[alerte] N° 36 - JM Bérard - 2 avril 2009
Par Jean-Michel Bérard le jeudi 2 avril 2009, 09:00 - Lien permanent
Sommaire du N° 36
1 Bienvenue
Il arrive que, soit grâce à vous, soit de moi-même je constate des erreurs dans ce que je vous envoie. Ma méthode est alors la suivante : les lettres sont en ligne sur le présent site. Je ne modifie jamais le texte original, mais j'insère le rectificatif dans ce texte original. Respect de l'histoire et de la trace.
[alerte] est également envoyée en copie cachée par courrier électronique.
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Réactions bienvenues. Diffusion libre en citant la source et la date.
La sélection, la rédaction des synthèses et les commentaires
n'engagent strictement que moi.
Vos réactions, en particulier en cas d'inexactitude dans mes propos, sont appréciées.
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2 Lueurs
L'appel des appels : en résistance
http://www.appeldesappels.org/
Une journée de rencontre organisée par l'Appel des appels le 22 mars (eh oui) 2009 à Montreuil. Le thème de la journée : "En résistance". Des groupes, des associations présentent des analyses solides sur la destruction actuelle de leur champ professionnel (justice, travail social, secteur hospitalier, culture, éducation, recherche, psychiatrie...) et exposent les modes d'action et de résistance qu'ils mettent en œuvre. Propos denses, écoute dense. Une forme de militantisme de résistance qui invente et crée par rapport aux énoncés grandiloquents d'idées toutes faites.
Bien que ce soit un peu long pour le format habituel de [alerte], je reproduis ci-dessous la charte de l'appel des appels.
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3 Au fil des jours, des lectures et des navigations
Mourir pour survivre
Je suis, vous le savez, fort préoccupé par l'impasse totale dans lequel se trouve notre système socio-économique. Je sais, je ne suis pas le seul...
Récemment encore, tout en prétendant lutter contre l'alcoolisme des "jeunes", les députés ont autorisé la publicité pour l'alcool sur internet (média fort fréquenté par les mêmes "jeunes") et autorisé la poursuite de la vente d'alcool dans les stations service - sans doute pour contribuer à faire baisser le nombre de morts sur la route- . Le lobby des producteurs d'alcool est puissant au parlement, tous groupes politiques confondus, et le choix est simple : préserver la santé publique ou créer du chômage chez les viticulteurs.
Problème : lorsque tout le monde sera mort d'alcoolisme ou d'accidents de la route, à qui vendra-t-on de l'alcool ? Question stupide : puisque tout le monde sera mort, il n'y aura plus non plus de lobby des viticulteurs.
Dans le même genre de situations absurdes, le gouvernement lance un plan de soutien à l'industrie automobile, qui consiste essentiellement à faire ce qui s'est déjà fait et ne marche plus. Les acheteurs souhaitent de moins en moins de grosses voitures clinquantes, dans quelques années il n'y aura plus de pétrole et on ne pourra plus rouler sur les routes saturées. Mais on ne sait pas faire de véhicules d'un nouveau type, on ne veut pas investir dans la recherche, et on préfère faire des autoroutes plutôt que des voies ferrées. Continuons ce qui ne marche plus. C'est la logique Shadock : quand ça ne marche pas, il faut réessayer souvent, peut-être que... J'ai longtemps cru que la phrase "Si tu viens d'échouer, recommence" était un éloge de la ténacité et de la persévérance. Finalement, ce n'est peut-être qu'une marque de répétition stérile et obstinée ?
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Contradictions : on vit une époque formidable ! Collection de petits bijoux d'actualité le 27 mars 2009
Je ne sais si je dois être triste, ou au contraire jubiler devant l'humour absurde que recèle la lecture des journaux.
Je balaye Le Monde du 27 mars 2009 et le site agoravox du même jour
Le Monde, page 1 : un article intitulé "L'état hésite sur les moyens d'encadrer les rémunérations de certains patrons", et, juste à coté, une publicité pour les montres Rolex. On sait que le grand penseur Jacques Séguéla a déclaré récemment : "Si l'on n'a pas de Rolex avant cinquante ans, on est un raté." En période de crise, il serait donc absurde "d'encadrer les rémunérations de certains patrons" : cela va créer du chômage dans le secteur du luxe cher à la France, Rolex, yachts, haute couture, bijoux, etc. Pour éviter le chômage dans le secteur du luxe, préservons les stocks-options et bonus des dirigeants ! C'est la relance par la consommation ! Cela dit, je soupçonne Le Monde d'humour volontaire dans ce rapprochement. La publicité de Rolex emplit aussi toute la dernière page du même journal. On y découvre avec passion comment sont fabriquées les lunettes de montres Cerachrom. Cela ne fait même plus rêver tant c'est dérisoire.
