[alerte] -JM Bérard- 1er décembre 2012

Sommaire

Vécu, lu, vu, entendu

Faut-il en rire ?

La Hulotte

Liberté sur ordre, désobéissance, résistance

Bonne soirée

Féminisme

Bonne nouvelle

Sourds ?

Science et mesure

On ne peut pas tout lire, mais...

L'homme augmenté

École

Maternelles préparatoires ?

Une école qui trie, élimine et sélectionne

Mathématiques à l'école maternelle

Je sais ce que tu fais

___________________________________________________________________________________________________________

Il n'est pas prévu de laisser des commentaires sur ce site. Si vous le souhaitez écrivez moi à jean-michel.berard    orange.fr. Je rendrai compte de votre réaction dans le prochain numéro.


Lorsque vous m'envoyez des réactions, je les publie sans votre signature. En effet, c'est une chose d'écrire à des personnes que l'on connait ou qui sont rassemblées sur la base d'un consensus précis, c'en est une autre d'écrire à une liste à laquelle chacun peut s'abonner sans condition.

Si vous préférez que vous contributions soient signées, dites-le moi en les envoyant.

Diffusion libre, en citant la date et la source.

__________________________________________________________________________________________________________

Vécu, lu, vu, entendu

Faut-il en rire ?

Reçu de l'un de vous, merci. A ne manquer sous aucun prétexte.

http://www.youtube.com/watch?v=JKqQVuiUDHE

Avec un abord humoristique, un « exposé » sur le fonctionnement de l'économie mondialisée. On regarde quelques images, on rit, puis on est captivé jusqu'à la fin, terrible.

***

La Hulotte

Je ne lis pas régulièrement cette revue, mais à chaque fois avec grand intérêt.

Bien qu'il soit paradoxal de rentrer dans la société de consommation à propos d'une revue de ce genre, c'est vraiment un cadeau idéal pour les fêtes. (Pour quel âge :je ne sais pas bien. Du CM1 à 77 ans ?).

Dommage que pour un journal aussi bien fait ils fassent d'eux-mêmes une présentation aussi mièvre. La lecture de la Hulotte est beaucoup plus intéressante que ne le laisse supposer leur texte d'accueil :

« La Hulotte, c’est la revue qui vous raconte la vie des animaux sauvages, des arbres et des fleurs d’Europe. À la fois amusant et très rigoureusement documenté, le journal le plus lu dans les terriers émerveille aussi bien les enfants que leurs parents. Une véritable petite encyclopédie des bois et des champs,introuvable en kiosque ou en librairie. »

http://lahulotte.fr/index.php

On peut s'abonner, ou acheter numéro par numéro.

Message personnel : je suis preneur d'un article de R. et C. qui aiment cette revue.

***

Liberté sur ordre, désobéissance, résistance

Rappel d'un dessin de mai 68 : dans la classe un élève lève le doigt en disant « M'sieu, j'peux être libre ? ».

Il y a en ce moment dans le métro de Paris une campagne d'affichage. En bas et à droite de chaque affiche un grand rectangle sans texte ni dessin, avec la mention « Espace autorisé, réservé aux productions des artistes grapheurs. ». Génie des concepteurs : il y a sur ces affiches beaucoup moins de tags que sur les autres affiches apposées dans le métro !

A propos de la liberté de conscience pour les maires qui désapprouvent le mariage pour tous, je m'étais interrogé à voix haute sur les limites entre cette liberté de conscience à mes yeux illégitime et la désobéissance ou la résistance légitimes (Papon/Moulin). Peu de réactions de votre part. Une remarque essentielle de l'un de vous : la liberté de conscience est une question personnelle, la désobéissance ou la résistance résultent d'un mouvement de réflexion et d'action collectif. Cela ne clôt pas la question, mais j'aurais dû y penser.

***

Bonne soirée

Des amis que je n'avais pas vus depuis longtemps m'ont invité à dîner ; grâce à eux j'ai voyagé en Chine, en Israël, aux USA, ou dans les coulisses de leur milieu professionnel. Pourquoi parler de cela aux lecteurs de [alerte] ? Parce qu'il y avait au menu, en clin d'œil, un gratin de pâtes aux saumon dont j'ai donné la recette dans le billet du 9 11 2012. Ils voyagent, travaillent, mais lisent aussi ma lettre [alerte] ! Je suis tout content, et me suis régalé. Bon, il va falloir que je continue à donner des recettes de cuisine...

