[alerte] N° 53 - JM Bérard - 29 octobre 2010

Sommaire du N° 53

  1. Alerte : le Moloch
  2. Au fil des jours
    • Ce que parler veut dire, ou parler pour ne rien dire
    • Liberté de la presse
    • Le temps suspendu de l'histoire
  3. Citations et réactions de vous tous
  4. Des liens intéressants
  5. Bienvenue

1 Alerte : Le moloch

L'un des thèmes constants dans cette lettre est l'idée que notre société est en impasse, car, pour survivre, elle est obligée de se détruire elle-même.

Au fil des lettres, les mêmes exemples reviennent.

La « rigueur » et la concurrence internationale « imposent » de réduire les salaires et de durcir les conditions de travail. Mais alors qui achètera les produits si le nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté et de chômeurs augmente sans cesse ?

La suralimentation crée d'énormes (c'est le cas de le dire) problèmes de santé publique, mais comment demander à l'industrie agro-alimentaire d'être plus « raisonnable » sans créer de chômage ?

Il n'y a plus de place sur les routes pour circuler, la pollution créée par l'automobile devient dangereuse, mais il faut bien soutenir l'industrie automobile qui fait vivre tant de gens.

Et tout à l'avenant...

Je me contente de décrire ce qui me semble être. Je sais, je n'ai pas de solution à proposer. L'économie totalement dirigée (à la soviétique) ne fonctionne pas, et qui plus est s'appuie sur un système non démocratique. L'économie libérale ne fonctionne pas non plus, comme le montre la crise actuelle. Et elle n'est même pas garante d'un système de liberté citoyenne, voir en Chine (système capitaliste, société dirigiste) ou sous les différentes dictatures qu'a connues ou que connait le capitalisme. Je n'ai pas de solution magique, de parti miraculeux, juste l'idée que toute action, même minime, dans la lutte pour plus de liberté et de justice est positive.

Ma connexion internet enfin réparée, je peux trouver sur Wikipédia que « Moloch est dans la tradition biblique le nom du dieu auquel les Ammonites, une ethnie cananéenne , sacrifiaient leurs premiers-nés en les jetant dans un brasier. » Validité historique non garantie, puisque la source est Wikipédia, mais qu'importe : les cananéens étaient plus responsables que nous, en ne sacrifiant que quelques enfants, alors que nous détruisons l'ensemble du tissu social, économique et écologique.

Cette petite introduction pour attirer votre attention sur une information passée un peu inaperçue, trouvée dans Le Monde le 1er octobre 2010.

Synthèse, établie par mes soins : le fabricant de désherbants Monsanto a développé des plantes génétiquement modifiées, qui ont la particularité de résister au désherbant Roundup du même Monsanto. Les agriculteurs pratiquant l'agriculture productiviste intensive peuvent ainsi arroser les surfaces de désherbant pour éliminer les « mauvaises herbes » en favorisant ainsi une récolte abondante. Pendant longtemps, ce fut un âge d'or pour les agriculteurs américains utilisant ce produit. Aux USA, 58% du coton, 66% du maïs et 93% du soja sont génétiquement modifiés pour supporter le Roundup de Monsanto.

Et puis voilà, ce que l'on pouvait craindre, le danger sur lequel tous les « écolos » mettaient en garde s'est produit : une herbe résistante au Roundup s'est développée, qui envahit les champs. C'est une plante « monstrueuse », de plus en plus agressive, qui prend des formes de plus en plus étranges, et dont les racines peuvent casser les moissonneuses. Pour l'éliminer, il faut reprendre la houe, la pelle et la pioche. Ou utiliser des mélanges d'herbicide, peu efficaces coûteux, et parfois très dangereux. .

Les agriculteurs « s'interrogent sur leur avenir » ! « Tout cela était facile, trop facile » dit un agriculteur. Au bout de quinze ans, une dizaine d'herbes sont devenues résistantes au produit. Six millions d'hectares sont touchés aux USA.

Certains agriculteurs vont jusqu'à penser qu'il faut revenir aux semences traditionnelles. Problème : très peu de semenciers en vendent !!!

Cela dit, les agriculteurs cités dans l'article ne regrettent pas leurs choix. En quelque sorte, c'est toujours ça de pris, et pour l'avenir on verra bien...

