[alerte] - JM Bérard - 7 juin 2013

Sommaire

Une exposition

La solution que vous attendez tous : mathématiques au certif

Les fausses évidences

La rupture

La semaine prochaine

A nouveau le certif

Défendons les libertés

Jardins à la française, précisions

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Vous pouvez accéder aux documents que j'ai déposés dans le nuage Google tout simplement en cliquant sur documents alerte .

Mode d'emploi : en cliquant sur le lien vous obtenez une pré-vision des fichiers. Il suffit alors de faire un simple clic (simple clic) sur la pré-vision pour que le fichier s'ouvre.

J'y dépose des textes, des images, sans autre critère de sélection que le fait que cela m'a intéressé et que je souhaite vous le faire partager. Vous pouvez piocher, flâner, zapper. Cliquez, vous ne risquez rien...

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Une exposition

Cité des sciences de la Villette, métro porte de la Villette, Paris. Tous les jours sauf le lundi : Léonard de Vinci. Des textes, des reproductions de tableaux et de dessins, des diaporamas synthétisant divers aspects de son œuvre (peintre, musicien, architecte, ingénieur) mais surtout des maquettes d'objets réalisées à partir de ses dessins, engins volants, roulants, tissant, cardant (du verbe carder), engins de guerre. Certains ont fonctionné, d'autres étaient restés à l'état d'anticipation géniale.

Les engrenages et l'arbre à cames n'avaient pas de secrets pour lui, déjà en l'an 1500.

Une prémonition chez Vinci : rechercher les analogies entre la nature et les productions humaines : ailes d'engins volants imitant celles des oiseaux, etc. Après un dix neuvième siècle purement machiniste-mécanique (la vapeur et les bielles), on s'intéresse au vingt-et-unième siècle au vol des libellules pour construire des drones, à la nage de l'anguille pour construire des engins sous-marins, à l'œil des mouches pour positionner les robots, à la structure des cellules de cire des abeilles pour construire des ailes d'avions. Prémonition de Vinci, réalité de nos jours.

En visitant l'exposition, je me suis demandé, sans trouver de réponse, si l'usage de l'ordinateur aurait aidé Vinci dans son travail.

L'extension du champ des connaissances ne permettrait plus, de nos jours, l'existence de personnalités aux talents aussi divers.

Pour déjeuner, vous pouvez traverser le parc à pied pour vous installer au Café de la Musique.

Anecdote : cherchez « Vinci » sur Google. L'artiste n'arrive qu'en page 6 ! Juste avant « Les suceuses de l'Ouest », entreprise dont certains de vous seront peut-être déçus du fait qu'elle ne fait que louer des excavatrices et autres engins de chantier. Cela montre bien comment les résultats des algorithmes de recherche de mogole sont à considérer avec précaution. Les résultats sur « Léonard » sont surprenants aussi. Bien sûr les résultats sont tout autres si l'on tape « Léonard de Vinci ».

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La solution que vous attendez tous : mathématiques au certif

Comme pour les trois steaks à faire cuire, le problème d'arithmétique du certif a suscité des réactions de la part de certains de vous.

Je rappelle le problème : « un certain ouvrage pourrait être fait en 12 heures par un homme, en 18 heures par une femme et en 30 heures par leur enfant. Combien de temps mettront-ils pour le faire en travaillant ensemble ? » Extrait d'un livre du maître paru en 1920.

J'avais eu du mal à trouver une solution simple, j'ai rassemblé les solutions envoyées par deux de vous :

Homme 12 femme 18 enfant 30

En 12h ils font donc 1 + 12/18 + 12/30 du travail. (Attention : proportionnalité inverse, c'est le raisonnement difficile de cet exercice.)

en simplifiant les fractions 1+ 2/3 + 2/5

et en réduisant au même dénominateur 31/15 du travail en  12h

Le travail est donc fait en 15/31 fois 12h.

Et là se pose un nouveau problème car le résultat ne tombe pas « juste ». On trouve 5,806451613 heures. (D'accord, j'ai fait le calcul à la machine. Au certif, on n'en avait pas.) Ce n’est encore pas la bonne réponse car il faut calculer non pas en décimal mais en heures minutes secondes.(Système sexagésimal, comme le savaient tous les élèves.)

