1 Au fil des
jours, des lectures et des navigations
* On vit
une époque formidable. La
formule n'est pas de moi, je ne sais plus de qui elle est.
J'aime beaucoup les romans
policiers sociaux, qui, grâce à une intrigue bien construite, nous tiennent en
haleine pour décrire des problèmes relatifs à un pays ou une époque : présence
de réseaux nazis en Suède avec Millénium, évolutions de la Chine depuis la
révolution culturelle avec Qiu Xiao Ling, et tout un tas d'autres aussi bons ou
encore meilleurs.
En ce moment, la lecture de la
presse me donne le même type de jubilation. On va chaque jour de découverte en
découverte, de rebondissement en surprise.
Le non spécialiste croyait
avoir tout compris en lisant les articles sur la crise des subprimes, tout prévu
en prévoyant le ralliement du gouvernement des USA et de Nicolas Sarkozy à une
économie sociale démocrate régulée par l'Etat, le contraire de ce qu'ils
soutenaient jusqu'à maintenant.
Bon, d'accord, ils l'ont dit, il
ne faut tout de même pas croire qu'ils vont le faire !
Et puis patatras, nouvelle
découverte. Un article du
Monde tire du chapeau les hedge funds (fonds spéculatifs) et nous
apprend qu'ils sont encore plus dangereux à terme que les subprimes, que leurs
effets sont imprévisibles, et qu'ils constituent la matière noire du système
bancaire. Lorsqu'on sait que en physique la matière noire inconnue couvre plus
de 90% de l'univers, on se dit que l'on n'a pas fini de s'amuser avec la crise,
dont on ne connait donc actuellement que 10% ! Mieux que
Guignol...
Un autre article du Monde
nous apprend que grâce à des calculs compliqués (dont je n'ai pas bien
compris le principe), l'association Global Footprint Network a démontré que,
entre le 1er janvier et le 23 septembre nous avons déjà dépensé la totalité des
ressources que la planète peut produire en un an. A partir de maintenant et
jusqu'en décembre 2008, nous puiserons donc déjà sur les ressources que la
planète produira en 2009. Je n'ai pas su faire le calcul pour la suite.
Au doigt mouillé, le résultat est
: on n'ira pas loin comme ça.
Encore dans Le Monde, les
climatologues qui prévoyaient que les eaux des mers monteraient de 40 cm d'ici à
2100 réévaluent leurs prévisions compte tenu de la fonte inattendue de la
banquise. D'ici à 2100 les eaux pourraient monter de 80 cm à 2m. Si les eaux
montent de 2m, Canton, Amsterdam, La Nouvelle Orléans, Le Grau du Roi et
toute la Camargue seront inondés. Bon, d'accord, le Grau du Roi c'est moins
historique que Amsterdam. Mais ce n'est pas l'un ou
l'autre.
On vit une époque
formidable.
* Pour survivre, le
capitalisme libéral doit sacrifier ses propres enfants, tel le dieu
Moloch
C'était l'un des leitmotiv des
lettres [alerte] de l'an dernier. Je regrette d'avoir écrit ces lettres, car du
coup les industriels chinois les ont lues et ils ont eu l'idée de mettre
dans le lait maternisé pour bébés un produit chimique destiné à la fabrication
de la matière plastique. Il faut que je choisisse mieux mes lecteurs. "On peut
rire de tout, mais pas avec n'importe qui". (Desproges)
Chez nous, cela fait sourire :
cela montre la maladie infantile d'un capitalisme chinois naissant, encore trop
spontané et chien fou. Pas de ça chez nous. Qui plus est, nous importons des tas
de choses de Chine, mais pas de lait. Alors, tant qu'ils s'empoisonnent
entre eux... En plus, ils sont beaucoup.
Pendant ce temps, les industriels
de l'agro-alimentaires dans le reste du monde continuent de vendre, à
grands coups de pub sur les chaines de télévision, des produits trop gras
et trop sucrés qui font de l'obésité l'un des grands problèmes de santé des
enfants et des adultes pour les années à venir. Le gouverneur de
Californie, je crois, a voulu interdire les "mauvaises" matières grasses (moins
coûteuses mais très dangereuses). Il a du céder sous la force des lobbys.
Les procédés sont moins voyants que en Chine, le résultat est le
même.
Bonne nouvelle cependant : il n'y
aura plus de pub sur les télés de service public à partir de janvier 2009. Du
coup il n'y aura plus qu'un croupion informe de service public, mais au moins il
ne sera pas complice de l'infanticide par les bonbons et les gâteaux. Il ne faut
pas voir seulement le coté obscur de la Force.
* Le vide le la "pensée
libérale" me donne le vertige, encore davantage que le silence éternel des
espaces infinis n'effrayait Pascal
La crise économique :
effondrement, sauvetage des fonds privés par l'argent public. Pas ou
peu de contrepartie claire des banques sous forme d'engagements de
modification du fonctionnement, de décisions fermes de régulation, de
restitution des fonds si la situation s'améliore. On sauve, on sauve, ne soyons
pas mesquins, on ne va pas leur demander en plus de rendre vraiment le pactole
quand ça ira mieux.
On reste rêveur. Bush et Sarkozy
ont annoncé solennellement que c'en était fini de l'économie non régulée, et que
l'Etat devait jouer son rôle face au marché. Outre que c'est pour eux un
revirement bien surprenant, c'est évidemment infaisable, car le système n'est
pas conçu pour ça : il est trop ramifié et multiforme pour qu'on puisse
réellement réguler.
