[alerte] - JM Bérard - 20 juin 2015

Sommaire

Chute de la balle

Ségrégation scolaire : la philo ce n'est pas pour tout le monde

Chute de la balle : que reste-t-il de nos études ? La réponse, et un tout début d'analyse

Le test est-il bien choisi ?

Vos réponses à la question

Deux premières conclusions

Pourquoi la réponse 5 ?

La suite

Bribes

Loi sur le renseignement

Je veux m'en fourrer jusque là

Sobriété

Que reste-t-il de nos études ? Quel sens donner à ce que nous avons appris ?

À propos de [alerte]

Le nuage de [alerte]

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin



Chute de la balle

Je traite ce sujet dans la suite de cette lettre. Mais dès maintenant je voudrais remercier ceux qui ont répondu. Vos commentaires sont riches, passionnants, ouvrant de nombreuses pistes de réflexion. Pour l'instant je suis un peu embarrassé : comment vais-je pouvoir synthétiser tout cela pour vous restituer quelque chose à la hauteur de ce que vous avez envoyé ?

Attention : comme il est écrit à la fin de toutes les lettres [alerte], j'ai le droit de publier ce que vous m'avez écrit après avoir enlevé de votre texte tout ce qui pourrait permettre de vous identifier. Cependant je ne veux pas vous mettre devant le fait accompli : si vous n'êtes pas d'accord, merci de me le signaler.

Ségrégation scolaire : la philo ce n'est pas pour tout le monde

C'est un important article de l'historien de l'éducation C. Lelièvre dans la revue en ligne « Le Café Pédagogique »

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/06/16062015Article635700345551973893.aspx

Mercredi le bac commence avec l'épreuve de philosophie, rappelle C. Lelièvre. Enfin pas tous les bacs. "Il est semble-t-il admis qu'intrinsèquement la philosophie est partie intégrante de l'éducation à l'esprit critique. Mais il est non moins patent que cela ne concerne au mieux dans les faits que la moitié d'une classe d'âge (à savoir les candidats aux baccalauréats généraux ou technologiques). Comprenne qui pourra !" Effectivement, il n'y a pas de philo dans les baccalauréats professionnels.

On constate maintenant de façon certaine que, au cours de la scolarité, les inégalités culturelles s'aggravent. L'exemple de la philo en est un exemple terrifiant. Implicitement tout le monde (y compris hélas les victimes de ce système) pense que tous les élèves ne se valent pas. Certains (comme par hasard massivement issus de milieux défavorisés) sont plutôt « faits » pour des études courtes et l'exercice rapide d'un métier plutôt manuel. Ils ne sont pas assez dégourdis pour faire de la philo !:-| C'est de naissance ! D'autres (comme par hasard massivement issus des milieux favorisés) peuvent apprendre à penser. Peut-on imaginer situation plus révoltante ? Que l'on ne me dise pas que la philo est trop difficile : actuellement elle est présente à titre expérimental dans certaines écoles maternelles et élémentaires. Tout dépend de ce que l'on enseigne et comment.

Chute de la balle : que reste-t-il de nos études ? La réponse, et un tout début d'analyse

J'ai commencé à traiter ce sujet au début de cette lettre.

Je vous rappelle le texte du test, proposé par un prof de fac à ses étudiants qui rentrent en licence de physique, test auquel seulement 4 étudiants sur 10 savent répondre.

Test niveau bac : on lance une balle verticalement vers le haut. On néglige les forces de frottement. Quelle(s) force(s) agissent sur la balle lorsque celle-ci est en train de monter ?

1 Une seule force vers le haut, qui diminue avec le temps.

2 Une grande force vers le haut et une petite force vers le bas.

3 Une seule force vers le haut, qui est constante.

4 Aucune force n'agit.

5 Une seule force vers le bas.

Réponse : une seule réponse est juste, la réponse 5, une seule force vers le bas, le poids. Il n'y a pas plusieurs réponses justes à la fois, ou certaines justes pendant une étape seulement. Un seule réponse, la 5.

Le test est-il bien choisi ?

