[alerte] N° 93 - JM Bérard - 7 mai 2012

Sommaire

    1 Matin du 7 mai 2012

Hommage à Nicolas Sarkozy pour la QPC

Résultats des élections présidentielles du 6 mai 2012

Machines à voter et principe démocratique

    2 Après l'élection de F. Hollande, des problèmes subsistent...

Notre avenir sur Terre

Société numérique

    3 Science et croyance

    4 Ouvertures

Français de souche


______________________________________________________________________

1 Matin du 7 mai 2012

Hommage à Nicolas Sarkozy pour la QPC

Je rends hommage, sans ironie, à Nicolas Sarkozy. Au cours de son mandat il a impulsé une réforme constitutionnelle qui comporte la « QPC », question prioritaire de constitutionnalité.

Cette réforme est passée un peu inaperçue. Elle a des conséquences considérables. Avant la réforme, lorsqu'une loi était adoptée par le parlement, des parlementaires pouvaient saisir le Conseil constitutionnel, qui pouvait déclarer la loi non constitutionnelle, en partie ou en totalité. Si le Conseil ne censurait pas la loi, elle était promulguée.

Cela est maintenu, mais en outre, depuis la réforme Sarkozy, si, lors d'un procès ou d'une instance, un simple justiciable est poursuivi du fait d'une loi qu'il estime non constitutionnelle il peut saisir le Conseil, même si la loi est promulguée depuis longtemps.

Le Conseil a ainsi, au 5 mai 2012, rendu 207 décisions de QPC, par exemple sur la garde à vue ou l'internement psychiatrique sans consentement.

Une garantie est ainsi donnée au justiciable, même si le mode de nomination et de fonctionnement du Conseil mériterait une réflexion et une remise en cause.

Rendons hommage à N. Sarkozy pour ce progrès des libertés.

J'ajouterai, pour renforcer ce remarquable (!) bilan, le revenu de solidarité active et le service civique volontaire.

Bon, cela n'a pas suffi à modifier ma perception globale très négative du bilan du président sortant.

Je sais, certains de vous épinglent mon antisarkozisme primaire et systématique. Je suis surpris, mais je maintiens. Il me semble que chaque fois que j'ai critiqué le président dans les lettres [alerte] j'argumentais sur la base de données ou de faits que j'avais pris soin, autant que possible, de vérifier et de recouper. Je regrette, sincèrement, que ceux de vous qui m'adressent ces critiques n'aient pas pris la peine d'argumenter. Cela aurait enrichi le débat. Je n'ai jamais refusé de publier une argumentation argumentée (j'insiste, argumentée) défendant tel ou tel aspect de la politique de NS. Simplement je n'en ai pas reçu.

Résultats des élections présidentielles du 6 mai 2012

Ayant, comme je l'avais dit, voté Hollande aux deux tours, je me réjouis de son élection, dont je pense qu'elle peut mettre fin à la politique de division des français entre eux et qui a cours depuis l'élection de N. Sarkozy et en particulier dans la dernière période avant les élections. Un peu d’égalité, de justice sociale, une république intègre, plus d'espoir et de confiance en l'Homme.

Cela dit, vous connaissez mon pessimisme foncier.

Après l'élection de François Hollande, les sondages disent que 51% des français souhaitent l'élection d'une assemblée nationale de droite, « pour que la gauche n'ait pas tous les pouvoirs ». On élit un président, pour le paralyser aussitôt. Il sera alors facile de montrer qu'il ne fait rien, forcément, on l'aura rendu congénitalement impuissant. Quitte à vous paraitre à nouveau simpliste et unilatéral, je voterai PS aux deux tours des législatives. En période de crise économique et de tensions internationales, quels seraient les pouvoirs et les moyens d'action de F. Hollande obligé de cohabiter avec un gouvernement de droite ?

Et puis je maintiens tout à fait mes craintes sur le risque de montée d'un pouvoir autoritaire, même si peu de vous me prennent au sérieux. Le Front National a désormais une forte représentativité électorale. Les derniers épisodes de la campagne ont totalement banalisé son discours de haine et de division. Une partie de la droite dite jusque là républicaine s'y est ralliée. En période de crise économique grave, élu avec un faible écart, ne disposant peut-être pas de la majorité absolue à l'assemblée, le nouveau président exercera le pourvoir dans des conditions difficiles. Campagnes d'opinion, manifestations violentes contre un pouvoir « faible et incapable d'agir », la France, avec soulagement, se précipitera dans les bars du pouvoir autoritaire dont elle a besoin. Dans cinq ans ? Avant ?

Machines à voter et principe démocratique

D'après le site Mediapart le 7 mai 2012, plus de soixante communes ont utilisé des machines à voter électroniques. Cela concerne plus de un million d'électeurs. Lorsque le bureau utilise une machine à voter, l'électeur n'a pas le choix.

