[alerte] - JM Bérard - 6 décembre 2013

Sommaire

Faire partie de l'élite

Un peu de raison : soutien à la pollu-taxe

Tarte à la crème : les vaccins

Préservons la planète ?

Informatique : colosse aux pieds d'argile ?

Culture : la conférence TED

La vie

Ce que parler veut dire


Faire partie de l'élite

Dans le système français « classes préparatoires puis accès à une grande école », il est « normal » de considérer que une fois réussi le concours d'entrée à l'école on appartient pour toujours à une élite, dont la mention apparaîtra même dans l'avis de décès. Et il semble, encore en 2013, normal de considérer que l'admission dans cette élite doit s'accompagner de rites de passage humiliants, sans doute pour bien prendre conscience du pouvoir que confère cette admission et pour se préparer à humilier ceux qui plus tard seront en votre pouvoir.

Deux articles (Libé, Le Monde, nov 2013), l'un concernant l'école de commerce Edhec, l'autre l'école des mines de Paris font état d'accidents (?) tragiques survenus à des élèves contraints à une consommation de fortes quantités d'alcool lors de « soirées d'intégration ».

Comment admettre que des rites, contestables, d'admission dans le cercle d'une élite s'approchent de l'homicide volontaire en contraignant une personne à boire une grande quantité d'alcool ?

L'élève décédé de l'école des Mines craignait le bizutage, et regrettait de ne pas être entré à normale sup.

Lorsque je suis entré dans cette école (normale sup) les anciens avaient, l'année d'avant, réfléchi au caractère humiliant de ces rites, et, tout en les maintenant, leur avaient donné une forme soft assez astucieuse : privé de la clé de notre chambre, nous devions partir la nuit par équipe de trois (ce qui permettait de faire connaissance) dans Paris (que nous étions loin de connaître tous) pour ramener à l'aube des objets imposés : un mammifère, un képi d'agent de police, une grenouille... J'avais trouvé cela plutôt rigolo, malgré la contrainte.

L'un de mes amis avait refusé la contrainte. Du coup des anciens l'avaient enlevé, attaché à une grille dans une station de métro et prévenu la police qu'un dangereux membre de l'OAS se trouvait là. Vu l'ambiance qui régnait à Paris à l'époque concernant la guerre d'Algérie, il me semble que c'était mettre ce camarade en danger de mort face à une rafale des forces de l'ordre.

Ce qui m'inquiète dans ces histoires est la conception que cela révèle du rôle futur que ces élites envisagent dans la société, une société de violence et d'humiliation.

Réaction de l'une de vous : je trouve que l'anecdote montre que même si on a réfléchi à ce qu'est un "bizutage", même soft, on redérape facilement. Dès qu'il y a pouvoir donc soumission, il y a perversion plus que convivialité et liens d'appartenance. On n'imagine pas, dans une fratrie, les plus grands bizuter le petit frère ou la petite sœur qui arrive , histoire de bien l'intégrer ! Et Marc Ferro a montré les ravages que peuvent faire le ressentiment et l'humiliation ...

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Un peu de raison : soutien à la pollu-taxe

Une défense basque de l'éco-taxe. Un article de Michel Abervhé pour le magazine en ligne « alternatives économiques ».

une défense basque de l'éco-taxe

Je recopie le tout, car dans le déferlement destructeur du « halte à l'impôt » les analyses un peu sérieuses s'expriment peu.

Citation :

Alors que la Bretagne grâce à une mobilisation aux fondements assez ambigus a su obtenir la suspension d’une éco-taxe qui s’appliquait pourtant chez elle de façon atténuée, les réactions d’autres régions qui, parce qu’elles sont dans d’autres situations, espéraient en cette taxe restent fort discrètes.

Les Alsaciens qui avaient demandé la création de cette taxe se sont exprimés, avec modération, pour la défendre, alors qu’ils subissent pourtant les nuisances de nombreux poids lourds franchissant le Rhin pour emprunter les routes alsaciennes et éviter ainsi l’éco-taxe en vigueur en Allemagne (voir Eco-taxe : regard alsacien).

