[alerte] N° 52 - JM Bérard - 6 octobre 2010

Sommaire du N° 52

  1. Alerte : quel avenir pour la démocratie en France ?
    • Principes démocratiques
    • Pour déjeuner avec le diable, il faut une longue cuiller
    • Désespérance, résignation et peur
    • Déclaration du grand maître du Grand Orient de France
  2. Au fil des jours
    • Continuons dans les mêmes impasses, c'est toujours cela de pris
    • Respect du corps humain
  3. Citations et réactions de vous tous
  4. Des liens intéressants
    • Un pouvoir irresponsable
    • Des économistes atterrés
  5. Bienvenue

1 Alerte : quel avenir pour la démocratie en France ?

Principes démocratiques

Les fondements des démocraties occidentales reposent sur le principe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

En France, l'indépendance du parlement apparaît de plus en plus comme une fiction, tant la nécessité d'obéir aux orientations définies par le président est déterminante pour des députés soucieux de leur réélection.

Quant-à l'indépendance du judiciaire, elle est chaque jour mise à mal. Devant l'échec de la politique sécuritaire, le président et ses sbires tentent de reporter les responsabilités sur le laxisme des juges, qu'il faut donc mettre au pas.

Un petit exemple, qui devrait faire hurler, et passe pourtant dans l'indifférence la plus totale.

Un gendarme est mis en examen pour « coups et blessure volontaire ayant entrainé la mort sans intention de la donner ». Il a tiré sur une automobile dont les occupants s'enfuyaient après le braquage d'un casino, et blessé mortellement le passager. A ce stade de l'enquête, la justice estime qu'il a tiré sans raison légitime, et l'a mis en examen. L'enquête doit se poursuivre, il y aura un non-lieu ou un procès, il sera condamné ou acquitté.

Mais, sans aucun respect pour le cours de la justice, le ministre de l'intérieur déclare d'emblée qu'il soutient sans réserve, moralement et matériellement, le gendarme mis en examen. Pour lui, c'est clair, le gendarme avait, par définition, le droit de tirer, nul besoin d'enquête.

Dans le même ordre d'idées, selon Le Monde des 3 et 4 octobre, la droite (UMP) et l'extrême droite (FN, bloc identitaire), dans l'Hérault, se rapprochent pour défendre René Galinier. Cet homme a tiré sur deux cambrioleurs qui s'étaient introduits chez lui pendant qu'il faisait la sieste. Selon la justice, il n'était pas en légitime défense, et a seulement voulu défendre ses biens. Les deux hommes, d'origine étrangère, ont été gravement blessés. Le front national, le bloc identitaire, rejoints par un député UMP, s'indignent que René Galinier ait été placé en détention provisoire.

Ils ont raison : il faut se faire justice soi-même et développer les milices d'autodéfense privées. (Pour les lecteurs malveillants : ne pas extraire cette phrase de son contexte, c'est de l'humour noir.)

Je ne sais pas, mais parfois j'ai peur de cette société où l'on instrumentalise la peur et la haine.

Pour déjeuner avec le diable, il faut une longue cuiller

Depuis le début juin, le président et ses sbires sont sans limite ni pudeur. Pour gagner les voix des électeurs du Front National, on martèle l'idée que l'insécurité est due à l'immigration, on répète en boucle des discours de haine, de peur et de xénophobie, on s'en prend avec violence à la justice laxiste.

Nombreux s'en inquiètent : l'église catholique romaine, la commission de Bruxelles, l'ONU, de nombreuses autorités morales dont la ligue des droits de l'homme. Toutes ces réserves sont envoyées aux gémonies : le danger est déjà chez nous, nous n'avons pas à tenir compte de ces belles âmes qui veulent nous donner des leçons.

La mécanique du populisme, l'idéologie de la guerre civile sont enclenchées, maniées par de dangereux sorciers (même pas apprentis) qui ne savent pas comment ils arrêteront la machine sinistre. Ont-ils une cuiller assez longue pour se risquer ainsi à déjeuner avec le diable ?

Les protestations, vives, graves, solennelles, s'élèvent avec force.

