[alerte] N° 80 - JM Bérard - 23 décembre 2011

Sommaire
1. * Ce que compter veut dire   
2. * Ce que parler veut dire   
3. * Avenir   
4. * Desproges   
5. * Welcome in Vienna   


___________________________________________________________
Un numéro très bref, juste une présence avant une pause de fin d'année.
Bonne fin d'année.
___________________________________________________________

1 * Ce que compter veut dire : manipulation


J'avoue m'être dans une première étape laissé prendre par la publicité de Intermarché, qui manipule les chiffres pour nous faire avaler ses affirmations.

Une boite de nourriture pour chats : « chez les concurrents, le prix moyen constaté est de 2,61 euros, le prix Intermarché est de 2,30 euros, nous nous efforçons d'être les moins chers sur les produits de grande marque. »

Je me suis laissé prendre, puis j'ai réfléchi. Double manipulation.

1 En choisissant lui-même le produit sur lequel il fait la comparaison, Intermarché n'a aucune difficulté à être le moins cher ! Il faudrait qu'il nous fasse une liste complète de ce qu'il appelle les produits de grande marque, et compare les prix de l'ensemble de cette liste avec ceux des concurrents.

2 Et puis, deuxième manipulation, plus féroce car portant sur des nombres, ce qui fait sérieux. Le prix d'une boite chez Intermarché est 2,30 euros, le prix moyen constaté chez les concurrents est 2,61. Nous sommes donc naturellement conduits à penser que Intermarché est moins cher. Or on compare un prix à une moyenne de prix. Dire que la moyenne chez les concurrents est 2,61 signifie qu'il y a des prix au dessous et au dessus de cette moyenne. Et comme les chiffres ne sont pas publiés, on ne sait pas : il y a peut-être beaucoup de prix en dessous de 2,30 chez les concurrents, compensées par des prix bien au dessus de 2,30, ce qui fait une moyenne de 2,61. La comparaison 2,30 (un prix) 2,61 (une moyenne) ne prouve pas du tout que Intermarché soit le moins cher. D'ailleurs le texte est prudent : « nous nous efforçons. » Un mensonge par persuasion implicite, mais une affirmation légalement irréprochable.

Retour au sommaire

__________________________________________________________________________________________

2 * Ce que parler veut dire

* Les français


Expression employée en général par la droite, qui crée une catégorie sociale pour dire «les gens de base qui pensent comme nous. (la France d'en bas, selon Raffarin).» Cela renforce le sentiment du « entre français ». Et puis au fond, cela tend à dire : « je vais vous expliquer ce que vous, français, devez penser et que vous ne saviez pas que vous pensez. »


Exemple dans les expressions de la droite populaire, fraction de droite extrême de l'UMP : « les français en ont assez d'être emmerdés par les radars et les retraits de points de permis. » Quelles études, quels sondages attestent cela ? Et à supposer que l'affirmation soit confirmée, pourquoi la reprendre, au détriment de la sécurité routière ? Vous, les gens de base, qui exprimez votre « ras le bol », qui dites « il faut arrêter », la droite populaire dit avec force ce que vous pensez, quitte à augmenter à nouveau le nombre de morts sur la route.

Ces jours-ci, fin décembre 2011, grève des agents de sécurité dans les aéroports. Le gouvernement et le président viennent avec détermination protéger les français. Enfin, bon, les français qui partent en vacances à Noël, et qui partent en vacances en prenant l'avion. Une forte majorité ? Beaucoup d'électeurs ? Et le président déclare solennellement « Les français doivent pouvoir partir en vacances ! » C'est une bonne nouvelle. Peu de personnes partent en vacances d'hiver. Le président a donc décidé d'aider tout le monde à partir à la neige ou dans les îles, d'offrir des bons de transport et des nuits d'hôtel aux chômeurs et aux Rmistes ? J'ai mal compris ? Ah bon. Alors il aurait dû dire « Certains français ».

Au troisième trimestre 2011, le taux de chômage en France selon le Bureau international du travail est de 9,7%. Quel rapport ? Aucun ! J'attendais simplement que le président dise « les français doivent pouvoir travailler. » On ne peut tout de même pas espérer qu'il parle des étrangers, mais même cela, du travail pour tous, il ne le dit plus, après avoir promis une baisse du chômage.

