[alerte] N° 35 - JM Bérard - 13 mars 2009

Sommaire du N° 35

  1. Bienvenue
  2. Lueurs
  3. Au fil des jours, des lectures et des navigations
  4. Alerte
  5. Citations et réactions de vous tous
  6. Les liens entre nous


1 Bienvenue


Il arrive que, soit grâce à vous, soit de moi-même je constate des erreurs dans ce que je vous envoie. Ma méthode est alors la suivante : les lettres sont en ligne sur le présent site. Je ne modifie jamais le texte original, mais j'insère le rectificatif dans ce texte original. Respect de l'histoire et de la trace.

[alerte] est également envoyée en copie cachée par courrier électronique.
Si vous souhaitez figurer sur la liste de diffusion, merci de m'écrire à
jean-michel.berard (chez) orange.fr Remplacer (chez) par @

Réactions bienvenues. Diffusion libre en citant la source et la date.
La sélection, la rédaction des synthèses et les commentaires
n'engagent strictement que moi.
Vos réactions, en particulier en cas d'inexactitude dans mes propos,
sont appréciées.

retour au sommaire



2 Lueurs


Le journal Le Monde daté des 8 et 9 mars publie un article de Marc Dupuis et Sylvia Zappi intitulé "Comment l'anti-sarkozysme progresse". J'aurais aimé vous faire partager mon allégresse à la lecture de cet article en le recopiant entièrement. En voici quelques extraits.

"Le chef de l'état cristallise un mécontentement croissant [...] qui s'exprime dans les grèves ouvrières contre les fermetures d'usines mais aussi dans des catégories jusqu'ici relativement protégées : magistrats, avocats, enseignants, médecins, étudiants, cadres. [... ] Le refus d'une société mise en fiches et déshumanisée au profit de l'argent roi s'est élargi. Multiforme, la contestation va des altermondialistes aux Verts, en passant par les militants anti-OGM et les opposants à l'incarcération de Julien Coupat dans l'affaire des sabotages des lignes SNCF. "L'appel des appels" en est la traduction. Depuis son foyer d'origine, les milieux psychanalytiques, il a su fédérer une multitude de mécontentements via les collectifs "Non au fichier edvige", "Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans", "Sauvons l'hôpital public", "Sauvons les Rased", "Sauvons la recherche", "Sauvons l'université". [Autres exemples : Génération précaire, qui dénonce les stages gratuits, ou Jeudi Noir, dans le domaine du logement.] [...] C'est l'expression d'un anti-sarkozysme par le bas, d'un nouvel imaginaire politique dans le mouvement social, selon Stéphane Rozès, directeur général de l'institut CSA. [...] Le maître mot est désormais "convergence des luttes". Fin des citations.

Il me semble que penser à la convergence des luttes est un peu prématuré. Pour l'instant, des fleurs s'épanouissent. C'est bientôt le printemps.

retour au sommaire


3 Au fil des jours, des lectures et des navigations


Recherche en péril


Pétitions, grèves, mouvements de protestation des chercheurs et des universitaires en général. Je souhaite être très net : je n'ai aucune compétence et donc aucune analyse ni aucun avis sur l'autonomie des universités, le statut des enseignants-chercheurs, etc.

Ce dont je suis certain en revanche, c'est du caractère fort méprisant pour la recherche scientifique et les chercheurs du discours qu'a tenu le président Sarkozy. Je vous donne à nouveau le lien vers un montage vidéo qui met en parallèle des affirmations du président français et des réflexions du président américain.

recherche scientifique vidéo Obama Sarkozy

Il devient de bon ton en France de se gausser des intellectuels. J'avoue à la vue de ce montage que tout de même, un intellectuel...

La question de fond est : peut-on gérer la recherche scientifique sur des critères productivistes comme l'on gère une entreprise ? (Si tant est qu'il soit bon de gérer une entreprise seulement sur des critères productivistes, mais c'est un autre débat qui n'a rien à faire ici.)

Le président, par l'intermédiaire de sa ministre, a mis au point un ensemble de critères d'évaluation des chercheurs, reposant en particulier sur le nombre de publications. Des blogs publiés par des chercheurs montrent combien ce système en arrive à multiplier les publications de faible niveau, les signatures de complaisance, à décourager l'écriture de livres, et au total à nuire à l'évolution des progrès des connaissances. Evaluer, sûrement, (quoique les chercheurs le soient déjà beaucoup) mais pas selon les critères d'une entreprise de production de biens matériels.