Recettes : je trouve délicieuses aussi les choses très simples. Des pommes de terre écrasées avec un peu de beurre salé, du riz avec un peu d'huile d'olive, une omelette baveuse (pas facile à réussir ; il parait qu'il faut mettre des petits cubes de beurre dans les œufs battus), des dattes moelleuses (hors de prix, mais quel régal), du pain grillé presque brûlé, des marrons avec un rôti de veau, un pâté de lotte fait maison... (Simple, quoique, pour les deux dernières, cela demande un peu de temps et de savoir-faire. Il suffit de connaitre une personne compétente.)

***

Féminisme

Le Monde, 25 novembre 2012 : six nouvelles chaines sur la TNT. La chaine Chérie 25 est essentiellement consacrée aux femmes. [...] La série « Ma vie de femme » donnera la parole à des criminelles ou à des femmes enceintes. Des criminelles et des femmes enceintes ? J'ai beau réfléchir, je ne comprends pas le « concept » de cette émission. Si vous pouvez m'aider... Je ne comprends pas non plus ce qu'est une chaine « consacrée aux femmes ».

***

Bonne nouvelle

En 2011, 122 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon.

Une tous les trois jours.

Et vous appelez ça une bonne nouvelle ? Ben oui, en 2009 il y en avait 140.

***

Sourds ?

Le Monde, 25-26 novembre 2012 : des centaines de jeunes [garçons] sourds auraient été abusés sexuellement, de 1940 à 1982 dans un institut [catholique] de Montréal. Drôle d'idée de s'en prendre à des sourds. Bien que sourds, ils peuvent crier, ce qui gâche la situation. Ajoutons que à l'époque le mariage entre homosexuels n'existait pas, ce qui aggravait le péché, puisqu'il s'agissait de relations sexuelles entre personnes non mariées.

***

Science et mesure

Dans Le Monde du 24 novembre 2012 un article d'un professeur à l'école polytechnique. Il explique que toute mesure physique est entachée d'incertitude. Même sans aucune fraude, un scrutin présente une marge d'incertitude (décomptes, procurations, etc.). Il est donc impossible d'exprimer un résultat à 100 voix près sur 200 000 votants. Je l'avais dit dans ma dernière lettre [alerte]. Il est réconfortant de voir un professeur à l'X dire la même chose. Quoi que... il n'est que professeur de philosophie, et pas physicien...

Un guide dans un musée explique aux enfants que le tyrannosaure exposé a 70 millions et 6 années. Explication : il travaille là depuis six ans, et on lui a dit lorsqu'il est arrivé que le tyrannosaure était vieux de 70 millions d'années.

***

On ne peut pas tout lire, mais...

http://www.laurent-mucchielli.org/

http://resistancesetchangements.blogspot.fr/ (spécial copinage, c'est le blog de mon ami JC Vitran)

Là où j'habite on capte très mal France Culture. Du coup j'ai découvert Radio France Internationale, sur 89,0 à Paris. La qualité aussi, mais moins franco-centrée

______________________________________________________________________

L'homme augmenté

Dans les articles des numéros précédents concernant le projet grenoblois Clinatec je m'étais interrogé sur les limites de ce type de recherches : soigner, améliorer, augmenter l'être humain. De l'homme bionique au robot humanisé ?

Je recopie intégralement un article qui pose le cadre général de cette réflexion sur l'avenir de l'homme « augmenté ». J'ai le droit de recopier cet article, car il est sous licence creative common et je n'en fais pas un usage commercial.

Extrait de Internetactu.net publié par la Fédération Internet Nouvelle Génération.

Questions éthiques fondamentales.

L'âge de l'amélioration : jusqu'où iriez-vous ?

La lecture de la semaine provient du New York Times, sous la plume de David Ewing Duncan(@Duncande), journaliste scientifique et est intitulée “Comment la science peut vous améliorer”.

Si un implant cérébral était sûr et disponible, et vous permettait de manipuler votre iPad ou votre voiture par la seule force de la pensée, en voudriez-vous un ? Qu’en serait-il d’un outil intégré qui arroserait gentiment votre cerveau en électrons et augmenterait votre mémoire et votre attention ? Est-ce que vous en achèteriez un à vos enfants ? Lors d’une prochaine élection présidentielle, voteriez-vous pour un candidat doté d’implants neuronaux lui permettant d’optimiser ses réactions pendant une crise, ou pendant un débat d’entre deux tours ? Voteriez-vous pour un chef des armées qui n’est pas équipé d’un tel outil ?