Le Monde, page 1 : "Les secteurs de l'économie qui traversent la crise sans difficulté : les services à la personne, ..." Je suis heureux que les services à la personne ne connaissent pas la crise, puisque dans le même article on annonce une "hausse violente du chômage". Mais je ne comprends pas tout : les services à la personne sont, certes, largement subventionnés par l'état (chèque emploi service, CESU, etc.), mais si la crise s'étend, s'il y a de plus en plus de chômeurs, si les salaires et les retraites n'augmentent pas, qui pourra payer pour faire travailler, même avec l'aide de l'état, les aides à domicile des personnes âgées ou handicapées, les professeurs donnant des cours de soutien, les femmes de ménage, les bricoleurs polyvalents et les réparateurs d'ordinateurs ?
Le Monde, page 1 : "Le prestigieux prix Abel a été décerné à un mathématicien français d'origine russe, Mikhail Gromov, qui est capable d'aligner une centaine de théorèmes." Ah, les ravages de la culture du rendement... On sait que N. Sarkozy veut évaluer les chercheurs en donnant un poids très fort au nombre de leurs publications, méthode dont on connait pourtant les risques de stérilisation de la recherche. Et voici que Le Monde compte les théorèmes... Lorsqu'on lit l'article, on constate que ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit, et que ce mathématicien a fait évoluer des pans entiers de la pensée mathématique. Raccourci de Une, dans une citation tronquée : cent théorèmes... Avec 99 théorèmes, aurait-il eu le prix ?
Le Monde, page 5 : "M. Netannyahou, premier ministre désigné en Israël, dit vouloir œuvrer pour la paix". On apprend dans le même article que, selon lui, un éventuel État palestinien ne devrait pas avoir le contrôle de sa propre alimentation en eau potable, dont la maitrise doit rester à Israël, et qu'il est favorable à une croissance "naturelle" des colonies israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem. Barack Obama déclare, à propos du processus de paix entre Israël et les palestiniens : "Cela n'est maintenant pas plus simple que cela n'était, mais c'est tout aussi nécessaire. " Conclusion du journal : "le président américain déclare que le statu quo est intenable, mais en sortir s'annonce difficile."
Le Monde, page 19 : "53% des français sont pour une réforme profonde du capitalisme". Pourquoi diable ? Parce que, selon l'article, "ils contestent un système qui vise à "toujours plus de profit pour les actionnaires et les grands patrons, quitte à licencier ; toujours plus de consommation pour les consommateurs, quitte à vivre à crédit ; toujours moins cher pour les consommateurs, quitte à délocaliser ou à importer de Chine." En d'autres termes un système qui ne pouvait pas durer, non par la faute de quelques uns, mais du fait de la fin programmée d'une économie reposant largement sur le déni de réalité." Je crains toutefois que cela n'empêche pas les "responsables" de l'économie de la planète de continuer à coller des rustines et de tenter gommer les "dérives" les plus criantes (bonus, paradis fiscaux) pour sauver globalement le système, pourtant en impasse.
Le Monde, page 19, Emmanuel Todd : "Le problème aujourd'hui, ce n'est pas la disparition des abeilles mais la disparition des emplois." La lecture de l'article ne permet pas vraiment d'éclairer son propos, mais je crois comprendre que, en période de crise, ce n'est pas le moment de penser à des trucs intellos baba-cool sur l'écologie. C'est une phrase à l'air brillant, une forte pensée qui sort du politiquement correct. Mais totalement stupide : s'il n'y a plus d'abeilles, il n'y aura plus de plantes et donc plus d'êtres humains.
Du coup, c'est vrai, il y aura des emplois pour tous ceux qui resteront, puisqu'il n'y aura plus personne.
Agoravox : "Si les mêmes causes produisent les mêmes conséquences, alors l’action des pouvoirs publics, identique à celle qui fut la leur lors des crises du textile et de la sidérurgie, amènera à la disparition quasi-totale des constructeurs automobiles européens." Une analyse, en particulier, de l'impasse des plans de relance du secteur automobile tels que conçus en France et aux USA
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=53553
J'ai passé du temps à balayer Le Monde du 27 mars, mais c'est tous les jours comme cela...
