Lettre [alerte] N° 30 - 28 novembre 2008

Plan de la lettre 

1 Au fil des jours, des lectures et des navigations
Crise économique : quand cela ne marche pas, il faut continuer comme avant.
Surveillance électronique : aucun danger ?
Encore le droit de mourir "dans la dignité".
La fin de l'homme : droit pour l'espèce humaine de mourir dignement dans la productivité économique.
Mais d'où vient l'argent ? Et pour quoi ?
 2 Alerte
 3 Citations et réactions de vous tous
Vie et mort, une nouvelle anthropologie ?
Nous voudrions connaitre le jour et l'heure
.
C'est tout à la fin de la lettre, mais c'est extrêmement intéressant.
Les liens entre nous
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Lettre [alerte] N° 30 - JM Bérard -   28 novembre 2008
 
jean-michel.berard chez orange.fr 
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Vous faites partie d'une liste limitée de destinataires, constituée de façon purement arbitraire.
Vous pouvez  sans problème demander à être rayé de la liste.
Diffusion libre et bienvenue.  Réactions et contributions très bienvenues.
JM Bérard
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Plan de la lettre 
 
A chaque envoi de la lettre alerte, je relis, et suis plus ou moins satisfait du résultat, parfois un peu déçu de ce que j'écris. Tout cela pour dire que ce numéro-ci me semble assez intéressant. Bon, après, c'est à vous de voir...
 
1 Au fil des jours, des lectures et des navigations
Crise économique : quand cela ne marche pas, il faut continuer comme avant.
Surveillance électronique : aucun danger ?
Encore le droit de mourir "dans la dignité".
La fin de l'homme : droit pour l'espèce humaine de mourir dignement dans la productivité économique.
Mais d'où vient l'argent ? Et pour quoi ?
 
2 Alerte
 
3 Citations et réactions de vous tous
Vie et mort, une nouvelle anthropologie ? Nous voudrions connaitre le jour et l'heure. C'est tout à la fin de la lettre, mais c'est extrêmement intéressant.
Les liens entre nous
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Dans la lettre [alerte] N° 29, mon article  sur le colloque qui a eu lieu à Paris à propos des risques d'introduction du créationnisme dans l'enseignement a suscité de votre part de vives réactions.
 
D'une part, le sujet est très complexe. D'autre part le format de cette lettre m'a conduit à des propos lapidaires trop simplifiés.
Enfin, je mélangeais dans l'article plusieurs questions distinctes.
 
C'est un peu le revers de la médaille du format de cette lettre. Au début elle se voulait très courte, très incisive, maniant l'humour et la dérision. Puis les articles se sont un peu étendus, approfondis, grâce à vos réactions, vos suggestions  et  vos apports.
 
Mais, sur le créationnisme, on arrivait à une limite intenable.
 
Un point ne semble faire de doute pour personne :  des courants de pensées intégristes souhaitent limiter l'enseignement de la théorie de l'évolution et le remplacer par (ou y ajouter obligatoirement) la thèse du créationnisme, du dessein intelligent, version "douce" de Dieu. Ces tentatives, courantes aux USA, où elles sont parfois couronnées de succès, gagnent l'Europe.
 
Partant de là, il était un peu vain de faire tenir sur une ou deux pages un débat sur la théorie de l'évolution, des affirmations sur les positions de l'église catholique romaine et que sais-je encore.
 
Passer à un autre format, créer un blog ? Je vous l'ai déjà dit, l'un de mes amis a fait tout le travail de préparation pour le démarrage d'un blog, et, hélas, je n'ai pas eu pour l'instant l'énergie d'utiliser son travail. Je pense à toi, C.
 
Comme j'ai lancé plusieurs pistes de réflexion, de façon parfois contestable, je reviendrai sur le créationnisme dans la prochaine lettre. Merci à vous qui avez interrogé mes affirmations.
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1 Au fil des jours, des lectures et des navigations
 
Crise économique : quand cela ne marche pas,  il faut continuer comme avant
 
"La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi."  Auteur inconnu.
 
Reconnaissons le génie de cet auteur inconnu, pour avoir su anticiper à la fois les développements de l'informatique et ceux de la "science économique" ultralibérale.
 
