Lettre [alerte] N° 22 - 29 septembre 2008

Plan de la lettre 
 
1 Au fil des jours, des lectures et des navigations
On vit une époque formidable
Pour survivre, le libéralisme doit sacrifier ses propres enfants, suite sans fin
Le vide de la "pensée libérale" me donne le vertige
Tout un monde dans Le Monde
 
2 Alerte fichage informatique généralisé
 
3 Citations et réactions de vous tous
La culture c'est la chienlit
Dans l'effondrement du système financier, les milliardaires ne sont pas les premiers touchés
Les liens entre nous

J'édite deux lettres : "[JM B] informatique et société" et "[alerte]".  Ceci est la lettre [alerte]
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Appel : je réfléchis à l'éventuelle nécessité de faire évoluer la forme et/ou le contenu de cette lettre, ou de ne rien changer. Vos suggestions seront les bienvenues.
C'est aussi l'occasion idéale pour vous de demander à ne plus recevoir cette lettre, ou au contraire et de préférence, de demander que des amis à vous la reçoivent
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Lettre [alerte] N° 22 - JM Bérard -   29 septembre 2008 -
jean-michel.berard chez orange.fr remplacer chez par @

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Vous pouvez  sans problème demander à être rayé de la liste.
Diffusion libre et bienvenue.  Réactions et contributions très bienvenues. JM Bérard
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Plan de la lettre 
 
1 Au fil des jours, des lectures et des navigations
On vit une époque formidable
Pour survivre, le libéralisme doit sacrifier ses propres enfants, suite sans fin
Le vide de la "pensée libérale" me donne le vertige
Tout un monde dans Le Monde
 
2 Alerte fichage informatique généralisé
 
3 Citations et réactions de vous tous
La culture c'est la chienlit
Dans l'effondrement du système financier, les milliardaires ne sont pas les premiers touchés
Les liens entre nous
 
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Avant de monter dans l'ascenseur, assurez-vous qu'il est bien là.
Attribué à Otis Pifre, qui en fait l'a volé à Roux Combaluzier. Excellente chute.
 
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1 Au fil des jours, des lectures et des navigations
 
* On vit une époque formidable.  La formule n'est pas de moi, je ne sais plus de qui elle est.
 
J'aime beaucoup les romans policiers sociaux, qui, grâce à une intrigue bien construite, nous tiennent en haleine pour décrire des problèmes relatifs à un pays ou une époque : présence de réseaux nazis en Suède avec Millénium, évolutions de la Chine depuis la révolution culturelle avec Qiu Xiao Ling, et tout un tas d'autres aussi bons ou encore meilleurs.
 
En ce moment, la lecture de la presse me donne le même type de jubilation. On va chaque jour de découverte en découverte, de rebondissement en surprise.
 
Le non spécialiste croyait avoir tout compris en lisant les articles sur la crise des subprimes, tout prévu en prévoyant le ralliement du gouvernement des USA et de Nicolas Sarkozy à une économie sociale démocrate régulée par l'Etat, le contraire de ce qu'ils soutenaient jusqu'à maintenant.
Bon, d'accord, ils l'ont dit, il ne faut tout de même pas croire qu'ils vont le faire !
Et puis patatras, nouvelle découverte. Un article du Monde tire du chapeau les hedge funds (fonds spéculatifs) et nous apprend qu'ils sont encore plus dangereux à terme que les subprimes, que leurs effets sont imprévisibles, et qu'ils constituent la matière noire du système bancaire. Lorsqu'on sait que en physique la matière noire inconnue couvre plus de 90% de l'univers, on se dit que l'on n'a pas fini de s'amuser avec la crise, dont on ne connait donc actuellement que 10% ! Mieux que Guignol...
 
Un autre article du Monde nous apprend que grâce à des calculs compliqués (dont je n'ai pas bien compris le principe), l'association Global Footprint Network a démontré que, entre le 1er janvier et le 23 septembre nous avons déjà dépensé la totalité des ressources que la planète peut produire en un an. A partir de maintenant et jusqu'en décembre 2008, nous puiserons donc déjà sur les ressources que la planète  produira en 2009. Je n'ai pas su faire le calcul pour la suite.
Au doigt mouillé, le résultat est : on n'ira pas loin comme ça.
 
Encore dans Le Monde, les climatologues qui prévoyaient que les eaux des mers monteraient de 40 cm d'ici à 2100 réévaluent leurs prévisions compte tenu de la fonte inattendue de la banquise. D'ici à 2100 les eaux pourraient monter de 80 cm à 2m. Si les eaux montent de 2m, Canton, Amsterdam, La Nouvelle Orléans, Le Grau du Roi et toute la Camargue seront inondés. Bon, d'accord, le Grau du Roi c'est moins historique que Amsterdam. Mais ce n'est pas l'un ou l'autre.
 
On vit une époque formidable.
 
