[alerte] N° 84 - JM Bérard - 26 janvier 2012

___________________________________________________________

Sommaire

1* Au fil des jours

2* Tombe la neige, tu ne viendras pas ce soir

3* La délinquance baisse de 0,34% et la longueur de ma table a diminué de 2 millièmes de millimètre

4* Comment combattre la crise ? Il suffit d'augmenter le chômage.

5* Quelques adresses

___________________________________________________________

1* Au fil des jours

* Sondages

Un sondage : N. Sarkozy « baisse » de 25,5 à 23 ; F. Hollande « baisse » de 32 à 29. Le Monde, 18 janvier 2012.

Savez-vous quel est le titre de l'article ? « N. Sarkozy est en nette baisse. ». Ça alors. En lisant les résultats on avait cru que N. Sarkozy baissait moins que F. Hollande (2,5% pour l'un, 3% pour l'autre). On a du se tromper, Le Monde est un journal objectif, c'est Sarkozy qui est en nette baisse.

Et puis, fidèles lecteurs, vous le savez : la marge d'erreur d'un tel sondage est d'environ 3%. 25,5 et 23 ne sont donc pas différents. 32 et 29 ne sont donc pas différents non plus. A 3% près, 25,5 est égal à 23, et 32 est égal à 29. Rien, malgré les apparences, ne permet de dire que l'un ou l'autre baisse, ni, donc, que l'un baisse plus que l'autre.

* L'avenir radieux de la technique

L'industrie automobile expérimente une voiture qui pourra faire un créneau de parking sans que le conducteur touche le volant. Cela existe déjà, et c'est même déjà en vente. Mais cette voiture-là pourra aussi trouver toute seule son chemin dans un parking souterrain et se ranger sur un emplacement. Pour repartir, le conducteur n'aura même pas à entrer dans le parking. Depuis la sortie, il téléphonera à sa voiture qui le rejoindra toute seule. Je n'invente pas, c'est vraiment à l'étude.

Très bientôt, on arrivera à la perfection absolue : la voiture ira toute seule d'une ville à une autre, sans conducteur ni passagers. A quoi sert une voiture sans conducteur ni passagers ? A rien, mais c'est fascinant, cela montre la supériorité de l'esprit sur la matière.

* L'avenir radieux de N. Sarkozy

Le président a dit qu'il arrêtera la politique s'il n'est pas réélu. C'est terrible, ce qui lui arrive. J'en ai pleuré. Tiens, j'hésitais, mais je vais voter pour lui. Il faut être cohérent. On ne peut pas à la fois souhaiter aider les personnes dans le malheur et laisser tomber notre président.

* Mots à vendre, le langage du foot

Dans le sport spectacle qu'est le foot, il faut non seulement jouer, mais savoir vendre des mots. L'équipe de foot de je ne sais plus où perd un match. Déclaration de l'un des joueurs : « nous avons perdu parce que nous n'avons pas maitrisé les fondamentaux. » C'est rassurant, avec ce diagnostic on sait comment remédier au problème. « Ce n'est pas plus mal d'avoir perdu ce match, cela nous mobilise pour le suivant. » Gagner tout le temps, cela démobilise.

* Les pompes de la république

La voiture de Nadine Morano, ministre de l'emploi et de la formation professionnelle roule à tout allure dans Paris (160 km/h ? J'ai du mal à le croire), escortée de deux motards, et remonte un sens interdit.

Questions : pourquoi, dans un déplacement ordinaire dans Paris une ministre qui n'est pas un ministre « sensible » (intérieur, défense, affaires étrangères, premier ministre) a-t-elle besoin d'une escorte ? De quel attentat terroriste veut-elle se protéger ? Détient-elle des secrets d’État sur la formation professionnelle ? Et, pour se rendre à l'aéroport, pourquoi remonter un sens interdit à toute allure ? Ne suffisait-il pas de partir cinq minutes plus tôt ?

Pourquoi parler d'un simple fait divers ? Parce qu'il me semble que, depuis la Révolution, il y a 223 ans, tous les détenteurs d'une parcelle de pouvoir continuent de se prendre pour Louis XIV. Remonter un sens interdit escorté par des motards, c'est grisant. Qui étant gamin n'a pas rêvé de franchir les feux rouges au volant d'une voiture de pompiers ?

Un pouvoir qui estime que les fonctions donnent droit à des privilèges est mal parti sur le plan de l'éthique. Rappelons-nous que le général de Gaulle payait de sa poche les repas lorsqu'il invitait sa famille à l’Élysée. Autres temps.

Suite de l'épisode : l'un des motards du convoi remontant le sens interdit renverse un piéton, deux jours d’hôpital, 30 jours d'incapacité (pour le piéton).