- l'informatique vue par l'entreprise Microsoft : cela ne marche pas, on éteint, on rallume, et alors parfois ça marche. Sinon, on attend pour acheter la version suivante, qui ne marchera pas mieux mais n'aura pas les mêmes défauts. Cela permettra d'attendre la version d'après, qui ne marchera pas mieux, etc.   C'est une métaphore du système ultralibéral : quand ça ne marche pas, il faut continuer comme avant, et payer très cher.
 
- la "science économique" ultralibérale, qui sait tout, sait ( ! ! ) que l'économie ne peut fonctionner que si le marché et la libre concurrence jouent sans entrave et sans réglementation ! ! Mais bon, cela ne fonctionne pas du tout. Il y a des crises dramatiques que l'on ne sait pas prévoir, ensuite on ne sait pas trop quoi faire. Solution : tenter de ravauder un peu, puis recommencer tout  pareil. Grande crise de 29, new deal, puis crises diverses, puis grande crise de 2008, etc.
 
Lors de la récente réunion des 20 pays les plus influents économiquement, tout le monde s'est dit avec une unanimité touchante : "cela ne marche pas, il faut changer les choses en profondeur. C'est ce qu'on va faire. Pas tout de suite, tout de même, on va réfléchir, encore un moment de répit pour le profit." Ce n'est pas une citation littérale, mais je pense ne pas déformer le sens de ce qui a été dit.  Avec seulement une petite restriction imposée par les Etats Unis du président Bush : "il ne faut rien changer à la règle qui dit que le marché doit jouer librement et sans entraves." Un détail ! Si l'on ne change pas cela, qui conditionne tout, que va-t-on changer ? Vive la prochaine crise.
 
Surveillance électronique : aucun danger ?
 
Les service de sécurité américains ont demandé au futur président de renoncer à utiliser son téléphone Blackberry et son ordinateur portable. Pas suffisamment sûrs, trop de risques d'écoute et de surveillance du président par des tiers ou des forces hostiles.
 
Mais alors, si c'est dangereux pour le président, qu'en est-il pour nous ? On a beau dire "cela ne me concerne pas", qu'en est-il de la surveillance et de l'utilisation de nos courriers électroniques, requêtes sur Google, blogs, espaces sociaux et téléphones portables ? Le ministre Darcos a lancé un appel d'offre pour surveiller, tout à fait légalement,  les blogs des enseignants ; Google surveille l'épidémie de grippe, mais peut surveiller bien d'autres choses ; les sites sociaux permettent de savoir beaucoup, beaucoup de choses sur chacun de nous. Et tout cela en s'appuyant sur l'utilisation légale de renseignements que nous donnons nous-mêmes volontairement.
 
D'accord, nous ne sommes pas, en tout cas pour la plupart d'entre nous, président des USA. Nous n'avons rien à nous reprocher et rien qui puisse intéresser des collecteurs d'information ! Les juifs, les homosexuels, les communistes et les tziganes, en 1920 en Europe, n'avaient rien à se reprocher. Après, ils n'avaient rien à se reprocher non plus, mais Hitler s'en est chargé pour eux. Faute d'ordinateurs, qui auraient rendu les SS et la Gestapo plus "performants", il n'a pu aller jusqu'au bout de la solution finale. Mais tout ça, voyons, c'est du passé.
 
Encore le droit de mourir "dans la dignité"
 
A nouveau un sujet qui fait débat entre nous.
 
La loi sur les cendres funéraires, dont j'avais parlé dans une lettre précédente, vient enfin d'être votée par les députés. Les cendres devront être soit dispersées dans un jardin du souvenir situé dans un cimetière, soit être conservées dans une urne déposée dans un cimetière ou un site cinéraire, l'urne ne pouvant être conservée à domicile. La loi prévoit aussi que les cendres pourront être dispersées en pleine nature après déclaration. Je ne connaissais pas cette dernière disposition de la loi. Je croyais que les cendres devaient être dans un lieu destiné au deuil, pour permettre le deuil. Pourquoi la dispersion en pleine nature ?
 
Quant-à l'ADMD, (association pour le droit de mourir dans la "dignité", association pour le droit à la mort donnée, comme dit le philosophe J. Ricot) elle poursuit son offensive, avec laquelle je suis en total désaccord.
Les pouvoirs publics suivent actuellement l'avis sage du député Léonetti : le suicide relève d'une liberté individuelle qui ne peut être transformée en droit opposable imposé à la société. M. Léonetti s'est à plusieurs reprises opposé au suicide "assisté".
L'ADMD, elle, monte d'un cran. Sortant d'un soutien au suicide assisté de personnes qui ne vivent plus, selon elle,  dans la "dignité", elle étend sa demande  à tous : "nos concitoyens demandent toutes les possibilités pour finir leur vie". Un groupe d'hommes politiques, dont Laurent Fabius, prépare une loi légalisant "l'aide active à mourir". C'est une liberté nouvelle, selon l'ADMD.
C'est une chose que de considérer le suicide comme une liberté de la personne. C'en est une autre que de transformer ce suicide en "droit opposable" que la société serait obligée de nous aider à réaliser.
 