Soit 5 h 48 min 23 s et 225 millièmes de second... Le corrigé dit “5 h 48 min par défaut”. Je ne sais pas vous, mais moi... J'ai eu du mal à convertir. J'ai perdu les automatismes. Il m'a fallu l'aide de l'un de vous... Il faut dire aussi que ma calculette fait cela automatiquement, mais je n'ai pas trouvé la bonne touche.

Sur ce problème de certif, et malgré le plaisir intellectuel que donne le défi, plusieurs de vous n'ont pas cherché, rebutés sans doute par le fait qu'il s'agit de mathématiques.

L'un de vous dit que la solution est 20h. On peut se dire que si l'homme seul fait le travail en 12h à eux trois ils mettront moins de 12h, et donc pas 20h.

En fait ce problème de certif montre bien l'une des caractéristiques de cet examen : il était préparé de façon intensive, par une élite des élèves, qui étaient entrainés, « bachotés » à résoudre ce type de questions (très fréquentes dans le livre que je cite) alors qu'elles ne nous sont pas familières.

Ce qui nous déroute :

- la situation n'est pas une situation de proportionnalité : pour le tissus, si 3 mètres valent 7 francs, 12 mètres valent 28 francs. Alors que si un ouvrier fait un travail en 9 jours, trois ouvriers mettront non pas 27 mais 3 jours.

- le raisonnement arithmétique est, pour ce genre de problèmes, plus « élégant » que l'algèbre, qui nous est plus familière. C'est normal : ces problèmes sont faits pour des élèves maitrisant bien l'arithmétique et ne connaissant pas l'algèbre. C'est « étudié pour ».

- la solution ne « tombe pas juste ».

- pour terminer le problème il faut calculer en heures minutes et secondes, et pas en centièmes d'heures comme le font les ordinateurs.

Tout cela fait que pour nous ce problème, rabâché à l'époque du certif, est difficile.

Remarque annexe : la morale est respectée, l'homme et la femme sont mariés puisqu'ils emploient « leur » enfant. Ils étaient trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs. Une chose est sure : cet enfant là n'aura pas le certif, il est réquisitionné pour travailler. Dans le village de mes parents, l'école s'arrêtait en mai, car on avait besoin des enfants dans les champs. En ville les écoles ne fermaient pas avant les vacances.

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Les fausses évidences

Un automobiliste fait un trajet aller et retour. A l'aller il roule à 120 kilomètres par heure. Au retour, son moteur est abimé, et sur la même distance qu'à l'aller il roule à 60 kilomètres par heure. Quelle est sa vitesse moyenne sur l'ensemble de l'aller et retour ? La moyenne des vitesses, (120 + 60)/2 = 90 km/h évidemment. Pas sûr !

Je dois vous dire que lorsque j'ai eu à résoudre ce problème tout simple j'ai été stupéfait par la réponse.

Pour vous faire une idée, prenez un exemple en supposant que la distance à parcourir est de 240 km à l'aller (soit 2h de voyage à 120km/h), et 240 km au retour (soit 4h de voyage à 60 km/h), donc 480 km pour l'aller et retour et 6 heures de voyage. Calculez la vitesse moyenne sur cet exemple. Allez, il reste juste une division à faire... Il vous reste juste à diviser 480 km par 6h. Et à comparer la réalité, 80 km/h avec ce que vous aviez supposé, 90 km/h. Étonnant, non ?

C'est tout de même très troublant : la vitesse moyenne sur l'ensemble n'est pas la moyenne des vitesses de l'aller et du retour. Difficile à concevoir. En fait c'est comme le travail de l'homme et de la femme : on est dans une situation de proportionnalité inverse. Lorsque la vitesse augmente le temps diminue. Sur l'aller et le retour ce sont les temps qui s'ajoutent, pas les vitesses.