Si ces questions vous semblent absurdes, considérez le cas de Cathy Hutchinson. Paralysée par une attaque, elle a récemment bu une tasse de café en utilisant un bras articulé contrôlé par la pensée. Et ceci grâce à un outil du nom de Braingate, une petite couche d’électrodes implantée, par une opération chirurgicale, dans son cortex moteur et relié par câble à un ordinateur. Ainsi équipée, on lui a demandé d’imaginer qu’elle bougeait son propre bras. Quand ses neurones se sont mis en marche, Braingate a interprété les ordres du cerveau et a provoqué le mouvement du bras artificiel et de la main mécanique, qui ont porté aux lèvres de Cathy Hutchinson la tasse de café. Braingate n’a pour l’instant fonctionné que sur ! un nombre très restreint de gens, et il faudra attendre des années avant que son utilisation se répande. Mais il s’agit là d’un exemple de technologies nouvelles qui dans les deux ou trois prochaines décennies pourraient transformer la vie, non plus des personnes handicapés, mais des gens en bonne santé.

Beaucoup de chercheurs, y compris les créateurs de Braingate, s’opposent catégoriquement à l’usage de leurs technologies pour l’augmentation des capacités des gens en bonne santé. Pourtant, beaucoup de gens tout à fait en bonne santé s’aident déjà de technologies médicales. Depuis des années, des millions d’étudiants et de salariés absorbent de puissants stimulants pour passer des examens et faire des nuits blanches. Ces médicaments peuvent être hautement addictifs et ne fonctionnent pas pour tout le monde. Même s’il faudrait faire des recherches plus approfondies, il n’existe pas de preuve aujourd’hui qu’une masse d’usagers aient eu à en payer des conséquences graves. On pourrait dire la même chose d’un usage modéré des stéroïdes pour les athlète! s.

Ce qui nous amène à une question cruciale : jusqu’où iriez-vous dans la modification de vous-mêmes avec les dernières technologies médicales ?

Duncan explique poser régulièrement, lors de conférences, la question de savoir si les gens étaient prêts à donner à leurs enfants des pilules permettant d’augmenter la mémoire de 25% et il observe que les réactions dépendent beaucoup de la formulation. En gros, si les gens se montrent hésitants au premier abord, ils accepteraient facilement si ces pilules étaient sûres et largement utilisées. Il poursuit en expliquant que de telles pilules n’existent pas aujourd’hui, mais que des entreprises pharmaceutiques sont en train de les tester sur des patients atteints de démences ou de troubles de la mémoire et que, si personne ne sait encore si elles seraient efficaces sur des gens en bonne santé, il est tout à fait possible qu’elles le soient.

Plus troublante est selon lui l’idée que des pilules augmentant la mémoire et l’attention puissent être un jour utilisées dans des métiers particuliers – pour les pilotes, les chirurgiens, les policiers ou le président des États-Unis. On pourrait considérer comme immoral qu’ils ne les utilisent pas si elles les aident.

Or il ne s’agit que d’une liste partielle des thérapies technologico-médicales sur le point de permettre des améliorations de l’homme. Plus de 200 000 personnes sourdes ont aujourd’hui leur ouïe partiellement rétablie grâce à des implants cérébraux qui reçoivent des ondes et utilisent de mini-ordinateurs qui travaillent ces ondes et les adressent directement au cerveau via le nerf cochléaire. De nouvelles technologies en expérimentation pourraient mener à des outils permettant à des gens qui ne sont pas atteints de surdité d’entendre mieux, beaucoup mieux. D’autres entreprises commencent à développer des outils et des implants qui redonnent en partie la vue aux aveugles. Nano Retina, par exemple, une société israélienne, utilise un minuscule senseur doté d’électrodes placé à l’arrière de l'œil, au-dessus de la rétine. Aujourd’hui, les images sont floues, en noir et blanc et loin de restaurer une vision fonctionnelle. Mais les chercheurs travaillent à l’amélioration de tels procédés, ce qui pourrait mener à terme à des technologies beaucoup plus sophistiquées. D’autres entreprises – comme Ekso Bionincs sont en train de créer la première génération d’exosquelettes permettant à des patients paralysés de marcher. On en est au tout début. L’exemple de l’athlète sud-africain Oscar Pistorius cet été au JO de Londres a frappé tout le monde. Eh bien les neuroscientifiques sont en train de développer des prothèses plus performantes qui pourraient être activées par le cerveau grâce à un réseau de fibres optiques placé sous la peau. Pendant des années, les chercheurs ont manipulé les gênes animaux pour améliorer la performance cérébrale, la force ou l’agilité. Toucher directement à l’ADN humain – via la “thérapie génique” reste dangereux et pose des questions éthiques. Mais il pourra sans doute être possible de créer des médicaments qui touchent aux enzymes et à d’autres protéines associés aux gènes pour, par exemple, modifier la vitesse et l’endurance ou pour modifier le niveau de dopamine dans le but d’améliorer les performances du cerveau. Certains pensent que des techniques de renouvellement cellulaire nous permettront d’éliminer les maladies. D’autres que nous fabriqueront des ! hommes sur mesure, etc.