La fin de l'homme : droit pour l'espèce humaine de mourir dignement dans la productivité économique
 
Plusieurs journaux relatent cette semaine le résultat d'études conduites en Espagne : la fécondité du sperme humain diminue au fil des années.
Les raisons peuvent être multiples, et l'on n'a pas encore pu faire d'étude de grande ampleur sur les causes de ce phénomène. Certains scientifiques pensent à des produits chimiques de notre vie quotidienne (certaines matières plastiques, etc.) mais pour l'instant rien de sûr.
 
Un documentaire traitant le même sujet, mais dans les pays scandinaves, a été diffusé sur Arte : Mâles en péril,  documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade présenté mardi 25 novembre en prime time sur Arte.  Je ne suis pas très familier des techniques électroniques, et ne sais si on peut le voir à nouveau sur internet.

 Au moment, il y a trente ans, où commençait à se faire jour l'hypothèse selon laquelle le réchauffement de la planète était du à l'activité industrielle humaine, de nombreuses et vives critiques ont visé les scientifiques qui s'engageaient dans cette voie de recherche, les taxant d'écolo fanatiques. Et bien sûr on n'a pris aucune mesure de précaution, car cela aurait nui à l'activité humaine, créé du chômage, etc. Ce qui est rassurant c'est que, maintenant que le consensus scientifique est quasi total pour dire que l'activité de l'homme est réellement la cause du réchauffement, on ne prend guère davantage de mesures de grande ampleur... C'est le droit pour l'humanité de mourir dans une chaleur digne et productiviste.
 
Pour la baisse de fécondité de l'espèce humaine, on peut d'autant moins prendre des mesures préventives que, pour l'instant, on n'en connait pas les causes.
 
Dans l'une des lettres précédentes, je citais les affirmations intuitives de deux scientifiques, l'un pensant que l'espèce humaine peut disparaitre du fait d'un environnement de plus en plus hostile, l'autre disant que l'espèce humaine survivra. Si la fécondité baisse, le problème se résoudra de lui-même.
 
Mais d'où vient l'argent ? Et pour quoi ?
 
Je suis maintenant rassuré. J'avais un instant pensé que les dirigeants politiques mondiaux, se rendant compte de l'impasse du fonctionnement du système économique actuel, allaient réellement en changer les fondements. Heureusement, il n'en est rien.
 
Les mesures prises pour l'instant visent seulement à sauver le système pour qu'il puisse continuer : subventions au système financier, aux entreprises en difficulté, pas de garanties en contrepartie, pas de modification réelle des règles de fonctionnement. 
 
On projette ainsi, aux USA et en France, de sauver l'industrie automobile. Bon, d'accord, cette industrie emploie un nombre stupéfiant de personnes, et l'on ne peut laisser mourir de faim tous les travailleurs de ce secteur. Mais, là encore, ce qui est surprenant c'est que l'on subventionne pour que tout continue comme avant : aucune exigence d'investissement dans l'innovation pour construire des véhicules propres, ou qui n'aient plus besoin d'un pétrole en voie d'épuisement. Aucune réflexion non plus sur l'avenir des transports individuels et collectifs. Soutien à courte vue, tout comme pour  le soutien au système financier. On soutient, on ne réforme rien, vive la prochaine crise.
 
De même, on projette en France de supprimer le repos du dimanche, jour où tout le monde peut se retrouver. Cela détruira la vie sociale. Et cela favorisera les grandes surfaces au détriment du commerce de proximité. Aujourd'hui même, 28 novembre 2008, dans Le Monde, François Bellanger explique pourtant que le couple voiture-hypermarché va disparaitre.  Essai de résumé : "le prix du transport individuel fait que les zones commerciales périurbaines  fondés sur le principe "no parking, no business", (s'il n'y a pas de parking, il n'y a pas de commerce), vont diminuer ou disparaitre. Au Japon, déjà, les commerces s'installent là où passent les gens."
Donc : l'UMP se dispute pour supprimer le repos du dimanche, alors que cette réforme, à supposer même qu'elle soit sur le moment économiquement efficace, est déjà dépassée. En France, dans un sondage récent, la majorité des sondés disent qu'ils préfèreraient des magasins de proximité ouverts plus tard le soir. Cela se fait déjà dans l'épicerie, c'est "l'arabe du coin". Cela rapporte moins aux grands distributeurs. Et puis s'il faut faire appel aux immigrés...
 