La ministre déclare : le motard était dans son droit, et j'ai rendu visite au jeune homme à l'hôpital. Je ne vois pas ce qu'on me reproche.

Mais alors pourquoi cette sale manie qu'ont désormais les services de police de diffuser aux quatre vents, à tout propos, tous les renseignements dont ils disposent ? Le jeune homme traversait en courant, il avait un casque MP3 sur les oreilles, et n'était pas sur un passage protégé. Il n'a ni vu ni entendu le motard. On nous suggère donc qu'il était responsable. Ah ? Mais qui aurait l'idée de regarder des deux cotés pour traverser un sens unique, au cas où un ministre infantile et grisé arriverait ?

Le jeune homme a de la chance. Ce n'est pas un violeur récidiviste, il n'est pas connu des services de police, il n'est pas gitan, il n'était pas drogué. Dommage, sinon on nous l'aurait dit.

Dans les milieux autorisés on s'autorise à penser que le jeune homme va être poursuivi pour excès de vitesse, possession sur son MP3 de morceaux de musiques piratés, violence à agent et entrave à un ministre dans l'exercice de ses fonctions. Il ferait beau voir qu'il s'en tire impunément.

Retour au sommaire
___________________________________________________________

2* Tombe la neige, tu ne viendras pas ce soir

Quel rapport entre ce titre et le contenu de l'article qui suit ? Aucun. C'est juste pour marquer ma nostalgie du chanteur Adamo, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. Vous permettez, monsieur...

J'en avais déjà parlé. En Savoie et Haute-Savoie, la plupart des maires des communes veulent accélérer les équipements de sports d'hiver, pour donner du travail aux habitants et développer économiquement la région. Multiplier les canons à neige, construire des remontées mécaniques dans des zones classées, multiplier les constructions d'appartements pour les touristes... Même les préfets, qui ne sont pas pourtant des écologistes acharnés, ont mis en garde sur les dangers d'une telle politique qui ne vise que le court terme.

Sur le site de Rue 89, le 18 janvier 2012, un blog de Claude Comet, l'ingénue des alpages.

Extraits :

Canons ou « enneigeurs » ? Derrière la bataille des mots, la réalité est surtout que la plupart des pistes se sont couvertes de ces dispositifs censés permettre de passer les mauvaises périodes et qui deviennent par moment la principale source de neige pour nombre de stations.

C'est vrai, ça. Si quelque chose est gênant, il suffit d'en changer le nom... Enneigeur est moins guerrier que canon. JM B

[...]Toujours en 2008, l'enneigement artificiel couvrait 5 300 ha, soit près de 20% du domaine skiable français. Mais ce chiffre est en constante augmentation. En 2010-2011, la préfecture de Savoie évalue à quelque 2 000 ha enneigés pour la Savoie, soit près de 27% du domaine savoyard. Les opérateurs se dédouanent en avançant que l'Autriche en est à 40%, les Dolomites (Italie) à 80%, les États-Unis, de 85 à 100%... Mais la Suisse n'est qu'à 12% !

[...]Il faut 1 m³ d'eau pour fabriquer 2 m³ de neige, ce qui, pour un hectare de neige fabriquée sur une épaisseur moyenne de 60 cm, nécessite 4 000 m³ d'eau, soit un peu moins de deux piscines olympiques à l'hectare ! Et cette demande augmente avec le nombre d'installations qui se déploient et le manteau de neige fabriqué qui lui aussi s'épaissit (en moyenne 70 cm l'hiver dernier).

[...]Une retenue collinaire est une sorte de barrage d'altitude (les retenues sont d'ailleurs classées en barrages). Autrement dit, un petit lac creusé dans la montagne, totalement « étanchéifié » par des bâches, et destiné à accumuler de l'eau pendant toute la belle saison pour la restituer de novembre à la fin de la saison de ski (mars), si besoin.

Ce qui n'empêche pas de la remplir plusieurs fois en hiver, quand elle est vide. Pour ce faire, les exploitants doivent respecter des réglementations et notamment ne pas pomper dans un torrent en dessous d'un débit (dit réservé, qui permet à la faune et la flore de subsister). Mais le contrôle est impossible à mettre en place. L'hiver dernier en Savoie, seuls six contrôles (sur 37 retenues collinaires) ont pu être pratiqués et deux étaient non conformes !

[...] Juste pour finir deux remarques. Au début, dans les années 80 en France, les exploitants assuraient que les canons allaient surtout permettre de mettre quelques « rustines », à arranger ici une piste trop exposée au Sud, et là permettre un retour vers la station.

