[alerte] - JM Bérard - 28 février 2014

Sommaire

Suivi de la lettre du 23 février 2014

Au fil des jours


Suivi de la lettre du 23 février 2014

* Les jours heureux, programme du Conseil National de la Résistance

A propos du film « Les jours heureux, programme du conseil national de la résistance ». Reçu de l'un de vous, qui est non seulement militant de la ligue des droits de l'homme mais aussi historien de métier :

J'ai vu et fait projeter ce film à Ivry devant un public conquis d'une centaine de personnes, qui disaient en gros " il n'y a qu'à recommencer" (quoi et comment?). Le film est plus hagiographique qu'incitant à réfléchir; j'ajoute que la façon de filmer n'est pas innocente: les politiques contemporains sont les uns rendus ridicules ( Bayrou rougeaud sans cesse interrompu, Hollande) les autres mis en valeur (Dupont Aignan).

*Refondation de l'école, requiem

La revue en ligne Le café pédagogique publie un entretien avec Alain Boissinot, président du conseil supérieur des programmes :

http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2014/02/24022014Article635288168841133298.aspx

« Vous rappelez l’importance d’éviter la précipitation, mais des réponses rapides sont nécessaires face aux difficultés pressantes du terrain, en particulier au collège. Que diriez-vous à ceux qui s’alarment d’un statu quo de deux années supplémentaires ? Ne craignez-vous pas que la réforme soit prise de court par les échéances politiques ?

Sur les questions de programmes et de démarche curriculaire, on ne peut se situer dans l’urgence et le temps court. De nombreux exemples étrangers en attestent. C’est en voulant aller trop vite qu’on renoncerait de fait à toute réelle ambition. L’important est d’engager un nouvel élan, avec la bonne méthode. Des ajustements permettront au besoin de répondre à des urgences, dans le primaire notamment où la consultation a montré certaines attentes convergentes. Mais rien n’est plus délétère que l’agitation permanente et les changements de cap incessants, qui discréditent l’idée même de réforme. Il faut inventer un processus d’évolution maîtrisé et géré dans la durée, autour d’objectifs clairement définis. »

Dans le numéro précédent de [alerte] j'avais intitulé un article « Refondation de l'école, requiem », en craignant que le report de la réforme des programmes annoncée par le ministre de l’Éducation nationale ne soit en fait un recul devant les positions des syndicats conservateurs, en particulier sur la définition de « curriculums ». L'entretien avec Alain Boissinot confirme mes craintes. Alain Boissinot est un haut fonctionnaire, donc par définition loyal envers son ministre. Que peut-il dire, si le ministre et le président pensent qu'ils ne faut pas réformer ce qui risque de poser problème ?

Les forces hostiles aux évolutions progressistes du système éducatif sont nombreuses et malheureusement convergent vers l'immobilisme : syndicats conservateurs, parce que les évolutions obligeraient à changer ; parents qui croient que leur enfant leur appartient et que l'école n'a pas de fonction d'éducation, mais seulement pour un rôle de transmission ; parents nostalgiques de l'école d'autrefois, lorsque l'école du certificat d'études conduisait la moitié des élèves à sortir de l'école sans aucun diplôme ; enseignants convaincus que leur discipline a un rôle privilégié dans la formation des élèves et que toucher aux horaires de cette discipline ou à la notion même d'enseignement fondé sur le partage par disciplines est un crime contre l'esprit ; enseignants qui, parce qu'ils ont acquis certaines compétences professionnelles avec les élèves croient que eux seuls savent ce qui est bon pour l'école de la république ; parents et enseignants qui croient qu'une école fondée sur le tri, la sélection et la réussite individuelle est la seule possible ; partis politiques qui jouent sur toutes ces craintes, en soutenant des thèses de parti pris, et qui souvent ne correspondent même pas à la réalité.

Il est sans doute vrai que l'on ne peut réformer l'école sans persuader les acteurs de l'école. Il est vrai aussi que la durée de vie d'un ministre est toujours très inférieure au temps nécessaire à cette persuasion. Est-ce à dire que toute évolution progressiste du système éducatif est impossible ? J'avais pourtant fondé quelques espoirs sur Peillon.