Ainsi dans un éditorial du 22 09 2010, Edwy Plenel, dans mediapart, s'exclame : « Halte-là, faire échec à un pouvoir dangereux ». Ce texte de quatre pages commence ainsi : « Ce pouvoir est prêt à tout pour durer, y compris à exploiter la menace terroriste pour s'imposer au pays. Des Roms expulsés aux attentats annoncés, la folle accélération de l'agenda présidentiel depuis qu'a surgi l'affaire Bettencourt est une alerte définitive pour tous les opposants à une présidence qui renie notre République démocratique et sociale. Ce n'est pas en 2012 qu'ils ont rendez-vous avec le pays mais maintenant : seule la mise en échec aujourd'hui de ce pouvoir incendiaire, grâce à une mobilisation massive de la société, peut garantir un sursaut électoral demain. »

http://www.mediapart.fr/journal/france/220910/halte-la-faire-echec-un-pouvoir-dangereux

(Il faut être abonné à Mediapart pour accéder à ce passionnant article).

Il me semble que j'ai d'habitude une assez bonne intuition des situations politiques, mais là, je suis désemparé devant les divers scénarios que prédisent tel ou tel éditorialiste :

  • le président vise à une alliance avec le front national au deuxième tour de 2012 ;
  • la droite va se déliter, car une partie de la droite républicaine se désolidarisera de Sarkozy. Et ce d'autant plus que se rallier à Sarkozy ne sera plus une garantie suffisante de réélection pour les conseillers généraux et les députés. Un boulevard sera alors ouvert à la gauche ;
  • par son attitude intransigeante face au mouvement populaire, le président vise à radicaliser la situation et à provoquer des troubles : la droite n'est jamais autant en position de force que dans les crises qui effrayent, voir mai 68 ;
  • le gouvernement vise à provoquer le désordre dans les banlieues pour y envoyer l'armée et marquer ainsi sa force virile (Rue 89, 3 10 2010) ;

http://www.rue89.com/entretien/2010/10/03/letat-se-prepare-a-une-guerre-dans-les-cites-169076

  • le président espère un attentat terroriste, selon Edwy Plenel (quitte à le provoquer en utilisant les officines de barbouzes ? JM B) ;

Je vous assure, j'ai vraiment lu tout cela, sous des plumes très sérieuses, ces derniers jours. Cela devrait me rassurer, je ne suis pas le seul à ne pas voir clair dans le contexte actuel.

Un point commun : rien de très réjouissant dans la plupart de ces scénarios. Quant-au boulevard offert à la gauche, je reste pour l'instant attentif aux évolutions du PS et de Europe écologie, sans trop d'illusion.

Terminons par une citation de P. Rosanvallon, extraite d'un entretien publié par Mediapart :

« Maintenant, nous avons la forme la plus caricaturale et révoltante de ce sarkozysme, celle de l'union nationale négative, si je puis dire. C'est la tentative de construire du consensus par les formulations les plus archaïques de la xénophobie et du rejet de l'autre. Cela aura certainement des conséquences très grandes. Et cela fonctionne car, en face, il y a certes une protestation très profonde de la société, mais il y a aussi une absence d'alternative qui crée un sentiment de pourrissement. L'indignation est majoritaire dans le pays mais l'indignation ne fait pas une politique. »

Désespérance, résignation et peur

Légende d'un dessin dans la série « Les indégivrables »,

de Xavier Gorce, lemonde.fr

- Pour réformer efficacement, il faut miser sur l'explication et l'adhésion du citoyen.

- Pas le temps, je mise sur la désespérance et la résignation.

Ce texte me semble bien optimiste. Il faut aussi, de nos jours, miser sur la culture de la peur, l'excitation de la haine de l'autre, la xénophobie, le mépris des mouvements sociaux dans le but de les radicaliser pour rétablir l'ordre.

Est-il bien prudent de libérer ainsi tout le « coté obscur de la force » ?

Déclaration du grand maître du Grand Orient de France

Les francs-maçons du Grand Orient de France viennent d'élire leur nouveau grand-maitre, Guy Arcizet. Le 3 octobre 2010 il déclare au journal « Le monde » : « Il nous faut revenir à des valeurs communes, envisager à nouveau un destin commun. Quand le gouvernement est obligé de déployer ses forces de police pour assurer la permanence de l'État, c'est inquiétant. Lorsque la seule philosophie qui vaille est le consumérisme, c'est inquiétant. Ce ne sont pas le voile islamique ou la burqa qui mettent en péril la stabilité sociale, mais le pouvoir de l'argent ».

