[alerte] - JM Bérard - 16 mars 2014

Sommaire

Sacrifions nos vies pour le bon fonctionnement de l'économie

Politique pénale : l'horizon se ferme

Au fil des jours

Refondation de l'école requiem

Nous sommes surveillés, « on » sait tout sur nous



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Je vous ai déjà dit à quel point le spectacle « Snowshow » est beau, émouvant, important. Il sera repris à partir du 3 décembre 2014 au Trianon à Paris, réservation dans les Fnac et autres lieux habituels. C'est dans longtemps ? Oui mais c'est magnifique, il faut s'y prendre tôt pour réserver.

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Sacrifions nos vies pour le bon fonctionnement de l'économie

Il fait ce 14 mars 2014 un temps proprement diabolique : air doux, soleil resplendissant, et pourtant une invisible pollution règne, on a atteint le degré maximal, sans d'ailleurs que l'on nous dise quels sont exactement les risques.

Selon la bible, la tribu des ammonites (un bon millénaire avant JC) devait chaque année sacrifier au Moloch un certain nombre de ses enfants. On les brûlait pendant que les tambours couvraient leurs cris. (Les cris et les tambours viennent de Wikipedia, j'ai des doutes : sur quelles sources s'appuient-ils ? Mais cela ajoute de l'émotion...)

Nous sommes, et cela me révolte, dans une situation analogue : on établit des quotas supportables de sacrifices pour que l'économie telle qu'elle est puisse continuer de faire ses ravages. Exemple : on accepte 3000 morts par an sur les routes pour continuer de construire des voitures qui vont trop vite. Sinon, on créerait du chômage.

La question des particules fines est du même ordre : une cause importante de ces particules (pas la seule) est la combustion du gas-oil dans les moteurs des véhicules. L'industrie automobile française a beaucoup misé sur le gas-oil. 0n ne peut pas, en taxant ce carburant, se mettre à dos les constructeurs, les transporteurs routiers, les patrons-pêcheurs... Autant admettre une pollution dont, au demeurant, on ne connaît que très mal les effets. Combien de morts par an du fait des particules fines ? Je ne sais pas. Sans doute ai-je mal lu les journaux.

Tout cela est d'autant plus absurde que, malgré tout, l'industrie automobile ne va pas bien. On a à la fois les particules fines et le chômage.

C'est l'un de mes leitmotiv, vous le connaissez : nous sommes dans une société où pour vivre il faut accepter la surmortalité : accidents de la route, réchauffement climatique, pollution des nappes phréatiques par l'agriculture intensive, nourriture contenant n'importe quoi...

Pour ce qui est des particules fines, le gouvernement, qui craint pas dessus tout toute contestation, a reculé devant des hurluberlus aux bonnets rouges, qui prétendent lutter au nom du peuple : il a différé sine die la mise en place de l'éco-taxe, qui aurait taxé la consommation des transports routiers. Plusieurs villes attendaient pourtant le produit de cette éco-taxe (adoptée à l'unanimité du temps de Sarkozy) pour financer des transports en commun.

C'est normal, nous dit-on : en période de crise, on ne peut pas sacrifier les emplois. Le Moloch est donc devenu dans nos sociétés objet d'un terrifiant consensus : pour conserver le mode de vie dont nous avons l'habitude, il faut un certain nombre de sacrifices, y compris en vies humaines.

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Politique pénale : l'horizon se ferme

J'hésite à écrire une lettre [alerte] cette semaine, tant l'actualité me semble confuse et les repères brouillés.

Un point cependant me préoccupe beaucoup. J'avais fondé de grands espoirs sur la réforme de la politique pénale élaborée par Mme Taubira, à mon sens l'un des seuls (le seul ?) ministre « de gauche » du gouvernement. Avec Mme Taubira on sort enfin de l'obsession en vigueur dans l'opinion selon laquelle il faut toujours punir, punir, punir pour éviter la délinquance. Des études sérieuses, précises, convergentes ont montré que cette idée est purement idéologique, que pratiquée à outrance elle n'évite pas la récidive, et que, par exemple, l'emprisonnement de primo-délinquants tend plutôt à provoquer la criminalité qu'à la diminuer. Mme Taubira a donc réfléchi à des peines de substitution. C'est un travail sérieux, mais qui ne convainc pas. À la raison, on préfère la passion.

