[alerte] N° 44 - JM Bérard - 26 novembre 2009


Sommaire du N° 44

  1. Lueurs et ombres
  2. Au fil des jours, des lectures et des navigations
  3. Alerte : l'identité nationale
  4. Citations et réactions de vous tous
    • L'euthanasie, encore
  5. Les liens entre nous
    • Sciences économiques et sociales
    • Le blog de JC Vitran
  6. Bienvenue

1 Lueurs et ombres

L'une de vous, qui souhaite que je commence chacune de ces lettres par la rubrique "Lueurs", propose que j'y inscrive la table ronde organisée par la ligue de l'enseignement le 21 novembre 2009 au salon de l'éducation. Des associations interviennent, se mobilisent, décrivent les dangers du fichage de masse que met en place le gouvernement, fichage souvent fondé sur une idéologie du "tous coupables potentiels". Depuis la mobilisation contre le fichier Edvige 1, les personnes passent d'une indifférence appuyée ("Je n'ai rien à me reprocher, cela m'est égal d'être fiché") à une prise de conscience progressive du fait qu'il n'existe pas de démocratie sans vie privée, sans espace de réserve et d'indifférence, et que les limites en sont chaque jour davantage attaquées. Lueurs de la mobilisation…

Et puis voilà l'ombre… A l'assemblée nationale, les députés UMP ouvrent au contraire la voie à une extension de ces fichages abusifs. Selon Lemonde.fr du 25 novembre 2009, une proposition de loi avait été rédigée en commun par une députée PS et un député UMP et adoptée à l'unanimité par la commission des lois. On y prévoyait que la création de tout nouveau fichier [concernant la sécurité] ferait l'objet d'une loi, et serait donc débattue publiquement au parlement. Net progrès démocratique. Texte rejeté par la majorité UMP de l'assemblée nationale.

Une nouvelle proposition de loi, qui sera débattue le 1er décembre 2009, prévoit au contraire un recul par rapport au droit existant : les fichiers seront créés par simple arrêté, cet arrêté pourra ne pas être publié, et la liste des situations dans lesquelles le gouvernement pourra créer de tels fichiers sera étendue et vague.

Si elles avaient des doutes existentiels, les associations qui sont intervenues pour s'inquiéter des fichages abusifs lors de la table ronde (Ligue des droits de l'homme, ligue de l'enseignement, fédération des conseils de parents d'élèves, Iris) peuvent se rassurer : il n'est pas temps de se démobiliser…

Bon, alors cherchons une autre lueur : l'ouvrage "L'appel des appels, pour une insurrection des consciences" est paru chez Fayard, Mille et une nuits. Il est désormais en librairie. Il devrait être, selon les organisateurs, l'occasion d'évènements forts pour que se constitue un espace commun d'échanges, de débats et d'actions.

Le dimanche 6 décembre 2009 à Paris aura lieu une rencontre débat en présence de Barbara Cassin et d'autres auteurs ayant participé à l'élaboration du livre. A partir de 13h, librairie Lipsy, 15 rue Monge, Paris.

http://www.appeldesappels.org Ce lien est actif mais la réponse est très longue.

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2 Au fil des jours, des lectures et des navigations

Il faut contrôler les contrôleurs

C'est sans doute ce que se sont dits les hommes politiques de la majorité. Malheureusement, lorsqu'ils disent cela, il faut comprendre "contrôler les contrôleurs qui nous gênent".

On a déjà appris il y a quelques temps que le défenseur des enfants serait supprimé pour être intégré dans les vastes missions du défenseur des droits. Bien fait. Le défenseur des enfants se souciait sans doute trop des enfants retenus en centre de détention.

On a appris que la commission de déontologie de la sécurité (qui enquête entre autres sur les bavures policières) allait elle aussi être intégrée dans les vastes missions du défenseur des droits. Tant mieux, les policiers en avaient assez d'être injustement mis en cause.

Dans un article du 10 novembre 2009; Le Monde indique que les députés ont l'intention de diminuer les crédits de plusieurs autorités indépendants.

La commission nationale de l'informatique et des libertés devrait voir ses crédits fortement amputés. Tant mieux. Critiquer, même timidement, le fichage abusif et généralisé nuit à l'image de la France.

La haute autorité de lutte contre les discriminations doit voir aussi ses crédits diminuer. Heureusement. Son existence même semble indiquer qu'il y a des discriminations en France, pays des droits de l'homme.

Même sort pour les budgets de la commission d'accès aux documents administratifs, de la commission nationale consultative des droits de l'homme.

Il est temps de mettre fin au gaspillage. Toutes ces commissions un peu indépendantes finiraient par empêcher le gouvernement de gouverner et l'administration d'administrer.

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Catastrophisme ?

On le savait déjà : de nombreuses actions humaines mettent en péril la biodiversité, contribuent au réchauffement climatique qui provoquera de graves problèmes, contribuent à la destruction des sols et de l'air, au déséquilibre alimentaire, au manque d'eau potable. Plus de un milliard de personnes sont mal nourries. La liste des dangers est longue, connue. Il demeure que peu d'analystes pensent que le sommet climatique de Copenhague donnera lieu à des évolutions significatives. Tant que tout cela dure, c'est toujours ça de pris… Vivons heureux (?), la mort peut attendre.

