Lettre [alerte] - 8 avril 2008

Plan de la lettre :
1 Alerte
Privatisation des profits, socialisation des pertes 
Vie, fin de vie et mort
2 Au fil des jours, des lectures et des navigations
Savoir-vivre à l'heure de l'ordinateur
Torchons et serviettes
Statistiques
Insécurité chez les préfets
3 Citations et réactions
Lectures en partage
Philippe Gelück : "le plus court chemin d'un point à un autre, c'est de ne pas y aller". (Proverbe masochiste ? C'est plus court, mais du coup on n'y va pas...)
Pierre Desproges : la ligne droite n'est le plus court chemin d'un point à un autre que si les deux points sont parfaitement en face l'un de l'autre.
 
Vous faites partie d'une liste de 15 amis, constituée de façon purement arbitraire,  dont je pense que peut-être mes préoccupations sur l'avenir de la démocratie et l'état de la société  (que ça ! ...) peuvent les intéresser.
Les messages sont repérés par [alerte] dans l'objet, ce qui vous permet de ne pas les lire. Vous pouvez aussi sans problème demander à être rayé de la liste.
Réactions ou contributions bienvenues. Diffusion libre et bienvenue. JM Bérard
 
Plan de la lettre :
1 Alerte
Privatisation des profits, socialisation des pertes 
Vie, fin de vie et mort
2 Au fil des jours, des lectures et des navigations
Savoir-vivre à l'heure de l'ordinateur
Torchons et serviettes
Statistiques
Insécurité chez les préfets
3 Citations et réactions
Lectures en partage
 
 
 
Alerte : privatisation des profits, socialisation des pertes
 
J'avais prudemment proposé, dans ma dernière lettre, une pétition à votre signature. Il s'agissait pour moi (qui ne suis pas économiste) d'ouvrir le débat sur la nature des capitaux spéculatifs.
Vos réactions sont diverses. Deux exemples, qui m'ont été envoyés tout à fait indépendamment l'un de l'autre :
 
"Je n'y connais pas grand-chose, mais je me sens souvent assez loin du Monde Diplomatique et de D. Mermet que j'ai entendu à plusieurs reprises à France-Inter. Je ne crois pas que l'on puisse rejeter comme ils le font souvent la mondialisation, il serait en revanche utile de la contrôler. Et pour ça, j'aurais bien aimé un gouvernement européen élu. Pour ma part, je m'abstiendrai donc." 
" Moi  aussi j'hésite à signer les pétitions, et je me méfie du Monde Diplo comme de Mermet, trop sûrs d'eux et arrogants l'un et l'autre. Mais j'ai quand même signé la pétition, en plein accord.".
 
Pour ma part, j'ai été accroché par ce type de réflexion à propos de la crise des subprimes, et me suis mis à lire avidement les journaux et à regarder les vidéos sur les blogs. Aujourd'hui  je suis tout à fait étonné par la façon tranquille dont s'impose le principe "Privatisation des profits, socialisation des pertes".
C'est pourquoi je vous propose quelques extraits d'un article du journal "Le Monde" du 3 avril : "Les bourses veulent croire à la fin de la crise bancaire", signé Claire Gatinois et Anne Michel. J'ai changé l'ordre des extraits, et donc un peu le sens de l'article, pour ménager mes effets dramatiques :
" Aux Etats-Unis, les faillites se multiplient. ... Plus de 200 000 emplois sur un total de 2 millions pourraient disparaitre dans la finance aux USA d'ici douze à dix-huit mois. ... Les fonds spéculatifs sont aussi en difficulté. ... Pardus, connu pour avoir pris position dans le capital des groupes français Valeo et Atos Origin se bat pour empêcher les clients de demander le remboursement de leurs investissements. ... Et puis, en toute cohérence avec ce qui précède : Wall street a terminé la séance de mardi en hausse de 3,2%  ... tandis que les actions des grandes banques américaines ont pour leur part gagné plus de 10% et que le titre UBS s'envolait de 12,27%. (Là, on commence vraiment à rêver : UBS est une banque suisse qui vient d'annoncer que ses comptes sont fortement plombés par les subprimes. Les marchés sont contents, car c'est un  signe de transparence que d'annoncer que les comptes sont mauvais. Pile je gagne, face tu perds...) Et puis, lumineuse, vient l'explication : le regain de confiance des investisseurs se fonde aussi sur la certitude que aucune grande banque ne fera faillite. Le sauvetage de Bear Stearns aux USA, après ceux de Northern Rock en Grande Bretagne et d'IKB en Allemagne a montré que la puissance publique interviendrait pour éviter qu'une crise systémique ne fragilise l'économie mondiale. " fin des extraits. (Crise systémique : expression correcte pour désigner l'effondrement général du système bancaire.)
Les banques font des profits tout en étant au bord de la faillite, les fonds publics (les contribuables) les financent, je ne sais si Karl Marx aurait pu inventer d'aussi jolis exemples. S'il l'avait fait, on l'aurait sans doute traité de marxiste dogmatique.
 
Dans le même journal, le prix Nobel d'économie Muhammad Yunus affirme : "La course effrénée au profit ne sert à rien. ... Les banques ont voulu s'enrichir sur le dos des pauvres en les chargeant de crédits qu'ils ne pouvaient rembourser. Il va falloir apprendre à faire fonctionner l'économie de façon plus normale". Il n'a pas dû lire l'article voisin... De plus il est originaire d'un pays du Sud, et ne connait donc rien à la vraie économie.
 
