[alerte] N° 76 - JM Bérard - 26 novembre 2011

Sommaire du numéro 76

* Ce que parler veut dire, ce que compter veut dire

* Haro sur les vilains fraudeurs

* La mort d'Agnès

* Cours de la bourse

* La première goulée

* VivAgora

* Ne pas oublier


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* Ce que parler veut dire, ce que compter veut dire

Lire le début de cette série « Ce que parler veut dire » dans le numéro 75 de [alerte]

Il n'y a que dix chiffres, 0, 1, 2, 3, 4 ,5, 6, 7, 8, 9. Dans le langage courant, on confond souvent chiffre et nombre : le chiffre 324, au lieu du nombre 324. Au demeurant, cette précision quant aux termes mathématiques n'a qu'une importance limitée, tant le flou et la confusion entourent l'usage des nombres dans les conversations, les articles de journaux, les émissions télévisées.

Dans le discours d'un homme politique, dans une conversation courante, le fait de citer des nombres donne une sensation de connaissance, de précision, d'irréfutabilité : c'est scientifique. Reste à savoir ce que compter veut dire.

Première remarque, l'énoncé d'un nombre sans rien à quoi le référer ne fait pas sens.

Dans une intéressante émission de vulgarisation économique (je ne sais plus si c'est sur France Inter ou France Info), la spécialiste dit que la dette de la France est de 1 700 milliards d'euros. C'est clair, net et précis. (Nous ne savons pas si c'est juste, car la spécialiste ne dit pas si elle tire cette information d’une source fiable.) Mais cela n'a pas de sens. A quoi peut-on comparer ce nombre ? A la dette des autres pays analogues, à la dette d'il y a dix ans ? Au prix d'un paquet de cigarettes ou d'une montre Rolex ? C'est précis et pourtant cela ne dit rien, sauf pour ceux qui connaissent déjà l'économie. Heureusement, un peu plus tard, la spécialiste précise que cela représente 85% du produit intérieur brut annuel de la France. Là, je comprends, et je suis stupéfait car je n'imaginais pas que la dette atteignait de telles proportions.

Cela parle davantage, car on sait à quoi référer le nombre donné pour se faire une idée de son sens.

Autre exemple : Le Monde du samedi 19 novembre 2011 titre sur les peintures préhistoriques de la grotte d'Altamira en Espagne, qui datent de 25 000 ans. Je constate mon manque de culture générale : bien qu'ayant essayé plusieurs fois, je n'arrive pas à me mettre dans la tête une échelle de temps : à combien de milliards d'années remontent l'origine de l'Univers (le big bang) ? La formation de la Terre ? L'apparition des premières formes de vie sur Terre ? Et que représentent 25 000 ans dans l'évolution de l'espèce humaine ?

Cela semble une évidence, sans ordre de grandeur, pas de sens. Et pourtant, faites l'expérience vous-même. Prenez le quotidien du jour et essayez de trouver des articles où sont présentes des références permettant d'apprécier les nombres cités.

Exemples, Le Monde du 19 novembre 2011

- Publicité : « La Macif a 4 900 garages agréés. » Cela veut-il dire qu'il y a un garage Macif à moins de 1km, 10 km, 100 km de chez moi ? Personnellement, je sais qu'il y a 36 000 communes, donc un garage pour 7 communes. Mais comment sont-ils répartis géographiquement ? Dans cette pub, rien ne permet d’analyser la signification de ce “4 900

- « Le premier microprocesseur conçu il y a quarante ans comportait 2 300 transistors. » Bon... Combien y en avait-il dans un poste de radio à la même époque ? Et combien y a-t-il maintenant de transistors dans un microprocesseur ?

- Un hôtel de béton massif a été construit dans les collines de la province d'Almeria. Les écologistes protestent, mais la démolition coûterait 300 millions d'euros. Vous, je ne sais pas, mais pour moi, on aurait dit 3 millions, 30 millions, 300 millions, 3 milliards... A quoi comparer ce nombre ?

- La centrale solaire Gemasolar en Andalousie “devrait produire 110 GW/h par an, et alimenter 27 500 foyers.” D'accord, mais qu'est-ce que cela représente par rapport à une petite centrale à charbon, un barrage hydroélectrique, une centrale nucléaire ? Combien de centrales solaires faudrait-il pour alimenter le pays, y compris l’industrie, et pas seulement les foyers ?