Ce test est parfait pour un prof de fac qui veut tester des étudiants qui viennent d'avoir le bac et rentrent en licence de physique. Mais en y regardant bien, c'est un test qui suppose justement d'avoir acquis les mécanismes de raisonnement que l'on apprend en terminale, en particulier la modélisation d'une situation (dans ce cas : se représenter une situation et faire le bilan des forces) ce qui est un exercice difficile. Je vous ai proposé ce test parce que il a été présenté dans une réunion à laquelle je participais, et a été présenté par un prof de fac membre du conseil des programmes, donc au cœur des questions. Ce n'est pas tout à fait ce que je souhaiterais faire. Mon intuition est que, études de physique ou pas, nous n'avons pas une très bonne représentation des principes physiques qui régissent notre environnement et nos modes de raisonnement. Mon projet (mais évidemment je ne peux le réaliser à moi seul, et peut être est-il absurde) serait de tenter d'analyser ce que l'ensemble d'entre nous perçoit des grands principes qui régissent notre environnement et nos modes de raisonnement : une voiture qui roule tous phares allumés consomme-t-elle plus, moins ou autant d'essence que tous phares éteints, puisque de toute façon le moteur tourne ? Lorsque je fais cuire des poireaux, à partir du moment où l'eau commence à bouillir est-ce que les poireaux vont cuire plus vite si je pousse le gaz à fond ou puis-je baisser le gaz juste pour entretenir l'ébullition ? Flotte-t-on mieux dans l'eau profonde ? Si, lorsque je suis sur un tapis roulant qui avance, je laisse tomber un objet lourd, tombe-t-il à mes pieds, ou derrière, ou devant ? Lorsque je vois un objet dans la pièce, est-ce l’œil qui projette la lumière sur l'objet, ou la lumière vient-elle d'ailleurs et rentre-t-elle finalement dans l’œil ? L'expression « 8,3 minutes-lumière en moyenne » vous évoque-t-elle quelque chose ? Le film « La planète des singes » est-il une pure fiction ?

Bon, mon rêve (peut-être totalement absurde) serait comme cela de construire, quoi, une cinquantaine de questions, mieux rédigées que les miennes, pour avoir une idée de la façon dont nous nous représentons le monde, et donc ensuite d'enrichir à partir ce cela les façons d'enseigner. En tout cas, au regard de mes propres questionnements, ce test n'était pas vraiment adapté.

Remarque : certains d'entre vous ont demandé que je pose d'autres questions que celle du test. Vous constatez que je viens de vous en poser sept. Je suis preneur de vos réponses. Vraiment. Y compris si vous pouvez répondre en justifiant votre réponse. Et sans chercher sur internet, puisque le but est de recenser ce qu'il y a dans vos propres souvenirs.

Vos réponses à la question

Je vous le redis, la réponse est 5.

La liste de diffusion de [alerte] comporte 217 personnes.

J'ai envoyé la lettre, aussitôt suivie d'un petit message d'insistance.

Au total : 26 réponses. C'est énorme pour une lettre [alerte] ordinaire, ce n'est pas énorme après un message d'insistance. Je ne sais pas combien d'abonnés lisent la lettre, je ne sais pas combien la lisent régulièrement. Une partie des abonnés ne sont jamais intéressés par les questions de sciences. Pour interpréter mieux il faudrait que ceux qui n'ont pas répondu disent pourquoi. Quelques uns de vous voudraient-ils le faire ? Mon hypothèse est que nous souffrons tous des séquelles d'un système scolaire par tout ou rien, où le couperet peut tomber à tout moment. C'est un peu ce que montrent les enquêtes Pisa où l'on voit que les élèves français, beaucoup plus que ceux d'autres pays, ont peur de répondre. (C'est testé dans Pisa). Du coup beaucoup de vos réponses contiennent une phrase de protection contre mes critiques attendues : « je ne sais pas ce que vaudra ma réponse », etc.

Vos réponses sont les suivantes : réponse 5 : 12 ; réponse 2 : 8 ; réponse 1 : 2 ; réponse 4 : 1 ; réponse 2 : 1 ; non réponse : deux.

Si l'on voulait vous comparer (manie du système éducatif !) vous êtes exactement aussi bons globalement que des étudiants entrant en licence de physique. Mais bien sûr un aussi petit échantillon n'a aucun sens. Je ne sais pas quels seraient les résultats si tous les abonnés avaient répondu.

Deux premières conclusions

Il n'y a pas de corrélation évidente entre le niveau d'études scientifiques et l'exactitude de la réponse : on peut être polytechnicien et répondre faux. En revanche, il y a une liaison absolument totale entre le fait de répondre juste et le fait d'avoir enseigné ces notions. Tous ceux qui ont enseigné cela répondent juste. Cela me semble capital dans ce que vous dites: on comprend beaucoup mieux ce que l'on doit enseigner. Cela relance me semble-t-il toute une réflexion pédagogique sur les activités à proposer aux élèves: situations dans lesquelles ils doivent expliquer quelque chose à leurs camarades, enseignement mutuel, classes hétérogènes, projet de groupe à réaliser, etc. Je pense que vous aurez plein d'idées.

Pourquoi la réponse 5 ?