Une remarque intéressante de D. Schneidermann dans sa lettre quotidienne d'information le 9 15. Chaque jour, à 9h15 un regard décalé sur la façon dont la presse traite l'actualité. Abonnement gratuit.
S'abonner à 9 15

Daniel Schneidermann constate que à chaque grève des transports (trains, avions) les télévisions sont sur place, filment abondamment les drames des passagers « pris en otage », et compatissent : « Mon mari et mes deux enfants avons réservé pour dix jours aux Seychelles, et l'on nous prend en otages. » Proportionnellement très peu de reportages sur les grévistes et les raisons de leur action. N. Sarkozy aurait dit « les français en ont assez d'être embêtés ». On pense même que le mot employé était plus fort que embêtés. Alors il faut le croire, et il faut que TF1 le prouve.

Autre monde : Schneidermann rappelle que les guichets d'une caisse d'allocation familiale ont été fermés récemment pour quinze jours afin que les employés puissent rattraper le retard accumulé, sans recevoir le public. Je n'ai vu aucun reportage sur la souffrance des allocataires pris en otage, qui attendent au jour près le versement de leurs allocs et qui trouvent porte close. Il est vrai que les personnes qui votent à droite sont proportionnellement plus nombreuses parmi les passagers des compagnie d'aviation à Noël que parmi les personnes qui doivent aller au guichet pour toucher leurs allocs. Pas de problème, eux, ils votent FN. C'est de l'humour noir. En fait je n'en sais rien. Je le crains.

Retour au sommaire

_________________________________________________________________________________________

3 *Avenir


Un article sur Rue 89, signé du mystérieux Y.
L'article de Y

Je suis troublé. Je dis souvent dans cette lettre que je pense que le système actuel est dans une impasse totale, que je ne vois pas qu'il puisse sans sortir et que l'on court tout droit à des troubles, émeutes de la faim, guerres civiles, guerres entre États.

Il me semble que Y fait les mêmes hypothèses que moi, mais en tire des conséquences que je n'avais jamais envisagées. Je les soumets à votre réflexion. Je cite le texte en entier, car je sais que beaucoup d'entre vous ne cliquent pas sur les liens que je propose.

« Nous n'échapperons pas à un Moyen Age post-capitaliste

Le Yéti
voyageur à domicile
Publié le 17/12/2011 à 09h36
Dans un récent billet, Paul Jorion évoquait cette interview où l'économiste américain tendance FMI Kenneth Rogoff déclarait dans Les Echos que non, le capitalisme n'était pas mort, au prétexte qu'il n'existait « aucune solution de remplacement viable », et que les seules alternatives sérieuses au modèle anglo-américain ne pouvaient être que... « d'autres formes de capitalisme » !
Paul Jorion concluait en rigolant qu'à ce titre on ne saurait prétendre à la disparition de l'Empire romain, vu que le Moyen Age qui lui succéda ne fut en rien « une alternative sérieuse au modèle romo-byzantin ».

L'atomisation des pouvoirs


Or, au rythme où va le déclin actuel de notre empire capitaliste à nous, il y a désormais fort à parier que le monde court à grande vitesse vers un nouveau Moyen Age. Une sorte d'ère d'où toute idée de globalisation sera bannie, non forcément par philosophie, mais au moins par contrainte.
Ce qui caractérise le précédent Moyen Age, ce n'est pas, comme on voulut longtemps nous le faire accroire, une longue traversée régressive obscurantiste entre Empire romain et Renaissance, mais une atomisation des pouvoirs. On dirait aujourd'hui une « relocalisation » des pouvoirs.
Dans notre Moyen Age nouveau à nous, cette relocalisation de l'activité humaine a toutes les chances de se faire au niveau politique, économique, mais aussi financier.
Cette atomisation et cette relocalisation s'accompagneront hélas, sans doute, d'affrontements entre les différents systèmes en ébauche. Le nouvel ordre international, lui, ne se se mettra en place que lentement, cahin-caha, sur fond de conflits (nous n'osons dire tragédies).
Combien d'années, de péripéties, pour déboucher sur une nouvelle Renaissance mondialisée ? Tout dépend de la sagesse ou de la folie des humains.