Notons en plus que, dans un article pour une fois bien conçu scientifiquement, le journaliste exprime l'énergie en GW/h au lieu de GWh. Il a fallu longtemps pour que les journalistes météo soient formés à parler de la vitesse du vent en km/h (kilomètres par heure) et non, comme ils en avaient l’habitude, en kilomètres heure, ce qui ne veut rien dire. Le vent souffle à 40 kilomètres par heure, 40 km en une heure. Ce n’est pas une remarque pour spécialistes, mais une question de fond sur la nature des grandeurs que l’on exprime.

Deuxième remarque : un résultat ne peut pas être plus précis que la moins précise des données qui a servi à le constituer.

Toute mesure a une précision limitée. Cette précision dépend de la nature de ce que l'on mesure : cela n'a aucun sens d'exprimer la longueur d’une table en bois au centième de millimètre près, elle n'est pas fabriquée avec cette précision. La précision dépend aussi de la nature de l'appareil de mesure : on ne peut pas mesurer une durée au centième de seconde près avec une horloge comtoise.

Cette précision s’exprime par le nombre de chiffres significatifs avec lesquels on écrit le nombre. Si l’on écrit qu’une longueur L est de 1,38 m, le dernier chiffre significatif est le 8. Cela signifie que l’incertitude est d’une demi unité du dernier ordre exprimé. L = 1,38 m signifie donc que L est compris entre 1,375 et 1,385 m. L’expression est au centimètre près. Si elle est au décimètre près, il faut écrire L = 1,4 m, le résultat est moins précis.

Hélas, on trouve, dans la presse, de nombreux résultats exprimés avec une précision qui n'a aucun sens. (Ce n'est pas la même question que celle des ordres de grandeur.)

Selon le site Gecodia, « depuis le point bas de mai 2008, la France compte en septembre 2011, 1 196 800 chômeurs supplémentaires. » (Dernier chiffre significatif : le 8). Diable, sur toute cette durée, les outils statistiques de Pôle emploi permettent de connaître le nombre de chômeurs à 100 personnes près ? Comment a-t-on calculé cela ? Le nombre 1 197 000 serait plus vraisemblable : on est sûr du 7, mais pas des chiffres qui suivent. C'est moins précis, mais compte tenu de ce que l'on compte et des outils employés pour compter, c'est plus raisonnable. Bon, d’accord, il faudrait que je me réfère aux documents originaux, qui peut-être me montreront que l’on peut, sur 3 ans, compter l’évolution du nombre de chômeurs à 100 près...

Un autre exemple, qui semble-t-il n'a pas frappé le journaliste qui en parlait sur France inter : « dans telle course au large, la flottille des concurrents se trouve à 3 704 km de l'arrivée. » S'il s'agit de la flottille des concurrents, tous les bateaux ne sont pas exactement à la même distance. Et puis, pour être aussi précis, à 1 km près, il faudrait dire à quelle heure exactement, puisque la position varie d'un moment à l'autre. Le nombre donné est trop précis par rapport à ce qu'il représente. (Même si, avec les satellites GPS, on peut mesurer les distances avec précision, la question ici est : qu'a-t-on mesuré ? La position du premier bateau ? Du dernier ? Et à quelle heure ?) Pourquoi le journaliste a-t-il dit cela ? Il avait un communiqué de la direction de la course, donnant la position approximative de la flottille en milles marins (par exemple : 2 000 milles marins, ce qui signifie qu'on donne un position approximative, entre 1 500 et 2 500 milles marins.) Sans comprendre que cette distance donnée représentait une distance approximative, le journaliste a converti, 1 mille marin = 1852 m, et donc 2 000 mille marins valent 3 704 km. Du coup son résultat est beaucoup trop précis et n'a aucun sens. La donnée (2 000) a un chiffre significatif, le résultat ne peut en avoir plus : dans cette situation, 2 000 milles marins équivalent à 4 000 km. (Un chiffre significatif pour les milles marins, un chiffre significatif pour les kilomètres).

(Remarque pour les lecteurs très compétents : je sais, ce que je dis n'est pas tout à fait exact, j'aurais du employer la notation scientifique. J’ai simplifié abusivement, pensant être plus clair.)

Cela a l'air caricatural, mais voyez les conversions faites pour l'économie : « le déficit de la société GTAE est de 3 000 dollars (2 227 euros) ». Je vous assure, je l'ai lu souvent dans Le Monde. On peut sans doute, en comptabilité, définir un déficit à un euro près, mais je doute que ce soit ce que voulait dire l’article.

