Lettre [alerte] - 13 mai 2008
Par Jean-Michel Bérard le mardi 13 mai 2008, 09:10 - Lien permanent
Sécurité : des citoyens de plus en plus fichés
Synthèse et extraits d'un article du journal "Le Monde" du 6 mai 2008, signé Isabelle Mandraud.
L'article recense les principaux fichiers de sécurité existant en France : Judex et Stic (fichier de la gendarmerie et fichier de la police, prochainement fusionnés), 7 millions de personnes fichées. Fichiers des RG et de la DST, prochainement fusionnés, 2 600 000 personnes fichées. Fichier des empreintes génétiques (étendu à tous les types de délit depuis la loi de 2003, alors qu'il était initialement annoncé comme visant les délits sexuels), 177 000 empreintes de condamnés, 420 000 empreintes de mis en cause non condamnés, etc.
L'article montre les succès que ces fichiers ont permis d'obtenir pour retrouver des coupables ou innocenter des innocents.
L'article pointe aussi de nombreux problèmes ; ainsi le fichier STIC tenu par la police rassemble à la fois les personnes soupçonnées, les victimes et les témoins. Faute de moyens les personnes mises en cause et acquittées ne sont pas toujours rayées du fichier et peuvent se voir refuser certains emplois. Les informations sont conservées pendant des durées très longues, pouvant atteindre 40 ans.
Dans un encadré figure un entretien avec Alex Türk, président de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés.et sénateur UMP (eh
oui) du Nord
Extraits des propos de Alex
Türk
Le développement des fichiers de la police est un phénomène mondial. Ce développement n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Mais quand cela sera le cas, que se passera-t-il ? Que savons nous de l'impact que ces fichiers auront sur notre société ? [...] S'ils arrivent à maturité et sont connectés nous serons tous fichés en tant que citoyens. Si l'on ajoute à cela la biométrie, la vidéo surveillance, la géolocalisation, les moteurs de recherche sur internet, les développement des nanotechnologies, on peut se poser la question de la nature, demain, de notre société. Cela peut en changer férocement le sens. [...] Chaque fichier pris séparément est légitime, mais le jour où ils seront connectés entre eux, on se posera la question. Si l'on plonge une grenouille dans l'eau bouillante, elle tente d'en sortir le plus rapidement possible, mais si on la plonge dans l'eau froide et que l'on chauffe, elle n'a aucune réaction. Je me demande parfois si nous ne sommes pas dans cette situation. Fin de la synthèse et des extraits.
L'expérience de la grenouille est, j'espère, une expérience de pensée. Il est inhumain de faire cuire toute une grenouille alors qu'on ne mange que les cuisses.
Quant au reste, cela ne préoccupe personne : je n'ai rien à me reprocher, et suis bien heureux que mes voisins soient fichés pour me protéger. Eh là, peut-être vos voisins, ou l'administration, ou votre compagnie d'assurance, ou votre employeur actuel ou futur pensent exactement la même chose à votre propre sujet et sont ravis que vous soyez fiché...
France, pays des droits de l'Homme ? ? ?
La ligue des droits de l'homme (organisation que j'estime beaucoup) publie aux éditions La découverte un rapport intitulé "Une démocratie asphyxiée", pour faire le bilan de un an de présidence Sarkozy.
Remarque pour l'une des lectrices de cette lettre : que ferions-nous sans les éditions La découverte, souvent citées dans cette lettre ?
Dans un article de Libération le 6 mai, les auteurs font la synthèse de leur travail. Quelques extraits trop courts et donc très sommaires :
Rupture avec les valeurs républicaines : pratiques du type de celles de l'ancien régime, "Ainsi veut le Roi, ainsi veut la loi"
Les droits économiques et sociaux : prendre aux pauvres pour donner aux riches. Mise en place de la rupture "à l'amiable" du contrat de travail, sans garanties en contrepartie.
Le droit à l'éducation et la sûreté pour nos enfants : fichons cette graine de délinquants. Les maires sont désormais habilités à se constituer une base de données à partir des informations qu'ils auront collectées auprès des directeurs d'écoles, des CAF et des inspecteurs d'académie.
Les droits pour les migrants ? Traque et peur pour les sans-droits.
La sûreté pour tous ? La prison pour toute réponse. Les principes fondamentaux de la responsabilité pénale et des garanties judiciaires s'estompent.
La France des droits de l'homme dans le monde ? Atlantisme et ethnocentrisme. Le retour dans le giron atlantiste s'accompagne d'un discours sur le monde musulman, qui est désigné comme l'ennemi des valeurs du monde occidental, et d'un discours sur l'Afrique qui reproduit les clichés coloniaux les plus éculés.
Fin des extraits de l'article de Libération, trop sommaires et simplistes par rapport à l'original.
Sur l'ethnocentrisme, rappelez-vous : en allant la semaine dernière en Tunisie, le président a dit que la main d'œuvre était au Sud et l'intelligence au Nord. Le président Ben Ali n'a même pas protesté. De toutes façons Sarkozy avait félicité Ben Ali pour les progrès des droits de l'homme dans son pays, ce qui permettait ensuite à Ben Ali de supporter sans broncher des propos racistes.
A Dakar, le président avait déjà dit que l'Homme africain est historiquement incapable de se projeter dans le futur pour construire son avenir. On ne sait pourquoi, ces propos n'avaient guère été appréciés par ceux que le président pensait séduire.
Dans un courrier adressé au Premier ministre le 7 mai 2008 et relayé par la presse, le président de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) demande que son association soit entendue par la mission chargée d’évaluer la mise en œuvre concrète de la loi de 2005. Il affirme que son association n’a pas été auditionnée par la mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie. Il écrit : « Je crains fort, Monsieur le Premier ministre, que les membres de cette mission se contentent, comme déjà en 2005, de n'auditionner que les seuls partisans du maintien de la loi actuelle. » Cette affirmation est inexacte.
Le compte rendu des auditions de la mission parlementaire d’information sur l’accompagnement de la fin de vie, qui ont eu lieu en 2003 et 2004 (et non en 2005) a été publié intégralement par la Documentation française en juillet 2004 dans le rapport n° 1708, sous le titre Respecter la vie. Accepter la mort.
On peut y lire, lors de la séance du 21 janvier 2004, la déposition de « M. Henri Caillavet, Président d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) ». On retrouve le même personnage, avec le même libellé, dans la table ronde ouverte à la presse, le 11 février 2004.
De plus, un membre du comité de parrainage de l’ADMD, André Comte-Sponville, a été auditionné lors de la séance du 17 décembre 2003. L’ADMD a donc été auditionnée plusieurs fois par les députés.
Il faut ajouter que le Docteur Cohen, a été auditionné par la mission sénatoriale le 2 février 2005 en sa qualité de président en exercice de l’ADMD