[alerte] -JM Bérard- 16 novembre 2012

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Je suis perplexe

Dur dur d'être optimiste

Sur ce site je n'ai pas prévu la possibilité de commentaires. Vous pouvez m'écrire, je rendrai compte de vos réactions dans le prochain numéro

jean-michel.berard    orange.fr

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J'aime

Féricy

Beaucoup d'entre vous ont été très intéressés par le travail qui se fait au domaine de la Salle à Féricy. J'en suis très heureux, car personnellement, bien que n'y participant que très modestement, je vis cela comme un projet coopératif assez hors du commun.

Je pense aussi que les initiatives locales, associatives, sociales, solidaires sont nombreuses, et, par nature, restent peu connues. Sauf dans l'émission quotidienne de France Inter à 12h30, Carnets de campagne. Peut-être, qui sait, dans une société qui s'effondre, toutes ces initiatives préparent-elles les fondements de l'avenir ?

Allez, offrez-vous un moment de plaisir, visitez à nouveau le site :

http://www.domainedelasalle.com/accueil.html

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Les nouveaux chiens de garde

Ce livre de Serge Halimi a été publié pour la première fois en 1997 et actualisé en 2005. Il s'est vendu à 250 000 exemplaires.

Récemment, en 2012, le livre a été adapté au cinéma et le film a connu lui aussi un succès considérable. Beaucoup de vous l'ont vu et apprécié.

La bonne nouvelle est que le DVD sortira début décembre 2012.

Peut-être y a-t-il d'autres façons, en tout cas je l'ai acheté en pré-commande sur amazon.

Extrait de Wikipedia :

« Serge Halimi y présente, en quatre courts chapitres, son analyse de ce qu'il considère comme une collusion entre pouvoirs médiatique, politique et économique, à l'aide d'une étude qui se veut exhaustive sur la télévision et les grands journaux français.

Il prétend ( ! JM B) aussi démonter le traitement parfois partial et complaisant de certains médias français vis-à-vis des sociétés qui en sont les actionnaires.

Il explique aussi le peu de cas qui est selon lui fait des mouvements sociaux, et la place prépondérante des faits divers dans les journaux télévisés. Il reprend la thèse selon laquelle « le fait divers fait diversion », selon la formule de Pierre Bourdieu, qui a préfacé ce livre. Dans son dernier chapitre, il souligne les connivences dans le milieu journalistique, facilitant les autopromotions. »

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Qu'est-ce qu'apprendre, qu'est-ce qu'enseigner ? L'exemple de l'orthographe

Suite du numéro précédent de [alerte] : j'aime le livre « Comment enseigner l'orthographe aujourd’hui ?» collection «Enseigner à l'école primaire » Hatier, par Catherine Brissaud et Danièle Cogis.

Dans le numéro précédent, j'ai tenté d'exprimer l'idée à mes yeux fondamentale : on ne peut enseigner, et on ne peut apprendre que si l'on prend en considération les conceptions, les pré-représentations qu'ont les élèves de la question étudiée. On peut ainsi analyser le cheminement intellectuel qui conduit à l'erreur et faire le travail de déconstruction-reconstruction qui permettra d'apprendre en construisant sur des fondements plus solides.

Des études ont montré que, dans les années 60, la majorité de la population en France pouvait réciter par cœur le principe d'Archimède, et penser en même temps que l'on flotte mieux dans l'eau profonde, alors que la profondeur de l'eau n'intervient pas du tout dans le principe d'Archimède. Des conceptions erronées peuvent tout à fait coexister avec un énoncé correct de la règle.

Dans le chapitre 7 de Comment enseigner l'orthographe, les auteurs décrivent les étapes historiques de l'enseignement de l'orthographe en France. Cet enseignement n'apparait dans les instructions officielles qu'en 1833. Il est rapidement phagocyté par la pratique quasi-exclusive de la dictée. Cet exercice, élevé au rang de dogme cérémoniel, présente de multiples inconvénients. Avec une note de 0 dès que l'on fait cinq « fautes », il est pratiquement impossible d'évaluer des progrès lorsque l'élève démarre avec un très grand nombre d'erreurs. L'exercice devient une source de stress, parfois d'humiliations. Et surtout il introduit dans l'enseignement un système fortement sélectif, où l'évaluation fondée sur les « cinq fautes » prend le caractère d'un couperet, qui plus est fortement connoté socialement. De plus, dictée et enseignement de l'orthographe sont devenus en France quasi-indissociables. On n'accorde donc que peu de place à la rédaction, où les élèves se servent de l'écriture pour écrire quelque chose. Je n'y avais jamais pensé, mais je crois que c'est pour cela que les fameux « textes libres » écrits par les élèves dans les classe « Freinet » apparaissaient si révolutionnaires. S'attacher d'abord au contenu, puis travailler l'orthographe à partir de ce qui est écrit. Quel laxisme... C'est bien connu, on devrait apprendre la grammaire aux bébés avant qu'ils ne soient autorisés à commencer à parler.

