[alerte] -JM Bérard- 1 février 2013

Sommaire

  1. Petites notes au fil des jours

Cinéma

C'est bon

C'est beau

On n'arrête pas le progrès

Qui a eu cette idée folle d'inventer l'école ?

Flash

  1. L'envers de la « fraude sociale », des faits bien méconnus

  2. Réflexions sur les usages du numérique dans notre société

Les moutons pucés

Commodité et liberté

Le nuage informatique (cloud) : retour de l'informatique hiérarchisée ?

  1. Xyloglossie : parler pour dire « rien » : diffusé par mail, non disponible sur le site. Me demander


_____________________________________________________________________________________________

Diffusion libre, en citant la date et la source.

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire...

jean-michel.berard   orange.fr

La liste de diff comporte environ 200 personnes, et qui plus est les billets sont disponibles sur internet. C'est pourquoi, lorsque vous m'envoyez des réactions, je les publie sans votre signature. En effet, c'est une chose d'écrire à des personnes que l'on connait ou qui sont rassemblées sur la base d'un consensus précis, c'en est une autre d'écrire à une liste à laquelle chacun peut s'abonner sans condition.

Si vous préférez que vous contributions soient signées, dites-le moi en les envoyant.

__________________________________________________________________

La lettre précédente a suscité plusieurs réactions de votre part. Merci, cela fait avancer le débat.

1 Petites notes au fil des jours

Cinéma

Alceste à bicyclette, Fabrice Lucchini, Lambert Wilson, Molière, le Misanthrope, le sens des relations entre les gens. Un moment de pure jubilation.

Attention : mauvaise critique dans Télérama. Il parait que ce n'est pas comme cela que l'on goûte Molière. A vous de voir.

Extrait du courrier des lecteurs de Télérama N° 3290

En général je suis assez d'accord avec les critiques de films faites par vos journalistes, mais cette fois Télérama a été très injuste. J'ai aimé Alceste à bicyclette, F. Lucchini et L. Wilson manient avec virtuosité la langue de Molière. [...] Le film reste un vrai moment de bonheur...[...]

Chacun voit le bonheur à sa façon. Heureusement.

***

C'est bon

J'ai acheté les paupiettes de veau chez le boucher, je ne les ai pas faites moi même. Pendant que les paupiettes doraient à la poêle j'ai commencé de faire cuire dans une cocotte des tomates, des échalotes, du poivron jaune. Lorsque les paupiettes ont été bien dorées, je les ai mises dans la cocotte avec les légumes et ai laissé cuire à feu doux 45 min.

La bouchère m'avait conseillé de manger cela avec des pâtes fraiches. J'ai fait des pommes de terre à l'eau (épluchées) : on peut alors écraser dans son assiette les pommes de terre dans les légumes. Sublime.

On peut aussi se passer des paupiettes en mangeant des pommes de terre à l'eau écrasées avec un peu d'huile d'olive ou un peu de beurre salé.

On peut aussi se passer des pommes de terre en mangeant du riz basmati avec de l'huile d'olive ou du beurre salé.

Si l'on est un ascète, on peut même se passer de tout pour gagner le paradis. Mais c'est moins bon dans l'immédiat. C'est un pari à prendre. Je sais, pour le pari cela a déjà été dit.

***

C'est beau

Le site d'une amie peintre

http://www.r-sznajder.com/r-sznajder.com/accueil.html

J'aime particulièrement les onglets « villes » et « textes ».

***

On n'arrête pas le progrès

Je frappe au numéro un / Et d'mande mam'zelle Angèle / La concierge me répond :/ Mais quel métier fait-elle ? / Elle fait des pantalons, des jupes et des jupons et des gilets d'flanelle / Elle fait des pantalons, des jupes et des jupons et des bonnets d'coton / Ah Ah Ah Ah Je ne connais pas / Ce genre de métier / Allez voir à coté ! /

Je frappe au numéro 2...

Je frappe au numéro 3...

et ainsi de suite.

Cet air et ces paroles me tournent dans la tête depuis quinze jours. (Eh oui, malgré la guerre au Mali et la hausse du chômage).

