1 Au fil des jours,
des lectures et des navigations
C'est la
rentrée, les affaires reprennent
Toute la semaine dernière, les
cours des bourses du monde entier ont baissé fortement. Ce lundi matin 8
septembre 2008, hausse à nouveau. Et pourquoi, mon bon monsieur ? Parce que deux
grands organismes financiers US utilisés pour stabiliser la crise financières
ont été mis sous tutelle par le gouvernement, ce qui veut dire en clair qu'ils
bénéficient de l'apport très massif de fonds publics. C'est le système libéral :
il y a liberté du marché et concurrence tant que le capital fait du profit, il y
a intervention de fonds d'état lorsque le capital perd. C'est une gestion du
risque avisée... sauf peut-être pour les contribuables. Ce n'est pas un problème
: d'une part ils n'y comprennent pas grand chose, d'autre part il suffit de ne
pas leur dire.
Selon l'AFP "le sauvetage de Fannie Mae et Freddie Mac s'annonce comme l'un
des renflouements par les pouvoirs publics de sociétés privées les plus coûteux
jamais menés dans l'histoire de la finance mondiale. Il conduira à doubler la
dette des USA".
Place de
l'internet dans le débat intellectuel
Le site
http://www.fabula.org/revue/document4195.php publie
un article de Florian Louis intitulé "
L'affaire Aristote : retour sur un
emballement historiographico médiatique". F. Louis y relate la controverse
intellectuelle et la polémique médiatique suscitées par la parution du livre de
Sylvain Gouguenheim
Aristote au Mont-Saint-Michel. Les racines grecques de
l’Europe chrétienne, Paris, Seuil, coll. "L’Univers Historique", 2008.
(
Merci à celle de vous qui m'a signalé ce site). La controverse porte sur le rôle attribué à
l'Islam au Haut Moyen âge par Gouguenheim. Cf. l'article de F. Louis, lumineux
et passionnant pour l'ignorant du sujet que je suis.
A l'intérieur de l'important débat
sur le fond, ce qui me passionne dans cet article est le rôle qu'ont joué la
presse et l'internet pour créer, nourrir, entretenir la controverse, en des
termes parfois éloignés du débat intellectuel. Cela n'a semble-t-il qu'un
rapport lointain avec l'affaire Siné Val, et pourtant. Rapidité, effet
d'emballement, campagnes menées par des sites manipulatoires ou hostiles,
absence de droit à l'oubli sur internet, comment préserver dans tout cela la
rigueur du débat ? Le débat a lieu sur la place publique, la majorité vote et
dit la vérité sur Wikipédia. Tracer une limite entre la liberté d'expression et
le pilori, c'est déjà attenter à la liberté, et pourtant... Comment ne pas
confondre débat argumenté et foire d'empoigne polémique ?
Extrait du texte de F. Louis, sur
le fond du débat : "Pour parachever sa démonstration et ôter
au monde musulman tout rôle dans la transmission à l’Occident de l’héritage
culturel hellénique, S. Gouguenheim en vient finalement à disqualifier
l’intermédiaire musulman en lui déniant la capacité même d’avoir joué ce rôle. A
l’en croire en effet, et c’est bien là le cœur de ce qui a fait polémique, la
religion musulmane serait, au contraire du christianisme, ontologiquement
incompatible avec les valeurs de la culture grecque. [...] C’est précisément ce
qui va vite nourrir les soupçons : était-il besoin pour établir les filiations
culturelles endogènes à l’Europe d’en passer par une essentialisation
outrancière du monde islamique ? Ce procédé et les longs développements du
cinquième chapitre visant à légitimer le recours aux concepts de « racines » et
d’ « identité » culturelles ne viseraient-ils pas plutôt des objectifs
politiques très contemporains et bien moins avouables ?"
Encore un extrait de l'article de
F. Louis, sur l'internet dans la recherche scientifique :
"La polémique
illustre surtout la place croissante prise par l’internet dans la recherche
historique et plus encore dans l’usage public de ses conclusions : que l’auteur
l’ait ou non souhaité, le fait est que ses pages se sont trouvées publiées sur
un site extrémiste, et que la blogosphère réactionnaire s’est empressée de voler
à son secours dès lors que s’est déversé sur lui le flot critique de ses
collègues médiévistes. Plus encore, il est à noter
qu’une bonne partie de l’accusation –notamment la pétition des membres de l’ENS
LSH- à son encontre repose sur plusieurs commentaires politiquement engagés
postés sous son nom sur divers sites internet au cours des cinq dernières
années, ce qui ne va pas sans poser la question de la frontière entre
l’expression publique et l’expression privée du chercheur : peut-on conférer un
même statut à un commentaire posté sur un blog ou un site de vente de livre qu’à
un ouvrage publié par une grande maison d’édition parisienne ? Evidemment non.