C'est là que pour moi, qui ne vous ai pas en face de moi, l'exercice est difficile. Il l'est aussi pour le prof face aux élèves : répondre non seulement par vrai ou faux mais essayer de faire comprendre pour quelles raisons la réponse est fausse. Je vous propose une explication, mais je pense que encore mieux que moi vous sauriez en rédiger une.

Dans la façon dont nous formalisons la mécanique depuis Galilée et Newton nous utilisons deux notions : la force et la vitesse. Et depuis Galilée et Newton il est établi, dans ce système de représentation, que la force n'est pas la vitesse et que la vitesse n'est pas la force. La force est ce qui fait changer la vitesse. Et ce qui est très complexe est que cette loi est tout à fait contraire à nos façons habituelles de voir le monde, contraire à ce que les spécialistes appellent pré représentations. Souvent, et même en général, la science va à l'encontre du sens commun.

Dans l'exercice il y a bien eu une force exercée par le lanceur pour lancer la balle. Mais une fois la balle lâchée il ne reste qu'une seule force, le poids. Pendant que la balle monte, le poids (qui est une force) fait varier sa vitesse, la balle ralentit puis s'arrête. Pendant que la balle redescend, le poids (qui est une force), fait varier sa vitesse : la balle accélère. Le poids ralentit la balle à la montée, l'accélère à la descente, mais c'est bien la même force, une seule force constante, le poids. La vitesse varie tout au cours du mouvement, mais sous l'effet d'une seule force, le poids.

Bon, vous voyez, c'est difficile à expliquer !

La suite

Il y a encore dans ce que vous m'avez envoyé beaucoup de remarque importante. Pour aujourd'hui je reste sur une découverte et une question :

L'idée selon laquelle on comprend mieux ce que l'on doit enseigner me semble capitale. Comment en tirer toutes les conséquences pour les élèves ?

Une immense partie de la population pense que vitesse est équivalent à force, et cela des siècles après Galilée et Newton. Pourquoi des principes de base de la physique sont-ils si lentement assimilés dans le corpus de la culture générale ?

Je vous l'ai dit, la richesse de vos réponses m'a passionné. Il faut que je continue, pour vous en dire un peu plus. Vais-je diffuser vos réponses à tout le monde après avoir soigneusement anonymisé ? Je ne sais. Cela vous permettrait de vous faire une idée par vous mêmes, mais revient aussi un peu à vous demander de faire le travail de synthèse à ma place.

Bribes

Loi sur le renseignement

Elle vient d'être adoptée définitivement. Comme le fait remarquer un homme politique de droite (lui-même hostile à la loi), « si cela était venu de nous il y aurait eu trois millions de personnes dans les rues, Taubira en tête. »

Extraits de Mediapart, 15 juin 2015, Mathieu Magnaudeix : Renseignement, comment les politiques ont fermé les yeux. « Ce n’est pas Big Brother, ce n'est pas vrai. Il y a des critiques excessives. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes », admet Jean-Pierre Sueur, responsable du texte pour le PS au Sénat [...]. De fait, les points noirs du textes subsistent : l’algorithme branché chez les hébergeurs pour repérer les profils suspects à partir de leurs connexions ; les Imsi-catchers, ces valises qui permettent d’espionner les portables ; l’inconnue de la conservation des millions de données récoltées, malgré la mise en garde de la Cnil, tenue à l’écart de l’écriture de la loi, etc. J'ajouterais : le fait que toutes les procédures sont confiées à des instances administratives sans contrôle d'un juge d'instruction indépendant.

L'opinion publique : « il faut bien lutter contre le terrorisme. Et moi, je n'ai rien à me reprocher. » Jusqu'au jour où la police, actuelle ou future, viendra sonner à votre porte.

Extrait de Mediapart le 17 6 2015. Des propos de Laure de La Raudière, députée « Les Républicains » (oui, c'est comme cela qu'ils ont décidé de s'appeler), qui a voté contre la loi alors que la majorité de son parti soutenait la loi :

« Pendant l’examen de la loi sur le renseignement, Laure de La Raudière s’est démarquée encore plus fortement de LR, qui a soutenu le projet présenté par le gouvernement. Pendant le débat à l’Assemblée, elle avait eu ce jugement terrible : « Le texte sur le renseignement pourrait satisfaire un pouvoir totalitaire. Si un pouvoir totalitaire s’installait en France, ses dirigeants n’auraient même pas à modifier la loi pour surveiller la population »… Elle va encore plus loin en répondant à Mediapart : « Tel qu’il est proposé, le texte permet de mettre en place une police politique, une surveillance de masse. Il faut le dire ! Il faut le crier ! Il faut que les Français s’en rendent compte ! Les Français, traumatisés par le chômage, pensent qu’ils n’ont rien à craindre s’ils n’ont rien à se reprocher. C’est faux. Le fait d’être surveillé changera nos comportements. Et demain, toutes les informations que nous échangerons en privé, même sur un projet de voyage touristique, pourront être entendues par les services de renseignement. »

Elle a raison. Je dirais la même chose. Une différence cependant entre elle et moi : Mme de La Raudière est un fervent soutien de Bruno Lemaire qui a, lui, voté pour la loi ! Allez comprendre.

