[alerte] N° 45 - JM Bérard - 3 février 2010


Sommaire du N 45

  1. Citation
  2. Humeurs
  3. Au fil des jours, des lectures et des navigations
  4. Pétitions
  5. Citations et réactions de vous tous
  6. Les liens entre nous
  7. Bienvenue


1 Citation

"La mondialisation dérape, il faut corriger notre vision du monde… La mondialisation a engendré un monde où tout était donné au capital financier et presque rien au travail. Ou bien nous changerons, ou bien les changements nous serons imposés par les crises économiques, les crises politiques, les crises sociales... Faisons le choix de l'immobilisme, le système sera balayé, et il l'aura mérité".

Voici une citation que j'approuve mot pour mot. Robin des Bois ? Karl Marx ? Joseph Stiglitz ? Le président de Attac ? Non, Nicolas Sarkozy au forum des décideurs financiers de Davos.

D'accord, Nicolas Sarkozy ne supprime pas pour autant le bouclier fiscal qu'il a instauré et qui favorise outrageusement le capital.

Mais tout de même cette pensée laisse pensif. Il faut que le système aille fort mal pour que Sarkozy, qui n'était pas célèbre pour ce type de propos, en vienne à devoir condamner l'ultralibéralisme.

Et puis cela inquiète. Il me semble que la force du système est telle que les volontés politiques, à supposer qu'elles existent, n'y pourront pas grand-chose. Voir les difficultés de Obama devant le poids des lobbys et des intérêts financiers. Ne reste donc qu'une option, pas drôle pour autant : les crises sociales, économiques, politiques. C'est ce que je prévois, de façon pessimiste, depuis les débuts de cette lettre. Je ne savais pas que le président me lisait…

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2 Humeurs

La période actuelle me laisse une étrange impression de brouillard derrière lequel tout peut se passer.

Après avoir collé quelques rustines sans changer fondamentalement le système financier (mesures superficielles contre les paradis fiscaux et les primes excessives) la classe politique proclame : "la crise est terminée". A n'y rien comprendre. Si l'on n'a rien changé, la crise va se reproduire. En France, le taux de chômage atteint 10%, sans que les incantations du président de la république dans son discours de vœux laissent rationnellement présager une baisse. En 2010, un million de chômeurs arriveront en fin de droits, des millions de personnes sont mal logées, 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, les fermetures d'entreprises (Total…), les délocalisations (Renault…) se poursuivent comme une routine habituelle. Dans le monde, la dette des États-Unis pèse lourdement, et met dans une certaine mesure le système financier mondial sous la coupe de la Chine. La spéculation sur les matières premières a repris de plus belles, le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique et l'avenir de l'homme sur la planète a échoué. Tout va bien…

Pour être rigoureux, je dois tout de même préciser que je n'ai pas fait de recoupements pour vérifier les nombres que j'énonce ; ils sont fréquemment cités, et je pense que les ordres de grandeur sont bons.

Pendant ce temps, le brouillard des fausses querelles et des faux débats s'organise et s'épaissit. Lorsque le doigt montre la Lune, le citoyen abusé regarde le doigt. Un exemple magnifique et sinistre : le nauséabond débat sur "l'identité nationale" qui a donné lieu a la libération de la parole raciste et anti-immigrés; illustrée par les propos répugnants d'hommes politiques nationaux. Cela, heureusement, se termine en eau de boudin, et le colloque qui devait conclure le débat aujourd'hui est annulé. Mais que de place consacrée dans la presse, dans les conversations à ces thèmes de haine, qui laisseront des traces.

Autre exemple magnifique et sordide : le débat sur le voile intégral. Magnifique, car évidemment tout le monde est d'accord sur le fait que ce voile est une grave atteinte à la liberté de la femme. Mais tout le monde constate que, dans le contexte actuel, ce débat tourne rapidement à une exaltation antimusulmane et anti-immigrés. Il n'y avait aucune urgence, mais en période d'élections il faut bien agiter des chiffons rouges porteurs. Hélas, contrairement à ce qu'espérait le président, tout cela ne fait que stimuler la place du front national dans les sondages.