Doit-on pour autant en faire abstraction ? C’est de fait tout aussi évidemment
impossible. On mesure par là en quoi l’affaire soulève des questions bien plus
larges quant à la place de l’internet dans la pratique des chercheurs et dans
l’utilisation plus ou moins judicieuse faite de leurs travaux par des groupes de
pression et d’opinion particulièrement actifs sur la toile. Alors même que se
multiplient les espaces virtuels de construction et de discussion du savoir
scientifique (sites de critique, listes de diffusion, forums, wiki) offrant de
nouvelles opportunités aux chercheurs dans l’élaboration de leurs
travaux, apparaissent les risques que ces pratiques
nouvelles engendrent, à commencer par celui de la précipitation, aggravé par la non maîtrise des données une fois celles-ci
divulguées : alors que l’internet est surtout utilisé par les chercheurs comme
un lieu d’échange et de construction de savoir, donc comme une étape par nature
provisoire, le fait est que des traces en demeurent qui peuvent tel un boomerang
revenir parasiter le résultat final au gré des usages qui en sont faits par des
personnes plus ou moins bien intentionnées." Fin de
citation.
Internet, militantisme,
liberté, pauvreté d'esprit ?
Dans le prolongement des
réflexions ci-dessus, deux articles attirent mon attention sur le rôle de
l'internet dans le débat intellectuel, et sa place dans le système
militant.
Sur son site officiel
http://www.manularcenet.com/blog/?p=856 Manu Larcenet publie un
article intitulé "Web 2.0". L'auteur est très
sensible au respect de ses droits. Je ne publie donc que de courts extraits,
vous renvoyant pour la lecture complète au site lui-même.
" Jusqu’à hier
matin, je ne savais pas que la déferlante de ce que j’appelle poliment
« l’étalage obscène et sentencieux des opinions amateurs » portait un
nom… Vous savez, cette mode qui consiste à faire intervenir l’internaute à tout
bout de champs et pour n’importe quoi… Eh bien ça s’appelle « le Web 2.0 ». Ca a
un nom. Me voilà rassuré.
Je le dis tout
net, le Web 2.0 est une escroquerie. Franchement, qui a lancé cette mode
burlesque qui dit que chacun se doit d’avoir un avis sur tout et qu’en sus, il
est nécessaire de l’exprimer publiquement sous couvert de citoyenneté et
d’anonymat ?
En quelques années qui resteront une
tache sombres dans l’histoire pourtant déjà chargée de l’humanité, l’étalage de
sa propre pauvreté d’esprit est devenu le comble de la modernité…
Quelle drôle
idée de quémander l’avis du quidam sur les ramifications ethno-philosophiques
des conflits orientaux modernes ou sur la physique ondulatoire appliquée à la
matière fissile ? Soyons sérieux deux secondes. Si l’on persuade le passant que
son opinion sur des sujets qu’il ne maîtrise pas est nécessaire au bon
fonctionnement de la démocratie et à son intérêt supérieur, c’est que c’est la
fin…
« Monde de
merde », comme disait le Prophète*.
« L’ère du tout puissant commentaire » est à nos portes,
camarades ! Les incompétents se ruent à l’assaut des places fortes de la
culture, de l’information, des sciences, de la politique, de la philosophie, de
l’Art, même ! Et ils vont gagner, bien sûr, parce qu’ils sont les plus
nombreux!
Camarades, on
veut nous faire gober que la fin des « spécialistes » entrainera l’avènement des
petites gens, que nos avis compteront enfin et que c’en sera fini des élites!
Mensonges! Illusions que tout ça, bordel ! Hubert Reeves sera toujours plus
pertinent en matière d’astrophysique que moi.
Si
si.Tiens, puisqu’on en parle, il arrivera le moment
où le même Hubert Reeves sera renvoyé dans les cordes par Monsieur Zobi123 d’un
cinglant « LOL! C pa paske G pas de 10plomes que je doigt me taire!
C sa, la liberT d’espretion, sale sarkoziste ». Et la foule applaudira
son hérault parce qu’il aura réduit le savant à rien, c’est à dire à la portée
de chacun."