Si vous êtes passionné par les maths, établissez la formule générale qui donne la vitesse moyenne Vm avec une vitesse V1 à l'aller et V2 au retour. Je ne donnerai pas votre nom, pas de tableau d'honneur, mais je donnerai dans la prochaine lettre le nombre de personnes qui auront trouvé. (Anne-Marie et Serge sont hors concours.)

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La rupture

Si vous tenez un spaghetti par les deux extrémités et le courbez pour le casser, de façon étonnante il se casse rarement en deux, mais le plus souvent en trois. Voir le résultat de l'expérience sur documents alerte . Cliquez sur ce lien, puis simple clic sur l'image de pré-visualisation « spaghettis ».

L'un de vous m'envoie l'information suivante :

Concernant ton histoire de  rupture de spaghettis , je te raconte une histoire vécue et connue. Quand on démolit ces grandes cheminées d'usine de 30 à 40 m de haut, construites en briques ( je dis bien en briques ) on les dynamite à la base pour qu'elles tombent dans la direction que l'on souhaite, avec une grande précision . Lors de leur chute elles se brisent toujours en 3 parties, depuis la base 1/3, 1/3, 2/3 de la hauteur (environ).

De cette rupture en 3 parties peut on en déduire une loi universelle ? Place aux chercheurs , si le cœur vous en dit ! 

Je pense que c'est une loi universelle de la nature : voir les trois mousquetaires, la Sainte Trinité, le triangle père-mère-enfant cher aux psychanalystes, le triangle maçonnique, les trois pattes du canard (« Cela ne casse pas trois pattes à un canard. ») D'après Wikipédia le pythagoricien Philolaos (vers 430 av. J.-C.) « tient que le nombre 3 symbolise le triangle. » Où allait-il chercher tout ça ?

Plus sérieusement je ne sais pas si le fait que les cheminées se cassent en trois s'explique de la même façon que la brisure des spaghettis. Je crois me rappeler que pour les spaghettis intervient une torsion de l'objet sur lui-même, ce qui n'est pas le cas de la cheminée. Comme le dit l'expéditeur du message, place aux chercheurs.

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La semaine prochaine

J'aborde à nouveau ci-dessous la question du certif. Mon propos est la mise en perspective « du tableau noir à la tablette numérique. » L'article sur le certif étant très long, vous aurez la semaine prochaine la deuxième partie du feuilleton.

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A nouveau le certif

Je jubile à la lecture de Passez le certif de Jacques Gimard, éditions « Hors collection », 2013, 9,90 euros. Achetez-le, vous jubilerez aussi.

Mon propos n'est pas de faire une histoire du certif, de nombreux historiens l'ont déjà fait. J'émets simplement quelques remarques à partir de la seule source, très partielle, de ce livre. La plupart des énoncés et corrigés cités par Gimard proviennent de livres du maitre ou de l'élève, dont je donne les dates.

Le certif, examen pour une partie des enfants d'ouvriers et de paysans

« L'école de la 3ième République, qui se prolongea largement durant la 4ième, était principalement composée de deux systèmes séparés fondés sur l'existence de deux ensembles principaux de classes sociales : les classes populaires et les classes bourgeoises.

L'école du peuple, primaire, pour tous, qu'elle fût publique ou privée, dont l'objectif était essentiellement de préparer les jeunes à assumer leurs rôles de futurs paysans, artisans, commerçants, ouvriers, soldats. [...]

L'école de la bourgeoisie, secondaire, comprenant les Lycées et quelques établissements privés catholiques [...] conduisant à un enseignement supérieur [...] dont l'objectif était également de préparer les jeunes à assumer leurs rôles futurs de patrons d'entreprises, de médecins, d'avocats, d'ingénieurs, d'officiers de l'armée.

La finalité de cette École duelle était de pérenniser l'ordre social existant, établi sur la base de deux grands groupes de classes sociales bien distincts.