Ce sont des Basques  qui prennent le relais puisque la CGT cheminots, le mouvement basque Bizi ! et le CADE,  Collectif des Associations pour la Défense de l’Environnement, proposent une rencontre le 2 décembre à la Bourse du Travail de Bayonne, pour soutenir l’application de cette éco-taxe, qu’ils rebaptisent pollu-taxe (avec des ajustements, dont la suppression de l’abattement aquitain)

Ils situent leur action dans une logique de développement de l’emploi local et de lutte contre un transport routier par camions très important dans ce pays de passage entre la France et l’Espagne. Ils affirment que ce sont les lobbys patronaux ont obtenu la suspension de cette taxe. Pour en lire plus sur cette position , cliquer surLe changement, c’est pour quand ? Oui à la pollutaxe !Article très étayé JM B.

Vraiment le sujet mérite mieux que des actions de commandos pour abattre des portiques.Fin de citation

Il me semble avoir entendu un petit article à ce sujet sur France-Inter, mais absolument rien dans les médias que je lis d'habitude, qui ont pourtant donné un écho extraordinaire aux bonnets rouges et aux transporteurs routiers.

Je regrette beaucoup que le gouvernement ait reculé sur cette mesure, comme sur d'autres. Mais bon, en situation d'apparence insurrectionnelle...

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Tarte à la crème : les vaccins

Une jeune fille est victime d'une sclérose en plaques après avoir été vaccinée par le Gardasil, qui détruit un virus qui peut provoquer le cancer du col de l'utérus. Émoi médiatique. Cela peut se comprendre, après les différents scandales qui mettent en cause l'industrie du médicament.

Soyons clairs, je n'ai aucune tendresse pour l'industrie pharmaceutique : le Mediator est resté en vente très longtemps alors que ses effets gravement nocifs étaient connus. Les conflits d'intérêt sont si j'ose dire monnaie courante (médecins testant les médicaments alors qu'ils sont par ailleurs payés par le labo), les choix de directions de recherche sont contestables (les cosmétiques plutôt que le palu), des campagnes en sous-main existent pour discréditer les médicaments génériques.

Et pourtant. Les vaccins sont comme tous les autres médicaments : ils présentent des risques, et le problème est d'évaluer avec soin le rapport risque/avantage. Peut-être le vaccin contre la variole avait-il parfois des effets secondaires, mais il a permis que cette maladie soit totalement éradiquée de la surface de la terre. Les antibiotiques peuvent parfois susciter de graves allergies, mais évitent la gangrène.

Vous pouvez lire comme moi dans les différents médias les nombres décrivant la mortalité annuelle en France du fait du cancer du col de l'utérus et les études concernant les effets positifs de ce vaccin et les accidents relatifs à ce vaccin. Vous pouvez comme moi constater que, sous réserve d'autres études, ce vaccin sauve des vies. Malgré ma méfiance contre l'industrie pharmaceutique, je ne suis pas partisan de démarrer au quart de tour en disant « le gardasil crée la sclérose en plaques ». Pour l'instant, aucune étude ne prouve que le nombre de jeunes filles ayant la sclérose en plaques est plus grand lorsqu'elles sont vaccinées par le Gardasil. Il est cependant préconisé de prendre des précautions (renoncer à la vaccination) lorsque des antécédents laissant prévoir un risque de développer cette maladie sont avérés. Dans l'état actuel des études, le rapport avantage/risque semble plaider pour l'utilité du Gardasil.

Je le disais l'autre jour à de futurs parents hostiles aux vaccins et au fait d'injecter des poisons dans le corps de leur bébé. Il y a peut-être de rares accidents suite au vaccin contre la polio, mais le nombre de cas de polio en France est devenu quasiment nul. Que direz-vous à votre bébé lorsqu'il aura 25 ans et sera en fauteuil roulant pour lui expliquer que vous n'avez pas voulu qu'il soit vacciné, alors que les risques vaccinaux étaient faibles par rapport au risque d'attraper la polio ?

Je ne dis pas que tout est parfait ; je pense que les mouvements de protestation contraignent utilement les labos à étudier avec soin les adjuvants, le mode de fabrication du vaccin et à faire preuve de transparence. Mais tant que le rapport avantage risque reste favorable, je trouve un peu irresponsable de vouloir se priver de la vaccination. Cela n'empêche pas la grande douleur et l'immense sentiment d'injustice de ceux sur qui sera tombé le risque vaccinal d'un médicament statistiquement utile. Mais pensons aussi à la douleur des personnes atteintes d'un cancer du col et de leurs familles. Je pense qu'il s'agit pour nous tous d'une réaction affective inévitable : le vaccin résulte de l'action de l'homme, le cancer est le fait du destin... Même s'il est prouvé statistiquement que le vaccin sauve des vies, on ne peut affectivement tolérer l'accident vaccinal, vécu comme un empoisonnement imposé par la société. Et peut-être, dans un vieux fond de culture religieuse pour certains, être vacciné c'est aller contre la volonté de Dieu ?