Et puis, depuis une quinzaine de jours, la liste des alertes un peu nouvelles et de plus en plus dramatiques enfle dans les journaux. Si l'on ne prend pas de mesures rapides…

La consommation de viande augmente massivement dans les pays développés et certains pays émergents. Or fabriquer de la viande est beaucoup plus coûteux écologiquement que la production de protéines végétales. Si l'on ne prend pas de mesures rapides pour réduire cette consommation, non seulement une partie de l'humanité manquera de viande pour répondre à de tels "besoins", mais toutes les terres agricoles seront utilisées pour produire de la viande, au détriment d'autres éléments de base.

Si l'on ne prend pas de mesures rapides, l'utilisation, en particulier dans les emballages alimentaires, de certains produits chimiques amènera une baisse massive de la fécondité masculine.

Dans certains pays, pour des raisons économiques, on pratique l'avortement sélectif des fœtus féminins et l'assassinat des petites filles. Si l'on ne prend pas de mesures rapides, le monde manquera d'épouses. Cela créera des guerres, ou créera un marché des femmes, non pas pour la prostitution mais pour que l'espèce humaine puisse encore avoir des enfants.

Si l'on ne prend pas de mesures rapides, l'obésité conduira à des catastrophes médicales.

Je n'ai pas la place de tout citer. J'ai été frappé par la fréquence de l'apparition de ce thème dans les journaux ce dernier mois.

Allons, me dit l'un de vous, tu sombres dans le catastrophisme. C'est aussi ce que se disent, sans doute, les autruches qui n'ont pas remarqué que l'on utilisait leurs voisines pour produire des steacks.

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Lutte contre l'insécurité

Comme chaque fois qu'ils sont en difficulté, comme chaque fois qu'il y a des élections, la droite, et Nicolas Sarkozy agitent les vieux épouvantails, qu marchent toujours : l'immigration, l'insécurité. Et toujours dans une perspective d'exclusion, de mise à l'écart.

J'en reste vraiment étonné. Nicolas Sarkozy a été ministre de l'intérieur dès 2002, il est président de la république, il a eu le temps de mettre en place les mesures nécessaires. Et pourtant le sentiment d'insécurité, largement entretenu pas des médias tels que TF1, ne diminue pas. Je ne parle pas de l'insécurité elle-même, car sa définition et les statistiques qui la mesurent sont peu fiables. Au lieu d'apparaître comme un échec de la politique ultra sécuritaire du président; l'épouvantail sécuritaire soutient l'opinion en sa faveur. Toujours plus de fichage préventif, de répression, d'aggravation du système carcéral. Peu de résultats, et aucune action contre les causes de ces situations. Et pourtant, vive Sarkozy.

Malgré l'échec, c'est à la droite que l'on continue de faire confiance. Pas plus de sentiment de sécurité, moins de libertés.

Quelqu'un peut-il m'expliquer ?

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Burqa : ces gens-là n'ont pas leur place ici ?

Le président de la république se rend à la Chapelle en Vercors, haut lieu de la résistance anti-nazie et de l'esprit républicain. Il doit y faire un discours sur l'agriculture, qu'il remplace in extremis par un discours sur l'identité nationale. Phrase clé : "La burqa n'a pas sa place en France". Certes, la burqa est une atteinte à la dignité des femmes, mais dans ce contexte, on comprend bien que le président veut dire "Ces gens-là n'ont pas leur place en France".

Le Monde, dans un éditorial récent, s'inquiète des "dérapages" des responsables de la majorité. Brice Hortefeux : "Quand il y en a trop, ça pose des problèmes". Une élue UMP du département des Hauts-de-Seine, parlant de Rama Yade : "Elle ferait plus couleur locale dans le 95 que dans les Hauts-de-Seine". Éric Raoult, lui, veut imposer un devoir de réserve aux écrivains, et en particulier à Marie Ndiaye… Sans doute n'a-t-elle pas non plus la couleur locale.

Le Monde ajoute : "Ces dérapages successifs sont tout, sauf anecdotiques. […] La droite s'autorise peu à peu des propos qui étaient l'apanage de Jean-Marie Le Pen depuis vingt ans, et étaient alors condamnés sans réserve, y compris à droite, au nom des valeurs de la république".

Toujours dans Le Monde, le 13 novembre 2009, des membres de la commission d'information parlementaire créée sur ce sujet expliquent que l'interdiction de la burqa sur la voie publique présenterait un risque pour les libertés fondamentales de tous. Passionnant, trop long pour être résumé ici, dommage, reportez-vous aux archives du journal.

Quelques idées clé de l'argumentation : l'exigence de laïcité pèse sur l'état et non sur les personnes privées. Chacun, hors service de l'état, est libre d'exprimer sa religion. \…] Ce n'est pas à la loi de décider de la dignité des personnes à leur place. Cela, dit le constitutionnaliste Guy Carcassonne, serait contraire à la notion même de liberté. De même, l'ordre public ne peut justifier une mesure d'interdiction générale : chacun doit pouvoir faire preuve de son identité, mais n'a pas, à tout moment, le devoir être reconnu dans l'espace public.