* Pour survivre, le capitalisme libéral doit sacrifier ses propres enfants, tel le dieu Moloch
 
C'était l'un des leitmotiv des lettres [alerte] de l'an dernier. Je regrette d'avoir écrit ces lettres, car du coup les industriels chinois les ont lues et ils ont eu l'idée de mettre dans le lait maternisé pour bébés un produit chimique destiné à la fabrication de la matière plastique. Il faut que je choisisse mieux mes lecteurs. "On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui". (Desproges)
 
Chez nous, cela fait sourire : cela montre la maladie infantile d'un capitalisme chinois naissant, encore trop spontané et chien fou. Pas de ça chez nous. Qui plus est, nous importons des tas de choses de Chine, mais pas de lait. Alors, tant qu'ils s'empoisonnent  entre eux... En plus, ils sont beaucoup.
 
Pendant ce temps, les industriels de l'agro-alimentaires dans le reste du monde continuent de vendre, à grands coups de pub sur les chaines de télévision,  des produits trop gras et trop sucrés qui font de l'obésité l'un des grands problèmes de santé des enfants et des adultes pour les années à venir. Le gouverneur de Californie, je crois, a voulu interdire les "mauvaises" matières grasses (moins coûteuses mais très dangereuses). Il a du céder sous la force des lobbys. Les procédés sont moins voyants que en Chine, le résultat est le même.
 
Bonne nouvelle cependant : il n'y aura plus de pub sur les télés de service public à partir de janvier 2009. Du coup il n'y aura plus qu'un croupion informe de service public, mais au moins il ne sera pas complice de l'infanticide par les bonbons et les gâteaux. Il ne faut pas voir seulement le coté obscur de la Force.
 
 
* Le vide le la "pensée libérale" me donne le vertige, encore davantage que le silence éternel des espaces infinis n'effrayait Pascal
 
La crise économique :  effondrement, sauvetage des fonds privés par l'argent public. Pas ou peu de contrepartie claire des banques sous forme d'engagements de modification du fonctionnement, de décisions fermes de régulation, de restitution des fonds si la situation s'améliore. On sauve, on sauve, ne soyons pas mesquins, on ne va pas leur demander en plus de rendre vraiment le pactole quand ça ira mieux.
 
On reste rêveur. Bush et Sarkozy ont annoncé solennellement que c'en était fini de l'économie non régulée, et que l'Etat devait jouer son rôle face au marché. Outre que c'est pour eux un revirement bien surprenant, c'est évidemment infaisable, car le système n'est pas conçu pour ça : il est trop ramifié et multiforme pour qu'on puisse réellement réguler. 
 
En fait, Bush et Sarkozy ont dit leur vérité : tout cela est dû selon eux à quelques coupables qu'il faut punir. Sans aucun doute  il y a  eu dans tout cela des malversations, des délits d'initiés, mais ce n'est pas  l'essentiel. Il n'y a pas de coupables, presque tous ont a peu près respecté le peu de règles en vigueur. C'est le système qui porte en lui-même sa propre chute. On apprendra bientôt que l'effondrement de grandes banques américaines est dû aux opérations de J. Kerviel à la société générale ! Ou à moi, qui ai un compte un peu à découvert. Les baudets ont de quoi se faire du souci.  (Lafontaine, les animaux malades de la peste).
 
Comment peut-on penser sérieusement :
- que la croissance peut-être constante et régulière (c'est à dire, à terme, infinie) dans un système où les ressources (matières premières, état de l'air, accès à l'eau, existence des espèces animales et végétales, ressources humaines) sont nécessairement finies, limitées ?
- que le système peut perdurer alors même que, même en France, un nombre croissant de personnes qui travaillent n'ont pas assez pour se loger et se nourrir ? D'où l'invention du superbe "concept" de "travailleurs pauvres", qui, au moins, les fait exister dans une catégorie statistique.
- qu'un système qui a besoin pour survivre d'un taux de profit immédiat de 15% par an peut investir dans l'avenir ? (Recherche, grandes infrastructures.)
- qu'un système où le mode de vie de plus en plus luxueux des plus riches s'étale sans vergogne ne va pas finir par provoquer l'exaspération des plus pauvre ?
 
* Tout un monde
 
Le rapprochement de plusieurs articles parus dans le même numéro du journal Le Monde le 17 septembre 2008 laisse bien pensif.
 
- page 2 : Mon bateau est plus beau que le tien. Synthèse : le 31ème festival de la plaisance à Cannes a montré que pour les très, très riches la course au gigantisme absolu n'a pas de fin. Dans cette niche, qui pose le problème du blanchiment de l'argent sale, le prix n'a pas d'importance. Demander le prix avant de faire construire est de mauvais goût. Le seul objectif est d'avoir mieux que l'autre : vraie forêt d'arbres plantée sur le pont, bateaux de plus en plus longs et de plus en plus rapides, bar en cristal de baccarat, coque changeant de couleur en fonction du soleil. A quoi ça sert ? C'est encore plus beau lorsque c'est inutile. C'est comme éclairer le désert dans le sketch de Bedos.
 