Toutes les améliorations ne relèvent pas de la haute technologie et ne sont pas invasives, poursuit Duncan. Les chercheurs en neuroscience voient des améliorations cérébrales rendues possibles par des jeux vidéo créé pour développer la cognition.

Ce qui mène selon Duncan à une autre question. Jusqu’où iriez-vous dans l’amélioration de vous-même ? Remplaceriez-vous des jambes qui marchent très bien par des jambes artificielles qui vous rendraient plus rapides et plus forts ? Et si l’Agence américaine pour l’augmentation de l’homme avait approuvé ces améliorations radicales, et d’autres encore ? Est-ce que cela vous convaincrait ?

Les défis éthiques lancés par le prochain “Age de l’Amélioration” incluent, à côté des questions basiques de sécurité, celles de savoir qui aurait la possibilité d’être amélioré, quel sera le coût de ces améliorations et qui en tirera un avantage en profitant. Dans une société qui manifeste déjà un fossé grandissant entre les plus riches et les autres, la question de l’égalité démocratique pourrait affronter un problème critique si la richesse permettait aussi d’offrir un avantage physique, génétique ou bionique. Cela pourrait aussi poser la question d’une définition de l’homme.

Et pourtant, les améliorations arrivent, et on aura du mal à y résister. La vraie question est : qu’en ferons-nous quand elles seront irrésistibles ?

Xavier de la Porte

Ces questions sont aujourd'hui cruciales. Ainsi, l'association Vivagora organise une journée de réflexion pour les étudiants, le 29 11 2012, avec pour présentation le texte suivant :

« Parce que les bio-technologies sont de plus en plus sollicitées pour maximiser les possibilités de l’homme et de son environnement, ils s’interrogeront sur les questions scientifiques, éthiques, économiques, artistiques, juridiques... que soulève ce surhomme. Le Vivant 2.0 est aujourd’hui une réalité bien présente, qui suscite les rêves, les craintes, les fantasmes et les fictions d’une nouvelle génération d’étudiants. »

______________________________________________________________________

École

Citation attribuée à John Lennon dans l'un des messages que vous m'avez envoyés : « Quand je suis allé à l'école, ils m'ont demandé ce que je voulais être quand je serai plus grand. J'ai répondu « heureux ». Ils m'ont dit que je n'avais pas compris la question, j'ai répondu qu'ils n'avaient pas compris la vie. » Trop beau pour être vrai ? Peut-être, mais si non e vero e bene trovato.

Maternelles préparatoires ?

Réaction de l'une de vous reçue à la suite de mon article sur les tablettes numériques pour enfants de 4 à 7 ans :

« Nous vivons dans une société qui a créé l'anxiété chez les parents de ne pas voir réussir leurs enfants. Et je trouve que derrière ce débat - qui est, sur cet aspect, sans doute limité à un petit nombre - s'ouvre le gouffre de l'illusoire égalité républicaine de notre devise nationale qui a tant de difficulté à se concrétiser dans la réalité... L'Éducation nationale peut-elle lutter dans ce domaine pour changer la société et surtout les mentalités ? Certes, notre nouveau Président en a fait une priorité, mais la volonté politique sera-t-elle plus forte que les résistances qu'elle rencontre (davantage du côté des parents que du personnel, d'ailleurs...) ? »

Suit un lien vers

http://lexpress.fr/education/ces-maternelles-qui-jouent-aux-prepas_1188391.html

Quelques extraits :

Ces maternelles qui jouent aux prépas

Les parcours d'excellence commencent de plus en plus tôt. Certains établissements d'élite sélectionnent même leurs recrues dès l'âge de 4 ans, instaurant une compétition acharnée qui touche tous les milieux. La rançon du succès scolaire? [...]