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Consommation : vous changez d'heure, changez de montre.
Publicité : "dimanche matin, par le passage à l'heure d'été, vous constaterez que l'heure a changé. Profitez-en pour changer de montre"
Idéé géniale. On peut la généraliser. On fabriquerait des montres sans mouvement d'horlogerie, uniquement avec un cadran et des aiguilles peintes, fixes. Une montre marquerait midi, l'autre midi cinq, l'autre midi dix, une autre encore neuf heures vingt, etc. Avec des montres à aiguilles peintes, marquant de cinq minutes en cinq minutes, il faut, à quelque chose près, 144 montres pour marquer toutes les heures de la journée. Il suffit à ce moment là d'avoir les 144 montres dans sa poche et d'en changer toutes les cinq minutes. Avantage : relance de la consommation, développement du luxe puisque avec l'argent économisé sur les mouvements d'horlogerie on peut faire des cadrans en platine avec des diamants, en Cerachrom Rolex, etc... Autre avantage, développement des services à la personne : les gens riches auraient quelqu'un qui les suivrait constamment pour changer la montre à leur poignet toutes les cinq minutes. Pour aider les gens qui n'ont pas le sens du temps et qui ne sauraient pas quand changer de montre, on pourra faire en sorte que les clochers sonnent toutes les cinq minutes pour donner le signal du changement de montre. Avantage : développement du patrimoine des églises, développement de l'industrie de la cloche en Savoie, fort développement de l'emploi pour la corporation des carilloneurs. En période de crise il faut savoir consommer de l'inutile pour soutenir l'économie.
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4 Alerte
5 Citations et réactions de vous tous
"Si nous ne reconnaissons pas notre humanité dans les autres, nous ne la reconnaitrons jamais en nous-mêmes." Carlos Fuentes, cité par la revue Diasporiques, décembre 2008
www.diasporiques.org
A propos de l'exposition lucrative et soi-disant éducative de vrais corps humains dépecés.
(Cf. [alerte] N° 35)
Réaction de l'une de vous :
"Je suis particulièrement sensible à vos remarques concernant l'exposition sur "le corps humain". Elle m'horrifie et j'ai été très étonnée de n'en en entendre guère parler dans les meilleurs lieux. ("Horresco referens"sans doute...). Mais je dois dire que je suis aussi horrifiée par les corps réels exposés au musée du Quai Branly en tant qu'exemples d'êtres porteurs de magie (en Asie du s-e et/ou autres lieux). Bien sûr l'information et l'éducation du peuple sont essentielles ! mais le respect de l'être humain ??? rien n'impose qu'on en passe par là ! et il y a me semble-t-il d'autres moyens déjà expérimentés, en-dehors des essais du Dr M.... Je dois dire que l'exposition et décorticage de momies ne me laisse pas indifférente non plus ! [...]"
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Relancer l'avenir
Transmis par l'un de vous, merci, un article de J. Attali.
Extrait :" De fait, jusqu’ici, partout dans le monde, les politiques économiques des Etats se sont limitées à de telles relances, dont le but réel n’est en fait que de conserver l’ordre ancien, et d’en protéger les élites. Ainsi, dans le naufrage qui s’annonce, tout se passe, partout dans le monde, et en France en particulier, comme s’il n'y avait de gilets de sauvetage qu'en première classe.
Alors qu’il serait au contraire essentiel d’investir dans les industries d’avenir tout l’argent qu’on s’apprête à perdre dans les secteurs en difficulté. Et d’abord dans l’éducation, la formation des jeunes chômeurs, la sélection et la rémunération des chercheurs. Puis dans le financement des petites entreprises innovantes, pour en faire des groupes de taille mondiale, créateurs d’emploi, en particulier dans les secteurs clés du monde à venir : les énergies nouvelles, (surtout le solaire et le nucléaire ), les biotechnologies, les organes artificiels, l’internet des objets, les nanotechnologies."
Fin de l'extrait de l'article de J. Attali
http://blogs.lexpress.fr/attali/2009/03/relancer-lavenir.php
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Sauvons le palais de la découverte
Transmis par l'un de vous, merci.
