[alerte] N° 37 - JM Bérard - 26 mai 2009

Sommaire du N° 37

  1. Bienvenue
  2. Lueurs
  3. Au fil des jours, des lectures et des navigations
  4. Alerte
  5. Citations et réactions de vous tous
  6. Les liens entre nous

1 Bienvenue


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La sélection, la rédaction des synthèses et les commentaires
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2 Lueurs

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3 Au fil des jours, des lectures et des navigations



L'exposition lucrative de corps humains, encore

Je suis frappé de constater que, parmi tout ce que j'écris, ce sont les billets qui concernent la vie, la mort, la fin de vie qui suscitent chez vous le plus de réactions. Pas étonnant, sans doute : cela touche au plus intime d'entre nous, et cela touche chacun d'entre nous.



Je vous ai parlé, dans les deux numéros précédents, de l'exposition "Our Body, à corps ouverts".
Payante, lucrative pour ses organisateurs, cette exposition présentait des cadavres humains, dépecés et rendus rigides par des injections de matière plastique, dans des positions diverses et parfois ridicules. Tout cela sous prétexte d'enseigner l'anatomie...



Cette exposition a été présentée en Asie, aux Etats Unis, à Lyon, à Marseille, et a reçu 120 000 visiteurs à Paris. Elle a été fermée le 30 avril 2009 par décision de justice.



Je me réjouis de cette interdiction (censure, disent certains), mais je regrette les motifs avancés par la cour : selon les juges, on ne serait pas sûr de l'origine des cadavres ni du consentement des personnes de leur vivant pour un tel traitement.



Je pense que là n'est pas la question. Sans me lancer dans des considérations de sociologie, d'ethnologie ou d'histoire où mon incompétence apparaitrait vite, il me semble que les rites funéraires remontent aux origines de l'humanité, avec le langage et l'expression artistique. Ces rites évoluent, selon les époques, les religions, les civilisations, mais le respect du corps du défunt me semble être une constante fondamentale.



Je ne vois pas du tout ce que le consentement de la personne, de son vivant, changerait. Le respect du corps fait partie de notre héritage commun. Et puis on voit bien à quelles pressions cela pourrait conduire, à quelles horreurs : "donnez votre accord, et vos héritiers auront une petite prime de consolation", ou encore : "vendez votre corps en viager, cela vous aidera pour votre fin de vie..." En France, et c'est une bonne chose, il est interdit de faire commerce de son sang, de ses organes, pourquoi aurait-on le droit de "léguer" son corps à une entreprise privée lucrative ?



Mais mes opinions suscitent controverse chez vous. Ainsi, l'un de vous m'écrit

"J'ai noté dans tes [alerte] quelques commentaires sur l'exposition "Our body" ou sur l'euthanasie par exemple qui me laissent perplexe.

A propos de l'exposition qui vient d'être interdite :

L’entrée (comme la sortie) de cette exposition se faisait en conscience et liberté.

Il n’y a pas une rue où une affiche de pub n'impose à tous (quels que soient l’âge, la religion, etc.) des corps de femmes à demi-nues dans des postures qui s’adressent directement à notre inconscient de reproducteur.

Pourquoi ne pas interdire aussi le préservatif, à la demande du pape, l’avortement, etc. ?

Pour les affiches de ciné de Tati et Coco Chanel dans le métro c’est déjà fait (il y avait une cigarette).

Pour le nucléaire, les 4X4 qui peuvent rouler à 200 km/h, les subventions agricoles européennes qui font crever les paysans africains, le port d’arme, etc. , pas de problème c’est autorisé."

Je pense que je reviendrai sur l'euthanasie dans un autre numéro, car beaucoup d'entre vous marquent leur désaccord chaque fois que je m'exprime à ce sujet. Ce n'est pas que je sois contre les désaccords, nous ne sommes pas obligés de penser tous la même chose, mais au moins je voudrais expliquer ce que je pense.

Quant-aux autres problèmes soulevés par le message de mon interlocuteur, chaque question est à réfléchir. Ces questions ne sont pas, à mon avis, toutes de même nature. Ces questions se posent, mais cela n'empêche pas de poser aussi la question de la dignité du corps humain. Je maintiens tout de même que le respect des corps me semble un fondement de l'humain en général, et n'est pas lié à une idéologie ou une religion particulières. Déjà, en 442 av. JC, Sophocle soulevait la question, avec Antigone, Créon et les funérailles de Polynice... Humanité contre raison d'état.