Je veux m'en fourrer jusque là

Un article de Laurent Joffrin dans Libération le 18 juin 2015 rend compte du livre « Révolutions invisibles ». Je me limite à critiquer l'article de Laurent Joffrin, qui me rend furieux. Le livre me rendrait sans doute furieux aussi, mais je ne l'ai pas lu.

Le sous-titre de l'article : «Et si la solution au réchauffement climatique allait contre les propositions des écologistes orthodoxes ? Et si la solution était d'acquérir encore plus de technologie et plus de science ?»Remarquez la formule magique « et si » très à la mode, qui veut dire : je me permets de dire n'importe quoi sans avoir à le justifier puisque c'est dans le « et si ».

La façon dont je vois les choses : après avoir tenté de nier tous les effets catastrophiques d'un développement uniquement fondé sur le profit (réchauffement, pollution, etc.) certains intellectuels, brillants esprits forts, ont trouvé un nouveau miracle : inutile de tenter de réformer nos pratiques, inutile d'économiser l'énergie, de ne plus utiliser de pesticides. Les progrès scientifiques et techniques vont trouver une solution à tous les problèmes. Les thèses usuelles selon lesquelles il faut économiser l'énergie et autres billevesées sont qualifiées par le journaliste de « littérature souvent pieuse et convenue qui traite les questions écologiques. » En avant, faisons confiance à la science. « On pourrait par exemple, pour lutter contre le réchauffement, disperser dans l'espace une myriade de feuilles de métal qui filtreront le réchauffement solaire et refroidiront la surface du globe. » Quelle bonne idée d'apprenti sorcier ! Si cela crée des effets climatiques imprévus et incontrôlables, il suffira d'envoyer des myriades d'aspirateurs pour récupérer les feuilles de métal. Peut-être pourrait-on penser d'abord à réchauffer moins ! Laurent Joffrin en convient : « Des solutions mirobolantes, qui préservent les perspectives de croissance économique (sous-entendu : les énergies alternatives ne préservent pas la croissance JM B) sont souvent défendues par d'anciens climato-sceptiques ravis de trouver dans la technologie même une solution aux dérèglements technologiques avec ce qu'il faut d'intérêts industriels et commerciaux friands de nouveaux marchés. » Après cet éclair de lucidité Laurent Joffrin conclut benoîtement : « C'est une plus grande science qui pourvoira aux défaillances de la science. Cette initiation échappe aux outrances militantes, aux dogmes de la radicalité, aux dévotions bien-pensantes d'une partie de la pensée écologique pour faire fond sur l'humain et la raison ». Roulements de tambour, sonneries de trompettes : on peu continuer comme avant, la science nous sauvera. De tels propos aussi peu réfléchis, un tel vocabulaire méprisant pour le travail de réflexion écologique me laissent pantois. Bien sûr, je ne veux pas du tout contester les progrès que la science peut apporter : si le secteur des énergies renouvelables est si plein d'avenir c'est bien grâce aux perspectives ouvertes par la science et à la technologie. Mais avant de dire cela il faut dire avec force : nous allons à la catastrophe si nous ne réduisons pas nos consommations en tous genres, si nous ne trouvons pas un autre mode de vie plus raisonnable. Les propos de Laurent Joffrin me font furieusement penser aux publicités que l'on lit en ce moment dans toutes les revues : « Grâce à notre produit (en général des gélules aux plantes, c'est naturel !) vous pourrez maigrir sans vous priver de rien ». Les thèses des climato-sceptiques (Claude Allègre en tête) ont eu un grand succès mais sont en perte de vitesse: inutile de prendre des précautions, il n'y a aucun problème. Les thèses que résume de façon fort bienveillante L. Joffrin ont, sans nul doute, un grand avenir : il y a bien un problème mais la science saura tout résoudre, ne changez rien !

Sobriété

Dans Libération du 20 6 2015 un entretien sur deux pages avec Edgar Morin. Je ne lis pas beaucoup de livres de philo ou de sociologie, mais, dans les articles et les entretiens, j'apprécie beaucoup Edgar Morin, qui me semble l'un des grands penseurs de notre temps. Par un heureux hasard (ce n'est qu'un hasard) cet article prend exactement le contre-pied des analyses de Joffrin la veille dans le même journal.

