[alerte] N° 57 JM Bérard 19 janvier 2011

Sommaire du numéro 57, 19 1 2011

1 Allégresse

2 Alerte : euthanasie

3 Alerte : l'irrésistible ascension de l'état surveillant

4 Stéphane Hessel : réactions

5 Contributions de certains d'entre vous

Oligarchie

Occupation et résistance à Guernesey

Éducation financière du public

1 Allégresse

Un mot, qui m'emplit de joie : allégresse.

Je ne vais pas faire ici une analyse politique de la situation en Tunisie. Je la connais mal, et vous êtes très informés à ce sujet.

Ma joie : après 23 ans de dictature, de censure, de répression politique, d'emprisonnements, de corruption, les tunisiens se mobilisent, manifestent (sans violence de leur coté), obtiennent le départ piteux du dictateur.

On dit que les peuples des autres pays de la région (Algérie, Jordanie, Égypte) vont prendre le relai. Mais j'y vois beaucoup plus, un espoir pour tous les peuples du monde. Un espoir y compris en France, face à un régime où les atteintes aux libertés se développent chaque jour.

Allégresse, espoir, confiance.

Je ne fais pas la fine bouche, mais ne suis pas non plus naïf : on n'a jamais vu une dictature céder de bon gré. La situation en Tunisie est loin d'être stabilisée, des retours en arrière, des violences, des sursauts des personnes placées par l'ancien pouvoir auront lieu. Une tentative de prise de pouvoir des islamistes radicaux n'est pas exclue. Mais tout de même ...

Petite histoire personnelle : je donne des cours de français à une dame tunisienne, dont le mari est tunisien. Vous n'imaginez pas à quel point elle était fière, hier matin en venant au cours, alors que nous n'avions jusque là jamais parlé de la situation politique en Tunisie.

2 Alerte, euthanasie

Cette lettre a souvent abordé cette question, suscitant parmi vous (dont certains sont adhérents de l'Association pour le droit de mourir dans la « dignité ») des débats vifs. (Les guillemets provocateurs autour de « dignité » sont de moi).

Je ne peux que dire à nouveau que la loi dite « Leonetti », trop souvent ignorée, y compris du corps médical, offre déjà de larges perspectives humaines. S'il vous plait, prenez le temps de lire les extraits du « Manifeste » que je cite ci-dessous.

Le débat est actuellement relancé par le Sénat. Je vous transmets donc intégralement un message de mon ami philosophe J. Ricot. Débat à suivre, car d'après ce que j'ai entendu à la radio, l'UMP (et donc l'assemblée nationale !) ne suivrait pas le Sénat sur ce point.

Message de J. Ricot :

J’adresse ce courriel à mon carnet d’adresses en m’excusant auprès de ceux qui ont déjà reçu le même type de courriel. Je suis désolé aussi d’importuner ceux qui ne se sentent pas vraiment concernés par le sujet ou qui ont pris une autre position : ils me pardonneront, je l’espère, parce qu’ils connaissent mon implication sur le terrain auprès des soignants et des bénévoles d’accompagnement et aussi ma participation à la réflexion publique sur la fin de vie

Dans quelques jours, le Sénat débattra de la légalisation de l’euthanasie dans des conditions qui me paraissent inquiétantes en raison, d’une part, de la sous-information de l’opinion et de certains sénateurs que j’ai rencontrés et, d’autre part, de ce qui m’apparaît comme une rupture de digue dans notre édifice juridique, éthique et médical. Sur ce sujet qui brouille les repères classiques de l’échiquier politique, je me retrouve personnellement en plein accord avec les analyses et les positions de Robert Badinter, Marie-George Buffet et Jean Leonetti. Noms auxquels on peut ajouter, hors du champ politique, celui d’Axel Kahn.

Or j’apprends ce matin, qu’hier mardi 18 janvier, par 25 voix contre 19 et 2 abstentions, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté une proposition de loi visant à légaliser l'euthanasie. Fusionnant trois textes, la nouvelle proposition prévoit que « toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier (...) d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur ».

Les bras m’en tombent.

Le dispositif actuel (méconnu et mal appliqué, certes) impose une solution pour vaincre toute (je dis bien « toute ») « souffrance physique » pour un malade en phase terminale. Et si une société prétend que la « souffrance psychique » (sic) justifie que le corps social doive entériner que des vies ne valent plus d’être vécues et, par conséquent, doivent être supprimées par un acte homicide posé de sang-froid, alors c’est que nous serons passés d’une conception de la vie solidaire à une anthropologie directement issue de l’ultra-libéralisme dans sa version libertaire.