Troisième remarque : la valeur de toute grandeur comporte une marge d'incertitude

Une conséquence de ce qui précède : tout résultat comporte une marge d'incertitude, et les conclusions qui peuvent en être tirées doivent tenir compte de cette marge. L'exemple le plus flagrant concerne l'interprétation des sondages. Des calculs complexes, fondés sur les lois de la statistiques, montre que la précision du résultat dépend du nombre de personnes interrogées, et que pour 1000 personnes, l'incertitude du résultat est de l’ordre de 3%. Il est donc tout à fait absurde de dire « Hollande, avec 34%, devance largement Aubry à 31% » Compte tenu de la marge d'erreur, ils sont à égalité. Force est de reconnaître que « avec une hausse de 2% depuis le sondage précédent, la cote de confiance du président remonte nettement » est pour le moins tendancieux.

Je ne parle pas ici de la façon dont sont posées les questions, façon qui peut induire les réponse, mais seulement de la précision mathématique du résultat.

Et de plus...

Les quelques remarques qui précèdent tentent de pointer une lacune dans notre formation mathématique. Elles n'abordent pas du tout un point essentiel, mais tout à fait différent : comment sont produits tous ces résultats ? Le nombre de chômeurs selon l'INSEE n'est pas le même que selon le Bureau international du travail ou selon l'OCDE. Il faut, dans chaque cas, décrire avec précision ce que l'on mesure et la façon dont on le mesure, pour que le lecteur puisse se faire une idée de la méthode utilisée. C'est une question de fond, différente de celle de la précision de l'expression du résultat. Force est de constater que la méthode appliquée pour obtenir le résultat est rarement présentée dans les informations que l'on nous donne. La rubrique quotidienne “Intox Desintox” de Libérationest un régal sur ce point.

A suivre

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* Haro sur les vilains fraudeurs

Recopie presque intégrale de l'article de Thibaut Gajdos, CNRS, dans Le Monde du 22 novembre 2011. D'accord, je ne sais pas si j'ai vraiment le droit de reproduire ce texte, et de considérer comme une « courte citation » la recopie presque intégrale d'un article.

« Fraude sociale et fraude politique

Notre modèle social serait menacé par la fraude et l'assistanat. C'est en tout cas l'idée qu'a défendue le président de la république dans son discours prononcé à Bordeaux le 25 novembre 2011. N'hésitant pas à invoquer les mânes de De Gaulle et de la Résistance, il a particulièrement dénoncé les fraudes aux prestations sociales, qui constituent une trahison intolérable de l'esprit de 1945. Ces dernières représentent 3 milliards d'euros par an , selon le rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale de 2010. C'est évidemment trop.

Ce chiffre (ce nombre, JM B) est à mettre en regard du montant de la fraude fiscale. Selon un rapport publié en 2007 par le Conseil des Prélèvements obligatoires, celle-ci coûte entre 20 et 25 milliards d'euros par an. Actuellement, les fraudes sur la TVA représentent entre 7 et 12 milliards par an. Les fraudes concernant l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés s'élèvent chacune environ à 4,5 milliards par an. Quant aux fraudes sur les prélèvements sociaux, elles coûtent entre 8 et 14 milliards par an. Au total la fraude fiscale coûte donc 8 à 12 fois plus cher que les fraudes aux prestation sociales. Sauf à supposer que, pour Nicolas Sarkozy, les contribuables doivent bénéficier de plus d'indulgence que les bénéficiaires des prestations sociales.

Le second axe du discours présidentiel est, en un sens, plus subtil. Il suggère que les bénéficiaires des prestations sociales, lorsqu'ils ne fraudent pas, se laissent aller à un assistanat dégradant. C'est l'insupportable et humiliante oisiveté des bénéficiaires du revenu de solidarité active, auxquels on imposera une obligation de travail afin de restaurer leur dignité.

[Ici un passage où l'auteur montre que une partie des bénéficiaires potentiels du RSA ou de la couverture maladie universelle ne font pas valoir ces droits,]

Ce que dit le discours de Bordeaux, c'est que les prestations sociales ne sont pas un droit mais une libéralité accordée par les contribuables, et qu'il faut les mériter. Il ne s'agit donc plus de solidarité mais de charité. Et cela, c'est une trahison de l'esprit de 1945. » Fin de citation.

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* La mort d'Agnès

La mort d'Agnès, violée et tuée par l'un de ses camarades de lycée, est atroce. Pour elle, pour sa famille, pour ses camarades. Sans doute aussi pour l'assassin présumé et sa famille.

