[alerte] - JM Bérard - 21 mai 2017

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[alerte] - JM Bérard – 21 mai 2017

Les partis sont partis ?

La transparence des algorithmes relève des droits civiques

Orthographe

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin de la lettre du 21 mai 2017

 

jean-michel.berard orange.fr

 

Les partis sont partis ?

Mon parti est parti un beau matin d'automne, parti je ne sais où.Écouter https://www.youtube.com/watch?v=3Kihs1JrvBk(Quel rapport ? Aucun mis à part la similitude du titre. Mais tout de même. C'est bête, écouter une chanson telle que celle-ci me fait venir les larmes aux yeux.)Étrange situation. Il a suffi d'une pichenette Macron pour que le mode d'existence et de fonctionnement des partis politiques, sur lesquels le fonctionnement démocratique de la république s'appuie depuis longtemps, s'effondre comme un assemblage de baguettes de Mikado. Et pourtant, selon la constitution de la cinquième république, d'inspiration gaulliste, « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. »Comment toute cette construction historique a-t-elle pu ainsi s'effondrer sous l'effet d'une pichenette ? Je pense que les analyses des sociologues, politologues, philosophes ne font que commencer.Une ou deux hypothèses personnelles (dans lesquelles je reconnais héla mes propres pratiques, bien sûr) : nous ne nous sommes pas rendu compte, à force d'échanger, de militer, de raisonner, de coller des affiches, de tenir des réunions entre nous, que nous tenions un discours qui n'avait plus de prise sur la réalité.

Un petit exemple qui me frappe depuis quelque temps : depuis que JM Le Pen a été présent au deuxième tour, nous nous inquiétons, entre nous, d'un retour de la « bête immonde », de la situation de l'Allemagne en 33, avec une grande sincérité et une grande conviction nous écrivons et distribuons des tracts au contenu absolument parfait.

https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%AAte_immonde

À ce détail près que ces tracts ne parlent qu'à nous. J'ai tout de même compris dans la récente campagne qu’une partie des intellos ont voté Le Pen, mais aussi qu'une grande partie des ouvriers ont voté Le Pen. Avons nous pris soin de nous demander pourquoi, avons-nous pris soin de rechercher quelles mesures pourraient être immédiatement prises pour prendre en compte ce vote ? (Une mesure qui me vient à l'esprit : nouvelle rédaction de la directive européenne sur les travailleurs détachés.) Bon, tout cela pour dire : que veut dire « la bête immonde » pour les ouvriers qui ont voté Le Pen ? D'ailleurs à un niveau tout aussi inquiétant je constate que d'éminents intellectuels de haut niveau que j'estimais dans mon enfance disent « Le FN, après tout,... ne confondons pas, nous ne sommes pas en Allemagne en 33, tenons compte de la complexité des choses… » Finie la bête immonde pour ces intellectuels de haut niveau que je respectais. Après tout, il faut voir, si tout se vaut, pourquoi exclure… Évidemment ! Heureusement, pour des raisons historiques, mais pas les mêmes, Marine Le Pen s'est détruite elle-même. Pour l'instant. Mais cela n'a pas détruit l'influence idéologique du FN, le principe du bouc émissaire et du rejet de l'autre.

Une cause parmi tant d'autres me préoccupe particulièrement : la professionnalisation de la vie politique. Faire une carrière politique suppose souvent que, tout jeune, on choisisse une écurie, que l'on soit ensuite plus ou moins rigoureux sur la gestion des avantages de fonction, que l'on soit tenté par le cumul des mandats puisque l'on est compétent et que l'on doit mettre sa compétence au service de la Nation, que l'on fasse parfois des choix liés au parti dont on est membre plus qu'à l'intérêt des électeurs que l'on représente, ou, à l'inverse, que l'on fasse pour être élu des compromis en dehors de ses propres principes pour être réélu. (Attention : je ne suis pas du tout pour la démocratie directe ; contrairement à ce que dit Marine Le Pen, ce qu'elle appelle « le peuple » n'a pas toujours raison, simplement la frontière est complexe entre sa propre carrière politique, les thèses du parti, qui par définition, pour moi militant, détient la vérité, et la réalité des questions.)