Peut-être est-ce par ce que cette chanson donne le vertige quant à l'infini du dénombrable ? On n'en vient pas à bout, on peut toujours ajouter 1. Une action sans issue ? Un progrès qui n'avance pas, malgré la progression arithmétique et l'avancée géographique dans la rue ? Ici ce n'est pas le silence des espaces infinis qui effraie, comme il effrayait Pascal, c'est tout bonnement le fait qu'ils soient infinis : on n'arrivera jamais au bout. Comme disent les philosophes chinois, ce qui compte c'est la voie, pas le but.

Ou alors est ce une prémonition de la disparition du petit artisanat due aux usines de textile chinoises et à la mondialisation ? Ou encore un étonnement devant le fait que toutes ces concierges ignorent les ouvrières à l'aiguille à domicile qui vivent chichement dans les chambres de bonne de leurs immeubles ? Ou alors une nostalgie de l'époque où il y avait des concierges ?

Vocabulaire : pour la distinction entre ouvrière à l'aiguille, cousette, grisette voir

http://carnavalet.paris.fr/sites/default/files/editeur/1-_dossier_cousettes_et_lingeres.pdf

Bon, cela rappelle ma jeunesse, avec Le Petit Rapporteur, puis le génial Tribunal des Flagrants Délires.

http://www.youtube.com/watch?v=_qebDStghOU

http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Rapporteur

Dans les chansons bretonnes kan a diskan on est plus prudent, et l'on commence par la fin : et dans dix ans je m'en irai, et dans neuf ans je m'en irai... Réalisme têtu des gens de mer, devant qui pourtant l'horizon recule sans cesse.

Rassurez-vous : c'est un pastiche. De quoi, je ne sais pas, un peu de tout.

***

Qui a eu cette idée folle d'inventer l'école ?

Le Parisien du 29 janvier 2013 fait sa une et deux pages intérieures sur la sélection dès l'école maternelle. L'article est très critique sur le fait qu'une institutrice (avisée ?) a créé des cours du soir (payants, 30 euros de l'heure hebdomadaire) pour les enfants de maternelle, afin qu'ils fassent une bonne entrée au CP.

Admirons les enseignants qui rentabilisent le fait que l'école ne fonctionne pas bien en donnant des cours dans les nombreux organismes privés qui se créent ou qu'ils créent. Pour la directrice d'école maternelle qui a élaboré le programme il s'agit de vérifier ce que l'enfant sait faire ou pas, trouver ce qu'il ne comprend pas et l'aider à y remédier. Voici une très bonne définition de l'école, madame la directrice !

Le Parisien, à juste titre, s'inquiète de cette sélection féroce dès trois ans. Le ministre Peillon annonce une réforme de l'école maternelle, pour éviter que la dernière année de maternelle soit une « classe prépa » du CP. Classe prépa avec ce que cela suppose de compétition, de sélection, d'oubli de ceux qui ont plus de difficultés

Je trouve, énoncée comme cela, l'idée du ministre très bonne, mais il ajoute « toute réforme de l'école demande dix ans ». Et c'est là qu'on devient pessimiste. En fait toute réforme de l'école demande plus de dix ans : il faut convaincre les enseignants, les parents, l'administration, les collectivités locales. On ne peut changer les habitudes, les modes d'analyse et les pratiques par un simple décret. Le collège unique a été instauré par René Haby (ministre de droite) en 1975, il est toujours contesté et loin d'être entré dans les pratiques.

Or, dans notre système français, aucun ministre ne dure 10 ans. Dans d'autres pays, toute réforme est soigneusement négociée entre les différentes composantes et les différents partis. Tout changement des lois et règlements prend très longtemps, des années, mais ensuite on a la garantie d'une certaine durée. On n'a pas ce temps là en France.

J'aimerais beaucoup que le gouvernement puisse mettre en œuvre son mot d'ordre de « refondation de l'école ». Lorsque je vois toutes les difficultés soulevées par la réforme des rythmes scolaires, je désespère un peu.

Bon, consolons-nous, il me semble que c'est beaucoup mieux avec l'actuel gouvernement qu'avec le précédent.