"Voilà le Palais à nouveau en danger. Un décret instituant sa fusion avec la Cité des Sciences et de l’Industrie est prévu début avril, fusion qui prend la tournure d’une absorption pure et simple par la Cité. Bien sûr, la flamme si particulière qui souffle au Palais n’y survivrait pas.
Un lieu qui déplace des limites, où l’horizon se fait plus vaste est nécessaire. Ne laissons pas le gouvernement le détruire.
Aujourd’hui, si nous laissons faire ce gâchis, le Palais risque à tout jamais d’être victime d’une « fausse bonne idée » de rationalisation, lancée à-la-va-vite mais que rien ne justifie, ni sur le plan scientifique et culturel, ni sur le plan économique. Comment comprendre qu’en pleine crise, le gouvernement maintienne une mesure qui pourrait coûter 6 millions d’euros, puis plus de 2 millions d’euros par an de coûts supplémentaires de fonctionnement ?
Comment comprendre cette forme de colonisation, alors que le Palais va bien, qu’il bouge et continue de faire bouger les esprits ?
Sa fréquentation est excellente. Les rapports officiels de la Cour des Comptes et autres Inspections saluent sa réactivité et son dynamisme. Loin de l’immobilisme et du statu quo, il est activement engagé dans une rénovation ambitieuse. De grands scientifiques dont plusieurs Prix Nobel, et des dizaines de milliers de personnes ont exprimé fortement leur attachement à ce qui s’y passe."
http://www.sauvonslepalaisdeladecouverte.fr/
6 Les liens entre nous
Le blog de Bernard Maris, professeur d'économie, chroniqueur à France inter, Oncle Bernard à Charlie Hebdo :
http://www.radiofrance.fr/franceinter/blog/b/blog.php?id=12%
Après un long silence, B. Maris se réveille. Chic alors, c'est passionnant.
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7 Annexe : charte de l'appel des appels
Nous, professionnels du soin, du travail social, de la justice, de l’éducation, de la recherche, de l’information, de la culture et de tous les secteurs dédiés au bien public, avons décidé de nous constituer en collectif national pour résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social.
Réunis sous le nom d’Appel des appels, nous affirmons la nécessité de nous réapproprier une liberté de parole et de pensée bafouée par une société du mépris.
Face à une idéologie oppressive qui promeut le culte de l’argent et la peur de l’autre,
Face à la souffrance sociale que cette idéologie génère.
Face à la multiplication de prétendues réformes aux conséquences désastreuses.
Face au saccage de nos missions et de nos pratiques professionnelles, face à la promotion du prêt-à-penser et de procédures managériales et sécuritaires,
Face à la désignation à la vindicte collective de citoyens toujours plus nombreux,
Face à l’abandon progressif des plus fragiles parmi nous…
Nous entendons lutter contre toute politique qui liquide les principes de droit et les valeurs de notre démocratie, issus des Lumières et du Conseil National de la Résistance.
Avec tous ceux et celles qui nous rejoignent, nous nous engageons à :
• faire le lien entre toutes les réflexions, les initiatives et les mobilisations dans l’esprit de notre appel et les amplifier ;
• constituer un espace public de vigilance vers lequel remonteront les analyses et propositions de professionnels et de citoyens ;
• relayer, par nos comités locaux, notre site Internet et nos actions une parole qui échappe aux processus de normalisation, afin de promouvoir une éthique citoyenne, fondée sur le respect de la dignité humaine comme des libertés publiques et individuelles ;
• construire, en liaison avec les associations et les partenaires qui le souhaitent, un espace d’analyse des politiques fondées sur le culte de la performance et de la norme dont les corollaires sont la peur, l’exclusion, voire l’élimination ;
• donner le plus grand retentissement à tous ceux qui organisent une résistance responsable et non violente aux politiques en cours ;
• soutenir et multiplier les actions visant à dénoncer et combattre les dispositifs de servitude, les atteintes aux libertés fondamentales et la dénaturation de nos métiers ;
• exiger des instances constituées – partis politiques, syndicats, pouvoirs publics – qu’elles s’opposent, par des réponses adaptées, à la démolition des valeurs pour lesquelles nous nous battons.
Décidés à combattre une idéologie de la norme et de la performance qui exige notre soumission et augure d’une civilisation inique et destructrice de l’humain, nous voulons réinventer une société de libertés, de droits, de justice et d’hospitalité.
Collectif national de l’Appel des appels – 24 février 2009
Fin de [alerte] N° 36
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