Soixante communes sur 35 000 ce n'est pas beaucoup, mais la pression économique des fabricants de machines est forte.

En amélioration constante, le processus de vote actuel assure une transparence et un contrôle démocratique très forts. On doit passer par l'isoloir (pour éviter le vote sous pression), l'urne est transparente et constamment visible, le dépouillement est public, chacun peut assister ou participer au dépouillement, on compte les bulletins un par un, on met des petits bâtons, on proclame les résultats. Il est même prévu que chaque bureau doit disposer de bougies ou de camping gaz en cas de panne d'électricité.

La machine à voter supprime toute cette transparence, et ce moment fort du rituel républicain. De nombreuses études ont été faites, sous l'impulsion en particulier de C. Enguehard, maitre de conférence à l'université de Nantes.

Suivre le lien Les machines à voter progrès ou danger pour la démocratie ?

Pour donner les grandes lignes de l'intervention que vous pouvez écouter en suivant le lien, une élection c'est un comptage de voix dans la transparence. Or les ordinateurs à voter n'offrent aucune transparence. En particulier, il est absolument impossible pour le citoyen moyen, et même pour les informaticiens de vérifier que le programme et l'ensemble du système informatique qui régissent la machine sont justes, et que le programme qui tourne le jour du vote est celui qui a été vérifié.

L'exposé est fait en des termes totalement accessibles aux non informaticiens.

De l'écoute, on ressort convaincu que les ordinateurs à voter sont un tournant vers une élection sans transparence, ouvrant la voie à toutes les dérives. Situation d'autant plus dangereuse que l'on a par ce système toutes les apparences de la sécurité totale, alors qu'il n'en est rien.

Président de gauche ou pas, nul doute que sous la pression de l'idéologie techniciste et des intérêts économiques les usages de ces machines vont progresser. La mobilisation populaire pour y résister est pour l'instant faible.

______________________________________________________________________

2 Après l'élection de F. Hollande, des problèmes subsistent...

Notre avenir sur Terre

Malgré l'élection de François Hollande, quelques problèmes subsistent.

Je suis frappé en particulier par le peu de place de l'écologie politique dans la campagne électorale.

Les programmes économiques de Hollande et Sarkozy convergent sur la nécessite de la rigueur budgétaire, et divergent sur le fait que Hollande a prévu d'y ajouter des mesures de relance économique. Mais aucun des deux ne met en cause un système économique fondé sur la production à tout va, sur la croissance à retrouver et sur l'augmentation de la productivité.

Pour tous, sauf bien sûr Eva Joly, la crise a balayé la prise en compte des dangers qui pèsent sur l'avenir de la planète, et donc sur l'avenir de l'humanité. L'idée selon laquelle des technologies écologiques pourraient aussi créer des emplois, tout en étant moins suicidaires, a été peu présente. Continuons de faire ce que nous savons faire, même si nous savons que cela nous mène au désastre. Dommage.

Société numérique

Extrait du site du Creis le 26 avril 2012

Présidentielle 2012 - Convoqués par le Collectif du Numérique, les deux candidats se sont exprimés, au travers de leur conseiller, sur leur programme numérique. Une intervention décevante.

Un bien terne débat autour du numérique

Pas d'engagement de la représentante de François Hollande sur la maîtrise du fichage nominatif, ni sur le fait que la création de tout fichier nominatif national devrait être soumise au parlement. Une formulation vague sur le renforcement des pouvoirs de la commission nationale de l'informatique et des libertés, sans mentionner le fait que l'exigence d'un avis conforme de la CNIL sur les nouvelles lois devrait être rétabli. (Avis conforme : on ne pourrait pas contourner un avis négatif de la CNIL. Actuellement les avis de la CNIL sont simples, et donc purement consultatifs.) Rien dans l'entretien sur le respect de la stricte proportionnalité entre l'existence d'un fichier et la légitimité des objectifs visés.

Rien dans cet entretien sur la protection des données personnelles, et la politique internationale à suivre à ce sujet. Rien dans cet entretien sur le fichage génétique et le fichage biométrique.

Rien sur l'équipent du territoire en très haut débit, pourtant vital économiquement.

Rien sur la formation des élèves, rien sur le renforcement des filières universitaires destinées à former des chercheurs et ingénieurs d'excellence en informatique.

Rien sur la gouvernance de l'internet et la neutralité de l'internet. Rien sur la liberté de l'internet et l'interdiction des sites.

Rien sur la vidéo surveillance.

Et j'en oublie. Je sais bien, il ne s'agit que d'un entretien, dans lequel tout ne pouvait être dit. Mais j'écris tout cela pour dire que sur bien des points la vigilance reste de mise. L'idéologie techniciste (c'est possible, donc faisons-le) règne dans tous les camps.