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Préservons la planète ?

Entendu au vol ce mercredi 5 au matin sur France inter : le pacte « d'avenir » pour la Bretagne a été publié hier 4 12 2013 et va rentrer dans le circuit des signatures. L'état apporte une forte somme, et une partie importante de cette somme est consacrée à l'agro-alimentaire. Ouh là là ! On a déjà reporté sine die l'écotaxe (pourtant votée à l'unanimité), qui a pour but de limiter la pollution en restructurant les modes de transport. Voici maintenant que l'on soutient l'agro-alimentaire en Bretagne. C'est sûrement utile (voir la crise des producteurs de volaille) mais on connaît bien les excès de l'agriculture bretonne pour ce qui concerne les pesticides : algues vertes, nappes phréatiques polluées. J'attends impatiemment mais sans illusion de lire mes journaux favoris pour savoir si cette aide à l'agroalimentaire est conditionnée à la mise en œuvre de meilleures pratiques de culture. C'est comme toujours : entre le chômage immédiat et la mort à long terme, on préfère choisir de lutter contre le chômage immédiat, sans chercher d'autres voies. Et puis, mauvais jeu de mots sur la culture : dans le pacte, la compétence culturelle est donnée à la région. Kenavo, chapeaux ronds et bonnets rouges oui, baisse des pesticides non.

Extrait du site lesechos .fr le 5 12 2013

Quant aux associations de défense de l’environnement, elles fustigent un pacte qui encouragerait les dérives à la source même de la crise et ­conduisant à concentrer sur le territoire un cheptel animal disproportionné

On retrouve la politique de N. Sarkozy à la fin de son mandat : l'écologie, faut arrêter...

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Informatique : colosse aux pieds d'argile ?

Barack Obama a dû batailler ferme, dans une société où seul le mérite individuel compte, pour créer l'Obamacare, une loi de solidarité permettant à tous d'avoir une assurance médicale. Cela reviendra à ce que 3 % de la population américaine paie plus cher pour que tout le monde soit assuré correctement. (Le Monde 1er et 2 décembre 2013). Jonathan Gruber, économiste au MIT déclare : « dans l'histoire américaine, aucune loi [jusqu'à l'Obamacare] n'a bénéficié à tout le monde. Notre société se doit de l'accepter. » Actuellement selon une enquête de l'institut Commonwealth Fund publiée en novembre 2013, 37 % des Américains ne se soignent pas faute de pouvoir payer leur traitement.

Or l'application de cette loi est en grande difficulté car le site fédéral qui permet de souscrire à l'assurance ne fonctionne pas. Le pays de la silicon valley, le pays où une agence d'état est capable d'espionner tous les citoyens du monde n'a pas pu construire un site permettant d'appliquer une loi phare du président.

En France, même problème, à un degré moindre : le logiciel qui permet de payer les militaires a dû être abandonné après deux ans d'errance, de salaires non versés, de primes non payées. Alors même que dans la réforme des armées la lutte contre la cyber-guerre est fortement valorisée. Saura-t-on vraiment se protéger des attaques informatiques de l'ennemi si l'on ne sait pas payer ses propres militaires ?

Quelle conclusion en tirer ? Je ne sais pas, mais il y en a sûrement une. Les illusions de la toute puissance, peut-être ?

Colosse aux pieds d'argile : Image empruntée à la Bible : dans le Livre de Daniel (2,31-55), Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui a rêvé d’une grande statue aux pieds de fer et d’argile et « terrible à voir », veut connaître le sens de ce songe. Daniel interprète le rêve en comparant le royaume de Nabuchodonosor au colosse aux pieds d'argile.