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2 Au fil des jours

Ce que parler veut dire, ou parler pour ne rien dire

Le directeur de cabinet d'un préfet, le 27 10 2010 sur France inter, alors que une station d'essence sur quatre a ses cuves vides: « l'essence ne manque pas, ce sont les circuits d'approvisionnement qui ne sont pas fluides. »

Cela me rappelle la Bécassine de mon enfance : « On a perdu quelque chose lorsqu'on ne sait pas où c'est. Je n'ai donc pas perdu le carton à chapeau de madame, puisque je sais que je l'ai laissé tomber dans la Seine.»

Liberté de la presse

Les affaires Woerth Bettancourt donnent lieu à des atteintes à la liberté de presse ahurissantes, qui ont conduit Le Monde et Mediapart à déposer des plaintes. En particulier, le procureur Courroye a, très probablement, enfreint à plusieurs reprises le secret des sources des journalistes, pourtant renforcé par le président Sarkozy. De plus, les ordinateurs, cédéroms et disques durs externes de trois journalistes travaillant sur les affaires Woerth Bettancourt ont été volés.

Dans ce contexte grave, un fait tout aussi grave est passé inaperçu.

Depuis la Libération, tous les journaux avaient la garantie d'être distribués de façon égale dans tous les points de vente. Ce système, ayant pour pivot les Nouvelles messageries de la presse parisienne, présentait des dérives, en particulier du fait du monopole excessif concédé, pour des raisons historiques, au syndicat CGT du Livre. Mais quoiqu'il en soit les journaux avaient la garantie d'une diffusion égale. Cela va changer, portant ainsi une forte atteinte à la presse d'opinion.

Parmi plusieurs articles consacrés à cette question, un extrait de humanite.fr du 5 octobre 2010

http://www.humanite.fr/04_10_2010-l%E2%80%99%C3%A9lys%C3%A9e-fait-main-basse-sur-les-aides-%C3%A0-la-presse-455026

« L'Élysée fait main basse sur les aides à la presse ... A commencer par la distribution des quotidiens et magazines. Les nouvelles Messageries de la Presse Parisienne sont rebaptisées Presstalis, pour mieux disparaître sous l'impératif du dogme : la distribution de la presse doit être rentable. Avant, elle était solidaire, tout éditeur bénéficiait d'un réseau national où son titre pouvait être livré selon un tarif proportionné à ses capacités financières. Après, chaque éditeur, seul, devra se payer le service. Si tu n'a pas les moyens, tu dégages. »

Fin de citation de humanite.fr.

Et, pour varier les sources (du rouge au noir ), un article analogue dans temoignagechretien.fr le 6 octobre 2010, « La presse d'opinion en danger »

http://www.temoignagechretien.fr/articles/Societe/La-presse-dopinion-en-danger/Default-18-2099.xhtml

« La décision brutale de Presstalis, avec une telle hausse des tarifs, sans préavis, sans accompagnement, risque de bouleverser le paysage de la presse française. Des dizaines, voire des centaines de ti­tres sont menacés à court ou moyen terme. Certains, comme Le Tigre , dont nous avons récemment loué la qualité et souligné la réussite, ont d'ores et déjà annoncé la fin de leur parution.

C’est bien d’une mise à mort programmée qu’il s’agit ici, à travers une politique purement comptable. Une mise à mort de la loi Bichet, une mise à mort du pluralisme de la presse et une mise à mort des engagements de l’État. ...

Mais, de la survie d’une presse d’opinion nécessaire au bon fonctionnement d’une démocratie, il n’est pas question dans le rapport de Bruno Mettling [qui a mis au point le plan d'économies actuel] ni dans les objectifs définis par Presstalis. Et les grands discours du président de la République paraissent déjà lointains. Annonçant les États généraux de la presse d’octobre 2008, il avait déclaré en mai 2008 vouloir « garantir l’indépendance de la presse et la diversité d’opinion ». Une promesse non tenue à rajouter sur la liste. »

Fin de citation de temoignagechretien.fr

Le temps suspendu de l'histoire

Un film de Theo Angelopoulos a pour titre « Le pas suspendu de la cigogne ».

J'ai la sensation d'être dans un moment de temps suspendu de l'histoire.