Cette société nécessitait cependant l'existence de classes intermédiaires : pour les tâches d'enseignement d'abord (à l'école élémentaire), mais aussi pour assumer les rôles de cadres inférieurs et moyens (employés de bureau, contremaîtres, agents d'une administration qui se développait déjà). Il fallait donc une filière scolaire spécifique qui s'adresserait aux "meilleurs élèves" de l'enseignement primaire et qui ajouterait des savoirs et savoir-faire à leur bagage minimum initial : ainsi naquit l'enseignement primaire supérieur. »

Source : Histoire de l'école : association R.E.V.E.I.L

Association R.E.V.E.I.L page d'accueil

À l'école primaire, seuls les élèves présentés par l'instit passaient le certif. La réputation de l'instit et de l'école était en jeu. Pour une école, avoir le premier de canton était un titre de gloire. Je connais une institutrice qui, en 1965 (ce n'est pas si vieux) a eu des ennuis parce qu'elle voulait envoyer en 6ème une élève dont la directrice de l'école espérait qu'elle serait première du canton au certif.

En 1920, un tiers des élèves seulement sortent de l'école avec le certificat. En 1936 la moitié des élèves seulement obtiennent le certif.

Il faut cesser d'entretenir le mythe d'une école rêvée qui assurait la formation de tous.

Il est vrai qu'existaient les écoles primaires supérieures, qui, après l'école primaire, préparaient au brevet élémentaire et au brevet supérieur. Je ne sais pas quelle proportion d'une classe d'âge accédait au brevet supérieur.

Les écoles normales d'instituteurs, supprimées par Pétain pour non-conformisme idéologique, formaient les instituteurs, « hussards noirs de la république ».

Le lycée, outil de reproduction de la bourgeoisie, était, lui, réservé à une toute petite élite.

Le certif et l'effet « de quoi sont les pieds ? »

Vraie ou pas, cette plaisanterie prétendument issue d'un manuel pour les soldats nous faisait beaucoup rire : « De quoi sont les pieds ? Ils sont de la part du fantassin l'objet de soins constants. »

C'est pourtant bien le modèle de la question de certif. La seule source de connaissance est le maître, c'est lui (enfin bon, une commission cantonale) qui pose les questions écrites, c'est lui qui pose les questions à l'oral, et on ne peut répondre aux questions que si l'on sait exactement ce qu'attend le maître, car l'implicite règne.

Pas de confrontation avec d'autres sources, pas de créativité, peu de réflexion. On répond ce qui est attendu, ou ce que l'on suppose être attendu. L'implicite règne. (bis), la voix de son maître aussi.

Que répondre aux questions suivantes, si l'on ne sait pas ce qu'attendent le maître et l'institution ?

A quoi reconnait-on un enfant bien élevé ? (1923)

A quelle température correspond le 0 du thermomètre centigrade ? Que marque le nombre 100 sur un thermomètre centigrade ? (1920). La réponse à cette question prise au pied de la lettre est « 0°C, 100°C » alors que le maître attend que l'on parle de la fusion de la glace et de l'ébullition de l'eau. De quoi sont les pieds ?

La ménagère doit-elle faire de la bonne cuisine ? (1920) On suppose que la réponse est oui. L'implicite réside dans les raisons pour lesquelles elle doit le faire.

Comment le président renversa-t-il la République a laquelle il avait pourtant juré fidélité ? (1920) Authentique. Je nomme par avance premier de canton celui de vous qui saura répondre à cette devinette.

Comment savez-vous que vous avez une âme ?(1905)

Citez une qualité appréciée de tout le monde et qui est un indice d'une bonne éducation ? (1920) On en demande une. Comment choisir entre toutes celles que l'on nous enseigne à l'école ?

Le certif, une collection encyclopédique de connaissances

La somme de toutes les connaissances exigées pour le certif était, elle, impressionnante.

Dans le livre de Gimard, les questions citées ne concernent que la France, en histoire, géographie, leçons de chose, mathématiques, rédaction... Peut-être est-ce dû aux choix de Gimard. Rien n'existe en dehors de la France.