***

Flash

* Bac Nord : Rue 89, 30 1 2013, Louise Fessard

Quatre mois après le scandale des ripoux de la BAC Nord à Marseille, l'ensemble des policiers mis en examen ont repris le service. Leurs avocats évoquent de simples « fautes déontologiques » dans un contexte de « laisser-aller » général. L'un des policiers, qui avait alerté sur les dérives de ses anciens collègues, n'a, lui, toujours pas pu réintégrer la police. Cela dit, s'il retournait travailler dans un commissariat, bonjour l'ambiance pour lui.

* La finance : dans le monde entier, les bourses montent, c'est l'euphorie. Pourtant la situation de l'économie réelle est mauvaise : dettes publiques, chômage, récession. Quoiqu'il en soit en 2012 les dividendes versés aux actionnaires par les entreprises du CAC40 sont en hausse de 5%. Le Monde, 30 1 2013

* Les abeilles : la commission européenne propose des mesures législatives « ambitieuses mais proportionnées ». pour protéger les abeilles Proportionnées, c'est à dire sans trop toucher à l'usage des pesticides. Les abeilles en feront leur miel. Le Monde 30 janvier 2013.

* Ondes électromagnétiques : le groupe Europe écologie les verts a déposé une proposition de loi visant à développer un principe de précaution à l'égard des ondes électromagnétiques, Wi Fi, relais téléphoniques, etc. Ce projet a, en commission, été vidé de sa substance par la majorité PS. La députée qui soutient le projet s'appelle Mme Abeille. Souhaitons-lui une longue vie. Cela dit, il n'existe pas actuellement (vu le caractère récent de ces usages) d'étude fiable sur les dangers des ondes. Principe de précaution, mais nécessité pour les industriels de travailler. Entre le marteau et l'enclume, entre le présent et le futur, entre la justice et ma mère. (Ah non, le dernier élément n'a aucun rapport. Supprimez-le à la lecture.)

__________________________________________________________________

2 L'envers de la « fraude sociale », des faits bien méconnus

Merci beaucoup à celle de vous qui me fait connaitre le livre

L'envers de la fraude sociale, le scandale du non recours aux droits sociaux, par Odenore, Éditions La Découverte, 15 euros.

On reconnait une fois de plus la grande qualité des publications des Éditions La Découverte.

Le nom de l'auteur, Odenore, désigne l'observatoire des non-recours aux droits et services, structure universitaire rattachée à un laboratoire du CNRS.

C'est un ouvrage rigoureux, appuyé sur de nombreuses études et de nombreuses données.

L'idée générale est que l'idéologie dominante, largement nourrie en particulier par le pouvoir précédent, stigmatise en permanence la fraude sociale, les assistés, les tricheurs, dressant chacun contre son voisin, alors que en fait le non-recours aux droits est bien supérieur à la fraude.

Je recopie la quatrième de couverture :

Le discours sur la fraude sociale a marqué le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Prétextant sauver la protection sociale des assistés et des tricheurs, ce discours a répandu l'idée que les droits économiques et sociaux se méritent et a inoculé la suspicion à l'encontre de leurs bénéficiaires légitimes. En martelant l'idée que le système est « fraudogène », il a prétendu que les droits ne sont pas une obligation et que les prélèvements qui les financent [désignés par le terme lourd de sens « les charges » JM B] ne sont pas un devoir, cela à l'inverse des principes qui fondent le droit social français.

Or pour être juste et acceptable, la lutte contre la fraude doit éviter l'amalgame eet la division, et participer à une politique générale d'accès aux droits sociaux. Car si la fraude à l'ensemble des prestations sociales est estimée à 4 milliards d'euros, son envers, le non-recours à ces aides de la part des très nombreuses personnes qui y ont droit est bien supérieur. Ainsi chaque année 5,3 milliards d'euros de revenu de solidarité active, 700 millions d'euros de couverture maladie universelle complémentaire, 378 millions d'euros d'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, etc. ne sont pas versés à leurs destinataires.

C'est ce que démontre et interroge cet ouvrage, exemples, faits et chiffres à l'appui.