Exemples : selon Karl Marx le système capitaliste, économique et financier, est un colosse aux pieds d'argile. Selon Mao Tse Toung, l'impérialisme américain est un colosse aux pieds d'argile. (Sa puissante armée a été battue par la guerre populaire au Viet Nam.) Nostalgie mise à part, le colosse aux pieds d'argile est tout de même plus solide que ne le pensait Marx. Le système économique et financier ultra libéral est à bout de course, mais parvient à survivre en collant des rustines sur un pneu délabré, au prix de crises économiques, de chômage, de pauvreté en extension, de déficit alimentaire, de guerres asymétriques, de crises écologiques.

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Culture : la conférence TED

Cette structure est décrite dans l'article ted, reproduction interdite, cliquez et lisez.

En ligne des milliers de vidéos de 18 min, sur des sujets très divers. Selon Wikipedia la conférence TED définit sa mission comme « propagateur d'idées », et met gratuitement à la disposition du public les meilleures conférences sur son site Web. Les exposés couvrent un large éventail de sujets, tel que la science, les arts, la politique, les questions mondiales, l'architecture, la musique et plusieurs autres sphères de compétences. Les intervenants eux-mêmes sont d'une grande variété de disciplines.

Un exemple intéressant pour vous mettre en appétit : l'histoire du monde en 18 minutes.

A l'aide de superbes illustrations, David Christian raconte l'histoire complète de l'univers, du Big Bang à l'Internet, en 18 minutes captivantes. Il s'agit de "Big History": un regard éclairé, avec grand angle sur la complexité, la vie et l'humanité, face à notre mince part dans la chronologie cosmique.

Qu'en pensez-vous ?

Je ne connaissais pas TED et ses milliers de conférences de 18 min. Merci de me l'avoir fait connaître.

Autres exemples de conférences sous-titrées en français : ted sous-titré français

Accueil ted : accueil ted

Qu'en pensez-vous ?

Dans ce genre j'aime bien aussi le site de l'école normale supérieure et ses conférences de 15 minutes

http://www.les-ernest.fr/old/accueil

Une partie seulement du site est visible, l'ensemble est en cours de réorganisation.

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La vie

Au delà de la crise, des manifestations, des hésitations du gouvernement, il y a aussi la vie. Quelques exemples tirés du numéro de décembre 2013 du journal municipal de la ville des Lilas, 9-3, 20 000 habitants :

Je ne sélectionne que quelques articles portant sur la vie des associations récemment créées. Je vous parlerai une autre fois du club de broderie.

L'association La demeure des Lilas organise des ateliers pour enfants et un système d'entraide pour que les personnes ne restent pas seules.

L'association La ruche qui dit oui regroupe 500 personnes qui passent commande à des producteurs de légumes, de fruits, de fromage, de viande de bœuf.

L'association Tout pour un vélo organise un atelier de réparation et la collecte et le recyclage de matériel.

La ville en mode suspendu : on connaît le principe du café suspendu : dans un café, on paie deux cafés, on en boit un, et le deuxième est à la disposition de personnes qui en ont besoin. Aux Lilas, le principe va s'étendre à d'autres commerces : librairie « Folie d'encre », magasins d'alimentation. Le journal municipal dit que c'est la première ville à étendre ainsi le principe du suspendu.

Conférences philosophiques à la bibliothèque : le bonheur, réussir sa vie.

Juste pour rire, en une du journal : remise des diplômes aux nouveaux bâcheliers. Et l'on dit que le niveau en orthographe baisse y compris au bac ! Bon, quiconque a déjà relu des épreuves d'imprimerie sait que c'est dans les titres qu'on laisse passer le plus de coquilles. Et puis ne donne-t-on pas à l'orthographe un rôle de sélection sociale excessif ?

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Ce que parler veut dire

Tenter de comprendre ce qui se dit m'intéresse toujours.

Ce soir 5 décembre 2013 le président de la République annonce l'envoi de troupes en Centrafrique et affirme « J'ai toute confiance dans nos soldats pour mener à bien cette opération ». Que veut-il dire ? Quel est le contenu de cette phrase ? Aurait-il pu dire « Je les envoie là-bas, mais ce sont des nuls, ils n'arriveront à rien. » ?

Remarque : je ne prends pas du tout le président à parti. Je me demande simplement quel est le sens du discours politique stéréotypé.

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Vous pouvez recevoir la lettre par liste de diffusion, demander à

Jean-michel.berard  orange.fr

fin de la lettre du 2013 12 6 / 6 décembre 2013