Bon, tout cela pour dire que la pichenette Macron a produit des effets totalement imprévisibles par rapport à la faible énergie dépensée, ce qui montre bien à quel point le système était à bout. Cela me fait penser à un phénomène physique, celui de l'eau en surfusion. Il arrive que de l'eau reste liquide en dessous de 0° au lieu de geler comme c'est le cas en général. Cela s'appelle la surfusion. Il suffit de jeter dans l'eau en surfusion une paillette de glace ou un grain de sable pour que toute l'eau liquide gèle d'un bloc. Quel rapport ? Simplement nous ne nous sommes pas rendu compte que nous vivions dans un système en surfusion. L'eau au moins a une excuse : sauf erreur philosophique de ma part, elle n'est pas douée de la conscience des choses. Nous, si. Beaucoup de mouvements, d'associations, de personnes l'avaient réalisé depuis longtemps. Et maintenant que la paillette Macron fait tout s'effondrer d'une pichenette, nous sommes surpris. On dit que les aveugles, les vrais, développent tous leurs autres sens et ont parfois une perception meilleure que celle des valides. Nous sommes aveugles et ne voulons pas voir, c'est trop dérangeant.

Pour raconter une fois de plus ma vie, je constate qu'il était beaucoup plus confortable de militer dans des associations ou de travailler dans des institutions qui détenaient la vérité et pour lesquelles j'étais chargé de diffuser la vérité.

Comme un cheveu sur la soupe : je vous rappelle le très utile travail que font les associations qui forment les chiens guide d'aveugles. (N'importe quoi, JM B, vous sautez d'un sujet à l'autre. Un peu de cohérence.)

http://www.chiensguides.fr/site/3_associations_affiliees/coordonnes.htm

La transparence des algorithmes relève des droits civiques

Eh ben dis don ! Avec un titre comme ça on n'est pas fauché ! C'est un peu comme « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie » de Blaise Pascal.

Il s'agit pourtant d'un sujet qui concerne chacun de nous et me préoccupe depuis les débuts des usages de l'informatique.

http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/05/02/o21-la-transparence-des-algorithmes-releve-des-droits-civiques_5121201_4401467.html

Une plateforme nationale, TransAlgo, est en train d’être mise en place afin de surveiller les biais éventuels des algorithmes. Entretien avec sa responsable, Nozha Boujemaa.

Elle dit tout cela très bien, je vais faire des citations mais vous propose d'abord un petit chapeau.

Chacun, aujourd'hui, sait bien que les logiciels qui dans les ordinateurs traitent les données et fournissent des résultats sont écrits par des humains. Même ceux qui sont produits par des machines le sont grâce à des logiciels finalement conçus par des humains. On n'en est plus à se justifier en disant « C'est la faute de l'ordinateur. » Mais il demeure que tous les logiciels qui traitent les données, proposent des décisions et qui de plus en plus vont piloter les objets de notre environnement nous sont particulièrement opaques. Nous ignorons en général tout des principes selon lesquels ils sont conçus. Je ne parle pas du langage informatique, mais des principes qu'ils mettent en œuvre à la demande de ceux qui les ont programmés. Il me semble donc que, au-delà de ce que dit Mme Boujemaa, la question n'est pas seulement de surveiller les biais des algorithmes mais bien d'avoir accès aux principes de traitement selon lesquels ils sont programmés. Lorsque des logiciels font de la simulation de phénomènes physique, il importe de bien connaitre leurs limites de validité et les principes physiques qu'ils mettent en œuvre : a-t-on utilisé pour les programmer la mécanique de Newton, ou la mécanique relativiste, ce qui peut donner des résultats fort différents. Lorsqu'on nous dit « les ordinateurs du ministère des finances ont tourné et montrent qu'une augmentation de la CSG aura tel effet », selon quelles lois économiques keynésienne ou autre sont-ils programmés ? Les résultats seront fort différents, il ne s'agit pas d'un problème d'informatique, mais de choix politiques. Encore faudrait-il le dire. Il me semble que la transparence des principes selon lesquels les ordinateurs sont programmés devient l'un des problèmes centraux de notre démocratie. Je sais bien, on se heurte au secret industriel. Il demeure que la loi informatique mise en place par Axelle Lemaire, excellente secrétaire d'État du gouvernement Hollande (eh oui, il y a aussi eu quelques bonnes choses de faites) invite les administrations à utiliser des logiciels libres, dont la programmation soit compréhensible par des spécialistes et pas secrète. Évidemment, pour donner un exemple hélas vrai mais caricatural, Wolkswagen Renault et Citroën sont très réticents à publier les méthodes de calcul utilisées dans les programmes caractérisant la pollution de leurs véhicules. Mais il ne s'agit là que d'un tout petit exemple. Plus préoccupante encore est l'utilisation totalement généralisée des données massives (big data) où les résultats ne sont plus recherchés suivant les principes de la raison, mais par la recherche du plus grand nombre de coïncidences. La loi du plus grand nombre devient la vérité. Cette situation préoccupe grandement des scientifiques de haut niveau, car bien sûr cette méthode exclut la pratique du raisonnement scientifique logique.