Quant-à faire commerce de son corps, de son vivant ou post mortem, cela me semble insoutenable. Et puis enfin, qui d'entre vous approuverait l'idée que le corps de son père, de sa mère, de son enfant, d'un être cher, ou son propre corps soit ainsi exposé ?

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Google, mon beau Google, dis-moi qui je suis

Dans le conte "Peau d'âne" la question est adressée au miroir : "Miroir, mon beau miroir, dis-moi comment tu me vois."

Voici que maintenant la question est adressée à la toile : "Google, mon beau google, dis-moi ce que l'on pense de moi, ce que l'on sait de moi, cela m'évitera d'avoir à chercher qui je suis, puisque tu me le diras..." Dans la difficulté de se constituer, le sujet délègue au miroir ses propres manques. Si si, c'est de moi, ce n'est pas recopié dans Lacan. Mais, comme dirait le miroir, cela reste à réfléchir.

Alors que nous restons, fort légitimement, préoccupés par la question du fichage généralisé mis en place dans une société de surveillance et de suspicion, nous oublions parfois que, grâce aux renseignements que nous mettons nous-mêmes en ligne, toute une "identité numérique" se constitue à notre sujet, et à notre insu. Identité qui est de plus en plus utilisée pour la prospection commerciale, mais aussi pour le recrutement dans les entreprises ou la diffamation et les règlements de comptes personnels.

Il me semble important, pour chacun de nous, de rechercher de temps en temps comment son nom apparait sur la toile. Tapez votre nom et votre prénom dans google et d'autres moteurs de recherche. Tapez votre nom et votre prénom dans http://www.123people.fr. Et si vous connaissez d'autre façons de rechercher son "identité numérique", faites-m'en part, je pense que cela pourra être utile à tous.

A quoi bon, direz-vous, c'est du pur narcissisme. Je ne crois pas, c'est une simple mesure de prudence. Le résultat des recherches vous concernant vous surprendra : on peut vous attribuer des prises de position qui ne sont pas les vôtres, ou au contraire attribuer à d'autres vos propres productions, divulguer des documents que vous n'aviez pas destinés à être divulgués, mettre en ligne des photos de vous dans des situations qui nécessitaient plutôt le respect de la vie privée, ou mener contre vous une campagne de diffamation à votre insu. Je vous assure, ce n'est pas une illusion ou de la parano, je connais de très nombreux exemples à ce sujet.

La question est ensuite : "que faire devant de tels détournements", et là, franchement, ce n'est pas simple...

Si, outre Google et 123people, vous avez des techniques pour surveiller votre propre identité sur la toile, dites-le moi, cela sera utile à tous.

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4 Alerte

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5 Citations et réactions de vous tous


Lectures

L'une de vous édite régulièrement des fiches de lecture, avec pour titre "Lectures en partage". Quelques extrait du numéro 4.

"Parmi mes récentes lectures, en voici quelques unes que j’ai envie de partager avec vous. Cette fois-ci pas de fiction romanesque, rien que de la vie, de la poésie et de la philosophie.

Les transformations silencieuses de François Jullien (Grasset, 2009) :

Grandir, vieillir ; mais également l’indifférence qui se creuse, jour après jour, entre les anciens amants, sans même qu’ils s’en aperçoivent ; comme aussi les Révolutions se renversant, sans crier gare, en privilèges ; ou bien encore le réchauffement de la planète : autant de modifications qui ne cessent de se produire ouvertement devant nous mais si continûment et de façon globale, de sorte qu’on ne les perçoit pas. Mais on en constate soudain le résultat - qui nous revient en plein visage. Or, si cette transformation continue nous échappe, c’est sans doute que l’outil de la philosophie grecque, pensant en termes de formes déterminées, échouait à capter cet indéterminable de la transition. De là l’intérêt à passer par la pensée chinoise pour prêter attention à ces « transformations silencieuses » : sous le sonore de l’événement, elles rendent compte de la fluidité de la vie et éclairent les maturations de l’Histoire tout autant que de la Nature. De notion descriptive, on pourra alors en faire un concept de la conduite, stratégique comme aussi politique : face à la pensée du but et du plan, qui a tant obsédé l’Occident, s’y découvre l’art d’infléchir les situations sans alerter, d’autant plus efficace qu’il est discret. (quatrième de couverture).

