[alerte] - JM Bérard - 9 août 2014

Sommaire

Au jour le jour

* Qu'achète-t-on, que mange-t-on ?

* Petit cours amusant d'économie libérale

* Petit cours passionnant d'économie courageuse

* Surveiller et punir

* Autoroutes allemandes



Au jour le jour

* Qu'achète-t-on, que mange-t-on ?

J'achète au supermarché des dés de lardons fumés pour préparer la salade de riz que je compte apporter pour la fête du village. Je les fais cuire à la poêle. Au bout de trois minutes, la poêle contient une quantité impressionnante d'eau, comme si je tentais de faire bouillir les lardons. De l'eau au prix de la viande...

Je discute avec le patron-cuisinier du restaurant et sa femme. Ils sont fiers de m’expliquer comment ils fabriquent leurs délicieuses glaces artisanales. Il m'explique qu'il a réglé sa machine pour que le produit obtenu contienne peu d'air (il en faut), mais pas trop, alors que les glaces industrielles en contiennent beaucoup. J'ai vérifié : au supermarché, les glaces industrielles sont vendues au litre, et pas au poids. On ne sait donc pas combien d'air on achète pour le prix.

* Petit cours amusant d'économie libérale

L'économie est-elle une science ? Sans aucun doute oui, puisqu'elle a des prix Nobel ! Mais alors pourquoi ces savants sont-ils récompensés pour des théories parfois contradictoires ? Une science ?

J'ai été frappé par les affirmations contradictoires de François Hollande et des économistes qui le conseillent d'une part et de la banque fédérale d'Allemagne d'autre part.

Les producteurs de fruits français manifestent, protestent, vont être reçus par le premier ministre. Les fruits espagnols vendus en France sont moins chers que les fruits français, les producteurs français sont ruinés. La cause, évidemment, selon eux : le coût des salaires en France est trop élevé par rapport au coût espagnol.

Ces affirmations me laissent à la fois rêveur et scandalisé.

Rêveur : on ne dit jamais « le coût des salaire en Espagne est trop bas, il faut l'augmenter. » C'est toujours le coût des salaires français qu'il faut baisser. Puisque les travailleurs espagnols ou chinois sont capables de vivre dans des conditions misérables, les français peuvent en faire autant. C'est le credo de l'économie libérale : le commerce doit être libre, indépendamment des conditions sociales. Au sens des règles du commerce mondial, les industriels qui font fabriquer des chaussures de sport par de très jeunes enfant pratiquement pas payés en ont le droit. C'est la liberté du commerce.

Scandalisé : quoiqu'il en soit le président Hollande, avec le pacte de solidarité, abonde dans le même sens : on va baisser les « charges » patronales. On a pris l'habitude d'employer le vocabulaire patronal en appelant « charges » ce qui n'est en fait qu'un salaire différé. Les « charges » permettent en particulier l'existence du système de sécurité sociale et du système de retraites. Si chacun devait payer une assurance privée ou une caisse de retraite privée, cela serait sans doute beaucoup plus cher et ferait donc baisser le pouvoir d'achat. Moins de pouvoir d'achat, donc moins de ventes, donc moins de production, donc chômage, donc moins de pouvoir d'achat... Mais bon, selon Hollande, la baisse des « charges » patronales » requinquera l'économie.

Mais alors je n'y comprends plus rien. Dans le même temps la banque fédérale d'Allemagne (Bundesbank), qui n'est pas spécialement marxiste, demande à Angela Merkel d'augmenter les salaires en Allemagne pour augmenter le pouvoir d'achat et relancer l'économie.

C'est comme le nuage de Tchernobyl : les lois de l'économie libérale changent en traversant le Rhin !

* Petit cours passionnant d'économie courageuse

Je dois donner un peu d'explications avant d'en arriver à l'économie courageuse. Mais bon, même pour ceux qui connaissent un peu cela, comme moi, cela rafraîchit utilement la mémoire.

A la fête en alpage organisée par l'office du tourisme, un fromager de la coopérative laitière (que l'on appelle ici fruitière) vient fabriquer une tomme sous nos yeux. Cela donne à chacun (y compris moi, qui pensais connaître la question) l'occasion de réviser un peu. En faisant coaguler le lait (en général par l'ajout de présure) on obtient du fromage (ou plus exactement on peut obtenir différentes sortes de fromages, selon le traitement qu'on applique au lait caillé) et un liquide appelé lactosérum, mais plus communément petit-lait. Le petit-lait est composé d'eau, de matière grasse, de lactose, de protéines et de différents sels minéraux. De très grandes quantités de lactosérum sont produites chaque année par l'industrie laitière. On obtient en effet environ 9 litres de lactosérum et 1 kg de fromage à partir de 10 litres de lait. Wikipedia.

Là où cela devient intéressant est que le petit-lait a longtemps été considéré comme un sous-produit encombrant, qui servait à l'alimentation du bétail ou était déversé dans les cours d'eau, provoquant de graves pollutions. L'industrie agro-alimentaire sait maintenant en extraire de la poudre de protéines, utilisée dans les biscuits, les laits pour enfants, les aliments pour la suralimentation des personnes âgées, les produits diététiques et les cosmétique. Une mine d'or.