Pour ces raisons, et quelques autres que j’ai développées ailleurs, je vous invite à lire, à signer et surtout à faire circuler le manifeste du collectif Plus digne la vie, parrainé par des personnalités comme le député communiste Michel Vaxès, le fondateur des « Enfants de Don Quichotte » Augustin Legrand, le prix Nobel de la Paix Elie Wiesel.

Et ceux qui souhaitent rencontrer les élus, y compris les élus locaux qui élisent les sénateurs, ne doivent pas se priver. Mon expérience personnelle montre que la méconnaissance du dossier est impressionnante.

http://www.plusdignelavie.com/manifeste.html

Bien cordialement.

Jacques Ricot

Extrait du manifeste citoyen pour la dignité de la personne en fin de vie :

« Nous considérons que la France, en se dotant de lois reconnaissant le droit à mourir soulagé et accompagné (loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs) et le droit à mourir sans subir d’obstination déraisonnable (loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie), répond de manière adaptée à de légitimes besoins. C’est notamment le cas pour des personnes en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, ainsi que pour des patients maintenus artificiellement en vie dans des situations parfois provoquées par les avancées des techniques biomédicales. Le législateur a également pris en compte le désir des malades qui ne sont pas en fin de vie et refusent tout traitement, les laissant juges de ce qui leur convient.

En sauvegardant la dignité des malades et en garantissant des procédures d’arrêt de traitement transparentes et collégiales, la législation française est la plus avancée au monde. Ouvrir un droit à la mort serait la remettre en cause et constituerait une régression éthique, sociale et médicale . Nous considérons que le dispositif français actuel (notamment la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie), bien qu’ayant pour vocation d’inspirer de nombreux autres pays, n’est malheureusement pas suffisamment connu et mis en œuvre en France même. Plutôt que de vouloir légaliser des pratiques euthanasiques, nous affirmons que la priorité et le devoir des décideurs politiques devraient être de favoriser l’application de la loi en assurant un égal accès de tous les malades qui en éprouvent le besoin aux soins palliatifs, ainsi qu’une meilleure prise en charge spécifique des situations les plus complexes »

3 L'irrésistible ascension de l'état surveillant

http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2011/01/18/La-LOPPSI-2-ou-l-irr%C3%A9sistible-ascension-de-l-Etat-surveillant

La loi d'orientation pour la programmation et la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) est en cours de débat au parlement.

Cette loi, sans doute volontairement fourre-tout pour décourager l'analyse et la mobilisation, est gravement liberticide. J'y reviendrai lorsque les débats seront terminés, car le texte est actuellement devant l'assemblée nationale, dont on peu craindre qu'elle ajoute de nouveaux dispositifs liberticides.

Le site dont le lien est donné ci-dessus est tenu par le sociologue Mucchielli, et le texte vers lequel le lien pointe est rédigé par l'association Cecil, Centre d'étude citoyenneté, informatisation et libertés.

http://www.lecreis.org/autres%20actions/CECIL.htm

Extrait :

« Sorte de fourre-tout législatif cumulant des mesures pour beaucoup d’entre elles annoncées suite à des faits divers médiatisés, la LOPPSI 2 prétend offrir aux français « la sécurité partout, pour tous » et « renforcer la tranquillité nationale ». Ce qu’elle offre surtout, c’est un pouvoir incommensurable à la police et à la justice, mettant en péril les équilibres démocratiques de notre société au nom de la lutte contre une série de fléaux hétéroclites et curieusement amalgamés, parmi lesquels « la délinquance » (mais pas la délinquance financière), « la cybercriminalité », « l’insécurité routière », « la pédopornographie ». »

4 Stéphane Hessel : réactions

Le petit livre « Indignez-vous » de Stéphane Hessel aurait à ce jour été acheté à un million d'exemplaires. Après une phase d'enthousiasme, il suscite maintenant des réactions désabusées : « Bof... ». J'en cite quelques unes, mais je maintiens entièrement mon propre enthousiasme. Stéphane Hessel a toujours été actif dans différents combats, engagé par exemple dans le soutien aux sans-papiers, aux sans-logement, etc. Comment peut-on lui reprocher de se « contenter » d'indignation sans passer à l'action ? L'indignation n'est-elle pas une réaction indispensable pour entrer dans l'action.

Quelques citations : (je ne les mets pas entre guillemets, car je les ai notées au vol et ne garantis pas leur exactitude absolue.)