Citations : Histoire de l'enseignement de l'orthographe : en 1829, 69% des maîtres d'école ignorent l'orthographe. [...] En 1833 il devient nécessaire d'avoir le brevet de capacité élémentaire pour enseigner. Pour la première fois des connaissances orthographiques sont exigées [des maîtres]. [...]

L'orthographe est la grande affaire du XIX ème siècle. La dictée devient l'emblème de l'école primaire et le signe de la promotion sociale de ses maîtres. [...]

La dictée d'orthographe apparait dans les écoles normales en 1837, elle est généralisée par une circulaire de 1857. [...] La dictée se répand très vite [...] progressivement elle envahit tout. [...] C'est une cérémonie quotidienne pleine de risques, génératrice de tensions. [...] La dictée a pris une telle place à la fin du XIXème siècle que la dénonciation des excès ne suscite pas l'adhésion. La proposition de supprimer la dictée au certificat et d'évaluer l'orthographe dans la rédaction soulève un tollé en 1890 chez les enseignants. [...] Les critiques adressées à la dictée sont restées sans effet. [...] Le dressage orthographique n'est [cependant] pas venu à bout des récalcitrants [qui continuent de faire des « fautes »] puisque, malgré la dictée quotidienne, ou les deux dictées par jour à l'approche du certificat d'études, jamais plus de la moitié des élèves n'a été présentée à cet examen. [En d'autres termes : cette école d'autrefois qu'on nous vante tant conduisait la moitié des élèves à l'échec. JM B ] Le maître n'inscrivait que les élèves susceptibles de réussir le certificat, c'est à dire de franchir le cap de la dictée. C'est donc que les autres [la moitié, JM B] ne parvenaient pas à faire moins de cinq fautes. [...]

Aujourd'hui nul ne remet en cause la nécessité de la rédaction, mais la dictée s'est à ce point installée dans les représentations sociales que la confusion persiste jusqu'à nos jours entre enseignement de l'orthographe et dictée. [...]

L'histoire a noué ensemble l'école et l'orthographe, et orthographe et dictée sont devenus synonymes dans la société française. [...] Pourquoi faudrait-il qu'un corps d'activités mis au point au XIXème siècle soit considéré comme la plus belle invention de la pédagogie française et donc à ce titre intouchable ? [...] Les avancées de la recherche et les pratiques novatrices de nombreux enseignants ouvrent d'ores et déjà des voies nouvelles que nous vous invitons à explorer à votre tour [dans toute la suite du livre. JM B].

Je souffre, le texte aussi. Cela fait souffrir cruellement de martyriser un texte cohérent et structuré en en extrayant quelques citations. Une seule solution : lisez le livre.

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Qu'est-ce qu'apprendre, qu'est-ce qu'enseigner ? Un exemple dans l'enseignement des mathématiques à l'école maternelle

A la relecture, je pense que la didactique a pris assez de place dans ce numéro de [alerte] avec l'article sur la dictée.

Je parlerai donc la prochaine fois du « compter » à l'école maternelle.

Vous avez une chance inouïe : les trois articles passionnants de Rémi Brissiaud dont je m'inspirerai sont en accès libre dans la revue en ligne « le café pédagogique ».

A ne pas manquer, un régal pour l'esprit.

Brissiaud 1/3

Brissiaud 2/3

Brissiaud 3/3

Le livre de Rémy Brissiaud développant ces analyses paraitra début décembre 2012 aux éditions Retz.

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Je suis perplexe

Aéroport de Notre Dame des Landes

L'une de vous, en me transmettant l'appel de la Confédération paysanne à manifester le 17 novembre à Nantes, me demande gentiment « Qu'en penses-tu ? » Ouh la la, me voici promu maitre à penser... Non, connaissant l'auteure de la question, ce n'est pas le sens de sa remarque. Juste une suggestion de débat et d'échanges d'arguments.

Bien que ce soit pour le parti Europe écologie les verts un point crucial, je dois dire que je n'ai pas beaucoup travaillé la question.

Mes réactions sont donc plutôt intuitives, et intuitivement négatives.

La construction de l'aéroport détruira des hectares de bocage et de paysages diversifiés. Mais bon, quitte à choquer les verts, je pense qu'il peut arriver que pour un grand projet il soit nécessaire de faire de tels arbitrages. En clair, je ne prendrais pas pour seul argument la défense des terrains agricoles et de la biodiversité sans mettre en balance les avantages pour la société du projet concerné.

Ce que je ressens surtout est cette fuite en avant technologique : pour que la société survive, il faut plus de voitures, plus d'avions, plus de routes, il faut pouvoir être partout à tout moment, tout transporter d'un bout à l'autre du globe. (Ben oui, on parle bien des quatre coins de l'hexagone, pourquoi pas du bout du globe ?)

Davantage d'avions, plus de gaz à effet de serre, plus d'infrastructures de transport pour arriver à l'aéroport. Davantage d'avions, davantage de tourisme de masse qui détruira les civilisations que les touristes viennent admirer, davantage de fraises arrivant d'Argentine en hiver dans mon supermarché, davantage de jeans ayant fait plusieurs voyages entre le pays qui fabrique le tissus, celui qui le coupe, celui qui l'assemble, celui qui le vend, davantage de maïs cultivé en Amérique latine au détriment des cultures vivrières locale et des populations locales. Vous qui lisez habituellement cette lettre n'aurez aucun mal à rallonger la liste.

