[alerte] Jean-Michel Bérard

1 Au fil des jours, des lectures et des navigations

 

Créationnisme : et Dieu, là-dedans ? Danger

 

Dans le journal "Le Monde" du 18 novembre 2008, Catherine Vincent publie un inquiétant article intitulé "Le créationnisme étend son influence en Europe", avec pour sous-titre "Les professeurs rencontrent des difficultés croissantes à enseigner la théorie de l'évolution".

 

Compte tenu de vos personnalités respectives, vous connaissez sans doute  le débat évolutionnisme / créationnisme. Il faut tout de même que je me risque, espérant ne pas dire trop de bêtises, a résumer la question. J'espère que G. , B. , M.  et d'autres de la liste viendront à mon aide pour préciser.

 

L'état actuel des sciences de la vie repose sur la théorie de l'évolution de Darwin (1809-1882) et sur les thèses de  Mendel.

Tout en connaissant les limites de l'encyclopédie Wikipedia, je recopie ici une partie de leur article sur Darwin :

 

"Darwin a apporté l'hypothèse que toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un ancêtre commun ou d'un petit nombre d'ancêtres communs (Note JM B : bactéries, etc.), grâce au processus de sélection naturelle. Darwin a vu de son vivant la théorie de l'évolution  acceptée par la communauté scientifique et le grand public, alors que sa théorie sur la sélection naturelle a dû attendre les années 1930 pour être généralement considérée comme l'explication essentielle du processus d'évolution. Au XXI^e siècle, elle constitue la base de la théorie moderne de l'évolution. Sous une forme modifiée, la découverte scientifique de Darwin reste le fondement de la biologie, car elle explique de façon logique et unifiée la diversité de la vie" fin de citation

 

Les tenants d'une interprétation littérale de la Bible ("Dieu a crée le monde en sept jours") ne peuvent admettre une théorie de l'évolution qui, entre autres, ferait que l'homme, créé à l'image de Dieu, descend du "singe". Ce courant, qui ne veut pas admettre que le texte de la Bible a un caractère symbolique mais non scientifique, existe en 2008. Il est relativement peu influent. Il faut en effet une puissance d'imagination considérable pour expliquer que les fossiles et toutes les traces de l'évolution ne prouvent rien. Certains tentent pourtant de le faire. J'en ai entendu. C'est assez étonnant.

 

En revanche, le courant créationniste est de plus en plus puissant et influent. Pour ce courant, il est impossible que la complexité et la beauté de la nature résultent des seules lois de l'évolution et de la sélection. Il y faut la volonté de Dieu, ou, au moins, une intention intelligente, un "dessein intelligent" (en anglais ID), qui a "piloté' tout cela au fil des millions d'années.

 

Le problème grave est que cette thèse ne peut être combattue scientifiquement, car elle n'est pas scientifique, en ce sens qu'il est impossible de prouver le contraire, puisque cela est de l'ordre de la croyance.

 

Et l'on voit donc de plus en plus la religion s'immiscer dans la science. En 1616 Galilée avait été condamné par l'église pour avoir soutenu que la Terre n'était pas le centre du monde. Cette "erreur" de l'Eglise n'empêche pourtant pas certains croyants de vouloir intervenir dans le contenu de la science de nos jours. Il est certes du rôle des religions (et pas seulement des religions !) de réfléchir aux conséquences éthiques des développements des sciences (voir toutes les questions posées actuellement par les manipulations génétiques) mais on ne voit guère en quoi les églises auraient quelque compétence que ce soit sur les contenus de la science.

 

D'éminents intellectuels français, dont un scientifique très connu, font partie de l'académie pontificale des sciences, au Vatican. Je m'interroge : académie pontificale de réflexion sur les conséquences sociales, morales et éthiques de la science, oui, mais académie pontificale des sciences...

 

Quoiqu'il en soit, les partisans du dessein intelligent progressent dans le monde.

 

Aux USA, des religions intégristes diverses (certains protestants, certains évangélistes), dont celles qui conseillaient le président Bush, ont obtenu, je crois,  que, dans plusieurs zones géographiques (le système US est très morcelé), le créationnisme soit enseigné au même titre que l'évolutionnisme dans les cours de sciences. Une forte pression d'une partie de l'opinion publique, et d'une partie de la classe politique existe pour que le créationnisme soit enseigné. Certains souhaitent même interdire l'enseignement des théories de Darwin.

 

L'article du journal Le Monde montre que ce phénomène est en train de gagner l'Europe, non seulement en s'appuyant sur les catholiques intégristes; mais aussi sur des forces intégristes musulmanes.

Essai de synthèse de l'article : "un colloque a réuni à Paris les 13 et 14 novembre tout un ensemble d'intellectuels qui se préoccupent de la propagation des thèses du dessein intelligent.

Dès 2007 le conseil de l'Europe a publié un rapport sur "les dangers du créationnisme dans l'éducation".

Depuis 2007, en France, de nombreuses institutions d'enseignement (dont les inspecteurs d'académie de l'éducation nationale) reçoivent sans l'avoir demandé le livre "L'atlas de la création", qui présente les thèses du dessein intelligent.

Armand de Ricqlès, professeur au collège de France, craint une dérive des programmes français de sciences de la vie et de la terre vers le créationnisme : "les créationnistes me faisaient sourire il y a vingt ans, ce n'est plus le cas. Il y a un danger de déstabilisation de l'enseignement par des tentatives pseudo-scientifiques qui n'ont rien à y faire. "

Des professeurs signalent que, parfois, ils ne peuvent enseigner les théories de l'évolution, car cela heurte trop profondément les convictions religieuses de certains élèves musulmans. L'article du journal cite le fait, mais ne donne aucune précision sur l'étendue du phénomène, très minoritaire, en expansion ? Dommage, cela aurait éclairé le lecteur.

En Italie, en 2004, le ministre de l"éducation nationale avait interdit l'enseignement des théories de Darwin au collège ! Le décret a été annulé, mais avait été pris ! " Fin de l'essai de synthèse.

 

Tout cela n'est donc pas que méfiance abusive : le "dessein intelligent", forme moderne de Dieu, affute ses stratégies.

 

Il me semble que science et religion sont de deux ordres différents. La science n'a pas à prouver que Dieu existe ou n'existe pas, ce n'est pas son champ de travail. Mais réciproquement la religion, qui est de l'ordre de la croyance, n'a pas à énoncer des "vérités scientifiques" issues du dogme religieux.

 

 

 

 

* Message de l'un de vous. Source : Stéphane Marchand, Jupiter Image, 12 novembre 2008