En fait, Bush et
Sarkozy ont dit leur vérité : tout cela est dû selon eux à quelques
coupables qu'il faut punir. Sans aucun doute il y a eu
dans tout cela des malversations, des délits d'initiés, mais ce n'est pas
l'essentiel. Il n'y a pas de coupables, presque tous ont a peu près respecté le
peu de règles en vigueur. C'est le système qui porte en lui-même sa propre
chute. On apprendra bientôt que l'effondrement de grandes banques américaines
est dû aux opérations de J. Kerviel à la société générale ! Ou à moi, qui
ai un compte un peu à découvert. Les baudets ont de quoi se faire du
souci. (Lafontaine, les animaux malades de la
peste).
Comment peut-on penser
sérieusement :
- que la croissance peut-être
constante et régulière (c'est à dire, à terme, infinie) dans un système où les
ressources (matières premières, état de l'air, accès à l'eau, existence des
espèces animales et végétales, ressources humaines) sont nécessairement finies,
limitées ?
- que le système peut perdurer
alors même que, même en France, un nombre croissant de personnes qui travaillent
n'ont pas assez pour se loger et se nourrir ? D'où l'invention du superbe
"concept" de "travailleurs pauvres", qui, au moins, les fait exister dans
une catégorie statistique.
- qu'un système qui a besoin pour
survivre d'un taux de profit immédiat de 15% par an peut investir dans l'avenir
? (Recherche, grandes infrastructures.)
- qu'un système où le mode de vie
de plus en plus luxueux des plus riches s'étale sans vergogne ne va pas finir
par provoquer l'exaspération des plus pauvre ?
* Tout un
monde
Le rapprochement de plusieurs
articles parus dans le même numéro du journal Le Monde le 17 septembre
2008 laisse bien pensif.
- page 2 : Mon bateau est
plus beau que le tien. Synthèse : le 31ème festival de
la plaisance à Cannes a montré que pour les très, très riches la course au
gigantisme absolu n'a pas de fin. Dans cette niche, qui pose le problème du
blanchiment de l'argent sale, le prix n'a pas d'importance. Demander le prix
avant de faire construire est de mauvais goût. Le seul objectif est d'avoir
mieux que l'autre : vraie forêt d'arbres plantée sur le pont, bateaux de plus en
plus longs et de plus en plus rapides, bar en cristal de baccarat, coque
changeant de couleur en fonction du soleil. A quoi ça sert ? C'est encore
plus beau lorsque c'est inutile. C'est comme éclairer le désert dans le sketch
de Bedos.
- page 4 : A quand l'étincelle
de la révolution ? par G. Pébereau, président d'honneur de Alcatel. G.
Pébereau est l'un des dirigeants d'entreprise de grande envergure de la place de
Paris.
Extraits du début de
l'article : "J'assiste avec nostalgie à la déchéance
politique et économique de notre pays. [...] Quelques scandales de
parachutes dorés ont ému l'opinion publique, y compris les cadres
supérieurs et la maitrise qui ont découvert avec ahurissement les sommes
exorbitantes que se faisaient allouer leurs dirigeants. Depuis rien n'a
changé. [...] L'écart ne cesse de se creuser entre les salariés et la
petite classe de privilégiés. [...] Nous sommes à n'en pas douter dans une
période prérévolutionnaire au sens de 1789. "
- dans tout le reste du journal,
la crise. : La crise en questions. La crise étouffe progressivement
les économies occidentales. Menace de panique sur la place financière
américaine. Wall street s'inquiète de l'effet domino.
Au milieu de toutes ces
billevesées, un seul article optimiste et sérieux dans tout le journal :
la nouvelle stratégie de Ségolène Royal rebat les cartes au PS. Le seul
problème est qu'ils ne se sont pas mis d'accord pour savoir à quel jeu ils
jouent. Le bridge ? (Trop gauche caviar). La belote ? (Un peu populiste chti).
La bataille, peut-être ?
Remarque : certains de vous
s'étonnent que je parle si peu politique dans cette lettre. Je croyais pourtant
ne parler que de ça. Il est vrai que je ne parle jamais des débats de fond au PS
(et pour cause) ni de la querelle des chefs, ni même de Besancenot, de
Bayrou ou de Marine Le Pen. Il me semble que si cela avait la moindre
importance, cela se saurait, et dans ce cas j'en parlerais
aussitôt.
******
2
Alerte
Le fichier edvige qui prévoyait le fichage de "toute
personne susceptible de porter atteinte à l'ordre public" est supprimé. Après un
magnifique tour de passe passe qui le pose en défenseur des libertés publiques,
le gouvernement a remplacé edvige par un projet de fichier au nom imprononçable,
et dans lequel les aspérités les plus voyantes de edvige ont été
supprimées.
La plupart des partis politiques sont satisfaits. Certains
syndicats dénoncent les formulations du nouveau fichier, aussi dangereuses selon
eux que celles de edvige.
Le collectif qui avait appelé à la mobilisation et à la
signature de la pétition "Non à edvige" estime que le nouvel edvige comporte
encore de nombreuses ambigüités. Il considère surtout que la mobilisation contre
edvige a montré la sensibilité des citoyens aux questions de fichage
généralisé.
Le collectif maintient donc la mobilisation du 16 octobre,
jour de la Sainte Edwige. Voir modalités dans vos sources d'information
habituelles. Cette mobilisation portera désormais sur la mise à plat de
l'ensemble du fichage d'état (stic, judex, cristina, base élèves, etc., etc.
etc.).
******
3 Citations et réactions de vous
tous
La culture, c'est la
chienlit
Signalé par l'une de vous, merci : un
groupe militant organise périodiquement une parodie ironique de manifestation de
droite. La dernière était consacrée au soutien à la star académie, avec
pour slogans "Jeunesse française, adhère à TF1", ou "La culture c'est la
chienlit", "La culture ça fait mal à la tête." Très, très drôle. Superbes
acteurs pour arriver à dire de telles bêtises sans rire... A ne
manquer sous aucun prétexte.