Ombres et lumières du Moyen Age


Mais est-on sûr qu'une Renaissance mondialisée nouvelle soit si souhaitable que cela ?
Ce qui caractérisait l'Empire romain et la Renaissance était la centralisation des pouvoirs autour d'oligarchies dominantes, avides d'étendre leur omnipotence sur leurs sujets et leurs voisins, en dedans et au-delà de leurs frontières.
Le Moyen Age se singularisa par une nouvelle organisation politique et sociale où la royauté n'y fut plus absolue, où l'organisation urbaine chère à la civilisation romaine (la cité) tomba en rapide déshérence au profit d'une « civilisation rurale et raffinée » (la « courtoisie », du vieux français « court », ou cour, qui désigne la partie publique du château - Wikipédia) ; où le commerce à grande échelle (maritime) et la circulation monétaire périclitèrent pour laisser place aux foires locales et aux boutiquiers de proximité.
Hého, ça ne vous dit rien ? Il serait bien sûr irresponsable d'idéaliser une telle époque. Parts d'ombres et parts de lumières indissociables, comme pour chaque époque. Mais tant qu'à faire, au moins essayer de se préparer sereinement à une évolution quasi inéluctable, pour en tirer cette « substantifique moelle » vantée par un de ses chantres les plus savoureux : François Rabelais.
D'aucuns balaieront d'un revers de main méprisant l'analyse qui précède. Mais fasse que l'avenir ne leur donne pas raison. Car si l'oligarchie politico-financière d'aujourd'hui trouvait moyen de rétablir une situation compromise en faisant fi de son système failli, alors oui, nous entrerions dans une longue, très longue traversée de ténèbres totalitaires. »
Merci de vos contributions à la réflexion sur cet article.

Retour au sommaire

_____________________________________________________

4 * Desproges


Vous m'avez fait remarquer que j'ai cité Gelück dans ma dernière lettre, alors que, dites-vous, il se répète et que la qualité de ce qu'il fait baisse au cours des années. Vous ajoutez que j'ai oublié Desproges. Mais non. Comment pourrais-je oublier le tribunal des flagrants délires, la minute de Monsieur Cyclopède, et toutes ses œuvres. Bon d'accord, Desproges a le grand avantage d'être mort, la qualité de ce qu'il fait ne baisse pas.

Voici quelques critères de base pour reconnaître l'ennemi :
- l'ennemi est bête, il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui. J'en ris encore.
- l'ennemi ne sait pas se tenir dans le monde. Quand on l'invite à la campagne, il égorge nos filles et nos compagnes jusque dans nos bras.

Les gens malheureux ne connaissent pas leur bonheur.

La connerie : les enfants peuvent-ils être cons ? Oui. Pas les miens, ils sont à l'école libre. Mais cela peut arriver. J'ai personnellement observé, lors d'une visite à l'hôpital des Enfants Malades à Paris, deux enfants paralysés des deux jambes se moquer d'un enfant prisonnier d'un poumon d'acier : « Y peut pas bouger la tête-euh. Lalalère-euh. » La relève est assurée.

Euclide a dit que la ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre. C'est absurde. Chacun sait bien que, pour que ce soit vrai, il faut que les deux points soient bien en face l'un de l'autre.

Judaïsme : religion des Juifs, fondée sur la croyance en un Dieu unique, ce qui la distingue de la religion chrétienne, qui s'appuie sur la foi en un seul Dieu, et plus encore de la religion musulmane, résolument monothéiste.

Bon, j'arrête, vous allez penser que je tire à la ligne pour rallonger un peu cette lettre. Ingrats. Vous me dites toujours que je suis pessimiste, et pour une fois que je ris un peu. Et puis n'oubliez pas que je recopie tout ça dans un livre. Il faut tout de même taper sur le clavier. Il vous est facile de critiquer...

Retour au sommaire

____________________________________________________________

5 * Welcome in Vienna


C'est un film en trois épisodes, qui montre le nazisme et la collaboration à l’œuvre.

J'ai vu le premier épisode, je pense voir les deux autres en janvier.

Attention, cela risque de ne plus passer très longtemps.

Retour au sommaire
____________________________________________________________
Fin de [alerte] N° 80