Quatre ans, c'est jeune. Pourtant, comme Jeanne, de plus en plus de couples font des pieds et des mains pour inscrire leurs enfants dans une maternelle sélective privée. Mais en mettant leur progéniture sur les rails de l'excellence dès le premier Playmobil, ces parents aux petits soins se disent que tout, ensuite, s'enchaînera naturellement vers les voies royales. [...]

Les parents doivent la plupart du temps remplir un dossier de préinscription un an avant la rentrée, rédiger une lettre de motivation, obtenir une recommandation, et même fournir les bulletins des années précédentes (dès la moyenne section). Certains établissements vont jusqu'à soumettre les jeunes candidats à des tests de sélection, même si "ce n'est pas évident de prendre le risque de mettre un petit de 4 ans en situation d'échec", reconnaît un père dont la fille a été recalée. [...]

« Le jour où mon fils de 5 ans a pleuré parce qu'il n'avait "pas réussi", sa maîtresse m'a proposé du soutien individualisé [payant en leçons particulières ?] à l'heure du déjeuner au motif qu'il ne "savait pas écrire". J'ai refusé. Commencer trop tôt, c'est commencer mal ! » Cette exigence si précoce est bien une spécificité hexagonale, comme le souligne le journaliste britannique Peter Gumbel, auteur de « On achève bien les écoliers ». (Grasset). "En France, l'école pointe trop les fautes et l'échec, il y a un énorme problème de valorisation des talents de chacun", souligne-t-il. »

****

Une école qui trie, élimine et sélectionne

Bien plus que pour la réforme, assez secondaire, des rythmes scolaires, il me semble que nous sommes là au cœur des questions concernant la refondation de l'école.

Plus que d'autres systèmes éducatifs comparables, notre école est fondée sur un classement, une sélection et une élimination constants. (Oui, j'accorde constants avec classement.) Et plus que aucun autre système éducatif comparable notre école aggrave fortement les inégalités au cours de la scolarité, au lieu de contribuer à les atténuer.

Notre système éducatif n'est pas un système de promotion sociale, mais une machine à écrémer sélectionnant impitoyablement la « crème ». Qui plus est, les résultats de ce tri sont en correspondance quasi-totale avec l'origine sociale des élèves, comme si, école ou pas, tout était joué d'avance.

On constate à chaque vague de l'enquête internationale Pisa que les élèves français sont très mal placés pour ce qui concerne la compréhension (donner du sens à ce qu'on lit) et surtout à l'utilisation de ce qu'on a appris dans d'autres situations que la situation d'apprentissage. On sait répéter au prof ce qu'on a appris, ce qui donne une bonne note à l'exercice, mais on ne sait pas réellement l'utiliser.

Les causes ? Elles sont multiples, tenant à de nombreuses traditions de l'enseignement français. Les élèves anglais sont beaucoup plus capables d'initiative et de créativité. Faut-il y voir, comme pour les lits d'une de mes précédentes lettres, un effet des différences entre catholicisme et protestantisme ? Il est pourtant tentant de penser que, dans les évaluations internationales, les élèves français sont très bloqués par la crainte de « la faute », (du péché ?), de la réprimande, de la mauvaise note.

Parmi ces causes, liste très partielle :

- le fait que les méthodes d'évaluation font le plus souvent appel à la répétition de situations connues ; elles testent peu la compréhension, et encore moins la créativité ;

- la pratique bien française de la constante macabre.

Vous trouverez grâce à votre moteur de recherche favori de nombreux articles sur la constante macabre, problème crucial mais très méconnu.

Pour faire court, il s'agit de la pratique très répandue (et d'une idéologie tenace chez les enseignants et les parents) qu'un enseignement est laxiste si trop d'élèves ont une bonne note.