On demandait ainsi aux candidats de savoir en leçons de choses (1920) ce qu'est la houille, le calcaire, la rouille, le grisou, le granit, l'ardoise, la baleine, (« Qu'est-ce que la baleine ? » Réponse : « C'est un mammifère de l'ordre des cétacés. » Pourquoi pas « C'est un animal que les marins chassent en Islande », ou « C'est l'animal qui avala Jonas » ?. En économie domestique, on leur demandait de dire à quoi on reconnaît une bonne aiguille (1920). En histoire de citer les quatre premiers capétiens, de dire ce que l'on appelle la Réforme, la Fronde, pourquoi l'Empire n'a été qu'une longue suite de guerres.(1920) En géographie dans quel département et sur quels cours d'eau se trouvent Besançon, Périgueux, Vierzon, Chateaudun, quel est le petit affluent de droite de la Saône qui arrose Dijon, que produisent les carrières d'Angers. (1920) En instruction civique de dire ce qu'est le glanage et ce qu'est le grappillage, de dire quelles sont les attributions du conseil d'État. (1920)

Nulle ironie dans mon propos. On formait des citoyens (une petite partie des enfants d'ouvriers et de paysans) qui avaient des bases solides. Il me semble toutefois que, même en faisant abstraction de l'effet « de quoi sont les pieds ? » ces connaissances manquaient de cohérence, et que, par exemple, toutes les connaissances factuelles accumulées en leçons de chose ne donnaient guère de principes scientifiques pour en comprendre la portée.

Dans un récent colloque de l'Éducation nationale, la question posée en leitmotiv était « Comment passer de la donnée numérique à l'information, de l'information à la connaissance et de la connaissance au savoir ? » Au vu des questions du certif la question me semble prégnante : une accumulation d'informations est-elle un savoir ? Au delà des mécanismes, a-t-on appris les méthodes qui vont permettre de transférer ces savoirs à d'autres situations, de faire preuve d'esprit critique et de créativité ?

Le certif, évaluation d'une formation morale

La encore, pas d'ironie dans mon propos. Il est bien normal que l'école transmette des valeurs qui permettent de vivre ensemble. En 2013 encore se pose le problème : quelle morale enseigner, et qu'est-ce qu'enseigner la morale ?

Dans les questions de certif, il me semble que l'on trouve davantage l'apprentissage d'un conformisme social qu'une formation. Qui plus est, même pour l'époque, les valeurs défendues semblent bien en retard sur leur temps. N'oublions pas que Jules Ferry avait en horreur le drapeau rouge de la Commune de Paris.

L'essentiel du travail des hussards noirs de la république était de diffuser (malgré les polémiques et les oppositions) les valeurs de la république jacobine et du patriotisme. Étrangement, dans le livre de Gimard, les exercices et questions liés à ces valeurs pourtant essentielles dans le rôle de l'école du certif sont peu présents.

Dans les exercices cités par « Passez le certif » deux points préoccupent beaucoup les enseignants : comment lutter contre l'alcoolisme (vrai problème) et comment lutter contre la paresse, qui comme on le sait est la mère de tous les vices.

Un ouvrier qui fait des dépenses quotidiennes de tabac, eau-de-vie, boisson ne s'aperçoit pas ( !) qu'il dépense ainsi 143F par an. Combien cela représente-t-il de journées de sa femme qui est brodeuse et gagne 2,75F par jour ? (Mathématiques, 1920). Le fléau, réel, de l'alcoolisme, ne touchait donc heureusement pas les femmes. Et sans aucun doute de tels problèmes permettaient de prévenir ce fléau.

Qu'est-ce que la paresse ? Montrez comment le paresseux fait tort à lui-même, à son maitre et à la patrie. (Rédaction, 1887) Réponse : le paresseux fait tort à son maître, il ne mérite pas le pain qu'il mange. Débat encore actuel : les chômeurs méritent-ils le RSA ?

Ernest s'est moqué d'un vieillard, son ami Louis, plus âgé que lui, lui écrit pour le ramener à de meilleurs sentiments. (Rédaction, 1920) C'est Louis, dont on précise qu'il est plus âgé, qui écrit. Le respect interdit sans doute à un jeune enfant de faire des remarques à un ami plus âgé ! Ou alors c'est parce qu'il a mieux bénéficié de l'École.