Luc Ferry : Cher Stéphane Hessel, dans un libelle qui rencontre un succès colossal, vous nous invitez à l'indignation. Êtes-vous bien certain de ne pas vous tromper d'adresse ? La vraie morale, disait Pascal, se moque de la morale. L'expression « succès colossal » est-elle due à une jalousie d'auteur ? Quant au paradoxe pascalien, il est employé par Ferry comme les antiennes libérales du type « trop d'impôt tue l'impôt ». Trop de morale tue la morale !!! Je suis sûr en tout cas que S. Hessel appréciera le ton condescendant du donneur de leçons.

Boris Cyrulnik, psychiatre : J'ai beaucoup de tendresse, d'admiration, pour Stéphane Hessel avec qui j'ai beaucoup de concordances de vue, mais je m'indigne qu'on nous demande de nous indigner parce que l'indignation est le premier temps de l'engagement aveugle. Il faut nous demander de raisonner et non de nous indigner. Mais voyons, cher Boris, ne peut-on faire les deux ? Et si l'engagement est aveugle, j'aimerais avoir la cécité de Stéphane Hessel...

L'un de vous critique le soutien que Hessel a apporté, sur France inter, à Martine Aubry et DSK et critique aussi ses positions sur la Palestine. Je n'ai jamais, quoique ayant des idées claires, abordé dans cette lettre la question de la Palestine, beaucoup trop complexe et surdéterminée pour que je m'y aventure. Quant-au soutien au PS ? L'insulte qui fleurit chez les commentateurs (pas dans le message qui m'a été envoyé) est « social-démocrate ». Mais Stéphane Hessel ne se présente en aucun cas comme leader d'un parti. Et puis bon, si j'avais à choisir entre Marine Le Pen, Sarkozy et DSK, social démocrate ou pas, président du FMI ou pas, je voterais DSK. Je ne m'abstiendrais pas.

Une citation de Hessel : [il souhaite] à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux. Quand quelque chose vous indigne comme j’ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé

Et une citation de Vogelsong sur le site Agoravox le 4 janvier 2011 :

[Certains de ceux qui critiquent Hessel] préfèrent le citoyen tempéré, détaché, désaffecté qui accorde plus d’intérêt à la page faits divers de son canard local qu’aux discriminations de classes produites par le système économique. Un citoyen qui face à la domination et au déclassement choisira la solution placide de l’attentisme et de l’homme providentiel. Un choix, de raison dont on subodore le slogan pour un monde meilleur : Résignez vous !

5 Contributions de certains d'entre vous

Oligarchie : l'un de vous m'envoie une synthèse qu'il a faite du livre de Hervé Kempf « Oligarchie ça suffit, vive la démocratie ».

Extrait de cette analyse :

« L'oligarchie est le"Pouvoir de quelques uns, qui délibèrent entre eux des solutions qu'ils vont imposer à tous."

Cette oligarchie s'incarne dans un réseau de "clubs" ou "cercles" où la carte d'entrée est la fortune, de préférence en milliards. A l'International : Bilderberg, la Trilatérale, le forum de Davos... En France, "Le Siècle" est le plus connu, il y en a d'autres sans parler des CA des grandes sociétés, et le Nouvel Obs. (13-19/1/11) me fait ajouter le "cercle Hippocrate" de Servier (le "Dassault du médicament")

Selon Kempf, et je crois aussi selon les Pinçon, il y a bien là une évolution récente (trente dernières années), les relatives séparations et les équilibres qui existaient entre économie, finances, affaires publiques, presse étant remis en cause ouvertement (on ne peut même pas parler de complot, l'existence de ces clubs n'a rien de secret). "L'aveu [...] de se passer de la démocratie marque un tournant important. Le capitalisme s'était toujours, durant son essor, associé à la démocratie : le libéralisme économique était frère du libéralisme politique [...]. Aujourd'hui, la disjonction [...] est de plus en plus nettement affirmée »

Occupation et résistance à Guernesey : l'une de vous me conseille la lecture de « Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patate», de Mary Ann Shaffer, Annie Barrows et Aline Azout. Je ne l'ai pas lu, mais le fait que cette amie me le conseille m'incite à ne pas vous en priver.

Éducation financière du public : l'un de vous est fortement impliqué dans l'association. Je vous rappelle le lien vers le site de cette association.

L’Institut pour l'Éducation Financière du Public (IEFP) a été créé pour aider chacun à acquérir les bases de connaissance nécessaires pour se sentir plus à l’aise avec les questions financières et pour prendre en toute connaissance de cause les décisions qui le concernent.

http://www.lafinancepourtous.com/


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