Pour le collectif d'auteurs réunis ici, le nouveau gouvernement doit s'occuper prioritairement du phénomène de non-recours, car ce qui n'est pas dépensé n'est en rien une économie. Cela signifie au contraire l'appauvrissement de bon nombre de ménages et une perte de recettes pour la collectivité.

La lecture du livre, percutant, alerte, permet d'aller de découverte en découverte, bouleversant nos propres idées reçues.

J'ai déjà été long en citant toute la quatrième de couverture. Allez, quelques citations tout de même :

Ce discours à feu roulant [sur la fraude] poursuit un seul et même but : changer les principes de notre système de protection sociale. Dire que les allocataires du RSA sont des assistés et que l'assistanat est « le cancer de la société française » vise à présenter les droits sociaux comme une maladie qui engendrerait l'escroquerie. Il s'agit d'opposer les braves citoyens contributeurs à ceux qui se complairaient dans « l'assistanat » et frauderaient pas abus et oisiveté. Ainsi asséné, le discours sur la fraude a pour but de travailler les esprits pour qu'il soit plus facile de tailler dans les dispositifs dès lors que pour une majorité ils apparaissent comme fondamentalement « fraudogènes. ». [...] Le haro sur les fraudeurs [...] contourne l'évasion et la fraude fiscale, que certains érigent en comportements vertueux...

Bon, j'arrête, j'ai déjà recopié la moitié de la page 6... Pour la suite voir le livre, dont chaque miette est un régal et bouleverse nos idées reçues, du moins les miennes.

Attention : les auteurs ne justifient pas du tout la fraude, ils disent simplement qu'il faudrait une politique volontariste pour que les personnes qui ont droit à des prestations les touchent effectivement.

Bien que cela nuise aux intérêts de l'éditeur, je peux prêter le livre aux amis parisiens. Signalez-vous auprès de moi.

_________________________________________________________________

3 Réflexions sur les usages du numérique dans notre société

Beaucoup d'entre vous, à la lecture de ces articles, vont penser que je suis en train de baisser la garde et de laisser le champ trop libre à la surveillance électronique. Voici de quoi débattre. A vos claviers.

Les moutons pucés

J'avais dans la dernière lettre exprimé toutes mes inquiétudes sur la généralisation tous azimuts des puces RFID permettant de pister les hommes, les objets. Mais j'avais affirmé que face à de tels développements technologiques il faut faire une analyse au cas par cas : une attitude par principe anti-puces me semble trop sommaire, et je ne suis pas sûr du tout que le fait de mettre des puces RFID sur les oreilles des moutons soit une atteinte aux libertés.

J'ai lu depuis un article (Kempf, Le Monde) qui donne un argument intéressant : le puçage des moutons est utile dans l'agriculture productiviste, mais ne fera qu'augmenter les difficultés des petits producteurs. A mon avis, c'est un argument à prendre en considération. Mais dans l'article c'est une affirmation sans argumentation. Sa force de conviction est donc faible.

J'ai reçu de l'un de vous de vives critiques :

« Je trouve que la méconnaissance, ou l'incompréhension de certains sujets méritent une certaine prudence quand à la diffusion de votre point de vue, même si la diffusion de celui-ci ne dépasse pas les 2000 envois. »

Je vous donne trois adresses de sites conseillés par ce lecteur. Le tableau général est intéressant, mais il ne faut pas trop regarder dans le détail la validité des argumentations. A vous de voir.

http://actualitedelhistoire.over-blog.com/article-etat-des-lieux-de-la-puce-rfid-en-australie-81995831.html

http://www.arte.tv/fr/la-puce-electronique-un-big-brother-en-miniature/1487656,CmC=1487648.html

http://www.dailymotion.com/video/xa0zvd_la-puce-rfid-explications_news#.UQPMbmf6mSp

« L'industrie qui est derrière tout cela continue ses vastes campagnes de désinformation et d'influence auprès des politiques et autres fonctionnaires intervenant dans les différentes étapes des législations. »

C'est tout à fait exact. Le groupement des industriels dont j'ai oublié le nom (Syntec ?) explique même qu'il faut habituer dès le plus jeune âge les enfants à ces techniques (exemple : contrôle de l'accès à la cantine par l'empreinte de la paume de la main) pour que cela devienne naturel. Raison de plus pour analyser chaque cas avec précision.