Qu'est-ce que faire danser l'anse du panier ? (Économie familiale 1920). On dit cela des domestiques qui trompent leurs maitres sur ce qu'elles ont acheté. C'est du vol. C'est vrai. Notons cependant que les domestiques hommes sont honnêtes, eux.

Que veut dire le mot « patron » ? (Morale, 1920) Patron veut dire protecteur. Patronner quelqu'un c'est le prendre sous sa protection . On voit déjà poindre la nécessité d'aimer l'entreprise, valeur sure en 2013.

Étrangement dans ce livre de Gimard on ne trouve aucune question sur le patriotisme (Mourir pour la patrie est le sort le plus beau, le plus digne d'envie) ou le racisme (La race européenne est plus forte et plus intelligente, les nègres sont heureux qu'on leur ait apporté la civilisation) et peu de questions sur la République. Ces questions étaient pourtant essentielles. Pourquoi ces choix de l'auteur ? Il faut que je lise ses autres ouvrages.

Le certif, un apprentissage intensif de mécanismes bien rôdés

On a vu comment, en mathématiques, les mécanismes de la proportionnalité inverse étaient utilisés couramment. Les conversions d'unités de même : convertir des décistères en décimètres cube ( ?), des hectomètres carrés en hectares, des hectares, ares et centiares en mètres carrés. On savait sans difficulté ( ?) utiliser les densités, calculer les intérêts rapportés par un placement, calculer le prix de l'exploitation d'un champ de blé, trouver si la fermière a rajouté de l'eau dans le lait, savoir combien de litres d'eau rajouter au vin pour qu'il soit moins cher, calculer les temps de transport à pied, à cheval, ou dans des trains qui roulent à 30 km/h. Des automatismes bien rôdés pour affronter la vie pratique promise aux titulaires du certif.

Automatismes ? Compréhension ?

On est aussi admiratif devant toutes les méthodes de calcul mental, que les calculettes ont assassinées : comment multiplier par 21, 31, comment multiplier par 19, 29, comment diviser 12/25 par 4, dire comment se fait la soustraction des fractions lorsqu'il y a des entiers joints aux fractions ( ??? effet « de quoi sont les pieds » ), comment trouver rapidement le triple de 494.

On est, enfin, admiratif devant les exercices de grammaire, formation rigoureuse à l'esprit logique. Admiratif et sceptique. Ne connaissant rien à l'enseignement de la grammaire, dont je sais qu'il a beaucoup évolué, je n'en dirai pas plus.

Réalisme grammatical : conjuguer « être augmenté par le patron » au conditionnel passé.

Juste un mot : les sous-entendus de certaines questions étaient-ils volontaires ? Si oui, c'est grave, si non, c'est grave aussi...

Les petites vertus n'éblouissent pas, elles embaument comme la violette. Quel est l'effet des bains froids ? Comment une bonne femme peut-elle encore plaire à son mari ?

Des extraits du livre de Michel Jeury La gloire du certif : Le brossage journalier des dents est un bon préservatif. Dans la phrase « il y avait quelque chose de dur sous moi, dit la princesse » » peut-on remplacer dur par résistant ? D'accord, c'est la faute de Hans Christian Andersen. Le prince recherchait une « vraie princesse », je me demande ce qu'il voulait dire. L'élève qui joue dans la cour de récréation est, du point de vue de la moralité, moins à surveiller que celui qui s'isole et se cache. D'accord, celui qui s'isole et se cache a des problèmes de sociabilité, mais est-ce à cela qu'on pense en se plaçant « du point de vue de la moralité » ? Monsieur voulait, madame ne voulait pas sont deux propositions exprimant ce que l'on dit de Monsieur et Madame. (1908.)D'accord, Michel Jeury l'a un peu cherché.

Alors ? Personnellement je suis surtout frappé par le fait que le mythique certif ne concernait au mieux, que la moitié des enfants d'ouvriers et de paysans. Il est vrai que, à l'époque, pour être cantonnier, il n'était pas utile de savoir lire le mode d'emploi du marteau piqueur ou de l'armoire électrique, programmer l'ordinateur de la pelle mécanique, rédiger un rapport simple sur l'avancement des travaux, lire les ordres de service que vous a envoyés le responsable et passer un concours d'accès à la fonction publique territoriale.