Dès le début de son travail, Mme Taubira a été prise comme cible principale par la droite : elle est laxiste, ne veut pas punir les criminels, elle veut détruire la famille... On ne compte plus le nombre de fois où la droite a demandé, dans des circonstances et sur des sujets divers, la démission immédiate de Mme Taubira, cible idéale :

http://rue89.nouvelobs.com/2014/03/12/variez-les-plaisirs-toutes-les-facons-demander-demission-taubira-250627

Surprenant, au demeurant, que personne, ni à droite ni à gauche, ne dénonce cet acharnement obsessionnel contre Mme Taubira.

Le gouvernement de F. Hollande (dont la politique est de plus en plus : évitons tout ce qui peut créer des vagues, cédons dès que quelque chose bouge) ne soutient les idées de Mme Taubira que du bout des lèvres. Les projets de Mme Taubira ont déjà été fortement édulcorés. L'aberrante rétention de sûreté (elle consiste à garder en prison des gens qui ont purgé leur peine, au motif qu'ils pourraient commettre de nouveaux crimes) n'est même pas mise en doute par le gouvernement Hollande.

Je suis hélas convaincu, après les cafouillages de cette semaine sur les interceptions judiciaires des communications de N. Sarkozy, qu'un boulevard s'ouvre au gouvernement pour écarter Mme Taubira du ministère de la justice. On le confiera à quelqu'un présentant des projets moins « chiffon rouge » : évitons tout ce qui peut susciter des réactions.

D'une semaine à mes yeux confuse, c'est ce qui émerge. Pas gai. J'en suis désolé.

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Au fil des jours

* Allons résolument de l'avant vers le précipice : le groupe Auchan va construire dans le Val d'Oise (juste au nord de Paris) un immense complexe de loisirs de 80 hectares, dans lequel il aura une piste de ski sous un gigantesque dôme. Terres agricoles supprimées, consommation en énergie considérable pour la construction et le fonctionnement. Et alors ? Vous n'allez tout de même pas râler, cela crée de l'emploi. C'est stupide ? Oui mais il y a des clients.

* Reçu de l'un de vous : « Oui, il y a un "enregistreur vocal" parmi les fonctions de mon téléphone (Samsung Galaxy) et j'ai même été surpris de la qualité pas mauvaise : j'ai enregistré des moments de répétition de "ma" chorale.

Ce serait en effet très facile d'enregistrer sans que personne s'en aperçoive les conférences ou concerts auxquels j'assiste, malgré l'interdiction des enregistrements.

Quant au logiciel qu'un "ami" aurait pu installer sur ledit téléphone pour m'espionner, je ne l'ai pas encore détecté ! »

Remarque dont je jure absolument qu'elle est sans aucun fondement et juste destinée à animer le débat : « Si elle n'écoute pas ton téléphone portable, je ne sais pas d'où ton amie tient tout ce qu'elle m'a dit sur toi ! » D'accord, c'est une blague de très mauvais goût, mes excuses à J. et B. Mais vu ce que nous disent les reportages télé, cela pourrait être vrai.

* Une étude serrée des votes dans le bureau électoral qui est en face de la caserne de la garde républicaine à Paris montre que ces militaires votent très majoritairement pour le Front National. C'est une bonne nouvelle : on se demandait si le Front National est un parti républicain, il a au moins la caution de la garde républicaine. On est rassuré, le président et les hautes personnalités sont bien gardés. Source : supplément au journal Le Monde, 8 mars 2014.

* Les mystères de la politique : le président de l'UMP, JF Copé, se débat dans une sombre affaire où les meetings qu'il organisait pour la campagne de N. Sarkozy étaient probablement facturés trop cher à l'UMP, au profit d'une entreprise dirigée justement par des amis de JF Copé. Bon, il joue la transparence : « l'UMP est déterminée à mettre à disposition l'intégralité de sa comptabilité, l'intégralité des pièces comptables, des factures et autres justificatifs. » Pour bien prouver sa bonne foi, Copé a aussitôt décidé de ranger tous les documents dans une pièce fermée et scellée sous contrôle d'huissier. Pour en faciliter l'accès ?

Je suis perplexe et me pose la question devant vous : certes il ne serait pas démocratique de demander leur opinion politique aux militaires. Mais que se passera-t-il si l'assemblée nationale, le sénat ou l’Élysée sont attaqués par des ligues factieuses ?