Les actions contre la loi sur les retraites, imposée sans concertation par le président, ont été nombreuses, massives, et massivement soutenues par l'opinion publique. Cette inquiétude sociale n'a été à aucun moment prise en compte par le gouvernement. Les éditorialistes que je lis (pour les autres, je ne sais pas) expliquent qu'il s'agit pour N. Sarkozy d'une victoire à la Pyrrhus, que le soutien de l'opinion aux manifestants ne s'est jamais démenti, que l'on ne peut gouverner contre le peuple, et que la « sortie de crise » préfigure des troubles sociaux et des catastrophes électorales pour la droite.

J'aimerais le croire. Mais il faut bien reconnaître que ces analyses relèvent plus de la boule de cristal que de la prise en compte d'une argumentation étayée.

Depuis longtemps déjà, mais à un rythme accru depuis son discours de Grenoble de août 2010, le président fait sauter toutes les barrières idéologiques entre la droite autrefois dite républicaine et les thèses du front national. Deux députés UMP, dont le député Vaneste, souhaitent ouvertement une alliance officielle avec le FN. Scénarios pour les présidentielles de 2010 : un deuxième tour opposant le candidat PS à la candidate Front National (la droite donnerait-elle alors une consigne de vote républicain ?) ou alors alliance au deuxième tour entre l'UMP et le front national. Impensable, me disent certains de vous, Sarkozy se priverait de toute une tranche de son propre électorat. Là encore, j'aimerais le croire.

L'un de vous me disait récemment que nous sommes dans la situation où Hitler a pris le pouvoir «démocratiquement » en Allemagne en 1933. Si certains de vous connaissant mieux l'Histoire que moi pouvaient écrire quelque chose à ce sujet...

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3 Citations et réactions de vous tous

Le salage des routes

Dans le numéro précédent de [alerte] j'avais rendu compte d'un article sur les dangers du salage des routes en Haute-Savoie, et sur les réactions négatives que subissent certains maires qui veulent réduire ce salage.

Réaction de l'un de vous :

« Suite à ton article sur le salage des routes, je te précise que ce problème est pris très au sérieux et que des recherches sont en cours pour remplacer le sel. Voici un article qui en parle longuement. Je ne sais plus qui a cité cette phrase sur l'industrialisation sauvage du 19ème (citation de mémoire): ce n'est que le progrès technologique qui palliera les inconvénients de la situation actuelle: donc espoir ! Il arrive que le progrès corrige ses tares. »

Extrait de l'article sur le salage des routes, lematin.ch, 14 janvier 2010 :

« Sucrer les routes au lieu de les saler? L'idée fait son chemin à l'Office fédéral des routes (OFROU), qui teste une nouvelle méthode écologique sur l'autoroute A6, dans l'Oberland bernois. Ce n'est pas du sucre en poudre qui est répandu sur la chaussée, mais un résidu issu de sa fabrication: «Répandu sous forme liquide, le sucre adhère mieux à la chaussée», constatent les cantonniers de Spiez.

Si l'efficacité du sucre est démontrée par les expériences américaines et britanniques, la motivation de l'OFROU est d'abord écologique. Le problème du sel, c'est qu'une fois infiltré dans le sol il s'attaque aux racines des arbres. «Les plantes n'aiment pas les surcharges», confirme Christophe Ancey, en évoquant le chlorure de sodium. Les poissons souffrent aussi quand l'eau des rivières devient salée. Un inconvénient évité avec la mélasse biodégradable fournie par la société britannique Safecote. » Fin de l'extrait de lematin.ch

Le même article décrit deux autres méthodes alternatives, l'usage du gravier et des copeaux de bois.

Les gitans, les bohémiens, les roms, les romanichels...

Les mesures mises en place contre les roms par N. Sarkozy durant l'été ont suscité une indignation allant de l'église catholique à la commission européenne. Ces mesures visant à constituer une population en bouc émissaire sont hélas très constantes. Ainsi, dans un livre consacré aux évolutions historiques de la notion d'identité, dont je rends compte par ailleurs dans la lettre « informatique et société » on voit combien au fil des siècles les juifs, les gitans, les itinérants, les étrangers ont toujours fait l'objet d'une suscription a priori.

L'une de vous me communique un texte extrait d'une lettre de Gustave Flaubert à Georges Sand.

« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s'étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j'en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L'admirable, c'est qu'ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu'inoffensifs comme des moutons.

Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols - Et j'ai entendu de jolis mots à la Prud'homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d'ordre.

