[alerte] -JM Bérard- 24 juillet 2012

Nous sommes au bord du gouffre, faisons un pas en avant

La crise

Voir le monde

Fin de vie

L'incertitude du sport

Pauvres pêcheurs

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Nous sommes au bord du gouffre, faisons un pas en avant

J'emploie, de façon un peu répétitive sans doute à votre goût, l'expression « pour survivre, notre société doit se détruire ». Paradoxe absurde, mais réalité lourde. C'est un peu le thème de ce billet.

Je connais votre mauvaise foi. Vous allez me dire « mais alors, que proposes-tu ? »

La crise

Tous les économistes libéraux nous le disent : la crise est due aux dépenses excessives des états, au fait que les salariés sont trop payés, qu'il y a trop de protection sociale (« l'assistanat »). Pour redresser la barre, il faut donc appliquer des plans d'économie drastiques : baisse des salaires, des retraites, de l'ensemble des investissements des états... C'est le principe fondamental de l'action du FMI (eh oui, Dominique Strauss Kahn, notre ancien ex futur président) : nous vous aidons à rembourser vos dettes si vous acceptez une purge insupportable. Nous n'y perdrons pas, car c'est à nous, pays riches, que vous, pays pauvres, devez de l'argent. Donnant donnant : nous récupérons notre argent, vous avez l'austérité.

Tout cela est logique, c'est l'économie libérale.

Et qu'apprend-on ce 23 juillet 2012 : le cours de l'action de l'agroalimentaire Danone est en forte baisse. Pourquoi donc ? Parce qu'ils vendent beaucoup à l'Espagne, et que les baisses de salaire en Espagne vont obliger Danone à vendre moins cher dans ce pays. Là, on comprend l'impasse dans laquelle nous sommes : pour sauver l'économie, il faut prendre des mesures qui ruinent l'économie. Cela dit, il faut être raisonnable : les espagnols pauvres peuvent vivre sans yaourt. Ils n'ont qu'à manger des nouilles. Mais l'entreprise Danone ne peut pas vivre si elle ne vend pas de yaourt. Elle devra donc licencier et du coup produire des chômeurs qui ne pourront pas manger de yaourt, et du coup elle devra licencier... Cela donne le vertige, non ? Tournez manège... Bon évidemment dans cet article vous pouvez remplacer yaourt par automobile, ou tout ce que vous voudrez. La situation est la même.

Voir le monde

L'industrie du tourisme fait désormais vivre des millions de personnes (je ne sais pas exactement : beaucoup, beaucoup, en tout cas).

On se trouve ici dans la même contradiction que pour Danone. Les congés payés, la baisse du temps de travail ont permis à un nombre important de personnes de bénéficier de ce type de loisirs. Hélas, selon les économistes libéraux, baisser le temps de travail ruine l'économie. (Ah, Martine Aubry et ses 35 heures d'où viennent tous les maux !) Mais si seuls quelques privilégiés ont du temps libre, de quoi vivra l'industrie du tourisme ?

Quoiqu'il en soit, là encore, il faut détruire ou périr. La lagune de Venise est détruite par l'afflux de touristes, l'Himalaya (quoique d'accès physiquement très difficile et qui plus est très cher) est ravagé par la multitude des cordées. Et souvent les villes se sont uniformisées, avec leur rue piétonne « souvenirs restaurants vêtements » quasi identique d'un endroit à l'autre, du moins en France et en partie en Europe.

Que nous dit « lemonde.fr » ce lundi 23 juillet 2012 ? « Bali, c'est fini ? » (Le Monde se met à faire des jeux de mots digne de Libé !)

