[alerte] N° 75 - JM Bérard - 18 novembre 2011

Sommaire du numéro 75

* Comprendre la crise financière

* Ce que parler veut dire

* Droit à l'oubli

* Les fraudeurs

* Le savoir des chimpanzés

* Ne pas oublier

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* Comprendre la crise financière

Un autodidacte en économie comme moi a toujours quelques doutes à présenter des analyses dont les limites sont celles de son ignorance.

J'ai trouvé grâce à vous la vidéo

http://www.youtube.com/watch?v=ZIxEFzqC1IU&feature=related

qui me semble expliquer de façon tout à fait lumineuse tout un ensemble de phénomènes complexes qui sont au cœur de la crise actuelle.

Le film dure plus de une heure, j'ai été intéressé tout du long, et aimerais le faire connaître.

J'ai vérifié , les personnes qui s'expriment dans le film ont pignon sur rue : compétences, publications, action militante. Mais, compte tenu de mon expertise limitée, j'aimerais que ceux de vous qui le pourront me donnent un avis instruit sur la pertinence de ce qui est développé dans cette vidéo, tout à fait passionnante.

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* Ce que parler veut dire

Le roman « 1984 » de Georges Orwell a été publié en 1949. Il y décrit une société totalitaire (soviétique ? Nazie ?) où le pouvoir tout puissant contrôle la population : moyens de surveillance généralisée, mais aussi contrôle de la pensée par l'élaboration de la « novlangue », dont l'usage oblige chacun à se couler dans le moule idéologique imposé, car seul ce qui appartient à ce moule peut s'exprimer en novlangue.

Sans que nous le percevions toujours clairement, les laboratoires d'idées des courants politiques ou économiques, les publicitaires, travaillent la langue et les mots pour instiller une façon de voir, d'analyser, de penser.

Comme le disait le logicien Bertrand Russell, nul problème ne pourra être résolu, voire perçu, si l'on élimine au départ la possibilité de le poser.

Que faire ? Renforcer à l'école et dans les associations d'éducation populaire l'apprentissage de la maîtrise de la langue : vocabulaire, syntaxe, rigueur du raisonnement, pour développer chez chacun l'esprit critique et l'expression d'une pensée structurée.

J'ai tenté de relever quelques procédés s'apparentant à la novlangue, en espérant que ce n'est que le début d'une série, et en comptant sur vos contributions.

- l'emploi de mots étrangers qui faussent le sens. Ainsi, « supporter » au lieu de « soutenir ». On voit bien pourtant ces jours-ci que les Verts en sont plutôt à supporter le parti socialiste qu'à le soutenir. Cela dit, les souteneurs d'un club de foot, cela sonne mal. Autre exemple : « domestique » à la place de « intérieur » : « les lignes domestiques d'Air France ». Doit-on penser que si les compagnies à bas coût font de la concurrence à Air France sur les lignes intérieures il s'agit d'un troussage de domestique ? La dernière mode en la matière est « impacté » pour dire « atteint par ». « 1330 personnes sont impactées par la décision de licencier. »

- l'emploi de mots en dehors de leur sens, créant ainsi un effet de flou dans la pensée, sous des apparences de précision : « une problématique » au lieu de « un problème ».

- l'emploi de mots ou d'expressions volontairement manipulées pour créer un halo masquant la réalité. Ainsi « repérage des communications téléphoniques » pour dire « recherche des sources des journalistes ». De même, « assistance » au lieu de « solidarité » a un grand succès : il est de bon ton à droite comme à gauche de dénoncer une société d'assistance, en sapant tout principe de solidarité. Autre exemple : « la gouvernance ». Contrôle ? Direction ? Modalités de prise de décision ? Ou peut-être, comme le dit Jürgen Habermas, philosophe, dans Le Monde du 18 novembre 2011, euphémisme pour désigner une forme dure de domination politique qui ne repose que sur le fondement faiblement légitimé des traités internationaux ?

(A suivre...)

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* Droit à l'oubli

Allant un peu à contre courant, j'ai souvent dit ici que je ne suis pas partisan d'un droit à l'oubli (en particulier sur l'internet) qui conduirait à réécrire l'histoire, son histoire personnelle en particulier, au fur et à mesure de ses propres évolutions et des évolutions de la société. Assumer son passé, pas le gommer. On a suffisamment vu les photos du bureau politique du parti communiste d'Union Soviétique être retouchées au fur et à mesure des disgrâces des uns et des autres.

Dans certaines circonstances historiques, on estime que l'unité de la nation impose un oubli concrétisé par une loi d'amnistie, et l'on ne doit donc pas dire que tel homme politique a torturé en Algérie. Mais il s'agit de circonstances historiques exceptionnelles.

Dans Le Monde du 18 novembre on nous explique qu'un homme, excédé par les prises de position de l’Église sur le préservatif, a demandé à être rayé des registres de baptême. Le tribunal vient de lui donner raison.