Pendant ce temps, derrière le brouillard des faux débats, le massacre se poursuit, à un rythme législatif accéléré. Les lois sont votées en procédure d'urgence, mal rédigées, parfois refusées par le conseil d'État ou le conseil constitutionnel. On fait avancer à marche forcée le détricotage de notre tissu social : démantèlement du service public, du système de santé et des hôpitaux, de la justice (suppression du juge d'instruction), adoption de lois sans cesse plus répressives et qui ne résolvent rien.

Dernier exemple en date : le gouvernement envisage que les fonctionnaires puissent être licenciés, en changeant le statut de la fonction publique. C'est vrai, ça, pourquoi les fonctionnaires seraient-ils privilégiés ? Il me semble que, tout simplement, le statut des fonctionnaires garantit que les fonctionnaires sont au service de l'État, et non du gouvernement. Aux USA, un très grand nombre de fonctionnaires sont remplacés lorsque le président change. Jusqu'à maintenant ce n'est pas le cas en France. Il faut que cela cesse : on va, pour commencer, remplacer tous les juges d'instruction indépendants par des procureurs dépendant du gouvernement…

Montée du chômage, crise financière, montée du racisme. Les lecteurs de cette lettre qui ont des compétences en histoire pourront sans doute me dire si l'on peut penser à la montée du fascisme en Allemagne en 1933. J'espère que nous n'en sommes pas là.

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3 Au fil des jours, des lectures et des navigations


Il faut l'entendre, mais pas le croire

Le rallye auto-moto "Dakar" a lieu désormais en Amérique du Sud. Des motos et des autos puissantes traversent les pays pauvres"à fond la caisse" (si l'on peut dire, car cela rapporte beaucoup, les caisses sont pleines). Au début du rallye, une spectatrice de 28 ans est tuée par une voiture. Commentaire des journalistes : "Le rallye est endeuillé." La famille de la victime ne l'est sans doute pas. D'ailleurs aussitôt après on explique que c'est la faute de cette dame, qui n'aurait pas dû se trouver là.

Lors de ses vœux du nouvel an, le président de la République souhaite donner toute sa valeur au beau mot de "fraternité". C'est sans doute ce qu'il fait en lançant le débat haineux sur l'identité nationale.

Déclaration de l'entraîneur d'une équipe féminine après un match perdu : "Le match a été perdu parce que les joueuses ont mal joué. La solution est qu'elles se mobilisent pour jouer mieux." Ah bon… Et dire que les entraîneurs touchent des salaires fabuleux. Pour dire cela, ça vaut la peine…

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Grippe A H1N1

Il s'est déjà dit beaucoup de choses à ce sujet.

Personnellement, je me suis fait vacciner.

Je suis navré de voir à quel point cette question a réactivé les campagnes des adversaires de toute vaccination. Si leur enfant attrape la polio, que lui diront-ils lorsqu'il sera en fauteuil roulant ? "Nous avons voulu protéger ta santé en ne te faisant pas vacciner…"

Je n'ai pas d'éléments définitifs à ce sujet mais il semble bien, en l'état actuel des informations, que la campagne de masse et la façon dont elle a été organisée n'étaient pas adéquates.

Je suis plus que troublé par le fait que des experts de l'OMS, organisation qui a décidé du niveau du risque mondial, sont liés à des laboratoires. Ce n'est d'ailleurs pas que dans ce cas que se pose le problème de l'indépendance des experts.

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4 Pétitions

La frénésie législative du président, le rythme effarant des décisions injustes ou insupportables sont tels que nous recevons chaque jour plusieurs pétitions que l'on nous signale comme capitales. L'agitation du président conduit le citoyen à courir d'un endroit à l'autre pour tenter de limiter les dégâts.

A quoi bon signer des pétitions ? Cela peut être utile, vraiment. La pétition contre le premier fichier Edvige avait recueilli plus de 300 000 signatures et contraint le gouvernement à reculer. Et puis cela fait circuler l'information, la mobilisation.

Il faut être clair : signer une pétition engage. La liste des signataires est en général diffusée sur Internet, et l'on peut ainsi être fiché commodément. Cela ne donne que plus de vigueur à la signature.