Comme souvent dans les cas d'agression sexuelle, je suis cependant perplexe devant l'emballement médiatique : la une des journaux télévisés, des bulletins d'information à la radio, une page entière dans Le Monde, pourtant peu friand de faits divers. Car il s'agit bien d'un fait divers, dont les particularités rendent difficile ou impossible de tirer des conséquences générales. Les crimes sexuels suscitent beaucoup plus d'émotion que d'autres crimes tout aussi horribles. Un enfant par jour (un par jour) meurt des mauvais traitements de ses parents, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ; en 2010, 35 enfants piétons ou cyclistes ont été tués par des chauffards, vous ou moi. Mais cela suscite chez chacun de nous une émotion beaucoup moins profonde et aussi beaucoup moins de mobilisation médiatique que les crimes sexuels. Les crimes sexuels sont horribles, mais d'autres crimes aussi, dont on parle moins. Une autre donnée : en 2009, selon l'Inserm, 37 enfants de moins de 14 ans ( et probablement beaucoup plus) se sont suicidés, dans l'indifférence générale.

Les réactions du Président de la République et de ses ministres ont été immédiates, et malheureusement peu surprenantes ; un fait divers, une loi. On a maintenant l'habitude : au début du septennat un chien avait tué une petite fille, on a fait une loi sur les chiens. L'exploitation immédiate de l'émotion, un loi pour dire à l'opinion publique que l'on fait quelque chose, sans étude sérieuse de la portée du phénomène et des effets de la loi. Il faut augmenter le nombre de centres éducatifs fermés, et procéder à une meilleure évaluation de la dangerosité des individus.

Pas de problème : depuis 7 ans N. Sarkozy a organisé le vote de sept lois sur la récidive, en particulier des crimes sexuels : un crime sexuel médiatisé, une loi sur la récidive. On voit bien que cela n'empêche pas du tout les crimes. Donc à chaque fois on refait une loi. Certains mauvais esprit diront que cette avalanche de lois sans effet montre bien l'échec de cette politique. Et pourtant, bizarrement, c'est bien N. Sarkozy qui « surfe » à chaque fois sur le sentiment d'insécurité.

L'inspiration des mesures prises est toujours la même :

- une logique de l'écartement, du bannissement, de l'enfermement. Il y a d'un coté les bons (nous ?) et de l'autre les mauvais. Les mauvais sont mauvais, irrécupérables. Il faut dépister les enfants à risque dès l'école maternelle, isoler et enfermer les fous en réduisant le rôle des médecins, garder en prison les criminels qui ont terminé leur peine si l'on pense qu'ils sont capable de commettre d'autres crimes. (Enfermer quelqu'un pour un crime qu'il n'a pas encore commis et qu'il pourrait commettre !). Il s'agit comme toujours de développer la peur, la haine du voisin. Et du coup il faut durcir le maintien en hôpital psychiatrique et mettre en cause les médecins laxistes, mettre plus de personnes en prison, écarter, bannir. Dommage, la peine de mort n'existe plus. Cela résoudrait le problème de la récidive : un crime, quel qu’il soit, la mort, on reste entre gens bien, le président nous protège.

- deuxième constante ; une obsession de « l'évaluation de la dangerosité. Le journal Libération fait une analogie avec le film Minority report. Dans la société que décrit le film, on a les moyens de savoir à l'avance qui va commettre un crime et comment. Il devient donc tout simple d'arrêter les gens avant qu'ils ne commettent le crime prévu. C'est un peu le fantasme de notre gouvernement : en dépistant par des tests dès la maternelle, en croisant tous les fichiers de l'éducation nationale, de la justice, des services sociaux et pourquoi pas les dossiers médicaux, en collectant les images de vidéo surveillance, on pourra prévoir le comportement de chacun et le mettre à l'écart avant qu'il ne nuise. N'est-ce pas un peu ce que le gouvernement reproche aux psychiâtres de Chambon sur Lignon : n'avoir pas su prévoir le comportement d'un être humain. Celui-ci a malheureusement commis un nouveau crime, mais combien, grâce à un suivi sérieux, se sont réintégrés, sont repartis du bon pied ? On ne nous le dit pas. Il nous faut le risque 0, tant pis s'il faut enfermer tout le monde, y compris à l'avance.

Nous sommes définitivement passés d'une société où l'on juge et punit les coupables à une société où chacun est un coupable potentiel, dont un système de fichage et de surveillance perfectionné permettra d'évaluer la dangerosité. Une société du soupçon et de la peur.