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2 Au fil des jours

Continuons dans les mêmes impasses, c'est toujours cela de pris

La crise économique, sociale et financière est profonde, durable, peut-être même incurable si l'on continue dans la même voie en se contentant de réparations cosmétiques. En attendant, continuons comme par le passé, c'est toujours cela de pris : développement et consommation sans limite, course vers des taux de profit sans cesse plus élevés, destruction du cadre de vie de l'homme, absence de réforme du système financier aux profits fabuleux et improductifs.

Un exemple, comique ou dramatique selon la lecture qu'on en fait, inspiré d'un article du journal « Le monde » du 5 octobre 2010.

En Savoie et Haute-Savoie, le tourisme blanc constitue une ressource économique considérable. Il importe donc que les touristes puissent circuler facilement, dans leurs voitures, bien sûr ! Problème : puisque l'on vient pour faire du ski, il y a de la neige sur les routes. Solution : répandre du sel pour faire fondre la neige. Dans le seul département de Haute-Savoie, 40 000 tonnes de sel ont été utilisées dans l'hiver 2009-2010, deux fois plus qu'il y a vingt ans.

Du coup, bien sûr, les nappes phréatiques et les cours d'eau sont pollués par le sel. Même la source de l'eau d'Evian est menacée. La flore et la faune souffrent. Paradoxe : pour aller admirer la nature il faut détruire la nature...

Les maires tentent de convaincre les habitants de modifier leur modes de déplacement, d'équiper les voitures de pneus adaptés. Certains maires ont décidé de saler moins, de ne saler que les pentes à plus de 5%.

Oui mais voilà, les habitants-électeurs sont furieux, critiquent ou agressent les maires prévoyants. Les touristes, eux, sont furieux que les routes ne soient pas totalement dégagées les jours « noirs » où se croisent les partants et les revenants. Des millions de chasse neige, des méga-tonnes de sel, des bataillons d'employés, on veut profiter de nos coûteuses vacances au jour dit.

Entre conduire à court terme et boire à long terme, choisissons le court terme, plus tard on verra bien.

Respect du corps humain

J'avais il y a bien longtemps dans cette lettre [alerte] exprimé mon désaccord devant l'exposition « Our body, à corps ouvert » qui, sous prétexte de didactique, exposait à prix fort des cadavres écorchés puis plastifiés.

Cette exposition avait un grand succès commercial dans le monde entier.

La cour de cassation vient de confirmer les jugements interdisant l'exposition payante de cadavres humains.

Je dirais volontiers « bravo », mais on n'a pas le droit de commenter une décision de justice, contrairement à ce que croient les ministres et le président de la république, qui humilient et dénigrent sans cesse les juges/

http://www.rue89.com/2010/09/17/our-body-definitivement-illegale-167063

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3 Citations et réactions de vous tous

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4 Des liens intéressants

Un pouvoir irresponsable

Sophie Audoubert, 23 septembre 2010

http://www.slate.fr/story/27513/pouvoir-immigration-roms-education-illegitime

Extrait : «La recrudescence de la délinquance? La faute aux Roms, aux maires (de gauche), aux «jeunes issus de l’immigration». Les problèmes de l’école? La faute aux enseignants laxistes, aux IUFM, à mai 1968. [...]Outre que nous ne savons plus, tant on joue l’éclatement, de quels «Français» on prétend ainsi défendre les intérêts impérieux, nous assistons à une incessante usurpation de la pensée par un discours politique en crise, qui esquive la contradiction, plus qu’il ne lui répond. C’est le règne de la pensée magique, où ce que je dis est vrai parce que je le dis, et non parce que je l’ai prouvé. Nous sommes face à un pouvoir qui ne trouve plus de justification qu’en lui-même et où la démocratie ne peut que se perdre."

Des économistes atterrés

http://economistes-atterres.blogspot.com/

On trouvera à cette adresse le programme du colloque du 9 octobre 2010, et le manifeste des économistes atterrés, que j'ai signé.

Un groupe d'économistes que, à ma grande honte, je ne connaissais pas, analyse et dénonce les fausses évidences de la pensée économique ultralibérale : les marchés financiers sont efficients, les marchés financiers favorisent le développement de l'économie, les marches sont de bons juges de la solvabilité des états, l'envolée des dettes publiques résulte d'un excès des dépenses, il faut réduire les dépenses pour réduire la dette publique, etc.

Après avoir démonté ces « évidences », ils présentent pour chacune une liste de mesures à prendre pour en combattre les effets.

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5 Bienvenue

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