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Au fil des jours

Information en continu 

Il y a quelques temps, un rocher est tombé sur un train. Cela avait fait l'objet d'émissions d'information en continu d'une après-midi entière sur BFM et i-télé. Il y a quelques jours un rocher tombe sur un chalet en Savoie. Rien à la télé. Je m'interroge. Le train méritait-il plus d'attention car il était en mouvement alors que le chalet était immobile ? (C'était plus facile de viser.) Il n'y avait que deux morts dans le chalet, ce qui est en dessous du seuil où l'on déclenche une émission ? Pas un mot non plus du ministre de l'intérieur responsable de la sécurité civile. Quelle injustice. Y aurait-il eu plus de réactions si, au lieu de tomber sur un chalet immobile, le rocher était tombé sur une caravane appartenant à des roms ?

Jeux de l'esprit 

Reçu de l'un de vous, extrait de la revue en ligne « activités et éducation numérique »

Une énigme mathématique pour des collégiens, par Jean-Baptiste Touchard, ancien professeur de mathématiques. Énoncé : une poule et demie pond un œuf et demi en un jour et demi. Combien pondent neuf poules en neuf jours ? Saurez-vous résoudre l’énigme ?

Cette question est intéressante à plus d'un titre.

L'énigme n'est pas très difficile, et, en cliquant sur le lien ci-dessus « énigme mathématiques pour des collégiens » vous prendrez connaissance non seulement de la solution mais aussi de la méthode de raisonnement proposée par le prof à ses élèves. Avoir une méthode de raisonnement est encore plus intéressant que de savoir seulement résoudre l'énigme.

Mais ce sur quoi butent les élèves (et nous aussi) est la formulation sous la forme de « une poule et demie ». Qu'est-ce que c'est que la moitié d'une poule qui pond des moitiés d’œufs ? Si l'on avait demandé « quinze poules pondent quinze œufs... » cela n'aurait intrigué personne, alors que c'est la même chose.

Il est vrai que chacun est un peu intrigué lorsque l'on dit que en 2011 l'indicateur de fécondité en France était de 2,01 enfants par femme et qu'il est tombé à 1,99 début 2014. Qu'est-ce que c'est que ces petits morceaux d'enfants ? Le langage mathématique surprend, et l'on comprendrait mieux si l'on nous disait 199 enfants pour 100 femmes.

Pour l'énigme des poules on a en plus au fond de soi-même une petite inquiétude : est-on dans une situation de proportionnalité ou de proportionnalité inverse ? Si un ouvrier fait un travail en six jours, trois ouvriers font le travail en 6/3 soit deux jours et pas en 6x3. Il faut diviser et pas multiplier. Et pour les poules ?

J'en profite pour dire un petit quelque chose :

A la télé, tous les intervenants météo prennent bien soin de dire que la vitesse du vent sera de 50 km PAR heure. Ils ont raison.

Si en voiture vous parcourez 180 km en 2 h, pour obtenir votre vitesse il faut diviser 180 par 2, et la vitesse est donc en km par heure, km/h.

Si vous avez un compresseur électrique de puissance 2 kW que vous faites tourner pendant 3 heures, pour obtenir l'énergie totale consommée il faut multiplier et vous payez donc à EDF 6 kWh.

Donc : km/h kWh Formalisme sans intérêt ? Pas tout à fait, car la façon d'écrire l'unité montre que dans un cas il faut diviser et dans l'autre multiplier.

Mort de rire

Le 26 février 2014, un titre du journal Le Monde : Pourquoi Hollande est si tolérant avec les écolos ?

Vraiment, j'ai failli étouffer de rire. Les verts sont au gouvernement, et la politique suivie ne prend en compte aucune, absolument aucune de leurs analyses : conversion énergétique, choix industriels, écotaxe, agriculture intensive...

Ce que le journal appelle « être tolérant » c'est accepter de la part des alliés verts des remarques « courageuses » du genre « Nous ne sommes pas d'accord avec la construction de l'aéroport de ND des Landes, na ! ». Protestations purement verbales, sans aucun effet.

La présences des verts au gouvernement n'a absolument aucun effet sur la politique suivie, mais ils ont le droit d'émettre des cris de protestation. Quelle tolérance !

En lisant l'article du journal on s'aperçoit que la logique mise en œuvre est exactement celle que je décris : qu'importe la politique suivie, pourvu que la « gauche » gagne les élections.

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Fin de la lettre du 2014 2 28 / 28 février 2014