« Libérez les animaux d'élevage d'un joug supplémentaire dont ils n'ont que faire, vous libérerez en même temps leurs éleveurs d'un niveau de contrôle administratif jamais atteint via les satellites, et vous ne donnerez pas de mauvaises idées à tous les apprentis sorciers de notre ère hypersécurisée qui nous entraine irréversiblement vers un effondrement de l'intérieur même de notre société. »

C'est là que je ne suis pas d'accord, sur le « nous entraine irréversiblement ». Boire un verre d'excellent Bourgogne n'entraine pas irréversiblement l'alcoolisme, soigner une maladie bactérienne par les antibiotiques n'entraine irréversiblement l'usage des antibiotiques pour élever les poulets.

Que l'on m'explique plutôt en quoi le puçage des moutons est nuisible sur le plan écologique, en quoi il nuit aux petits producteurs. Je n'ai pas trouvé dans ce que j'ai reçu d'argument convaincant à ce sujet.

J'ai lu (peut-être un peu rapidement) le message de ce matin de Pièces et Main d'œuvre

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=406

Le texte en pdf est très intéressant sur les puces RFID en général, mais n'apporte à mon avis aucun élément nouveau précis sur les moutons.

C'est toujours la question de la limite, de la ligne de crête entre ce qui est nécessaire, acceptable, dangereux, inadmissible.

Commodité et liberté

Un cas d'étude, pris sur un exemple personnel. Je voudrais juste que vous me donniez votre opinion sur ma propre pratique, pour pouvoir en débattre.

J'ai acheté et placé sur le pare-brise de ma voiture une puce qui me permet de franchir les péages des autoroutes, et de recevoir la facture en fin de mois. Cela crée un très grand confort de n'avoir pas à chaque fois à ouvrir sa vitre, à chercher sa carte, à être trop loin de la machine.

C'est un choix de confort. Critiquable par plusieurs aspects :

- cela contribue aux suppressions d'emplois de caissiers ;

- cela permet de retracer tous mes déplacements. Or beaucoup d'entreprises vendent leurs fichiers, et je n'ai pas pris la peine de vérifier si c'est le cas pour ce service. Je n'ai pas lu non plus les conditions générales de vente, pour savoir quels engagements l'entreprise prend sur la confidentialité des données. Je cours donc le risque d'être fiché comme allant régulièrement en Savoie, et de recevoir des pub, des offres, des sélections sur les sites de vente en ligne. Je suppose que ce fichier est aussi accessible à la police sur décision judiciaire. Je cours donc le risque, s'il y a une organisation indépendantiste de la Savoie, d'être davantage surveillé que ceux qui ne vont jamais là-bas... Et surtout, si une famille anglaise est massacrée à Chevaline, de faire partie des personnes auxquelles l'enquête s'intéressera si mon badge prouve ma présence dans les parages.

J'ai acheté le badge de l'autoroute, mais publierai volontiers toute vos remarques. Quelles sont les limites entre commodité des usages et atteintes aux libertés ?

Le nuage informatique (cloud) : retour de l'informatique hiérarchisée ?

L'une de vous m'a fait part d'importantes réserves sur la description que j'ai faite du nuage informatique (cloud) dans ma dernière lettre.

Je vous donne d'abord un extrait de ce que j'écrivais, puis les réserves de cette lectrice et mes commentaires.

J'espère ne pas simplifier abusivement en disant que le cloud est un espace mémoire distant (situé matériellement on ne sait où dans de gros ordinateurs) que l'on loue, accompagné des logiciels servant à son fonctionnement.

Avantages : vos données sont stockées indépendamment des risques physiques ou des bugs que peut rencontrer votre machine. Cet espace peut être accessible depuis n'importe quelle machine, et vos données sont ainsi disponibles indépendamment de votre propre ordinateur. Enfin vous pouvez donner accès à certaines zones de votre cloud pour permettre à d'autres personnes de prendre connaissance de tel ou tel document. Fin de l'extrait de [alerte]

Extraits des commentaires de l'une de vous :

J'ai assisté à une conférence organisée avec le « CREIS-Terminal Informatique et Société » où Hervé Le Crosnier, de l'université de Caen est venu présenter le cloud.