- page 4 : A quand l'étincelle de la révolution ? par G. Pébereau, président d'honneur de Alcatel. G. Pébereau est l'un des dirigeants d'entreprise de grande envergure de la place de Paris.
Extraits du début de l'article : "J'assiste avec nostalgie à la déchéance politique et économique de notre pays. [...] Quelques scandales de parachutes dorés ont ému l'opinion publique, y compris les cadres supérieurs et la maitrise qui ont découvert avec ahurissement les sommes exorbitantes que se faisaient allouer leurs dirigeants. Depuis rien n'a changé. [...] L'écart ne cesse de se creuser entre les salariés et la petite classe de privilégiés. [...] Nous sommes à n'en pas douter dans une période prérévolutionnaire au sens de 1789. "
 
- dans tout le reste du journal, la crise.  : La crise en questions. La crise étouffe progressivement les économies occidentales. Menace de panique sur la place financière américaine. Wall street s'inquiète de l'effet domino.
 
Au milieu de toutes ces billevesées, un seul article optimiste et sérieux dans tout le journal : la nouvelle stratégie de Ségolène Royal rebat les cartes au PS. Le seul problème est qu'ils ne se sont pas mis d'accord pour savoir à quel jeu ils jouent. Le bridge ? (Trop gauche caviar). La belote ? (Un peu populiste chti). La bataille, peut-être ?
 
Remarque : certains de vous s'étonnent que je parle si peu politique dans cette lettre. Je croyais pourtant ne parler que de ça. Il est vrai que je ne parle jamais des débats de fond au PS (et pour cause) ni de la querelle des chefs, ni même de Besancenot, de Bayrou ou de Marine Le Pen. Il me semble que si cela avait la moindre importance, cela se saurait, et dans ce cas j'en parlerais aussitôt.
 
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2 Alerte
 
Le fichier edvige qui prévoyait le fichage de "toute personne susceptible de porter atteinte à l'ordre public" est supprimé. Après un magnifique tour de passe passe qui le pose en défenseur des libertés publiques, le gouvernement a remplacé edvige par un projet de fichier au nom imprononçable, et dans lequel les aspérités les plus voyantes de edvige ont été supprimées.
 
La plupart des partis politiques sont satisfaits. Certains syndicats dénoncent les formulations du nouveau fichier, aussi dangereuses selon eux que celles de edvige.
 
Le collectif qui avait appelé à la mobilisation et à la signature de la pétition "Non à edvige" estime que le nouvel edvige comporte encore de nombreuses ambigüités. Il considère surtout que la mobilisation contre edvige a montré la sensibilité des citoyens aux questions de fichage généralisé.
 
Le collectif maintient donc la mobilisation du 16 octobre, jour de la Sainte Edwige. Voir modalités dans vos sources d'information habituelles. Cette mobilisation portera désormais sur la mise à plat de l'ensemble du fichage d'état (stic, judex, cristina, base élèves, etc., etc. etc.).
 
 
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3 Citations et réactions de vous tous
 
La culture, c'est la chienlit
 
Signalé par l'une de vous, merci : un groupe militant organise périodiquement une parodie ironique de manifestation de droite. La dernière était consacrée au soutien à la star académie, avec pour slogans "Jeunesse française, adhère à TF1", ou "La culture c'est la chienlit", "La culture ça fait mal à la tête." Très, très drôle. Superbes acteurs pour arriver à dire de telles bêtises sans rire... A ne manquer sous aucun prétexte.

Dans l'effondrement du système financier, les milliardaires ne sont pas les premiers touchés

Extrait d'un message de l'un de vous, merci
 
"Et je vois mon brave boucher retraité (que d'aucuns ont pu traiter de "rentier", de "capitaliste") pleurer à la vue de son épargne fondue comme neige au soleil...
Cela, c'est tout près de chez nous...
Et s'il n'y avait que le boucher ! c 'est un tout petit exemple : car il n'est même pas si mal que ça !...
Je n'ose évoquer tous ces propriétaires dépouillés de leur maison acquise au prix de pas mal de sacrifices, ceux à qui on refusera un prêt, et encore, et encore."
Les liens entre nous
 
* Claris
http://blog.claris.org/  Important article : 'la technique du contrefeu pour banaliser la circulation de données sensibles. Analyse de la stratégie du gouvernement sur les fichiers Base élève et Edvige.
* La vie des idées
http://www.laviedesidees.fr/ Le compte-rendu d'un livre "La poste entre service public et marché". Je ne l'ai pas lu, mais je regrette, ce doit être intéressant.
* Education financière
* Prochoix, Caroline Fourest
* La revue Ravages, éditée par l'association "Les amoureux des genres humains" est en vente sur commande dans les librairies. Prochain numéro à paraitre en janvier 2009. Dernier numéro paru : printemps 2008
* Ligue contre la violence routière
* Agoravox, "le média citoyen"