J'ai signé plusieurs textes que vous m'avez envoyés : pétition contre la nouvelle version du fichier edvige, pétition affirmant que "nous ne participerons pas au débat sur l'identité nationale", pétition demandant la suppression du ministère de l'immigration, pétition contre la destruction du programme de sciences économiques et sociales au lycée, contre l'implantation d'un circuit de formule 1 dans une zone agricole du 77, pour la défense du service public de la poste, des hôpitaux, pétition contre la suppression du juge d'instruction, et sans doute d'autres. Merci de me les avoir communiquées.

Non, je ne signe pas tout ce que vous m'envoyez. Il m'arrive de ne pas trop savoir ce que cache le texte, ou qui en est à l'initiative. Il m'arrive aussi de ne pas être d'accord.

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5 Citations et réactions de vous tous


Suicide assisté et euthanasie

Les questions relatives à la fin de vie suscitent toujours chez vous de nombreuses réactions. L'un de vous me demandait de distinguer entre "suicide assisté" et "euthanasie". Incompétent, j'ai transmis la question à mon ami philosophe J. Ricot.

Voici le début de sa réponse, je peux envoyer à qui le veut la totalité de son message.

"Tu as complètement raison : la « logique » du suicide assisté est bien celle de l’euthanasie, car il s’agit toujours, de la part du corps social et médical, d’acquiescer à la demande de mort et non pas de consentir à la mort qui vient. Dans les deux cas la société s’arroge le droit de conforter autrui dans son autodépréciation. L’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) ne s’y trompe pas quand elle se bat pour la légalisation de l’euthanasie, dont le suicide assisté n’est pour elle qu’une variante.

Il y a une différence cependant et c’est l’irréversibilité du geste euthanasique, alors que le geste d’assistance au suicide n’a pas la violence de ce qu’il faut bien appeler une exécution. Hypocrisie, sans doute, mais l’assistance au suicide permet une rétractation et même, le plus souvent une rétractation définitive puisque la grande majorité de ceux qui obtiennent l’assistance au suicide dans les pays où elle est légale (en Oregon, en particulier, ou chez les « clients » de Dignitas en Suisse) ne se suicident pas à l’aide du poison fourni. On peut en déduire que la possibilité matérielle de se suicider a une vertu apaisante pour les personnes qui craignent de souffrir, mais c’est évidemment une paix qui devrait dépendre d’abord de la confiance que le patient peut avoir dans son médecin qui a la faculté et même l’obligation de lui épargner toute souffrance, ce sur quoi la loi du 22 avril 2005 insiste. De plus, l’argument se retourne comme un gant : si celui qui obtient l’assistance au suicide ne met pas fin à ses jours, c’est la preuve que la demande n’était pas à prendre à la lettre ! "
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6 Les liens entre nous


Le blog de JC Vitran

http://resistancesetchangements.blogspot.com/

Un extrait daté du 20 janvier 2010 :

"Il y a quelques jours, je me suis rendu à la Poste. Devant moi, une dame âgée échangeait avec la préposée du guichet. M'étant approché trop près, je me fis prestement rabrouer par la vieille dame, car j'avais dépassé le cercle de confidentialité matérialisé par une marque au sol. Je m’excusai en avouant, penaud, ne pas y avoir prêté attention.

En sortant je rattrapai la dame. A sa mine effrayée, je pensais qu’elle devait croire que j'en voulais à sa retraite ! Je lui demandai si elle était pour les caméras de vidéo surveillance. Remise de son émotion, elle répondit à mon incongruité qu'elle était, bien entendu, pour ! Je lui rétorquai alors que ces caméras regardaient avec application dans son cercle de confidentialité, qu’elles étaient maintenant capables de voir et même d’écouter.

Elle ne prit pas la peine de me répondre, haussa les épaules et partit en me tournant le dos, philosophant certainement sur l’indigence intellectuelle du crétin qui venait de l’interpeller.

Pourtant la question reste posée : pourquoi accepter cette violation de l’intime dans un cas, et pas dans l’autre ?"

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Homo numericus

http://homo-numericus.net/

Un article du 27 janvier 2010 évoque la question de la vie privée sur Internet

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Le blog de Jacques Fournier

http://jacquesfournier.blog.lemonde.fr/

Un compte-rendu de la participation de J. Fournier à l'émission "Service public" sur France Inter le 30 décembre 2009.

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Le blog de Bernard Maris

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/blog/b/blog.php?id=12



Une analyse féroce du système ultralibéral.

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7 Bienvenue

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Fin de [alerte] N° 45
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