L'accès à l'info est très facilité (à condition de retenir son mot de passe) : de partout, de n'importe quelle machine on accède à toutes ses données pour peu qu'on les ai confiées au cloud.

Hervé a souligné cependant que c'était le retour à un mode hiérarchique de relations entre le gestionnaire du cloud qui s'occupe de tout y compris éventuellement de te refuser un jour l'accès à tes propres données, s'il fait faillite... toi tu ne peux que donner tes données et tu ne peux pas les protéger de façon certaine... Par rapport au premières années d'internet où le mode de relation était un mode en réseau, maillé, entre pairs où tu peux donner directement accès à quelqu'un, à toi-même ! , à tes propres données et où ton contrôle est total.

C'est une analyse capitale, à laquelle je n'avais pas du tout pensé.

Dans les débuts de l'informatique (après la guerre de 39 45) les ordinateurs étaient d'énormes machines, couteuses, difficiles à programmer, dont l'usage n'était accessible qu'en passant par le filtre des spécialistes. Ces ordinateurs ont ensuite été reliés à des terminaux, et l'information était géographiquement plus disponible. Puis, avec l'apparition du PC et du Apple sont apparus les ordinateurs individuels : on a dans sa petite machine les logiciels, les données, on devient totalement autonome. L'internet a encore accentué cette autonomie avec les échanges de pair à pair. Mais dès cette étape on doit se poser des questions, sur le rôle des fournisseurs d'accès internet, la surveillance des échanges, les contrôles des contenus échangés, la neutralité du net. On a gagné dans la liberté des échanges, mais en prenant des risques.

Puis arrive le cloud. On a l'impression d'un nouvelle autonomie, mais en fait... Compte tenu de la diversité des lois des différents pays, rien ne garantit une parfaite confidentialité de ce que l'on stocke sur le cloud. Le fournisseur d'accès peut cesser le service, faire faillite, ou le restreindre sur décision des autorités politiques. Et des lois comme le patriot act aux USA (promulguées après le 11 septembre, et jamais abolies par Obama) donnent le droit aux nombreux services secrets des USA de prendre connaissance de très nombreuses informations. Donc attention à la vie privée, mais aussi à l'espionnage industriel. C'est d'ailleurs pourquoi le gouvernement français a décidé de créer un service français de cloud.

Je dois donc approfondir ma réflexion : subrepticement, le cloud nous ramène vers une informatique hiérarchisée à laquelle le PC avait permis d'échapper.

Je ne connais pas de façon générale le site Bakchich,mais l'article du 23 janvier 2013 est fort intéressant.

http://www.bakchich.info/medias/2013/01/23/cloud-computing-les-europeens-auraient-du-faire-fisaa-62137

Extrait : «Une attention particulière doit être portée aux lois américaines autorisant la surveillance des données stockées dans les Clouds par des non-résidents américains. Le parlement Européen devrait demander des précisions sur la loi FISA, sur la situation nouvelle posée en regard du 4èmeamendement, et sur le Patriot Act (particulièrement l’article 215). »

Là encore, je prends donc des risques : je sauvegarde mes données dans le cloud de Orange. Je me rassure : j'ai une autre sauvegarde sur disque dur, je ne traite pas de données utiles à l'espionnage économique ou politique, et ce cloud est bien pratique. Tous arguments bien connus (cf l'article sur les puces RFID) qui font que, par confort, on accepte de rentrer de plus en plus dans une société contrôlée.

Pour l'instant, personne ne me reproche d'écrire ma lettre [alerte]. Mais sous quel régime serons-nous dans dix ans ? En 1920 les juifs non plus n'avaient rien à se reprocher. On y a pensé pour eux.

Faiblesse de l'être humain. Je vais tout de même garder le cloud de Orange, sauf si vous m'envoyez de nombreux arguments pour me convaincre que j'ai tort.

____________________________________________________________

Fin du billet du 1 2 2013