Le président, fidèle, malgré la crise, aux critères économiques ultra libéraux, souhaite que la recherche ait des retombées industrielles. Les labos sont de plus en plus incités à rechercher des partenariats avec l'industrie. Cela semble pour le président une évidence.

Mais que deviennent alors les recherches en sociologie, en ethnologie, en archéologie, en histoire, en littérature, en linguistique, que sais-je encore ? Les sciences humaines n'ont guère de retombées industrielles immédiates. Et même dans les sciences "dures", cette recherche de retombées et de brevets risque fort de stériliser la pensée et de mettre la recherche fondamentale de la France de Sarkozy à la remorque des USA de Obama. Que deviennent les recherches sur le big bang, la matière noire, le boson de Higgs, la théorie des cordes, les exo planètes ?

L'exemple que je donne souvent est le suivant : lorsque j'étais étudiant, le laboratoire Kastler Brossel travaillait sur le pompage optique. On n'avait absolument aucune idée à l'époque des retombées industrielles qu'aurait le laser issu de ces recherches fondamentales. De même pour les recherches de A. Fert sur la magnétorésistance, qui ont ensuite totalement modifié l'industrie des disques durs. Quant-à la relativité de Einstein, (nécessaire pour faire fonctionner les GPS), avec les critères de Sarkozy je suppose que le labo n'aurait pas eu un radis... Et les recherches sur le big bang, sauf surprise, ne "servent" à rien du tout, sauf à améliorer notre connaissance du monde.

Pour autant que je comprenne la question, il me semble que tout cela est en fait un coup sévère porté à la recherche fondamentale, tant dans les sciences humaines que dans les sciences "dures", sous prétexte d'efficacité


retour au sommaire

Le corps humain est -il une marchandise ?


Pour l'instant, en France, la réponse, me semble-t-il, est "non" : on ne peut pas vendre son sang ou ses organes, on ne peut pas vendre son corps, le prélèvement d'organes après la mort est réglementé et gratuit. Dans d'autres pays ce n'est pas si net, et cela crée des drames terribles.

De même, en France, des lois récentes imposent de façon générale que les cadavres ou les cendres des défunts soient respectés, déposés dans des lieux de mémoire sauf autorisation particulière, ou "légués à la science".
Et voici que le commerce tout puissant trouve enfin sa place. "L'exposition anatomique de vrais corps humains"

http://www.ourbodyacorpsouvert.com/

Extrait du site de l'exposition : " OUR BODY / À CORPS OUVERT est une exposition fascinante, à la fois artistique et éducative, qui présente de véritables corps et organes humains. Destinée à tous, cette exposition va littéralement «sous la peau», et révèle les mystères de l’anatomie de l’homme. Plutôt que d’utiliser des modèles anatomiques, OUR BODY / À CORPS OUVERT présente de véritables corps humains pour permettre au public le plus large de voir ce qu’en principe seuls les médecins et les anatomistes sont capables d’étudier : c’est l’expérience de toute une vie. Le but d’OUR BODY / À CORPS OUVERT est que les visiteurs partent avec une meilleure connaissance de l’anatomie, des fonctions du corps, et une meilleure appréciation de leur santé." Fin de l'extrait

Citation de l'un, de vous : "Après Lyon et Marseille, cette ignominie commerciale (bravo pour son titre aguicheur) a trouvé un lieu à Paris. Le site exprime une "subtile" pub "pédagogique" pour attirer le jeune public, et une conception de l'Humain digne du Dr Mengele."

Vraiment je suis surpris qu'aucune loi n'interdise cela en France. Et s'il y a des lois, pourquoi ne pas les appliquer ?

Le comité d'éthique a donné un avis négatif "compte tenu de l'apport pédagogique et scientifique insuffisant" de l'exposition. Et si cet apport avait été suffisant, cela aurait-il rendu pour autant l'exposition éthique ?

Suite de la citation de l'un de vous : "Ce qui me semble terrifiant, c'est que beaucoup des commentaires laissés par des visiteurs sur ces sites et d'autres défendent au contraire l'expo : assez des "préjugés judéo-chrétiens", non à toute censure, l'expo est pédagogique et lève les tabous, grande valeur artistique ! "

Sur le site "Combats pour les droits de l'homme" un texte éthiquement fondé et juridiquement travaillé demande au préfet de police l'interdiction de cette exposition.

http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/2009/02/24/monsieur-le-prefet-de-police-interdisez-lexposition-our-body-au-nom-de-la-dignite-de-la-personne-humaine/#comment-887|

Je suis choqué aussi par la teneur de certains débats : quelle est l'origine des cadavres, pour la plupart ceux d'adultes dans la force de l'âge ? Les personnes avaient-elles donné leur consentement de leur vivant ? S'agit-il de personnes exécutées dont les corps ont été achetés en Chine ? L'horreur s'ajoute à l'horreur, mais là n'est pas la question : même si les personnes ont donné leur consentement, cela ne légitime en aucun cas l'exposition, qui bafoue la dignité humaine. De tout temps les hommes ont rendu hommage à leur défunts. Et voici les corps devenus chair à profit.