Aujourd'hui, avec les rustines, on a fait la chambre à air ! C'est un système qui est compris dans le business de la neige. Il faut limiter le risque de manque de neige, alors on fabrique la sous-couche de neige dès novembre sur la plus grande partie du domaine de ski. Sauf quand, comme cette année, il fait trop chaud : au-dessus de 0° C, les canons ne peuvent pas produire de neige. Alors, la panique s'empare des exploitants…

Au fond, c'est un peu comme avec le nucléaire. On est dans un système et on fonce, quels que soient les signaux extérieurs : dérèglement climatique, ressource en eau et risques économiques... Et on assure qu'il n'y a pas d'autre solution. En refusant de s'interroger sur le sens et la finalité de ce que l'on fait.

L'auteure traitera dans un prochain article des dangers des canons à neige, en particulier du fait des produits chimiques que l'on doit mettre dans l'eau des canons pour que la neige prenne bien.

C'est toujours le même problème. Il est certain que tout cela donne du travail aux habitants et permet la prospérité économique immédiate. Mais pour quel avenir ? Et au prix de quelles destructions irréversibles ? Il est certain en tout cas qu'il est bien difficile de convaincre les maires et les habitants que, du fait de ce système qui leur permet de bien vivre, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, et aussi l'arbre et la forêt. Pas assez d'eau pour alimenter à la fois les canons à neige et les touristes en masse, une végétation abimée par les produits chimiques, un paysage et un environnement ravagés pas les constructions et les remontées mécaniques.

Je connais une station de ski qui se présente comme une « station village ». C'est vrai, le dimanche lorsqu'on accueille les touristes on leur fait visiter le « vieux village », un peu comme on visiterait un musée archéologique. Et le lundi on passe aux choses sérieuses, sur les kilomètres de pistes qui sillonnent la montagne. Dans l'une des communes de la station, il n'y a plus aucun agriculteur.

Retour au sommaire

____________________________________________________________

3* La délinquance baisse de 0,34% et la longueur de ma table a diminué de 2 millièmes de millimètre

La question de la délinquance a toujours été le fer de lance des combats de N. Sarkozy. Il y est fortement aidé par une presse et surtout une télévision qui exploitent sans cesse cette peur, et la créent. Tous les soirs sur au moins l'une des chaines de télé on suit une équipe de policiers la nuit, on montre le dur travail des fonctionnaires dans les commissariats, on monte en épingle tout un tas de crimes épouvantables et non résolus.

On l'a vu, la stratégie de N. Sarkozy et de ses équipes est bien rodée : un fait divers bouleverse une opinion publique soigneusement mise en condition, une loi suit, et un propos rassurant : « heureusement, nous sommes là pour vous protéger. » On a ainsi vu au fil du temps les pouvoirs d'appréciation des juges être limités par les lois sur les peines plancher, la récidive sanctionnée toujours plus, sans que l'on se préoccupe de savoir si cette politique avait des effets, le fichage préventif s'étendre de façon massive, la spécificité de la justice des mineurs mise à bas, les effectifs des prisons augmenter massivement sans aucune mesure éducative ou de réinsertion. Tout cela sans effet notable sur la délinquance, ni sur le sentiment ressenti d'insécurité. Et pourtant l'opinion continuait de faire confiance à N. Sarkozy sur ce point.

Étrangement, les choses changent. Dans un récent sondage, sur les questions de sécurité, l'opinion faisait plus confiance à Marine Le Pen qu'au président. Normal ! Mais, pour la première fois, elle faisait aussi plus confiance à F. Hollande qu'au président.

J'en arrive au 0,34%. Comme chaque année, le ministre de l'intérieur a présenté le bilan de la délinquance pour l'année écoulée, et ses communicants concluent fièrement « la délinquance a baissé de 0,34% ».

C'est exactement aussi absurde que si je disais que ma table mesure deux millièmes de millimètre de moins que la semaine dernière du fait de l'usure. Comment mesurer la longueur d'une table avec cette précision ? Pour la délinquance, tout est mélangé : les meurtres, dont on connait le nombre avec précision, les viols et les violences conjugales sur lesquels les intéressé(e)s hésitent à porter plainte, les cambriolages, les agressions sur les personnes. On sait bien, sur ce dernier point, que, pour faire du chiffre, les commissariats déconseillent de porter plainte et enregistrent seulement des mains courantes.

Alors, avec des données de précisions aussi diverses, annoncer une baisse globale de 0,34% (précision de 1 sur 10 000) rend honteux pour le ministre de l'intérieur, qui prend vraiment le public pour ignare, (bon, vous avez compris, je pense qu'il prend les gens pour des cons) et rend honteux pour les journaux (dont Le Monde) et les radios qui reprennent en titre une affirmation aussi absurde.