Lire par exemple (parmi de multiples autres) un article sur le site éducation nationale de l'académie de Nancy Metz.

http://www4.ac-nancy-metz.fr/pasi/IMG/pdf/55RevignyC2007ann4.pdf

Il est tout à fait normal que, au cours d'un apprentissage (évaluation formative), l'élève se trouve face à des difficultés et que les évaluations marquent des zones à travailler encore. Mais lors d'une évaluation finale (sommative), par exemple un examen, il n'y a absolument aucune raison pour qu'une très forte majorité des élèves n'aient pas une évaluation positive. Si une forte proportion d'élèves a une évaluation négative (échec à l'examen par exemple) c'est en général parce que les cursus (programmes, épreuves, méthodes d'enseignement) sont conçus sans tenir compte de la réalité. Que certains élèves échouent marque les lacunes de l'élève, mais lorsqu'il s'agit d'un échec atteignant de fortes proportions, c'est tout simplement un échec du système éducatif. Cela ne contribue en rien à la dignité de l'enseignement ou de l'enseignant.

Au baccalauréat, une note de 8/20 en philosophie est une bonne note. Je ne vois pas en quoi cela est un succès ou une dignité pour l'enseignement de la philosophie. De même, fin XIXème début XXème, seule la moitié des élèves étaient présentés au certificat d'études. Je ne vois pas en quoi cela représente un succès pour cette école d'autrefois, tant vantée par les nostalgiques ;

- le fait que les pré-représentations des élèves sont peu prises en compte dans l'enseignement. (Voir billet du 9 11 2012) L'enseignement est le plus souvent transmissif, et fondé sur l'illusion que la Vérité s'impose lorsqu'on la dit. Si elle ne s'impose pas, il suffit de la répéter, sans trop chercher à connaitre les processus cognitifs qui font que l'élève n'a pas compris. Bon, je sais, je caricature un peu la réalité, mais il me semble tout de même que l'idée est là ;

Au moment où je termine la rédaction de ce billet, je découvre dans le numéro du 27 11 2012 de la revue en ligne Le café pédagogique un article de G. Fotinos.

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/11/27112012Article634895886604185431.aspx

Inutile de le résumer ou d'en citer des extraits. Il faut tout lire.

Cela dit, la conclusion de ce texte de Fotinos n'est-elle pas un peu optimiste, malheureusement, sur les effets qu'aura la politique actuelle de « refondation » ?

***

Mathématiques à l'école maternelle

Gag à répétition : je reporte au numéro suivant l'article sur « compter à l'école maternelle », car il y a déjà dans ce numéro deux articles sur l'école.

A ne pas manquer, un régal pour l'esprit.

Brissiaud 1/3

Brissiaud 2/3

Brissiaud 3/3

Je me suis rendu compte en relisant ces articles que cela concerne les enseignants, mais aussi les parents de petits enfants. Suspense jusqu'au prochain numéro, en attendant lisez ces articles.

______________________________________________________________________

Je sais ce que tu fais

Une réaction de l'un de vous à l'article du dernier numéro sur les compteurs électriques intelligents linky :

« Ce n'est pas pour surveiller les gens qu'on a inventé le téléphone portable ou Google maps, mais l'un et l'autre le permettent très efficacement. On peut sans doute dire la même chose pour ledit compteur, qui n'est pas le fruit d'un complot des ex-RG. J'ai été il y a une semaine à une conférence "mardi de la science" de l'Espace des sciences à Rennes. Je croyais donc naïvement à un contenu scientifique (par quels moyens réalise-t-on régulations des tensions, des fréquences, etc). Titre "les smart grids" (comme c'est un concept international, on ne peut pas dire sans ridicule "réseaux fûtés"). En fait le conférencier était un communiCant de ERDF (le compteur aussi est "communiQUant") et ce fut un brillant et ennuyeux exposé d'éco-gestion. J'en retiens que "la transition énergétique étant un phénomène mondial", il est urgent de "gérer l'intermittent [production éolienne ou photovoltaïque], l'imprévisible et les flux bidirectionnels [un particulier ou une entreprise, peuvent être producteurs et consommateurs]", "gérer l'effacement [suppression de certains usages lorsque pointes de consommation]". D'où "rôle essentiel du compteur" doté d'une foule de nouveaux attributs (logiciel, cryptage, contacts pour piloter les équipements permettant à la fois de le lire et de le commander.) Ce qui m'a effaré c'est de me rendre compte que des "grosses têtes" technologiques et économiques travaillent depuis des années à ces projets sans que cela ait jamais fait l'objet de débats publics (et politiques). Dont l'irruption dans la sphère privée ne serait qu'un des aspects. »

L'association UFC que choisir a déposé un recours contre la mise en place de ces compteurs, non sur les aspects « atteintes aux libertés » mais sur les conséquences pour le consommateur en termes de coût et de maîtrise de la consommation.

______________________________________________________________________

Fin du billet du 1/12/12