Pour ma part, j'approuve
entièrement, en particulier le passage sur les spécialistes. Sauf que l'on tombe
toujours sur le même paradoxe logique : qui décide que ce qu'écrivent Manu
Larcenet ou JM Bérard n'est pas
pauvre d'esprit ? Faut-il créer une police de la pensée pour limiter
l'expression des cons et des pauvres d'esprit ? Qui en fera partie
?
Dans un autre registre, l'un de
vous me transmet un article de Thierry Leclère : "Contre
edvige, c'est le web qui a lancé la mobilisation". Autrement dit : il n'y a pas que des conneries sur le web
2.0.
Cette lettre [alerte] est déjà
assez longue. A vous de cliquer pour lire.
Après tout cela, on peut toujours
sortir par une pirouette du genre "Comme la langue d'Esope, l'internet est la
meilleure et la pire des choses". Mais il vaut mieux ne pas. On constaterait à
cette occasion que sur ce point la réputation d'Esope est abusive : se forger
une réputation au fil des siècles sur une remarque fondée sur un jeu de
mots, qui n'apporte aucune analyse...
2 Alerte
Edvige
"On donne à tout cela des noms gentils, mais attention,
edvige n'est pas une copine de vacances". Le président de la Ligue des
Droits de l'Homme.
La pétition "Non à
edvige" lancée par plusieurs associations a recueilli, le 3 septembre 2008,
98299 signatures, dont 705 signatures d'organisations, partis et
syndicats.
Peut-être la période
estivale a-t-elle fait que vous réfléchissez à l'opportunité de signer ?
La nouveauté
de cette rentrée est que la mobilisation, très large mais jusque là limitée aux
groupes militants, gagne maintenant la classe politique. De plus, la presse (du
moins celle que je lis) est de plus en plus attentive à ces questions de fichage
généralisé. Cette semaine, edvige a fait la une du Monde et la une de
Libération.
Extraits de
l'éditorial du journal "Le Monde", 3 septembre 2008,
" Le décret créant edvige a été
publié le 27 juin 2008. C'est un fichier de police destiné à collecter des
informations sur toute personne physique ou morale ayant sollicité,
exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un
rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, mais aussi
sur toute personne à partir de l'âge de 13 ans susceptible de porter atteinte à
l'ordre public."
J'ai beau être
au courant, à chaque fois que je tape ou que je lis cela, je suis effaré... JM
B
Suite des
extraits de l'éditorial : "Tous les partis de gauche mais aussi le modem
de F. Bayrou dénoncent désormais cette politique gouvernementale de fichage
généralisé qui pourrait rapidement concerner plusieurs millions de français.
[...] La défense de l'ordre public ne saurait justifier pareille menace sur les
libertés individuelles. [...] La mobilisation contre edvige est d'autant plus
justifiée que ce nouveau système d'information sur les Français [Les français ? Pas seulement. JM B] n'est que le
dernier en date. Depuis quelques années les fichiers de police se sont
multipliés, sans parler de la vidéo surveillance. Passer ainsi d'une société
dans laquelle chacun est présumé innocent à une autre dans laquelle c'est la
culpabilité de tous quie st présumée constitue une dérive dangereuse pour l'état
de droit. " Fin des extraits de
l'éditorial
Les réactions des
personnes avec lesquels j'aborde ce sujet sont souvent étonnantes : "que me
fait d'être fiché, je n'ai rien à me reprocher". C'est ainsi que dans une
indifférence jusque là assez générale de l'opinion publique se développe un
fichage généralisé, et en particulier un fichage d'Etat, par la multiplication
des fichiers de police et de gendarmerie. Edvige est la cascade qui fait
déborder le vase, mais des projets encore plus graves (Cristina) sont en
préparation dans le plus complet black out.
Etonnant aussi la
réaction des hommes politiques blasés, qui pourtant seront largement fichés par
edvige : ce n'est pas grave, les RG et la DST faisaient déjà cela. C'est
doublement inconscient. D'une part ce n'est pas parce que les RG et la DST le
faisaient, artisanalement, sans que nous le sachions, que nous devons l'accepter
maintenant que nous le savons. De plus il y aura dans edvige beaucoup plus de
renseignements que dans les fichiers précédents puisque les orientations
sexuelles pourront dans certains cas être fichés, de même que des renseignements
concernant la santé. De plus, toute personne à partir de treize ans "susceptible
de porter atteinte à l'ordre public" pourra être fichée, ce qui permet, avec une
définition aussi vague, de ficher à peu près n'importe qui. Contrairement au
vœu de la CNIL, les données pourront être conservées pendant un temps très long,
contrevenant ainsi au "droit à l'oubli".
