[alerte] N° 90 - JM Bérard - 19 mars 2012

Sommaire

1 Attentats racistes

Attentat contre une école juive

Arturo Ui

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1 Attentats racistes 

Attentat contre une école juive

Le 19 mars 2012 : un homme à scooter, armé de deux pistolets, tue froidement des enfants et un professeur se rendant dans une école juive. La nature du lieu attaqué ne laisse malheureusement que peu de doute sur le caractère antisémite de cette tuerie.

Cela crée l'inquiétude : est-on devant la montée d'une nouvelle vague d'attentats racistes ? Rappelons-nous il y a trente ans l'attentat contre la synagogue Copernic, ou les attentats de la rue des rosiers.

Un voyage du président de la république à Toulouse, un discours ferme et juste, qui condamne la barbarie et dénonce ce massacre comme étant un massacre de tous les enfants de France. Il ordonne entre autres que les lieux confessionnels soient protégés, tant synagogues que mosquées et églises. Dans la journée, le ministère de l'intérieur indique que les écoles juives et coraniques seront protégées.

Un tout petit doute sur le rôle des médias. La mobilisation autour de l'attentat antijuif de Toulouse est nécessaire, capitale. Mais rappelons-nous que trois militaires ont aussi été tués dans des conditions analogues à Montauban. Parmi les hypothèses entendues à la radio on parle du fait que le régiment de ces militaires est intervenu en Afghanistan. Jusqu'à ce 19 mars, je n'avais entendu qu'une seule fois, sur une seule radio, mentionner le fait que deux de ces trois soldats français étaient d'origine maghrébine et le troisième d'origine antillaise. Puis silence sur cette hypothèse.

Je rends hommage au président de la république qui ce lundi 19 mars a signalé que deux des militaires tués étaient d'origine maghrébine et le troisième d'origine antillaise.

Il est beaucoup trop tôt pour se faire une idée, mais je ne peux m'empêcher de concevoir une grande inquiétude : massacre de juifs, massacre (si l'hypothèse est avérée) de maghrébins « infiltrant » l'armée française... Tout cela soulève une odeur bien inquiétante.

Arturo Ui

Toute la classe politique déclare « la tragédie de Toulouse doit entrainer une unité nationale ; par conséquent, suspendons la campagne électorale. » Les commentateurs ajoutent que les candidats paieraient en terme de chute dans les sondages toute exploitation de ces événements.

Je vais donc rompre un tabou.

Certes, l'unité nationale s'impose dans la condamnation d'actes barbares, et dans la compassion envers les familles et les proches des victimes.

Mais doit-on pour autant gommer la réflexion sur la situation actuelle en France ?

L'atmosphère pro-front national qui accompagne la campagne électorale est-elle pour quelque chose dans ces attentats ? Il est trop tôt pour le dire. Quoiqu'il en soit, il est sûr que l'on ne peut jouer avec le feu sans craindre des retours de flamme. On ne peut en permanence semer la division, encourager la méfiance des uns contre les autres, désigner des boucs émissaires sans créer une atmosphère propre à n'importe quoi.

Désolé de mon manque d'imagination, mais je ne peux que citer Bertold Brecht « il est encore fécond le ventre d'où est sortie la bête immonde ». Le racisme, le fascisme font profil bas, prêts à resurgir en force à toute occasion.

En 1933, Hitler est devenu tout à fait légalement chancelier, dans un contexte de crise économique et de racisme provoqué. Tout cela est fort bien décrit dans « La résistible ascension de Arturo Ui », de Brecht.

J'espère que l'histoire n'aura pas à reprocher à la fraction de droite de l'UMP, aux discours ambigus ou trop clairs de N. Sarkozy (cf. Grenoble), aux propositions anti immigrés de C. Guéant d'avoir fait le lit du fascisme, et à la droite en général, espérant glaner des voix, d'avoir rendu fréquentables les idées du Front National.

Je suis très mal placé pour vous expliquer l'histoire de la montée du nazisme en Allemagne, vu les limites de mes propres connaissances. J'ai donc un peu rafraichi mes souvenirs sur internet.

(A mes lecteurs historiens de me dire si j'ai correctement résumé.)

La république de Weimar est instaurée en Allemagne en 1918 ; elle est considérée comme s'étant terminée en 1933 lorsque Hitler devient légalement chancelier. La république vit dans un contexte difficile : le traité de Versailles qui met fin à la guerre de 1914 1918 est considéré comme humiliant par les allemands. Des attentats, en particulier antisémites, sont effectués par l'extrême droite. Une grave crise économique aboutit à une hyperinflation telle que la monnaie perd toute valeur, et que l'on doit venir chaque soir recevoir son salaire avec une brouette pour ranger les nombreux billets. Le 30 novembre 1923 un timbre pour envoyer une lettre coute 30 milliards de marks.

A la fin des années 20, l'Allemagne a un déficit budgétaire impressionnant, la crise mondiale de 1929 précipite la crise allemande, la bourse et l'industrie s'effondrent, une panique bancaire se développe, le chômage augmente massivement. En 1930 le parti nazi, qui promet le plein emploi, obtient de très bons résultats aux élections.

La conjonction des milieux industriels qui se désolent du mauvais état de l'économie et des milieux populaires, qui souhaitent un pouvoir fort pour sortir du chômage conduit Hitler à devenir en 1933 chancelier du Reich.

« Conformément à sa stratégie, Hitler a accédé au pouvoir par la voie légale, sur un programme démagogique et populiste, avec l’aide des partis politiques de la droite et du « Zentrum », comme « rempart » contre le communisme. » (Wikipedia).

On connait la suite.

Je raconte tout cela d'une part parce que cela m'a intéressé personnellement de réviser un peu mes connaissances, mais surtout parce qu'on peut y lire sans trop de peine des analogies avec la situation historique actuelle. Quoique les historiens disent que l'histoire ne se répète pas. Et puis analogie ne veut pas dire identité.

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2 Ouvertures

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* Sur Liberation.fr le jeudi 15 mars 2012 un très beau texte de Hélène Cixous, intitulé « Qui », où elle fait un parallèle entre Nicolas Sarkozy et le Arturo Ui de Brecht.

Cliquer sur Qui

Un extrait :

« Ne pas oublier. Écouter chacun. C’est long. C’est vital pour nous. Nous ne devons pas être le pays sans temps, sans mémoire, sans égard, où trop de gens se sentent, même avec des «papiers» comme on dit, traités comme des corps étrangers. J’ai peur de celui qui attise la vieille xénophobie comme un apprenti-sorcier prêt à mettre le feu à tout ce qui n’est pas Egomoi : feu sur l’Europe, feu, aveuglément, indifféremment, sur la mémoire, sur l’amitié, sur la solidarité, sur la parole donnée, sur la promesse. »

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