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* Cours de la bourse

Lundi 22 11 2011 : des banquiers ont été nommés Premier Ministre en Grèce et en Italie. La veille dimanche 21, la droite a largement gagné les élections en Espagne. Conséquence incompréhensible : toutes les bourses du monde baissent fortement. Explication, si l'on peut dire : les marchés avaient déjà anticipé la victoire de la droite en Espagne.

Mardi 23 11 : aux États Unis le président et le congrès ont totalement échoué à trouver un accord qui permettrait de réduire la dette colossale des USA. Conséquence incompréhensible : à l'ouverture, les bourses montent. Explication bucolique : « Les marchés européens reprennent quelques couleurs. » Les agences de notation considèrent que l'échec de la définition d'une politique économique aux USA n'aura pas d'incidence sur la note des USA. Ah bon ?

L'économie est la finance sont des sciences, c'est bien connu. Tout est logique et prévisible.

Les explications sont tirées du site Les Échos.

http://bourse.lesechos.fr/bourse/index.jsp

Si l'on ne pense pas au chômage et à la pauvreté, la lecture de ce site est tout à fait amusante, tant le décalage entre la réalité et ce qui se passe à la bourse est hallucinant.

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* La première goulée

On me reproche souvent de ne publier que des textes pessimistes. Et pourtant, le matin la vie est belle, dit le texte que m'envoie l'un d'entre vous. Cela dit, c'est encore mieux lorsqu'on entend les inflexions gourmandes de la voix de l'auteur qui lit le texte, mais bon...

« Personne ne peut imaginer l’immensité du bonheur que peuvent procurer ces quelques grammes d’une petite graine exotique, amère, âpre au goût, irritante pour l’estomac, excitante pour le cœur et durcisseuse de nos artères, ennemie de la prostate, noire comme du charbon…

Ces petites cuillerées versées en tremblant avec toute la concentration que requiert la maladresse du matin,

alors que les paupières sont lourdes comme un sac de farine,

que les genoux flageolent comme des haricots,

que la tête ne sait pas où se donner,

que les mains hésitent à toucher ce qu’elles pourraient renverser ou casser,

que les pieds trébuchent sur tout ce qu’ils n’ont pas vu,

nous menaçant à chaque instant d’une chute mortelle à coup sûr !..


Mais quoi ?

Le muezzin ou le coq du voisin viennent de m’arracher à la douce quiétude du duvet !

Ce duvet qui m’avait comblé d’une douce inconscience, de rêves fous et du bonheur inaccessible !

Ce duvet qui avait consolé mon pauvre corps meurtri par les vicissitudes de la vie,

Car, comme chacun sait, la vie est dure, implacable : elle nous mène d’ailleurs vers une mort certaine !

Oui, la vie est dure, le monde est intraitable,

La société injuste

Les autres ne nous écoutent pas, ne comprennent rien à rien

La météo est maussade, les politiciens incapables,

Mon patron est bête comme un c… (et même triple, comme la Piedboeuf),

Les impôts sont trop élevés, la viande est chère, et les femmes, n’en parlons pas…

Alors oui, le duvet…

Oublier, rêvasser, fantasmer,

Se retourner de temps en temps (enfin, si elle veut bien et qu’elle n’a pas mal à la tête !)

Oui, le duvet, notre petit paradis bien à nous,

Paradis parfois un peu froissé : on ne va quand même pas changer de drap comme de chemise…

On essayait de rester dans les bras de Morphée (elle ne cause pas au moins celle-là ), de s’y blottir bien au chaud…

Et puis vlan !

Le coq ou le muezzin !…

Dans un réflexe conditionné, mécanique, automatique, robotisé à la Pavlov,

On retrouve les charentaises (le pied gauche dans la droite, mais on s’en fout),

On arrive comme par miracle en bas de l’escalier,

Après 5 minutes de recherche éperdue on redécouvre que l’interrupteur de la cuisine est bien à gauche de la porte et pas à droite, là où il a toujours été d’ailleurs…

Un juron : la deuxième porte en haut à droite de l’évier laisse tomber quatre paquets de thé qui n’avaient rien à faire là ! On reconnaît à tâtons la fameuse boîte jaune dont le couvercle ne veut jamais s’ouvrir, celle qui renferme le fameux trésor…

Ah ! ce parfum !.. (quand le couvercle veut bien obéir) : la vie ranime déjà nos artères.

Le café ! car c’est bien de lui qu’il s’agit. Nos paupières se soulèvent, les jambes se raffermissent, l’espoir renaît, la vie sera belle aujourd’hui, le soleil va se lever sur un jour nouveau et lumineux.