Vie, fin de vie et mort
 
Jacques Ricot est un philosophe français qui travaille beaucoup sur les questions de vie, fin de vie et mort. Il a donné un bref entretien (organisé à la suite de la mort de madame Sébire) sur France 2, le 6 avril à 11h50. Je regrette que mes compétences techniques ne me permettent pas de vous dire comment regarder cette émission après-coup. (Peut-être l'un de vous le sait-il ? )
Tout en craignant de schématiser sa pensée, il me semble que J. Ricot insiste sur la pertinence de la loi actuelle (loi Léonetti) qui distingue soigneusement le droit à laisser mourir du droit de faire mourir. Il précise aussi que, pour lui, la dignité est la dignité attachée à tout être humain en tant qu'être humain. Il dénonce donc l'abus de langage qui appelle "droit à mourir dans la dignité" ce qui est en fait une négation de la dignité que comporte tout être humain, même "diminué". (Mille excuses à J. Ricot si, non philosophe, j'ai mal transcrit sa pensée.)
 
 
Au fil des jours, des lectures et des navigations
 
- Savoir-vivre à l'ère de l'ordinateur : dans le numéro du 4 avril 2008 du journal en ligne Rue89, Guillemette Faure se pose des questions sur l'actualisation des règles du savoir-vivre de la baronne de Rotschild  à la société actuelle. (Si l'on invite un couple homosexuel formé d'un académicien et d'un colonel, comment les placer à table ? Non, ça c'est moi qui invente.) Voici quelques questions qu'elle se pose à propos des TIC. Cela a l'air humoristique, mais qui ne s'est trouvé dans une telle situation ?
"Est-il indiscret, lorsqu'on fait la connaissance de quelqu'un, de chercher tous les renseignements qui le concernent sur Google ? (Et réciproquement : que savons-nous, chacun de nous, de ce que l'on trouve exactement sur Google à notre propos ? ) Comment faire comprendre à quelqu'un qui m'envoie des mails qui font rire que je n'en veux plus ? (La question se pose pour la présente lettre...) Est-ce que c'est voler que de partager un compte et un mot de passe pour accéder à un site payant ? Il faut accuser réception de ses méls, mais si l'on répond pour accuser réception de l'accusé réception, quand peut-on arrêter l'échange ? (C'est un réel problème en informatique, pour la sécurité des circuits et des logiciels. J'ai déjà appris plusieurs fois la solution, mais je ne me la rappelle jamais. Si vous la connaissez...) Si je suis invité chez des amis blogeurs, comment savoir si tout ce que je dis ne va pas se trouver le lendemain  divulgué à tout-va ?"
 
- Torchons et serviettes : un voilier de luxe pour touristes de grand luxe a été arraisonné par des pirates. Pendant deux jours, l'information en boucle était "il n'y avait à bord que des hommes d'équipage". Je vous le jure, le "que" est authentique. Ouf, pas de grand homme d'affaires ami du pouvoir ou de vedette people.  Puis le plan militaire anti-pirates a été déclenché, et l'état-major a "communiqué" pour dire que la priorité était la sécurité de l'équipage du voilier. Quel gaspillage de fonds publics. Sauver un équipage  en priorité, et pas le bateau, d'une très grande valeur... Enfin bon... depuis ce matin la radio annonce en boucle que l'équipage est en majorité français. On est surpris (un équipage français sur un bateau, et pas panaméen, étrange) mais soulagé : cela vaut le coup de les protéger.
 
- Statistiques : il est statistiquement très rare qu'il y ait deux bombes dans le même avion. Pour sa propre sécurité, il est donc conseillé d'emporter une bombe lorsqu'on voyage en avion. Cette affirmation absurde pour dire que les statistiques ne font guère partie de notre culture générale. Un journal titrait récemment "La cote du président de la république a encore baissé de un point, malgré son changement de posture médiatique". La marge d'erreur sur un sondage de 1000 personnes est de 3% et donc 1% n'est absolument pas significatif. On aurait donc, tout au plus, pu dire : "Malgré le changement de posture médiatique du président, sa cote ne remonte pas notablement."
 
- Insécurité chez les préfets : une dame du Bénin était venue en France pour épouser un français, M. Guérin. Comme c'est apparemment la règle en la matière elle avait eu un permis de séjour provisoire, le permis définitif étant délivré au bout de trois ans d'union stable. Or M. Guérin est mort d'un cancer au bout de deux ans de mariage. Tout à fait logiquement le préfet a donc expulsé Mme Guérin pour cessation de la vie commune. Hélas le journal Le Monde en a parlé, et le Ministre M. Hortefeux a désavoué son préfet et a régularisé Mme Guérin. Etrange ministre que celui qui désavoue un préfet qui n'a fait qu'appliquer ses directives. Défendons la haute fonction publique : il faut interdire à la presse de gêner le travail de l'administration à qui on a donné  un quota d'expulsions de 25 000 ¨par an. Interdisons Le Monde. Ou alors, au contraire, peut-être faut-il beaucoup de monde ?
Question subsidiaire : les français français qui se marient et divorcent avant trois ans sont-ils déchus de leur nationalité pour instabilité ?
 
Citations et réactions
 
- L'une des quinze personnes de la liste à laquelle est envoyée cette lettre rédige une chronique de lectures ( "Lectures en partage") pour l'institution dans laquelle elle travaille. Un extrait du dernier numéro :

"Les années d’Annie Ernaux (Gallimard, 2008)

Née en 1940, la romancière Annie Ernaux, à partir de photos d’elle et d’objets ou moments emblématiques de son époque, retrace une vie (la sienne) traversée par l’Histoire et donne à ressentir le passage des années, de l’après-guerre à aujourd’hui. En convoquant à la même table l’Histoire et l’intime, elle inscrit l’existence dans une nouvelle forme d’autobiographie, impersonnelle et collective. Une mémoire offerte avec talent et générosité."

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