En 2013, l'économie française manque d'étudiants post-bac, BTS en particulier.

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Défendons les libertés

Sources : Le Monde 7 Juin 2013, Rue89 7 juin 2013

Les services US ont accès à tout !

C'est bien connu, pour soutenir l'emploi il faut détruire nos conditions de vie sur la Terre, et pour défendre nos libertés il faut les restreindre.

Depuis le 21-septembre, le texte dit « Patriot act », aux États Unis, permet aux agences fédérales de surveiller les Américains et les étrangers dont les données transitent par des serveurs de sociétés américaines, cela au mépris de la constitution des USA qui garantit la liberté d'expression. Sont ainsi pistés les emails, documents, photos, vidéos et autres données privées des utilisateurs de ces services internet, les dépôts dans les clouds, les titres des livres consultés dans les bibliothèques et autres billevesées. Il suffit que le service concerné reçoive (du président ?) une « lettre de sécurité nationale » pour demander accès aux données concernant quiconque, sans justification. 234 000 lettres ont été émises entre 2003 et 2008.

Une certaine émotion a gagné les USA lorsqu'on a appris le 25 avril 2013 que, à la demande de Barack Obama, la société de téléphone Verizon trace, pour la National Security Agency, des millions d'abonnés. On l'a appris, alors que jusqu'à maintenant cela avait sans doute lieu mais on ne le savait pas.

Cela concerne aussi les étrangers, donc les français : si les données transitent pas les serveurs d'une compagnie américaine (Blackberry, Facebook, Google, Microsoft, Yahoo, PalTalk, AOL, Skype, YouTube, Apple...) ou si des données sont déposées dans le cloud de ces sociétés, elles sont accessibles aux agences américaines sans jugement et sans que l'intéressé soit prévenu.

Vive la liberté de penser, vive aussi l'espionnage économique des entreprises.

Je suis un farouche partisan de la défense des libertés publiques et individuelles. L'un de vous me disait récemment que c'est peine perdue : l'opinion publique demande plus de caméras de vidéo-surveillance qui permettent de repérer les assassins du militant de gauche tué le 5 juin ou les terroristes du marathon de Boston. Cette surveillance protège chacun de nous contre les méchants, contre l'autre ! La propagande sur les avantages sécuritaires de tous ces outils a été tellement efficace qu'il sera sans doute impossible de revenir à une protection, même minimale, des libertés. Je fréquente des amis optimistes.

Le réveil sera dur lorsque chacun s'apercevra que l'autre, c'est lui aussi, mais il est sans doute déjà trop tard.

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Jardins à la française, précisions

Dans le dernier numéro de [alerte] vous avez pu lire un article sur les jardins à la française, à propos de l'exposition Le Nôtre à Vaux-le-Vicomte.

J'y faisais référence à l'idée que ces jardins étaient le symbole du pouvoir, pouvoir du Roi symbolisé par le pouvoir de l'homme sur la nature. J'y faisais aussi référence à Descartes, qui disait que la science permet à l'homme d'être comme maitre et possesseur de la nature. Le Nôtre a d'ailleurs utilisé les lois d'optique de Descartes pour produire certains des effets de perspective et de réflexion dans le jardin.

Je n'avais pas cité la source de ces idées : les panneaux d'information réalisés pour l'exposition.

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Diffusion libre à condition de citer la source [alerte] JM Bérard, et la date.

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire...

Lorsque vous m'envoyez des réactions, je les publie sans votre signature. En effet, c'est une chose que d'écrire à des personnes que l'on connait ou qui sont rassemblées sur la base d'un consensus précis, c'en est une autre d'écrire à une liste à laquelle chacun peut s'abonner sans condition ou sur un site que chacun peut lire.

Si vous préférez que vous contributions soient signées, dites-le moi en les envoyant.

jean-michel.berard orange.fr

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fin de la lettre du 2013 6 7 / 7 juin 2013