Là où cela devient plus intéressant est d'apprendre que en France la fabrication de poudre de protéines est monopolisée par deux grands groupes industriels. (Sur internet je n'ai pas trouvé le nom de ces deux groupes, qui se masquent derrière un site d'information « eurosérum ».) Conclusion : le prix qu'ils versent aux producteurs de lait pour acheter le petit-lait est devenu totalement dérisoire, alors que la poudre produite est revendue à prix d'or par ces deux grands groupes aux industries utilisatrices.

Et là où cela devient encore plus intéressant est d'apprendre que plusieurs coopératives laitières de Savoie et de Haute-Savoie se sont regroupées pour construire à Albertville une usine de production de poudre de protéines, qui sera donc revendue par les producteurs, et non par les deux grands groupes qui dominent le marché. En outre on fera fermenter le lactose contenu dans le petit-lait pour obtenir du méthane, qui servira de source d'énergie à l'usine et à fournir de l'eau chaude aux immeubles du quartier.

Ouahou...

J'ai cependant une crainte : par des pressions diverses, les deux grands groupes qui monopolisent le marché ne vont-ils pas parvenir à empêcher l'usine d'Albertville d'écouler sa production ? A suivre, l'usine fonctionnera en 2015.

Remarque pour ne pas confondre : en remuant longtemps la crème, on obtient du beurre et un liquide appelé babeurre. En Bretagne on l'appelle lait ribot. Le babeurre a des nombreuses utilisations culinaires selon les pays. Il est souvent utilisé comme boisson au goût aigrelet. Je ne crois pas qu'il soit vendu dans les grandes surfaces. Le savez-vous ? Il me semble que, à part certaines recettes régionales, le babeurre est peu utilisé en cuisine française.

Considération hors sujet : à cette altitude, un jour de soleil, que la montagne est belle...

* Surveiller et punir

Envoyé par l'une de vous, merci. C'est extrait d'un blog du site du journal Le Monde mais je n'ai réussi à déterminer ni la date ni l'auteur.

Les détenus anglais à nouveau autorisés à jouer de la guitare en prison.

"Ne mettez pas aussi les guitares des prisonniers derrière les barreaux", avaient-ils bruyamment plaidés fin avril. Les guitares seront finalement sous liberté conditionnelle, dans les prisons d’Angleterre et du Pays de Galles.

Depuis novembre 2013, les prisonniers britanniques étaient en effet privés de leur instrument en raison d’un durcissement des conditions de détention et en particulier du système des “récompenses” accordées aux condamnés. Plusieurs artistes avaient alors publiquement interpellé le gouvernement dans les pages du Guardian pour défendre le rôle de la guitare dans le “processus de réinsertion” : le chanteur Billy Bragg, l’ancien guitariste de The Smiths Johnny Marr, ou encore celui de Pink Floyd David Gilmour.

La BBC rapporte mardi 29 juillet que la “campagne des rock stars” a porté ses fruits. Un porte-parole du ministère de la justice britannique a fait savoir qu’après concertation avec les directeurs de prison, des “ajustements mineurs dans les biens personnels auxquels les détenus ont droit” avaient été décidés. Selon la BBC, les prisonniers pourront désormais “gagner le droit d’accéder à leurs instruments en se comportant correctement”.

Le porte parole du ministère de la justice a néanmoins tenu à avertir : “On attend maintenant des prisonniers qu’ils s’engagent dans le processus de réhabilitation et qu’ils respectent les lois. Ceux qui ne le feront pas verront leurs privilèges retirés”. Faute d'avoir également été réintroduit, un autre ancien “privilège” n'aura, lui, plus à être retiré : il est toujours interdit pour les détenus britanniques de se faire envoyer des livres en prison.

Bon, on peut utilement comparer avec les conditions de détention des prisonniers français. Mais ce qui me frappe surtout est l'un des commendataires mis en ligne, orthographe initiale respectée :

En effet, lorsque l’on va en prison, c’est que l’on a pas respecter la loie.

On est censé payer sa dette à la société.

Or si on donne aux prisonniers des guitares, cela est totalement contre productif, la prison sera vite assimilé à une sorte de loisir. En effet, les détenus sont déjà nourris, logés, blanchis, ils ont la TV, et en plus on leur donne des guitares !

Pour rééduquer les délinquants, la prison doit être dur! Et non joyeuse avec des autorisations comme celle présente dans l’article !

C'est un site du journal Le Monde, pas de RMC Radio Monte Carlo ou du FN. Toutes les études montrent que la prison « sèche » ne réduit pas la récidive et même, souvent, la favorise. Il faut des activités en prison (travail, études), il faut que le prisonnier garde un lien avec sa famille, qu'il y ait des sorties à l'essai... Malgré cela la loi Taubira visant à aménager le système des peines a été quasiment vidée de son contenu lors des débats parlementaires, tant elle était peu soutenue par le premier ministre et le président. Punissons, enfermons, rendons la prison cruelle. On sait que cela ne protège pas la société, mais au moins on se sent vengé !

* Autoroutes allemandes

En septembre 2013 l'office fédéral allemand des statistiques ( Stat Bundesamt) annonce que sur les autoroutes où la vitesse n'est pas limitée la mortalité est supérieure de 36% à celle des axes limités à 130 km/h. Ça alors. On était pourtant convaincu que les limitations de vitesse sur autoroute ne servent à rien ! (Source ; journal « Pondération » de la ligue contre la violence routière.) Je n'ai pas vérifié sur le site officiel allemand. Mon ami AB, que ces questions passionne, pourrait-il le faire ?

Fin de la lettre du 2014 8 9/9 août 2014

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