Rappelons que la
commission nationale de l'informatique et des libertés (dont le président est
pourtant sénateurs UMP) a émis de vives réserves sur edvige. Le gouvernement
n'est pas tenu de suivre son avis.
Edvige encore : réflexion de fond
Le blog claris est rédigé
en particulier par des juristes et présente des analyses sur tout un ensemble de
sujets de société.
Le 16 juillet 2008,
Claris pointe vers le site de la fondation Copernic, avec un important article
de Evelyne Sire-Marin, magistrat, à propos de
edvige.
Je ne sais si j'en ai
tout à fait le droit, mais je reproduis ici l'intégralité de
l'article.
"Un blessé grave sur le trottoir, victime en outre d’insultes
antisémites. Rachida Dati avait immédiatement annoncé qu’elle allait créer un
fichier des "bandes". Et elle en profite pour l’étendre aux bandes... de
militants politiques ou syndicaux.
Comme d’habitude, on se saisit d’un fait divers malheureusement
banal pour donner à la police des pouvoirs disproportionnés : des dizaines
d’affaires identiques sont jugées à Paris chaque année, des jeunes de 14 à 20
ans s’affrontant à coup de démonte- pneus et de gazeuses, au motif qu’ils
n’habitent pas la même cité, alors qu’ils vivent le même désarroi social et les
mêmes discriminations raciales. Le phénomène n’est pas nouveau, il existait déjà
dans les années 1960, avec les "blousons noirs". Mais depuis 2002, l’UMP s’est
employée à répondre en termes exclusivement sécuritaires à ces violences qui
expriment avant tout une déliaison collective, une décomposition du tissu social
liée au chômage de masse des jeunes des cités.
Chaque fait divers a été l’occasion pour Nicolas Sarkozy de faire
voter un nouveau texte répressif, dont l’objectif est toujours le même.
Stigmatiser comme délinquante une partie de la population considérée comme
inintégrable, inemployable, et dangereuse : les jeunes des banlieues, les SDF,
les prostituées, les malades mentaux, les étrangers sans papiers..., et
maintenant les citoyens engagés, les ficher, et les punir.
Comme d’habitude, on claironne une nouvelle mesure répressive,
alors que la police et la justice sont déjà parfaitement armées, et même bien
trop, sur le plan du fichage. Ainsi 16 lois sécuritaires ont été votées depuis
2002 (3), afin de donner toujours plus de pouvoirs à la police pour contrôler
les identités, placer en garde à vue (4), effectuer des perquisitions, poser des
écoutes téléphoniques et des caméras de vidéo-surveillance.
De très nombreux fichiers policiers ont été créés, dont le STIC
(5), qui contient 7,5 millions de fiches de "mis en cause", conservées pendant
20 ans, et le FNAEG (6), qui n’est absolument pas un fichier spécialisé pour les
délinquants sexuels, puisqu’y figurent pendant 25 ans les personnes interpellées
pour vols, recel, dégradations et violences volontaires, outrages et rébellion..
C’est ce fichier FNAEG qui vaut à des nombreux militants le recueil de leurs
empreintes ADN, sous peine d’être condamnés à un an d’emprisonnement.
Le point commun de tous ces fichiers de police est de contenir des
fiches de mineurs et de personnes simplement soupçonnées par la police, dont
beaucoup n’ont jamais été condamnées. Ainsi, s’agissant des bandes, il existait
déjà, avant l’annonce de la création d’un fichier spécial, la possibilité de
retrouver les mineurs ou les majeurs membres de groupes violents avec le STIC,
le FNAEG... et le fichier "CANONGE", fichier policier légalisé par la loi 12
décembre 2005. Il permet à tout service de police judiciaire de classer par
caractéristiques les personnes interpellées dans les années précédentes ; sur un
simple clic d’ordinateur, la police peut retrouver une personne déjà connue,
correspondant à un critère précis. Par exemple, si une victime a remarqué que
son agresseur portait des lunettes, ou la barbe, ou avait une tache sur le
visage, ou telle couleur de peau, la police fait défiler sur l’écran des
dizaines de photographies comportant ce signe particulier, avec une légende
concernant les antécédents de la personne, Evidemment , le critère
d’appartenance à une "bande"peut être lui aussi être entré dans le fichier
Canonge, comme tous les autres critères, et sélectionné en cas de bagarres pour
rechercher les auteurs. Si tant est, d’ailleurs, que ce critère ait un sens,
alors qu’un adolescent peut très bien fréquenter des copains de son quartier
sans pour autant être dans une bande organisée !