L'intraitable le beauté du monde (adresse à Barack Obama) de Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau (Galaade et Institut du tout-monde, 2009), qui se termine ainsi :

Analystes, économistes, financiers et politologues, experts, voyants et savants de toutes sortes s’accorderont pour dire que la marge est étroite, voire inexistante, que vous tomberez dans une crise déjà ouverte, et ils ne voudront vous consentir qu’une puissance symbolique, éphémère et de parade, et qu’un temps déjà effrité. Mais tous ceux-là auraient été incapables de prédire ce miracle que vous avez imposé à leurs expertises. Vous êtes un éclair tranquille d’imprévisibilité, votre marge de manœuvre est dans l’imprévisible. Nous ne courrons point le même danger que vous mais nous vous accompagnerons. Car si toute grande politique est de Relation, tout l’art l’est aussi, ils portent le cri du monde jusqu’au plus clair de la parole et du chant : alors, bonne chance en Relation, monsieur."

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Réinstaurer le politique

Signalé par l'un de vous : "Réinstaurer le politique", par Paul Thibault, article dense et important.

Chapeau de présentation :

"Le krach est le moment où les illusions se dégonflent, où les promesses se révèlent intenables, où l’on sort de la bulle, » écrit Paul Thibault, qui longtemps anima la revue Esprit. Il nous livre ici son analyse des mouvements de fond qui ont conduit à la crise : un processus de déterritorialisation généralisé qui a peu peu privé le politique - avec l’aval des élites - de ses moyens d’actions au nom de l’ « efficacité » économique, mais qui n’aurait sans doute pas pris une si grande ampleur si dans le même temps ne s’était installé le règne de l’individu, porteur de la délégitimation des institutions. L’effondrement du système met à nu l’état de délabrement auquel nous sommes parvenus, selon lui : « privé de légitimité par l’individualisme suffisant, privé de pouvoir et même de substance par le marché mondial, le politique, devenu affaire de communication, n’intervient plus que de manière erratique, au coup par coup, pour conjurer les difficultés bien plus que pour y répondre.

L’échec auquel conduit la voie que nous avons prise est celui d’une anthropologie individualiste dont les droits de l’homme et le marché sont des mises en forme. L‘humanité n’est pas une collection d’individus, » souligne Paul Thibault qui appelle à une refondation du politique ne pouvant s’effectuer selon lui "qu’en retrouvant un point d’appui et en se donnant à nouveau un horizon. Le point d’appui à retrouver ce sont les peuples en tant que partie prenante de la préparation de leur avenir, donnant sens à celui-ci en fonction de leur fonds propre, les peuples en tant que communautés politiques, en tant qu’ils forment des nations."

Contre info, le 11 mai 2009 http://contreinfo.info

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2710

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2715

Vu la qualité des articles et la liste des auteurs, je me demande bien pourquoi ce site n'était pas dans mes favoris. Merci de me l'avoir fait connaitre.
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6 Les liens entre nous




Spécial amitié

Je cite souvent dans [alerte] mon ami philosophe Jacques Ricot, en particulier pour les questions qui concernent la fin de vie.

Il publie un coffret de deux CD audio, avec pour titre "Apprendre à philosopher avec Jacques Ricot" : faut-il s'étonner pour philosopher, peut-on parler de rien, le passé est-il notre prison, ... ?

24 euros jusqu'au 31 mai 2009, 29,99 euros ensuite.

Editions M'Editer, Les Creusettes, 44330 Vallet

contact@m-editer.com

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La crise, toujours


Étonnant : à lire la presse, à écouter les émissions sur les cours de la bourse, la crise est terminée (comme la grippe A H1N1) et on attend la reprise. Je ne partage pas du tout ce point de vue : il me semble que la crise est systémique, qu'elle marque l'effondrement d'un système capitaliste à bout de souffle. Il me semble que l'on a fait de grandes déclarations en forme de rodomontades, collé quelques petites rustines, mais que le fond demeure. D'accord, là-dessus les économistes sont partagés.

J'ai été passionné par la lecture d'un article de Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, qui, en termes très simples, reprend l'analyse de la crise dans son historique, et dit un peu où nous en sommes.

Le résumer serait du gaspillage, cela vaut la peine d'être lu.

Rue 89, le 25 mai 2009 :
http://eco.rue89.com/2009/05/25/joseph-stiglitz-et-cette-finance-qui-nous-pigeonne

Dommage d'avoir donné un titre aussi plat à un article aussi intéressant.

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Faisons du fric

Je vous ai envoyé une lettre spéciale pour vous signaler la sortie du film "Let's make money". Ceux d'entre vous qui sont allés le voir en ont été très contents. Je ne sais s'il passe encore. Un documentaire sur le fonctionnement du capitalisme tout à fait étonnant.

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Fin de [alerte] N° 37