Au contraire de certaines prises de positions nuancées que j'ai lues ici ou là, la mienne est catégorique : cette exposition est une atteinte à la dignité de l'être humain.

retour au sommaire

Encore un couteau


Le 3 mars 2009 : une mère a porté un coup de couteau à sa fille de dix ans, et a demandé à son fils de cinq ans de s'accuser.

C'est la troisième fois depuis six mois que je vous signale un fait divers où un enfant a été poignardé. D'habitude notre président est plus prompt à réagir. Il aurait fallu d'urgence supprimer les couteaux. Je sais, c'est difficile en période de crise, le lobby du Opinel va dire que cela provoque du chômage en Savoie, mais soyons courageux.

Il faut d'autre part organiser un dépistage préventif (tests génétiques, profil psychologique, rapports et dénonciations des voisins, vidéosurveillance, géolocalisation, analyse des traces sur Facebook, croisement des fichiers STIC, Edvige, Base élève, Cristina, DMP). On pourra ainsi savoir à l'avance qui est susceptible de poignarder un enfant, et on pourra le mettre en prison préventivement avant qu'il ait fait quoi que ce soit.

Bon, on ne peut pas en vouloir à notre président. On ne peut à la fois aller sur le terrain en Guadeloupe et s'occuper des enfants de l'hexagone. Vous me dites qu'il n'est pas allé en Guadeloupe non plus ? Ah ça alors ! Les piles Duracell de notre Zorro de l'évidence sont usées. On l'avait connu plus réactif sur les pitbulls, les fous évadés des HP, les violeurs récidivistes que l'on gardera en prison à tout hasard sans jugement après la fin de leur peine.

Le fait divers n'est ici, vous l'avez bien compris, que prétexte à imaginer ce que pourra être une société de surveillance et de "prévention" généralisées selon les vœux de notre président. Une partie de ce qui est cité entre parenthèses existe déjà (par exemple la prison non pas pour ce qu'on a fait mais pour ce que l'on pourrait faire), ou a failli exister, comme le dépistage des futurs délinquants à trois ans, mis temporairement au frigo suite aux réactions citoyennes.

retour au sommaire

Sécurité routière


La Ligue contre la violence routière publie sur son site un article intitulé "Un oubli majeur dans les Etats généraux de l'automobile du 20 janvier 2009.

http://www.violenceroutiere.org/actu.php?id=6

Extrait du site :" Nous savons tous que l'insécurité routière entraîne beaucoup de souffrance et des milliers de victimes. En 2007 il y a eu encore 81272 accidents corporels, plus de 90000 blessés et 4620 tués.

Nous savons moins que l'insécurité routière entraîne un gâchis économique considérable. En 2007, 25,4 milliards d'euros sont partis en fumée pour soigner les blessés, dédommager les victimes et réparer les dégâts matériels des accidents."

La ligue constate que, dans le protocole d'aide à l'industrie automobile, les questions de sécurité ont été peu prises en compte''.Fin de l'extrait

Pour ma part, je constate que ce protocole consiste essentiellement à dire : collons quelques rustines pour essayer de maintenir à flot ce qui existe. Valide à court terme, on ne le sait même pas : va-t-on vraiment ainsi sauver des emplois ? Peut-être. Pas sûr : l'usine de pneus Contienental de l'Oise ferme. Mais en tout cas aveugle à long terme. De nombreux articles de presse signalent que l'ensemble des modes de transports est à repenser, qu'il faut inventer de nouveaux moyens de déplacement en ville, de nouvelles relations sur le territoire.