« L'évasion fiscale est un phénomène énorme. Elle symbolise l'hégémonie de la finance, une sangsue dont chaque pays souffre à sa façon. […] Elle entretient ce dogme du néolibéralisme et de la dérégulation qui empêche toute politique salvatrice. […] Beaucoup de choses doivent décroître : la surconsommation de produits inutiles, l'agriculture et l'élevage industrialisés. […] Des études montrent que la France pourrait être autonome à partir d'énergies propres. […] Ensuite il faudrait dépolluer les villes et les « déstresser », si j'ose dire, en régulant la circulation automobile et en multipliant les transports publics. Il faut valoriser l'agro-écologie et une agriculture fermière qui bénéficie de la science moderne. […] Aujourd'hui on ne voit plus les êtres humains, on ne voit plus que les chiffres, c'est anonyme, barbare. On accélère tout au nom de la compétitivité. Il faut une civilisation du « bien-vivre ».

Que reste-t-il de nos études ? Quel sens donner à ce que nous avons appris ?

C'est la même question que pour la chute de la balle : qu'apprenons-nous à l'école, quel est le sens de ce que nous apprenons et qu'en reste-t-il ? Je sais (sans chercher sur internet) que Henri IV a été assassiné par Ravaillac en 1610. Pour répondre aux critiques de la droite sur les programmes d'histoire, il faut donc noter que la chronologie ne m'est pas étrangère ! Mais quel sens donner à cette connaissance ? Quelle était la situation politique, économique et sociale de la France dans cette période ? Dans quel contexte s'inscrit le geste de Ravaillac ? Je ne sais pas. Je pensais à cela à midi en mangeant un excellent poulet rôti. Chez mes parents, c'était un mets de fête. Du coup je me suis souvenu que Henri IV avait promis d'élever le niveau économique de ses sujets en leur promettant la poule au pot tous les dimanches. On fait de l'histoire à l'école, cette formule est marquante : Henri IV avait de bons communicants. Mais en réfléchissant, je constate que 1610 et la poule au pot sont pour moi des connaissances vides de sens. Je n'ai aucune idée de la situation politique, économique et sociale de la France à cette époque. Je n'ai aucune idée des modes de vie des sujets de Henri IV, et en particulier des paysans. Je ne sais pas du tout si le fait de manger de la viande une fois par semaine était un progrès important, ni comment Henri IV pensait réaliser cette mesure. Quelle politique économique a-t-il adoptée pour réaliser ses promesses ? (Diminuer les redevances que les paysans devaient aux seigneurs ? J'en doute, les seigneurs l'auraient mal pris. En tout cas il n'a pas permis le travail le dimanche, cela n'aurait pas été admis par l’Église. Accessoirement, le repos du dimanche permettait aux paysans de reprendre un peu de forces.) 1610 et la poule au pot sont pour moi des connaissances vides de sens. Il me semble que c'est un peu ce genre de question que l'on doit se poser pour tout le système scolaire. L'un de vous, sans regarder sur internet, saurait-il me dire comment a procédé Henri IV pour que ses sujets mangent la poule au pot ?

Remarque : je ne l'ai pas appris à l'école, je ne sais pas si c'est vrai : Henri IV était en état constant d'érection et pensait que le sexe masculin était un os. Gaudeamus igitur : le fait d'avoir été assassiné lui a évité de cruelles déconvenues ultérieures. Loué soit Ravaillac.

À propos de [alerte]

Diffusion libre à condition de citer la source, [alerte] JM Bérard, et impérativement la date.

Le nuage de [alerte]

J’ai placé dans le nuage de [alerte] des textes et documents divers, avec le seul critère qu’ils me semblent intéressants et méritent d’être portés à votre connaissance. Cliquez, naviguez. Dernier document mis en ligne : le texte de B. Wolff sur l'effet Mpemba. Pour accéder au nuage cliquer sur :

https://drive.google.com/folderview?id=0B_Wky0_FwW1tekd3aXNsOEpwVk0&usp=sharing

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

jean-michel.berard x orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

Lorsque je publie l’une de vos réactions, je ne mentionne pas votre nom. La liste de diffusion comporte 200 abonnés, qui plus est la lettre est disponible sur internet, et je pense que vous ne tenez pas forcément à ce que votre qualité de lecteur de [alerte] soit diffusée ainsi.

Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], peuvent être diffusés dans la lettre, (un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal), mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction sur la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info/

Fin

de la lettre du 20 juin 2015