Extraits : Bali est menacée au point qu'elle pourrait à terme devenir méconnaissable : les effets cumulés du tourisme de masse, d'une consommation effrénée et d'un désastre écologique se combinent au point que les plus lucides d'entre les balinais commencent à tirer la sonnette d'alarme. [...] « Bali, à partir des années 1970, est vraiment devenue une destination touristique. Mais au début il s'agissait d'un tourisme culturel. Aujourd'hui on assiste à un tourisme de masse, et c'est bien là le problème. » dit Wayan Suardana. Chaque chambre d'un quatre étoiles consomme 300 litres d'eau par jour. En 2015 Bali pourrait faire face à une crise de ressources en eau potable. Une loi de protection environnementale a été votée, mais elle reste lettre morte devant les pouvoirs des autorités locales. Ketut Aydana déclare : « les responsables locaux n'ont aucune vision à long terme, il veulent un retour rapide sur le capital investi. Et le tourisme le permet. L'ironie c'est que lorsque le développement aura atteint un tel niveau les touristes ne trouveront plus à Bali ce qu'ils s'attendaient à y voir »

Je ne sais pas si vous aviez lu mes billets sur le développement de l'industrie des sports d'hiver dans mon village de Savoie. J'écrivais presque mot pour mot la même chose. Pour survivre il faut détruire. En attendant, gagnons de l'argent, c'est toujours ça.

Fin de vie

Il parait qu'une forte majorité de français est pour l'euthanasie. J'aurais aimé avoir connaissance des questions posées. Chacun, y compris vous, y compris moi, est-il vraiment au clair sur la situation actuelle de cette question en France ? Les personnes qui ont répondu ont-elles une claire connaissance des lois Leonetti qui régissent en ce moment la fin de vie en France, de façon à mon avis assez équilibrée ?

Quoiqu'il en soit, même si une majorité est pour, je ne crois pas que les questions éthiques doivent se décider à la majorité. Lorsque, avant les élections de 1981, F. Mitterrand avait annoncé que s' il était élu il abolirait la peine de mort, il allait à l'encontre de l'avis d'une majorité.

Étonnant argument d'un professeur de médecine dans Le Monde du 21 juillet 2012 : « Il est injuste que seuls les patients fortunés puissent se rendre en Suisse pour bénéficier d'un suicide assisté. »

Je connais de nombreux criminels qui regrettent sincèrement leur crime est demandent à être punis. (Bon, ce n'est pas vrai, mais je pourrais...) Il est injuste que seuls les criminels riches puissent se rendre aux USA pour bénéficier de la chaise électrique ou en Chine pour recevoir une balle dans la nuque. Il est aussi dommage que les femmes pauvres qui regrettent sincèrement de tromper leur mari ne puissent se rendre en Iran pour être lapidées. Et que les femmes soucieuse de leur vertu mais pauvres ne puissent se rendre en Afrique pour être excisées. Il vaudrait mieux uniformiser tout cela dans tous les pays.

Étrange société que la nôtre, polarisée sur le plaisir immédiat mais fascinée par la mort.

L'incertitude du sport

La 99ème édition du tour de France cycliste vient de se terminer.

Les organisateurs sont contents : des cas de dopage ont été détectés, ce qui prouve que le dopage est sérieusement contrôlé !

Un ancien coureur cycliste explique dans Le Monde que les puissances développées par les coureurs lors des montées des cols ne peuvent s'expliquer que par un recours au dopage.

Bon, que voulez-vous, le Tour de France est une grosse affaire, très appréciée des français. Si les coureurs pédalent trop lentement, le spectacle y perdra. Il faut choisir : l'honnêteté de la compétition sportive et la santé des coureurs d'un coté, la qualité du spectacle de l'autre.

Au moins, lorsque les gladiateurs se massacraient devant l'empereur, les règles du jeu étaient plus claires.

Pauvres pêcheurs

C'est bien connu, pour sauver les pêcheurs il faut détruire les poissons. La commission de Bruxelles, fortement approuvée par les associations écologiques, veut interdire la pêche profonde en Atlantique Nord. Cette méthode de pêche est considérée comme destructrice et non durable par « la majorité des scientifiques compétents ». (Le Monde, 23 juillet 2012). La France, par la voix de son ministre de la pêche M. Cuvillier, s'y oppose en déclarant qu'une telle réglementation serait inacceptable. La délégation socialiste française au parlement européen dénonce la position de la commission, dévastatrice pour l'emploi et dénuée de tout fondement scientifique.

Allez, un mauvais jeu de mots : M. Cuvillier est-il ministre de la pêche aux voix, craint-il les blocages de ports ? Ou alors considère-t-il qu'il vaut mieux ne rien changer à l'industrie de la pêche, pour sauver des emplois, même s'il n'y a plus de poisson plus tard ?