Le peu de travail que j'ai consacré à cette question de l'aéroport de Notre Dame des Landes me laisse supposer que, dans la structure des transports dans notre pays cet aéroport ne s'impose pas du tout et repose sur une conception dépassée d'un mode de fonctionnement social.

En outre plusieurs études faites à ce sujet laissent prévoir que la hausse du coût du carburan va entrainer une baisse du trafic aérien dans les années à venir.

Mais je vois bien qu'il faut que j'approfondisse.

J'ai la vague impression que, une fois que j'aurai davantage étudié la question, je passerai à une opposition ferme, contre l'aéroport.

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Dioxyde de carbone

Le Monde, 15 novembre 2012.

Les émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère ont atteint en 2011 un nouveau record : 34 milliards de tonnes, contre 33,2 milliards en 2010. Source (que je n'ai pas vérifiée) : forum international pour les énergies renouvelables. Ce forum s'est tenu au Tchad en février 2012.

En vous donnant ces informations, j'ai tout de même un doute : peut-on mesurer la quantité d'émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère du monde entier avec une précision aussi fine que 0,3% ? (33,2 signifie qu'on est sûr du dernier chiffre. La précision est donc de 0,1/33,2 soit 0,3%) Passer de 33,2 à 34 en un an représente une augmentation de 2,5%. Là encore, ce résultat me semble bien précis vu la grandeur que l'on mesure.

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Dur dur d'être optimiste

Les parcs nationaux

Synthèse d'un article extrait de Le Monde, 15 novembre 2012, Sophie Landrin.

Grève des personnels des Parcs Nationaux le 15 novembre 2012.

La France compte dix parcs nationaux, sur 60 000 km2. Vanoise, Port-Cros, Calanques.. Ces parcs attirent chaque année 7 millions de visiteurs.

Les habitants des communes concernées estimaient être tenus à l'écart de décisions les concernant. Depuis 2006 la représentation des collectivités locales dans les conseils d'administration des parcs est renforcée, et les communes sont invitées à s'engager dans une charte fixant les règles de développement. Les communes sont devenues majoritaires dans les conseils d'administration des parcs.

Échec. Cette loi a pour conséquence que les collectivités territoriales défendent bec et ongles les problèmes économiques immédiats concernant leurs habitants : bergers/loup, parc naturel/ développement des remontées mécaniques, récupération des territoires par les sociétés de chasse, extension du droit à la cueillette, projets de construction de barrages hydro-électriques...

Dans le même temps, les effectifs des gardes moniteurs, fonctionnaires de terrain spécialistes de l'environnement, sont diminués et leurs missions réorientées.

Sans même soulever les questions capitales de préservation des sites, de préservation de la bio-diversité, on pourrait supposer que le Parc naturel favorise la venue de touristes qui feront vivre l'économie du pays. Mais cela impliquerait un changement des habitudes économiques. A court terme, l'installation de remontées mécaniques est sans aucun doute plus profitable aux habitants. Même si du coup la montagne est marquée par les remontées mécaniques, les canons à neige, les chalets laids pour les touristes, et une redoutable monoculture du ski de piste d'hiver. Tant qu'il y aura de la neige et de l'eau, tout va bien.

Destruction, destruction

Deux vidéos sur le problème maintenant bien connu de la disparition des abeilles.

L'un des films montre que, dans une province chinoise, faute d'abeilles, la pollinisation des arbres fruitiers doit se faire à la main.

http://www.youtube.com/watch?v=arv_MPpiOEI

La vidéo est signée « National geographic », ce qui donne un préjugé favorable quant-à la fiabilité.

http://www.science.gouv.fr/fr/dossiers/bdd/res/2856/la-disparition-des-abeilles-enquete/

Document paru en 2008 sur un site du Ministère de l'éducation nationale.

Lorsque je vois de tels documents je suis toujours inquiet, mais aussi étonné. La plupart des courants de « pensée » qui critiquent les verts prennent à parti leur aspect « bucolique », il faut sauver les petits oiseaux et les jolies fleurs, en revenir à la lampe à huile. Or le constat est brutal : avec les pesticides, les gaz à effet de serre qui provoquent le réchauffement climatique, ce que nous détruisons ce n'est pas la « nature », qui a des ressources pour s'adapter. C'est tout crument l'environnement qui nous permet à nous, humains, de vivre. Et du coup on est chaque fois dans le même dilemme : préserver les emplois (dans l'industrie automobile et les transports, le nucléaire, l'industrie chimique et l'agriculture intensive, la recherche des gaz de schiste, l'industrie des armes de destruction massive...) ou préserver l'avenir en essayant de détruire moins nos conditions de vie et en cessant de piller des ressources qui ne sont pas en quantité infinie.

A court terme, et vu la crise économique, on a tendance à préserver l'existant et les emplois, sans s'attacher à explorer d'autres voies...

Pour la suite, ce n'est pas grave, nous ne serons plus là.

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Fin du billet du 16 11 2012