Les mêmes articles signalent que l'automobile comme signe de réussite sociale est en train de perdre ce statut, et que les acheteurs préfèrent de plus en plus des véhicules moins chers, et adaptés à leurs vrais besoins à des véhicules clinquant marquant leur statut. Sur ce marché, l'Inde est sur le point de s'imposer avec la voiture à bas coût. Sur le marché du véhicule propre, du véhicule partagé, de la création de nouveaux moyens de transport, l'Europe aurait pu prendre une longueur d'avance. Le plan de relance préfère tenter de prolonger ce qui existe.

retour au sommaire

Contrairement à ce que l'on pense, le prix du caddy n'augmente pas


Lorsque j'étais plus jeune, une histoire faisait beaucoup rire, c'est celle du type qui disait "Pour moi, l'essence n'augmente pas, je mets toujours 150 francs dans mon réservoir. "

Voilà que de, stupide, cette histoire devient vraie. Pour ne pas augmenter le prix du caddy, le nombre de petits gâteaux dans les emballages ou la contenance des bouteilles diminue, à prix égal. C'est légal : au consommateur de lire les prix, écrits en tout petit, par kilo ou par litre.

C'est confirmé dans Le Monde des 8 et 9 mars par la présidente de Coca Cola Europe, qui donne un entretien émouvant aux larmes sur les soucis de respect social et de respect environnemental de son entreprise :" nous avons commencé à nous adapter à la crise pour répondre au désir des consommateurs de baisser le prix du panier moyen, nous proposons ainsi des petits lots de deux produits au lieu de quatre." Je suis admiratif devant le génie des communicants qui inventent cela "Nous répondons au désir des consommateurs, grandiose, non ? Baisser le coût du caddy, c'est facile : il suffit d'en mettre moins dans le caddy. Le consommateur désire sans doute une baisse du coût de la vie...

Je suis en revanche inquiet : s'ils le disent, c'est qu'il y a des gens pour le croire;

retour au sommaire


4 Alerte


retour au sommaire


5 Citations et réactions de vous tous


Notes de lecture


L'une de vous édite un bulletin régulier de notes de lecture. Petit extrait du dernier numéro :

"Voici un petit bouquet de romans que j’ai lus récemment, aimés et dont je vous recommande la lecture. Ils sont tous d’auteurs étrangers cette fois-ci mais encore à la jointure de l’individuel et du collectif, des histoires et de l’Histoire.

Les disparus de Daniel Mendelsohn (Flammarion, 2007) : un livre extraordinaire, fruit d’une enquête menée en Europe, en Israël, en Australie, aux Etats-Unis, par l’auteur (américain) sur ses ancêtres juifs (son oncle Shmiel et les siens) massacrés à Bolechow, en Ukraine, en 1942-44. Parce qu’il a voulu savoir ce qui s’est passé, parce qu’il a voulu donner un visage à ces six disparus, D. Mendelsohn est parti sur leurs traces, rencontrant, année après année, des témoins épars dans une douzaine de pays. Cette quête, il en a fait un livre, puzzle vertigineux, roman policier haletant, plongée dans l’Histoire et l’oubli. C’est bouleversant et, en même temps, un exemple de méthodologie historique et une réflexion sur la part d’inéluctable et d’incompréhensible que le hasard introduit dans l’Histoire" Fin de l'extrait.

retour au sommaire


Pour sauver la planète


L'un de vous me communique la préface du livre "Pour sauver la planète, sortez du capitalisme", Hervé Kempf, éditions du Seuil, janvier 2009. (Eh oui, pour une fois ce ne sont pas les éditions "La découverte".)

Extraits de la préface :
"... Cette génération doit relever le plus grand défi qu'ait eu à connaitre l'histoire humaine : empêcher que la crise écologique [...] s'aggrave et conduise l'humanité au chaos, [...] sauver la liberté, contre la tentation de l'autorité, inventer une économie en harmonie avec la planète, semer les plants de l'avenir pour que les générations prochaines fassent fleurir à leur façon les sociétés du troisième millénaire. Ce n'est pas la fin de l'histoire, c'est le début d'une nouvelle histoire. Tâche magnifique, impressionnante, incertaine. Votre vie ne sera pas simple, mais elle sera dense.[...]

Le capitalisme s'apprête à clore sa courte existence. [...] Nous pouvons sortir du capitalisme en maîtrisant les cahots inévitables qui se produiront. Ou plonger dans le désordre qu'une oligarchie crispée sur ses privilèges susciterait par son aveuglement et son égoïsme. Ce qui fera pencher la balance, c'est la force et la vitesse avec lesquelles nous saurons retrouver et imposer l'exigence de la solidarité." Fin des extraits de la préface.

retour au sommaire


6 Les liens entre nous


retour au sommaire

Fin de [alerte] N° 35