Lueur d'évolution ? Le futur président Obama ne serait pas très enthousiaste pour subventionner une industrie automobile peu innovante, qui produit des grosses voitures polluantes que de moins en moins de gens achètent. Et il annonce un virage à 180° sur la politique de l'environnement.
 
L'un de vous, pourtant économiste de profession, se demande sincèrement d'où vient tout cet argent distribué pour maintenir le système : les caisses de l'état sont vides, on n'avait même pas les moyens de payer le revenu de solidarité active, et voici que surgissent du chapeau des sommes dont les montants sont tels qu'on ne peut même pas les imaginer. Si vous pouvez aider mon ami économiste dans la détresse, en lui expliquant d'où vient l'argent... Non non, il ne demande pas un euro ou un ticket restaurant pour rester propre, il veut juste savoir d'où vient l'argent semé à la volée, sans exigence de garanties en retour. Courage, R. , les lecteurs de [alerte] viennent à ton aide et vont t'expliquer.
 
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2 Alerte
 
Chaque ligne lue dans un  journal est un sujet d'alerte. Mais à trop crier au loup...
 
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3 Citations et réactions de vous tous
 
Nombreuses réactions sur le créationnisme, je les aborderai dans le prochain numéro.
 
Vie et mort. Une nouvelle anthropologie ? Nous voudrions connaitre le jour et l'heure...
 
L'un de vous me communique des photocopies d'allocutions faites lors d'une soirée organisée le 13 novembre 2007 par l'AJCF, amitiés judéo chrétienne de France, à l'institut catholique de Paris. Le thème de la soirée était "De la peur de la mort à celle d'une vie diminuée".
Là encore, comment rendre compte de textes aussi denses et bouleversants ? Je peux vous envoyer les photocopies si vous le demandez.
Intervenants :
Paul Thibaud, Face aux changements du rapport à la vie.
Hervé Juvin, L'autoproduction de l'humanité.
Père Patrick Verspieren, sj, Un idéal tyrannique.
Grand Rabbin Gilles Bernheim, Une nouvelle condition humaine.
 
Quelques phrases. Ne me reprochez pas le fait que trois phrases sur 22 pages ne veulent rien dire. C'est vrai, mais vous n'avez qu'à tout lire...
 
"La nouvelle anthropologie (en cours aujourd'hui) repose sur l'exigence d'une vie réussie, et non sur l'acceptation d'une vie reçue."
"Si l'existence est performance et capacité, elle ne vaut que de manière conditionnelle. Du coup s'insinue l'idée d'y mettre fin quand les moyens de la réussite font défaut."
"L'enjeu est d'en finir avec la peine de mourir, et d'abord avec la conscience de mourir. Un premier moyen semble être la mort subite, qui épargne à l'individu la conscience de mourir. La pire crainte de nos ancêtres est devenue notre premier espoir. Un progrès, vraiment ?"
"La perspective de la mort volontaire, comme choix et comme décision, viendrait effacer la peur de la mort comme détermination, comme destin, comme irrémédiable, puisqu'on choisit le jour et l'heure."
"Le débat oppose ceux qui gardent le sentiment que aucune qualité particulière, sinon d'avoir été conçu et d'être né homme, ne peut définir l'humanité de l'homme, et ceux qui pensent que l'humanité c'est qualité, qu'être homme signifie un certain nombre de performances ou de dispositions particulières, et d'abord la capacité au bonheur."
"Une telle façon de voir se répand, diffusée sciemment par des intellectuels, des associations, des médias, qui mettent en doute l'humanité de personnes devenues incapables d'agir par elles-mêmes, et notamment des personnes devenues incapables de communiquer".
 
Bon, des phrases sorties de leur texte déforment la pensée. Il faudrait tout citer. Cela bouleverse et ouvre des horizons.
 
 
Les liens entre nous
 
Les liens entre nous sont excellents bien sûr, mais ce numéro est assez long pour aujourd'hui.