Retour au sommaire

____________________________________________________________

4* Comment combattre la crise ? Il suffit d'augmenter le chômage.

Dernière minute : le 25 janvier 2012 on a connaissance des statistiques mensuelles du chômage en France. Il y a douze ans que le taux de chômage n'a pas été aussi élevé.

Le Fond monétaire international, les banques, les gouvernements sont d'accord : pour combattre la crise, il faut diminuer la dette des états, donc diminuer les dépenses. On ne peut pas augmenter les impôts, cela ferait trop de peine à ceux qui possèdent plus d'argent ! Diminuer les dépenses sociales, les retraites, les salaires, les investissements de l’État. Je me suis souvent demandé comment on pouvait faire tout cela sans diminuer le pouvoir d'achat, donc nuire à la consommation, donc nuire à l'économie, donc provoquer du chômage. En raccourci un peu simplet : selon les économistes libéraux, pour combattre la crise il faut augmenter le chômage. Ce qui bien sûr ne fera qu'aggraver la crise, car du coup le pouvoir d'achat global de la population baisse, la consommation baisse, ce qui nuit à l'économie, ce qui provoque du chômage...

Je sais bien, les économistes avisés conseillent de toujours lier les mesures d'austérité à des mesures de relance de l'économie. Dans les politiques actuellement menées, en particulier en France, on voit bien l'austérité, mais guère la relance.

Voici ce que cela donne en Espagne, extrait du blog de Gilles Raveaud, L'économie politique, le 24 1 2012

Combattre le taux élevé et inacceptable du chômage” a déclaré lundi le commissaire aux affaires économiques européen, Olli Rehn, à l’issue d’une réunion à Bruxelles de l’Eurogroupe.

“L’Espagne a pris les mesures adéquates pour parvenir à son équilibre budgétaire”, a-t-il ajouté.

Le nouveau gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a lancé un vaste plan de rigueur à la fin décembre, comportant des coupes budgétaires de 8,9 milliards d’€, des hausses d’impôt pour 6,3 milliards et un plan anti fraude fiscale dont il espère récupérer près de 8,2 milliards.

En 2011, le déficit a été de 8 % environ, en baisse par rapport à 2010 (9,3 %) mais bien au-dessus de l’objectif de 6 % convenu avec Bruxelles par le précédent gouvernement socialiste.

Pour 2012, l’objectif convenu par Madrid avec l’Union européenne est de ramener le déficit à 4,4 % du PIB.

Le taux record de chômage, qui se situait à 21,52 % de la population active au 3e trimestre 2011, devrait pour sa part encore augmenter en 2012. La Banque d’Espagne prévoit ainsi un taux de 23,4 % pour cette année, avant une très légère baisse en 2013 (23,3 %).

Magnifique ! Partant de l'idée qu'il faut réduire le chômage, on arrive à constater qu'il va augmenter. Et pourtant, selon M. Rehn, le gouvernement espagnol a pris les mesures adéquates. Qu'est-ce que ce serait sinon.

Y a quequ'chose qui cloche la d'dans, comme disait Boris Vian. 

Retour au sommaire

____________________________________________________________

5* Quelques adresses

Deux émissions de radio, sur France inter :

Tous les jours de semaine de 12h30 à 12h45, Carnets de campagne

Le samedi de 11h à 12h, Sur les épaules de Darwin, émission de vulgarisation scientifique pour tous. Passionnant.

Si vous ne pouvez les écouter en direct, écoutez après-coup. (Je ne connais pas le mot français pour podcaster).

Sites :

La vie des idées

Gilles Raveaud, le site de Gilles Raveaud pour l'économie politique.

Vivagora : favoriser la contribution citoyenne aux choix scientifiques et techniques.

Claude Lelièvre : Histoire et politiques scolaires.

 

* Vulgarisation scientifique :

Les ernest

Treize minutes

et un nouveau conseil

Science demonstrations

(en écrivant je n'ai pas tout de suite trouvé l'équivalent du mot anglais demonstration, et ai donc conservé le titre anglais.)

Site fascinant par le niveau de la réflexion scientifique, mais aussi par la beauté des expériences et simulation qu'il présente, comme par exemple les videos où l'on est « scotché » par l'ouverture de la réflexion scientifique et la beauté de ce qui est montré. (Rapports entre science et beauté ?)

Exemples :

Film de savon

Pendulum waves

Quel que soit son niveau de connaissances scientifiques, on navigue dans un monde étonnant, sur les plans intellectuels et esthétiques.

 

* Société :

Délinquance justice et autres questions de société

Laurent Mucchielli, sociologue

Retour au sommaire

____________________________________________________________

Fin de [alerte] N° 84