* Confusion : j'ai écrit le billet ci-dessus il y a quelques jours, et cela paraît totalement dépassé le 13 mars 2014 puisque tout cela semble maintenant se retourner contre M. Ayrault et Mme Taubira. Par un tour de prestidigitation magnifique (chapeau les communicants) les amis de Sarkozy ont réussi à transformer le sac d'embrouilles dans lequel ils étaient eux-mêmes enfermés en une arme contre le gouvernement. Comme le dit le journal Le Monde, le gouvernement souffre de son manque de professionnalisme : la plupart des ministres, et le président lui-même, n'ont jamais exercé le pouvoir. Ils ne sont pas à l'aise dans ce genre de coups tordus. Il ne reste qu'à regretter Pasqua et Mitterrand qui, d'horizons politiques différents, étaient tous les deux experts en la matière.

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 Refondation de l'école requiem 

Suite de l'épisode précédent, où je signalais que le ministre Peillon a différé la réforme des programmes. J'ajoutais que l'on pouvait craindre que, sous la pression des syndicats conservateurs, on abandonne la réflexion sur la notion de curriculum.

Je ne reprends pas l'article d'une des lettres [alerte] précédentes, et ce petit billet est donc un peu à l'intention des initiés : une dépêche de l'agence AEF du 14 maris 2014 confirme que la réflexion sur les curriculums n'est plus à l'ordre du jour.

La charte des programmes, en cours d’écriture par le CSP, devrait être officialisée début avril, selon les informations recueillies par AEF auprès de syndicats. Ni le terme "curriculum", ni l’expression "démarche curriculaire" ne figurent dans cette version provisoire qui leur a été présentée.

J'avais fondé quelques espoirs dans le travail de refondation de l'école mis en place par Peillon. Fini, rideau, déception.

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Nous sommes surveillés, « on » sait tout sur nous

[Alerte] Hors série  9 3 2014, envoyé par courrier électronique le 9 3 2014 aux abonnés à la liste de diffusion.

Pourquoi un [alerte] hors série : parce que le spectacle dont il est question se termine le 16 mars.

Je vous en parle à cause du numéro sur la surveillance internet qui figure dans ce spectacle, numéro tout à fait préoccupant. Mais l’ensemble du spectacle est remarquable.

Hélas c’est pour les parisiens, au théâtre Sylvia Monfort, 01 56 08 33 88 ou www.lemonfort.fr  Je n’ai jamais été déçu par les spectacles que j’y ai vus, avec un souvenir particulier pour “Snowshow” (disponible sur dvd).

Ils ont monté un festival, du 5 au 23 mars, appelé (DES)ILLUSIONS

Il y a chaque soir plusieurs spectacles, dans les différentes salles de ce lieu. (C’est dans le 15ème, à coté de l’espace G. Brassens.)

Le spectacle “Qui-Vive” “au delà du simple spectacle de magie, interroge le spectateur sur le fonctionnement de son cerveau, ses failles, la puissance de l’illusion, le pouvoir de l’autorité”. C’est vrai, il y tout cela dans ce spectacle. On nous dévoile même quelques méthodes, qui me montrent de plus en plus que la prestidigitation consiste à attirer l’attention ailleurs que là où les choses se passent, et que cela n’existe pas seulement dans la prestidigitation.

Le numéro sur la surveillance. Ce que l’on voit sur scène : les artistes photographient le public avec un appareil très visible muni d’un flash. Une fois les photos prises ils disent faire appel à un logiciel de reconnaissance des visages. Puis ils montrent les photos de trois spectateurs et disent pour chacun son nom, où il travaille, où il habite, à quelle heure il a pris le train, où est placé le canapé dans son salon, donc une quantité considérable de données personnelles (y compris les comptes en banque, que cependant les artistes ne lisent pas à voix haute pendant le spectacle.)

Je ne sais pas (c’est un spectacle de magie) la part du vrai et du trucage. Mais tout ce que l’on nous montre est parfaitement vraisemblable, et c’est bien ce qui inquiète. Les artistes du spectacle faisaient-ils vraiment tout cela en temps réel, je ne sais pas, sans doute pas, mais tout ce que l’on nous a montré existe.

Vous me connaissez : pendant le spectacle, au moment où ils ont pris les photos, j’ai fait valoir mon droit à l’image et demandé à ne pas être sur les photos. On m’a répondu que j’étais dans un lieu public. Cela donnait encore plus de poids au spectacle : on sait tout sur vous et vous ne pouvez pas y échapper.

Cela m’a laissé bien pensif.

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Fin de la lettre du 2014 316/ 16mars 2014