C’est ce que n’avaient pas vraiment compris les "Renseignements
Généraux"(7) , qui avaient tiré de fumeuses explications "ethniques"des émeutes
des banlieues en 2005, dans un rapport qui leur valu une plainte de SOS
racisme.
C’est ainsi des principes tels que la présomption d’innocence, le
droit à la protection de ses données personnelles, le droit à la sûreté (8) sont
déjà fortement mis à mal par l’existence d’ innombrables fichiers de police (9),
au nom de la "sécurité".
Pourquoi donc créer ce nouveau fichier EDVIGE, si ce n’est pour
permettre à la Garde des Sceaux, Rachida Dati, de réoccuper l’espace médiatique
qu’elle a perdu, en faisant d’une pierre deux coups : le fichage des mineurs des
cités et celui des militants ? L’utilisation politique de la sécurité et de
l’idéologie victimaire est un ressort constant de ce gouvernement, dès qu’il
s’agit de masquer le tragique échec des promesses présidentielles en matière de
chômage et de pouvoir d’achat.
Le populisme pénal permet depuis 6 ans à l’UMP de remplacer
l’antagonisme dominants/dominés, par le clivage coupables/ victimes. Même les
grèves donnent lieu à cette analyse, les usagers étant les otages-victimes et
les grévistes étant les coupables. Chacun est ainsi renvoyé à sa faute et à sa
responsabilité individuelle, qu’il s‘agisse de problèmes de délinquance, de
santé publique, d’éducation, d’immigration ou d’emploi.
Le véritable objet des lois sécuritaires est bien là : Il ne
s’agit pas de lutter réellement contre la délinquance. Les chiffres calamiteux
de la hausse des violences contre les personnes attestent d’ailleurs de
l’inefficacité totale de la politique de tolérance zéro du gouvernement
(10).
Le bénéfice idéologique recherché de cette idéologie sécuritaire
est bien de masquer les réelles inégalités économiques et sociales de ce pays,
la police étant utilisée comme le bras armé de la substitution de l’état pénal à
l’état social.
Notes :
(1) "Exploitation documentaire et valorisation de l’information
générale" .
(2) CNIL : Commission nationale de l’informatique et des
libertés
(3) Voici la liste des 16 lois sécuritaires votées depuis 2002,
auxquelles il faut ajouter deux autres textes pénaux de caractère technique sur
les juges de proximité et l’équilibre de la procédure pénale : Loi programmation
de la justice du 3 août 2002/ Loi Perben 1 du 9 septembre 2002/ loi Sarkozy du
18 mars 2003 sur la "sécurité intérieure"/ Loi sur l’immigration du 26 novembre
2003/ Loi sur l’asile 10 décembre 2003/ loi Perben 2, "criminalité organisée" du
9 mars 2004/ Loi 26 janvier 2005 sur les juges proximité/ Loi 18 novembre 2005
sur la déclaration de l’état d’urgence/ Loi 12 décembre 2005 sur la récidive/
Loi 23 janvier 2006 contre le terrorisme / Loi 31 mars 2006 ," égalité des
chances"/ Loi immigration 26 juillet 2006 " immigration choisie"/ Loi prévention
délinquance 15 mars 2007 / Loi récidive 10 août 2007/ Loi Hortefeux 20 novembre
07 sur les étrangers (tests ADN )/ Loi rétention de sûreté du 25 février
2008.
(4) Le nombre de gardes à vue a doublé depuis 2000 : 562 000
personnes ont été gardées à vue en 2007. Ce sont surtout les étrangers en
situation irrégulière qui sont concernés par cette augmentation exponentielle
des gardes à vue (ils représentent le quart des gardes à vue) et les usagers de
stupéfiants , cannabis et crack surtout(43 000 en 2007 !)
(5) STIC : système de traitement des infractions constatées ; il
est consulté 30 000 fois par jour (Le Monde 2007)
(6) FNAEG : fichier National automatisé des empreintes génétiques,
créé par la loi Vaillant du 15 nov. 2001, dite "sécurité quotidienne", et étendu
par la loi sécurité intérieure du 18 mars 2003. Il contient déjà 500 000
ADN.