Je n'approuve pas cette décision de justice. Je ne rentre évidemment pas dans un débat théologique en me demandant si le sacrement de baptême est ou non indélébile. Mais je partage l'argumentation de l'évêque de Coutances, qui a fait appel du jugement : « Le baptême constitue un événement à caractère public, c'est un acte qui a eu lieu, il fait partie de l'histoire, il ne peut pas être effacé. » Je crois que l'on rentrerait dans un fonctionnement social profondément révisionniste si à tout moment je pouvais effacer de l'histoire les actes de ma vie que maintenant je désapprouve. Le pape actuel a été membre des jeunesses nazies, ou de la Wehrmacht sous Hitler, je ne sais plus. C'est un fait historique. Il a depuis évolué, s'en est expliqué, mais il n'y avait pas à le gommer.

J'ai cependant une petite réserve sur ce que je viens de dire : le plaignant a été baptisé par ses parents. Peut-être pourrait-on admettre, dans certains cas, qu'un adulte demande l'effacement d'une décision prise par ses parents alors qu'il était mineur.

Je ne serais pas hostile à ce que la petite fille appelée Térébenthine puisse, devenue majeure, contester cette décision de ses parents. Encore que... difficile de changer le nom sous lequel on vit depuis 18 ans.

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*Les fraudeurs

C'est si systématique, répétitif, écœurant, que je n'ai même pas le goût de dire à nouveau à quel point cela me parait révoltant.

Le président Sarkozy et l'UMP viennent d'enfourcher un thème qui sera sans doute présent tout au long de la campagne présidentielle : la fraude aux prestations sociales. Les personnes en congé de maladie ne sont pas malades, les chômeurs cachent le fait qu'ils travaillent, ou ne cherchent pas vraiment du travail, que sais-je encore. Toujours le même procédé : pour éviter que les « pauvres » ne critiquent les « riches » ou mettent en cause le système qui les appauvrit, on les incite à se critiquer et se jalouser entre eux : l'ennemi, c'est votre voisin. L'immigré prend votre pain, le chômeur vole vos impôts, le malade cherche à flemmarder à vos frais. C'est vieux comme le monde, énorme. Cela marche-t-il ? Sans doute : les attitudes anti-immigrés ne cessent de progresser.

Une première remarque : beaucoup de média, pour une fois réactifs, ont fait remarquer que les fraudes patronales sont au moins cinq fois plus coûteuses que les fraudes des salariés : travail au noir, fraude à la TVA, etc.

Une deuxième remarque, qui est vraie même si elle semble un peu simpliste : nous sommes dans une économie où le système financier est de plus en plus déconnecté de l'économie réelle, une économie où la seule règle est le profit des actionnaires. Cela engendre chômage, austérité, pauvreté, misère. Le bonheur de l'homme n'a pas sa place dans ce système. Lors de chaque réunion internationale, on parle de taxer les échanges financiers, d'assécher les paradis fiscaux, de séparer les banques de dépôt des banques d'affaires. On en parle.

Les mouvements de révolte, d'indignation se répandent. Essayons donc une fois de plus de saper la révolte en faisant en sorte que chacun considère que l'ennemi, c'est son propre voisin. (Et réciproquement !)

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* Le savoir des chimpanzés

Je dois vous demander de vous reporter aux lettres [alerte] N° 73 et 74 pour connaître le début du débat.

C'est très commode si vous allez sur le site

http://alerte.entre-soi.info/

Quoiqu'il en soit, voici la suite, grâce au texte que m'envoie l'auteur des contributions précédentes sur ce débat.

Tout n'est-ce pas, n'est qu'affaire de définition. Je veux bien que tu dises que la pharmacopée des chimpanzés n'est pas une science, mais c'est un savoir.

Ce que les saumons "savent" dis-tu (ce serait d'ailleurs intéressant de se demander ce que savoir veut dire ici, mais cela sortirait du débat) présente une différence fondamentale par rapport à la pharmacopée du chimpanzé. Le saumon "connaît" la rivière parce qu'il s'en souvient. Le chimpanzé connaît la pharmacopée parce qu'un autre chimpanzé la lui a enseignée.

Si tu reçois, tout seul dans un désert, une tuile qui te tombe sur la tête (je sais, c'est peu probable), tu apprendras que c'est dangereux. C'est un savoir. Si tu n'as jamais vu de tuile, mais qu'un grand sage t'explique ce que c'est et pourquoi c'est dangereux, tu apprendras aussi que c'est dangereux. Mais là tu l'auras appris de quelqu'un d'autre. C'est un enseignement, une sorte de proto transmission culturelle.

Et je ne veux pas dire que la culture soit une tuile.

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* Ne pas oublier

Le blog de J. Fournier : « Repenser l’État »

http://jacquesfournier.blog.lemonde.fr/

Le blog de Claude Lelièvre « Histoire et politiques scolaires »

http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-lelievre

Le blog de vulgarisation scientifique treize minutes

http://www.treizeminutes.fr/13minutes/all_videos.html

Le blog de vulgarisation scientifique de l'école normale supérieure

http://www.les-ernest.fr/accueil

On arrive sur la page des vidéos récentes, mais on peut cliquer aussi sur « autres vidéos »

Le blog de JC Vitran et JP Dacheux

http://resistancesetchangements.blogspot.com/

Voir l'article « La Renaissance comme issue au libéralisme »

Remarque évidente : ce n'est pas parce que je mentionne ces sites que je suis nécessairement d'accord avec tout ce qu'ils écrivent.

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Fin de [alerte] N° 75