La cafetière chante en glougloutant, son ronronnement musical emplit la maison d’un parfum de bonheur, je suis beau et fort, la confiture attend, le pain est croquant, le beurre est frais… La tasse est silencieuse, béante et sensuelle, ouverte, palpitante de désir comme, … comme une,… (non, Madeleine n’apprécierait pas !)

Le vide attend le plein, il sera bientôt comblé : la cafetière arrête de crachoter ; elle susurre du plaisir de celle qui , tout en rondeurs et en chaleur, sait qu’elle va satisfaire pleinement celui qui attend, impatient et frémissant.

Le doux liquide noir s’écoule, lentement, par un bec trop petit, mais rien que de voir la tasse s’orner de cercles concentriques et ondulants, monter lentement, prendre tout le temps d’atteindre le bord, tout près du bord, parce qu’une tasse de café doit être pleine pour être heureuse, presque trop pleine, juste assez pour ne pas déborder…Une douce vapeur arabe ou robuste emplit la pièce de sa virilité ; la chaise se met en position, la tasse m’offre son anse comme une dame douce et offerte, elle s’approche de mes lèvres, les effleure, taquine mon nez pour mieux le provoquer, s’écarte un peu pour porter le désir à son paroxysme, puis, libérée et ouverte, s’offre à moi en un don total d’elle-même…

La première goulée de café !..

Brûlante de passion, elle virevolte sur mes papilles, enivre mon palais.

L’ivresse est totale, le ciel se retourne, la terre se dérobe, l’orgasme est proche…

Trop tard : le gosier vorace et impudique engloutit en un instant et jette aux acides gastriques et aux miasmes intestinaux cette part de paradis, que dis-je ? cette étreinte avec la vie, l’amour, la lumière, la passion, le bonheur tout court…

La vie reprend son cours, l’horloge s’impatiente et m’amène aux bouchons de la 411, les policiers me guettent,… la porte s’ouvre : «Il faut que je te parle… »

Mais il y a eu ces trois secondes de Noir Intense…

Noir Intense de Douwe Egberd

Pur Bonheur de Chat Noir

Et dire que ça recommence chaque matin…

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* VivAgora

Extraits du site de VivAgora :

Association à but non lucratif (loi 1901) créée en 2003, VivAgora produit de l'information et des procédures de concertation sur les développements scientifiques et techniques.

[...] Pour VivAgora l’horizon est de « mettre en démocratie l’innovation . Cela implique de :

  • Fonder une nouvelle relation de la société à l'innovation en plaçant l'homme et sa qualité de vie au cœur des préoccupations. Cet effort implique de «socialiser l'innovation», lui donner «du sens», c'est-à-dire permettre aux citoyens de s'emparer des enjeux technologiques, et de s'exprimer pour définir le «souhaitable» parmi tous les «possibles».

  • Proposer les instruments pour que le débat social ait prise sur les choix scientifiques et techniques.

  • Promouvoir des modes d’expertise pluraliste et le déploiement d’une « techno-diversité »

VivAgora a déjà engagé, entre autres, des actions sur les nanotechnologies, les neurosciences et la santé mentale, la citoyenneté dans les lycées ;

www.vivagora.fr

Ce 23 11 2010 on trouve à la une des articles intitulés « Gênes à tout faire », « Des nanoparticules neurotoxiques », « Réseaux wi-fi communautaires, entre rêves et réalité », et d'autres.

Et aussi, en toute modestie, un article « Ce que parler veut dire », signé JM Bérard. Eh oui, c'est moi... Vous avez lu cet article dans le précédent numéro de [alerte]. Vous pensez si je suis content : c'est la première fois que quelqu'un que je ne connais pas me contacte pour publier l'un de mes articles.

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* Ne pas oublier

Le blog de J. Fournier : « Repenser l’État »

http://jacquesfournier.blog.lemonde.fr/

Le blog de Claude Lelièvre « Histoire et politiques scolaires »

http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-lelievre

Voir en particulier l'article du 9 novembre 2011 « L'impudence scolaire de l'UMP » et les commentaires des lecteurs de cet article.

Le blog de vulgarisation scientifique treize minutes

http://www.treizeminutes.fr/13minutes/all_videos.html

Le blog de vulgarisation scientifique de l'école normale supérieure

http://www.les-ernest.fr/accueil

On arrive sur la page des vidéos récentes, mais on peut cliquer aussi sur « autres vidéos »

Le site de VivAgora

www.vivagora.fr

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Fin de [alerte] N° 76