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3 Alerte : l'identité nationale

Je suis absolument écoeuré par la mise en place du débat sur l'identité nationale.

Certes, la question mérite d'être travaillée : qu'est-ce qui fonde l'unité d'un pays : l'école républicaine, gratuite, laïque et obligatoire ? Un système social fortement ancré sur des valeurs de solidarité (sécurité sociale, retraites) ? Une conception du service public ? La laïcité ? Le partage d'une ou plusieurs langues et d'un acquis culturel, qui permet de rire et de faire de l'humour ensemble ? Une vision partagée de notre histoire, et si oui laquelle ? Une conception du respect de la vie privée ? J'oublie sûrement des milliers de choses dans cette liste improvisée.

Je pense que les développements du débat feront que nous en reparlerons souvent.

Ce qui m'écœure et m'indigne, ce sont les conditions dans lesquelles le débat a lieu. Des rencontres "citoyennes" présidées par les préfets, à qui le gouvernement a envoyé un guide de réunion. Pas de consultation de sociologues, d'historiens, de juristes, d'associations ou d'institutions ayant un poids éthique. Pas de consultation des partis politiques, des "communautés" visées par la lettre aux préfets, des syndicats. La consultation du "bon peuple", dont, comme tout un chacun le sait, viennent les idées justes.

Dans un article collectif paru dans Le Monde, plusieurs personnalités (juristes, sociologues, écrivains, prêtres) s'indignent : "les dés sont pipés, appelons nos concitoyens à contester ces procédés politiciens rétrogrades." L'article a pour titre "Refusons un débat posé en termes xénophobes. Les circulaires aux préfets le montrent, ce sont les étrangers qui sont visés."

Un extrait de la circulaire aux préfets, pour leur préciser les questions à poser au cours du débat : "Comment éviter l'arrivée sur notre territoire d'étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires génératrices de désordre divers (travail clandestin, délinquance), et entretenant dans une partie de la population une suspicion vis-à-vis de tous les étrangers ? " On ne saurait mieux dire, toutes les réponses sont contenues dans la question.

On voit bien que, des années après, il s'agit de constituer autour de "la France" un mur de Berlin idéologique, fondé sur la méfiance et l'exclusion. Ce débat ne vise pas à favoriser l'unité et la tolérance, il vise à l'exclusion et à la méfiance.

Nous aurons hélas à en reparler.

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4 Citations et réactions de vous tous

L'euthanasie, encore

Mon ami philosophe Jacques Ricot attire mon attention sur le fait que des députés socialistes, Laurent Fabius en tête, on déposé une proposition de loi en faveur de l'euthanasie.

J'ai souvent abordé cette question dans cette lettre, en exprimant mon désaccord avec l'Association pour le Droit de Mourir dans la "Dignité". En France, le suicide est libre, mais je ne peux pas être d'accord avec un droit qu'aurait chacun d'exiger que la société lui donne la mort. De plus, actuellement en France, la loi Leonetti permet une large initiative du corps médical dans ces questions de fin de vie, évitant la souffrance du malade et l'acharnement thérapeutique. Malheureusement, cette loi est peu connue, et donc peu appliquée, y compris par le corps médical.

Je regrette que, manquant de toute analyse sociale, économique et politique sérieuse, le PS se raccroche aux idées "à la mode" sur l'euthanasie.

Je ne puis que vous conseiller, vraiment, de lire le remarquable et émouvant article de J. Ricot et Isabelle Marin sur

http://www.lemonde.fr/opinions/article_interactif/2009/11/16/l-euthanasie-a-nouveau-en-discussion-au-parlement_1267587_3232.html

J'aimerais le reproduire entièrement, vraiment, lisez-le. Si pour une raison ou pour une autre vous ne pouvez pas ou n'avez pas la patience d'y accéder en cliquant, dites-le moi, je vous l'enverrai par la poste.

La droite, au Parlement, a usé d'artifices de procédure pour éviter la discussion de la proposition socialiste. Franchement, pour une fois, j'en suis content. Une position courageuse, et non payante électoralement.

Remarque amusante : mon correcteur d'orthographe n'aime pas "électoralement" et me propose "électorale ment". Allons allons, la démocratie reste le moins mauvais de tous les systèmes.

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5 Les liens entre nous

Sciences économiques et sociales :

L'association des professeurs de sciences économiques et sociales nous alerte sur le fait que l'enseignement de cette discipline, menacé dans la réforme Darcos, est totalement marginalisé dans la réforme Chatel du lycée. Pour faire très court et très caricatural : économie et gestion (bien vu) : le fonctionnement du système libéral. Sciences économiques et sociales (mal vu) : réflexion sur l'organisation sociale de l'économie. Effectivement, cela n'a pas sa place dans une réforme Sarkozy.

Pétition :

http://www.apses.org/initiatives-actions/actions-de-l-annee-2009-2010/article/signez-l-appel-pour-une

Le blog de JC Vitran (pour votre liste de sites favoris)

http://resistancesetchangements.blogspot.com/

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6 Bienvenue


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