme : "Nous comprenons aujourd’hui que les valeurs suprêmes des églises catholique et protestante (...) ne conviennent pas à notre âme, qu’elles barrent la route aux forces organiques des peuples de race nordique" (l’idéologue nazi Rosenberg).

Et l’ultralibéralisme contemporain n’est pas en reste avec son culte du "tueur".

Bon, je sais, l’Église-canal-historique a souvent retourné la croix en épée sanglante et triomphante. « Les chrétiens disent qu’ils aiment Jésus, mais moi je pense qu’ils le détestent sans le savoir. Alors ils prennent la croix par l’autre bout et ils en font une épée et ils nous frappent avec. Tu comprends, ils prennent la croix et ils la retournent », disait un personnage d’André Schwartz-Bart dans Le dernier des justes.

Et alors que m’émeuvent les croix simples et naïves des petites églises romanes rurales avec leur Jésus si humain, je suis moi aussi "mal à l’aise" devant les croix alourdies d’or et les Christ en gloire des églises de la contre-réforme étalant tous les symboles de la richesse et de la puissance.

[alerte] Il faut tout de même beaucoup de miracles et de foi pour considérer depuis vingt siècles que cette torture, cette souffrance et cette mort sont un acte d'amour et d'ouverture vers la joie.

Tiens, on croirait que c’est à toi que répond l’athée Tchekhov dans une très courte nouvelle, sa préférée ("Peut on dire que je suis pessimiste, alors que de tout ce que j’ai écrit, mon récit préféré est L’Étudiant ?"). Je te mets une traduction de ce récit (pas la meilleure) en PJ, où je me suis permis de souligner certains passages.

A propos "d’ouverture vers la joie" la déclaration d’indépendance des États-Unis stipulait le droit à la recherche du bonheur. Joie et bonheur peuvent être recherchés mais ils ne sont pas un droit garanti. Pas de vie humaine sans souffrances. Et ce que dit Tchekhov, bien mieux que moi, c’est que la capacité d’empathie qui unit des humains par delà les siècles, peut donner à ces souffrances sens et être source de joie, avec la conscience d’appartenir à une commune humanité :

"ce qu’il venait de raconter, et qui s’était passé il y avait dix-neuf siècles, avait pour ces deux femmes, et, apparemment pour ce village isolé, pour lui-même, et pour toute l’humanité, un lien avec le présent

et l’attente inexprimablement douce d’un bonheur inconnu, mystérieux, l’envahirent peu à peu. Et la vie lui parut merveilleuse, magnifique, pleine d’un sens élevé."

["mystérieux" : faut-il expliquer plus ? Tchekhov réussit, j’espère, à faire ressentir]

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Bonne nouvelle : madame Taubira est ministre de la justice

Comme vous l'avez constaté dans la précédente lettre [alerte] j'ai été totalement pris à contre-pied par le fait que Mme Taubira soit toujours ministre de la justice. La quasi-totalité des commentateurs l'ont été comme moi. Un espoir : Madame Taubira est solide politiquement, et a, je pense, j’espère, obtenu des garanties quant-à la poursuite d'une politique pénale équitable, sans se contenter d'être une caution à un équilibrage « de gauche » d'un premier ministre considéré comme droitier.

Elle aura du mal... Déjà la droite, depuis deux jours, est montée au créneau avec férocité contre elle. Et rien n'annonce que, pris dans les priorités données à l'économie, le président et son premier ministre souhaitent soulever des polémiques sur de projets qu leur semblent moins prioritaires.

L'examen au parlement de la réforme pénale élaborée par Mme Taubira est déjà reporté « de quelques semaines », les députés et le gouvernement, douchés par les municipales oseront-ils poursuivre l'étude de ce texte qui va soulever des polémiques ?

D'autres problèmes restent en suspens, dont l'examen faisait pourtant partie des promesses du candidat Hollande : suppression de la rétention de sûreté (qui permet de maintenir des personnes en prison une fois leur peine purgée, non pas pour ce qu'elles ont fait, mais pour ce qu'elles pourraient faire. !), modification du statut des procureurs (qui dépendent hiérarchiquement du gouvernement, et ne sont donc pas une instance judiciaire indépendante, comme la cour de justice européenne le dénonce avec constance), suppression des peines plancher en cas de récidive, suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Aucune de ces réformes n'a connu le moindre début de mise en œuvre. Quel sera leur sort ?

Reçu de l'une de vous : Quant à Mme Taubira, je lui en veux beaucoup, elle a réuni des commissions mais rien n’a débouché sur quelque décision que ce  soit, pas de progrès sur les lois pénales désastreuses, je ne suis même pas sûre que les peines planchers aient été abrogées et le reste de l’arsenal est toujours là, en dépit des conclusions encourageantes de la conférence de consensus. Quant au statut de la magistrature, l’UE aura d’autres occasions de dire que la Justice ne constitue pas en France un pouvoir à part entière. Ce qui fait que son maintien ne m’enchante pas, malgré son réel talent oratoire, il se dit qu’elle ne travaille pas ses dossiers, il est possible que ce soit vrai.

Ben alors, si l'on s'en prend à mon idole ! C'est une question d'angle sous lequel regarder les choses. Tout ce que vous dites est vrai, mais je préfère penser que si rien de tout cela n'a abouti, cela ne vient pas de Mme Taubira. Le président et le premier ministre préféraient éviter des débats polémiques, et le ministre de l'intérieur Valls était tout à fait opposé à la politique Taubira. Nul moyen de savoir qui de vous ou moi a raison. Il faut attendre pour voir.

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Fin de la lettre du 2014 4 6 / 6 avril 2014

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jean-michel.berard orange.fr

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De nombreux documents que j'estime intéressants sont dans le nuage alerte. Pour y accéder cliquer sur documents alerte puis faites un simple clic sur l'icône du document que vous souhaitez consulter.

Outre l' envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres[alerte] sont consultables sur

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