C'est la haine que l'on porte au Bédouin, à l'hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m'exaspère. Il est vrai que beaucoup de choses m'exaspèrent. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.\

Correspondance” de Gustave Flaubert Lettre à George Sand, 12 juin 1867 - éd. de la Pléiade - tome 5, pp. 653-654.

Note JM B : beau texte, surtout dans la conclusion. Pour l'apprécier entièrement, il faut admettre que les considérations du type « je me suis pâmé » « avec un nouveau plaisir », faisant penser que l'auteur admire des animaux dans un zoo, sont dues à l'esprit de l'époque.

Démocratie

Extrait d'un article écrit pas l'un de vous pour le journal coopératif militant d'un village rural

« La France des droits de l’homme qui était depuis la Révolution française une référence dans le monde entier, la France républicaine qui a pour devise « liberté, égalité, fraternité » a été abimée par des responsables politiques au plus haut niveau de l'État qui préfèrent mentir jusqu’au bout pour dissimuler leurs turpitudes (confusion des rôles entre le trésorier d’un grand parti de la majorité et le ministre du budget, trafic d’influence, collusion avérée entre milieux financiers et milieux gouvernementaux) ou faire taire les juges et les journalistes en portant atteinte à leurs libertés fondamentales. Elle est devenue une France méconnaissable, où l’honnêteté, le respect des lois et des règlements que l’on serait en droit d’attendre de ceux qui nous gouvernent sont bafoués.... Une France meurtrie, épuisée, sans espoir, où la peur tient lieu de gouvernement, peur de perdre son job ou de ne pas en trouver, peur des autres, peur de l’autre ; une France qui largue ses acquis sociaux, brade ses services publics ou les affaiblit (santé, justice, sécurité, éducation) ; une France qui a le sentiment d’insécurité, à bout de souffle et sans projets, alors que de nouvelles puissances économiques, la Chine, l’Inde, le Brésil, émergent dans le monde ; une France où, en guise de solution, on va faire payer les retraites à ceux qui ont le moins et condamner au travail forcé ceux qui, épuisés par des travaux physiquement éprouvants, ont une espérance de vie plus courte : voilà ce qui restera de l’été 2010. »

Fin de l'extrait

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4 Des liens intéressants

Journal d'un avocat, le site du fameux avocat combattif « maitre Eolas »

http://www.maitre-eolas.fr

Résistances et changements

http://resistancesetchangements.blogspot.com/

Un article de JC Vitran etJP Dacheux, « Alternative politique »

Début de l'article, suite à lire sur le site, ainsi que plusieurs autres articles :

« Le changement dont nous avons besoin ne peut être le résultat d'une simple alternance. Autrement dit, la possible défaite électorale de Nicolas Sarkozy, de plus en plus impopulaire, ne saurait suffire, en 2012. Son remplacement par DSK (un cauchemar !) ou par Martine Aubry (un moindre mal !) ne ferait que retarder les réformes, les vraies réformes, sans lesquelles la France s'enfoncerait dans la médiocrité.

À en juger par l'évolution des "gouvernances" en Europe, un consensus se construit, en effet, sur la nécessité de recourir à la plus brutale des austérités. Une austérité que les États sont chargés de mettre en œuvre soit disant pour relancer la compétitivité des entreprises, la dynamique économique, bref la croissance.

On aurait tort de penser qu'il s'agit d'une simple purge qu'on imposerait aux classes laborieuses par volonté des riches de faire rendre gorge aux humbles afin d'augmenter encore les profits des actionnaires. En réalité, il s'agit de la très mauvaise réponse donnée à une véritable gageure : le recul des possibilités de produire davantage dans un monde saturé. L'Europe est entrée dans une période où elle n'est plus compétitive face à ses concurrents au sein de la mondialisation. Chaque pays occidental semble devenir un État en voie de sous-développement. Afin de maintenir pour les actionnaires les mêmes niveaux de rémunération, il faut réduire les salaires, diminuer les prestations sociales, supprimer des subventions, détruire ce qui reste de l'État-providence. Par refus farouche du partage, on concentre les efforts à faire sur les plus faibles, ceux qui, croit-on, n'auront pas les moyens de protester longtemps contre les mesures qui les frappent. Maggy Thatcher est revenue et triomphe en Europe. »

Fin de l'extrait de Résistances et changements.

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5 Bienvenue

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Fin de [alerte] N° 53