(7) Les renseignements généraux ont fusionné avec la DST, au sein
de la nouvelle DCRI (Direction Centrale du renseignement Intérieur), depuis le
1er juillet 2008 . On peut d’ailleurs se demander si le fichier Edvige n’est pas
créé afin de donner un puissant outil de surveillance à ce nouveau service
concentrant deux polices politiques jusqu’ici concurrentes.
(8) La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 n’a jamais
proclamé le droit à la sécurité, mais le droit à la sûreté, c’est à dire le
droit de ne pas subir l’arbitraire de l’état, ce qui est bien différent.
(9) 33 Fichiers de police et de gendarmerie ont été recensés en
2006 par Alain BAUER, président de Observatoire national de la
délinquance(http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/064000885/index.shtml.
(10) Les violences contre les personnes ont augmentées de 14,1%
depuis 2005 (sur la Seine St Denis la délinquance a augmenté de 7,6 % depuis
janvier 2006), chiffres de l’observatoire national de la délinquance." Fin de l'article de E.
Sire-Marin
Malheureusement je ne
crois pas que les raisons de la mise en place de edvige se limitent au
positionnement de Mme Dati dans la
majorité.
3 Citations et réactions de vous tous
J'ai manqué de rigueur en changeant d'ordinateur et ai perdu la
plupart des messages reçus en juillet et août. Si vous avez envoyé un texte dont
vous souhaitiez qu'il arrive (!), merci de me le
renvoyer.
En
général
Réaction de l'une de vous : "C’est encore le mot qui
caractérise le mieux la situation actuelle, le cynisme est total, je le
crains."
Les
riches
Réflexion de l'un de vous
"Comme le remarque
Jacques Julliard tous les hebdos ont fait un sujet cet été sur les hyper riches,
les "chambres" d'hôtel à 11000 euros la nuit à Paris, etc.
Sans revenir à
l'époque où il était bien porté de signer par des pseudos tels que "haine de
classe" les contributions de lecteurs à tel journal maoïste, il ne me déplairait
pas que l'on propose plus systématiquement à l'indignation des pauvres l'égoïsme
insolent de ces riches. Décidément, le livre de Kempf "Comment les riches
détruisent la planète" me paraît plus que jamais à l'ordre du jour.
Extraits, élaborés par l'auteur de cette contribution, des thèses
de Kempf :
- L'oligarchie prédatrice est l'agent principal de la crise, par
ses décisions (faire accepter l'injustice par le mirage d'une croissance
destructrice) et par son influence (attraction culturelle de son mode de vie
fondé sur le gaspillage). L'idée importante est que "les riches détruisent la
planète" encore plus par le modèle qu'ils imposent à la société que par leur
surconsommation.
- Plus une société est inégalitaire, moins les
services collectifs sont assurés. Les pauvres sont beaucoup plus touchés par la
crise écologique. Pour réduire la pauvreté, il faut abaisser les riches.
[Remarque de l'auteur de cette contribution : "augmentez nos salaires" mot
d'ordre principal des luttes sociales, ne devrait-il pas être complété par des
mots d'ordres et des thèmes d'action "d'abaissement des riches" ? Pourquoi
jamais de manifs contre tel ou tel parachute doré ou rétribution scandaleuse
?"]
Chaque classe est
alors mue par l'envie et la rivalité avec celle immédiatement supérieure. C'est
ainsi que d'imitation en imitation, le mode de vie de la
"classe de loisir" s'impose comme modèle à toute la société. En pratique
une nomenklatura capitaliste, tenant solidement les leviers du pouvoir, adopte,
et diffuse vers le bas, les canons du mode de consommation des hyper-riches ...
tout en verrouillant tout accès de la classe moyenne à leur caste.
Le
phénomène d'imitation explique que plus le pays est
inégalitaire, plus le temps de travail est élevé (il faut accroître son
revenu pour rivaliser!). Exemple, selon Kempf : le temps de travail US, très
supérieur à celui des pays scandinaves. [peut-être pas évident, si on y regarde
de près.]
Taxer l'oligarchie aurait donc un double effet positif :
améliorer les conditions de vie en limitant cette course, et fournir des fonds à
des projets sociaux." Fin du résumé des thèses de Kempf, fin de la
contribution de l'un de vous.
Comment les
riches détruisent la planète, Hervé Kempf, Seuil l'Histoire
immédiate.
Les liens entre
nous