La transparence des logiciels n'est pas seulement un droit civique, elle est vitale pour l'exercice même de la démocratie.

Bon, je cède la parole à Mme Boujemaa, vous accédez au texte intégral par le lien ci-dessus. Mais si mais si, je vous assure, cliquez, cela évoque beaucoup de questions qui nous touchent directement mais auxquelles nous ne pensons pas du tout spontanément.

Quelques extraits :

Selon quels critères fonctionnent les systèmes de recommandation personnalisée ? Google classe-il les résultats de recherche de façon neutre ? Les algorithmes sont partout dans notre vie quotidienne numérique, déterminant ce que l’on voit sur les plateformes d’achat en ligne, les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche. Et il est crucial de comprendre les mécanismes à l’œuvre, et de s’assurer qu’ils respectent les intérêts des consommateurs comme les droits des citoyens, explique Nozha Boujemaa, spécialiste de la science des données.

TransAlgo est née d’un constat : il existe une asymétrie d’informations entre d’un côté les citoyens ou les consommateurs, et de l’autre, les plateformes numériques. Et ce dans plusieurs domaines.

Prenons les systèmes de recommandation. Quand un produit nous est recommandé sur une plateforme, l’est-il de façon fidèle à nos traces de parcours, nous permet-il d’aboutir à un service personnalisé – ce qui est plutôt intéressant et utile –, ou bien cela dépend-il des stocks du vendeur à l’origine de ce service de recommandation ? Pour le moment, on n’a pas cette information.

Ensuite, quand une application permettant de se diriger à pied, en voiture ou en transports en commun nous propose un trajet, avons-nous la garantie que celui-ci est optimal en distance et en temps ou bien est-ce un trajet qui nous fait passer par des points d’intérêt commerciaux ? Enfin, le classement des moteurs de recherche, tels que Google, n’est pas toujours neutre : les accords passés avec les marques peuvent altérer l’ordre de l’information donnée au consommateur.

Dans un premier temps, l’objectif est de mettre en place un centre de ressources, car si on parle beaucoup d’algorithmes et de données, tout le monde ne parle pas toujours de la même chose. TransAlgo sera ainsi un portail pédagogique en ligne à destination du grand public qui expliquera pourquoi la transparence est importante et définira certains concepts, comme la loyauté et l’équité des algorithmes. C’est pour cela que je ne me suis pas seulement entourée de scientifiques, de mathématiciens et d’informaticiens, mais aussi de sociologues, d’économistes et de juristes.

Pour ce qui est des réseaux sociaux, le champ est très large. Nous allons nous concentrer sur le fact checking, c’est-à-dire le développement d’outils permettant de vérifier la véracité des informations qui circulent en ligne. Quant au dévoilement de l’algorithme de la plateforme Admission post-bac, qui permet aux lycéens de faire leurs vœux d’orientation vers les études supérieures, il est aussi prévu : la loi pour la République numérique veut que l’État donne l’exemple en matière de transparence.

Le texte de Mme Boujemaa est nécessairement très court, la nature des questions soulevées est gigantesque. On ne dit rien, par exemple, des logiciels de sécurité, de surveillance et de fichage des personnes. Nous suivrons avec intérêt le travail de Algo, espérant que les travaux seront à la hauteur des intentions.

Remarque importante et positive : Mme Boujemaa travaille à l'INRIA.

Orthographe

Ce texte est écrit dans l'orthographe recommandée 1990 en suivant, si je n'ai pas fait d'erreur, les recommandations du logiciel « Le Robert Correcteur ».

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Fin de la lettre du 21 mai 2017