J'ai choisi de mentionner ces questions, car, en dehors de l'entretien cité ici, je n'ai pas non plus trouvé de déclarations fermes de l'équipe de F. Hollande sur ces sujets durant la campagne.

______________________________________________________________________

3 Science et croyance

J'en suis désolé pour mes lecteurs philosophes qui jugeront mes questions simplistes, mais, à mon âge, je ne sais toujours pas ce qu'est « savoir » et ce qu'est « connaitre ».

Dans le système scolaire traditionnel, on considérait (on considère ?)que l'on sait lorsque l'on est capable de réciter la règle : accord du participe passé, principe d'Archimède. Cela vaut sans doute pour l'exercice de récitation (quoi que l'on puisse réciter sans comprendre ce que l'on dit) mais fonctionne mal pour les savoirs en général.

Ainsi, dans leur livre « Orthographe, à qui la faute ? » Danièle Manesse et Danièle Cogis donnent cet exemple parmi de nombreux autres : un enfant peut écrire « l'équipes de foot » tout en connaissant très bien la règle du pluriel. Simplement, dans sa logique, il y a pluriel car il y a plusieurs joueurs dans une équipe. Ce n'est pas une « faute », c'est un défaut de compréhension de la façon dont s'applique la règle.

De même, beaucoup de personnes sont capables de réciter le principe d'Archimède mais pensent que l'on flotte mieux dans l'eau profonde. C'est faux, et à aucun moment le principe d'Archimède, pourtant connu, ne mentionne la profondeur de l'eau. Certes, si l'eau est profonde, on se racle moins les genoux sur le fond de la piscine.

Dans le système scolaire, comment évaluer le fait que l'on soit capable de « faire fonctionner » ce que l'on sait dans d'autres contextes que celui où on l'a appris, d’utiliser ce que l'on sait dans des raisonnements logiques cohérents, de créer à partir de ce que l'on sait des connaissances nouvelles ?

Quoiqu'il en soit, la coexistence de savoirs et de croyances contradictoires est fréquente chez chacun de nous. Elle est intimement liée à je ne sais quel ressort profond qui fait que vouloir mettre en évidence ces contradictions chez un interlocuteur est en général pris comme une forme de pédantisme ou de mépris, et en tout cas totalement inefficace.

Le livre « Sous l'emprise de la Lune » de Jérôme Bellayer (Ed. book-e-book) cite de très nombreux exemples de fausses croyances, profondément enracinées, sur les effets de la lune.

Un exemple courant : des études statistiques, faites sur un grand nombre d’hôpitaux dans le monde entier montrent sans aucun doute mathématique que l'on n'accouche pas plus les nuits de pleine lune que les autres nuits. C'est pourtant une « certitude » fortement ancrée, y compris dans le personnel des maternités.

Le livre analyse ainsi de nombreuses croyances : la pleine lune favorise les meurtres, les accidents de la route... Les études statistiques présentées montrent qu'il n'en est rien.

Plus intéressantes sont les croyances selon lesquelles la lumière de la lune fait blanchir le linge, ou que la lune rousse fait geler les plantes. Ainsi, le linge blanchit sous l'effet de gouttes de rosée qui ont dissous des gaz décolorants présents dans l'atmosphère (ozone, peroxyde d'hydrogène). La rosée, en tombant, blanchit le linge. Lorsque le ciel est clair et donc la lune bien visible, les conditions météorologiques d'humidité qui permettent ce phénomène ont de grandes chances d'être remplies. La lune ne fait pas blanchir le linge, elle est seulement un signal annonçant que les conditions sont favorables pour que la rosée blanchisse le linge. Concomitance, et non causalité.

L'auteur conclut : « l'expérience personnelle est le support prépondérant des différentes croyances ou superstitions. Qui n'a jamais entendu dire « je t'assure, c'est vrai, cela m'est arrivé ». L'expérience personnelle est un argument faux, mais qui a toute l'apparence du vrai. La remettre en question est une chose très difficile pour ceux qui l'affrontent comme pour ceux qui l'utilisent, qui demande à l'interlocuteur une certaine dose d'ouverture d'esprit et de bonne volonté. »

4 Ouvertures

Rubrique actualisée pour chaque numéro de [alerte]

Français de souche

Le site de tous les racismes, de toutes les haines, les intolérances, les manipulations.

L'une de vous m'avait fait remarquer que, en le citant, même pour le dénoncer, je le faisais connaitre. C'est vrai. Et pourtant, après toute cette fin avril 2012 et ses outrances malodorantes, cela vaut la peine d'y regarder de temps en temps.

Bon d'accord pour cette fois-ci j'aurais du appeler la rubrique « fermeture ».

____________________________________________________________

Fin de [alerte] N° 93