[alerte] - JM Bérard - 20 décembre 2013

Sommaire

Un rien m'étonne

Orthographe : cela ne date pas d'aujourd'hui

Euthanasie, suicide assisté : je t'aime, moi non plus

La physique autrement, de nouvelles façons de présenter la physique moderne

Justice

Le droit de propriété est sacré


Un rien m'étonne

* Eco-taxe : ça y est, France info en parle ce 13 12 2013 : des basques manifestent pour la mise en place de l'éco-taxe. Je me demande ce que va faire le gouvernement toujours prompt à reculer devant la contestation : entre les bretons qui ne veulent pas de l'éco-taxe et les basques qui la réclament... Dans quel sens reculer ? La ligne Hollande est mise en cause. Il faut prendre la tangente.

* Lunettes : pour stimuler la concurrence dans le secteur de l'optique le gouvernement autorise l'achat de lunettes sur internet. Les pauvres opticiens sont furieux. Il est vrai que je n'achèterais pas de lunettes sur internet, craignant les mauvais réglages. Mais tout de même : à la télé les pubs des grandes marques de lunettes proposent une deuxième paire gratuite et parfois même une troisième. Je me demande si ce n'est pas la première paire qui est trois fois trop chère !

* On ne jette pas du pain : petit film de pub pour un jambon sous plastique. Bucoliques, un grand-père, son petit-fils, une barque sur un étang. La nature, quoi. Avec l'approbation de son grand‑père l'enfant jette le pain du sandwich à l'eau.(Ou le pain tombe à l'eau, je n'ai pas bien vu.) « Tu as raison, un bon jambon cela se mange sans pain. » C'est une révolution culturelle : on se met à jeter du pain. Un tabou est franchi. Cela dit entre un jambon sous plastique phosphaté et gorgé d'eau et une baguette croustillante, je préfère largement la baguette. Mais je ne jetterais pas le jambon dans l'étang...

* Automobilistes citoyens : une loi est en cours de vote. Le montant des amendes pour stationnement non autorisé ne serait plus fixé nationalement mais serait déterminés commune par commune. Le président de la ligue de défense des automobilistes (??) s'étrangle d'indignation : lorsqu'on se garera dans une ville, on ne saura jamais le montant de l'amende que l'on paiera. Il ne lui vient pas une seule seconde à l'idée qu'il pourrait se garer sur un emplacement autorisé et mettre de l'argent dans la machine... Cela m'étonne toujours : en respectant les règles, personne n'est obligé de payer les amendes pour stationnement ou pour excès de vitesse. On décide délibérément de rouler trop vite ou de se garer sur les clous, pourquoi se plaindre ?

* En France six millions de personnes ont du mal à payer leurs facture d'énergie, et donc du mal à se chauffer. Une étude de la Fondation Abbé Pierre montre qu'une majorité de ces personnes ont plus de problèmes de santé que la moyenne. J'espère que la fondation n'a pas dépensé trop d'argent pour cette étude. Il paraît tout de même assez évident que si l'on a du mal à se chauffer, si l'on vit et dort dans le froid, on doit sans doute aller moins bien que les autres. Et puis comment séparer les paramètres ? Les personnes qui ont du mal à payer leur énergie ont aussi du mal à se nourrir, à acheter des vêtements, à se soigner... Y a-t-il vraiment un facteur plus déterminant que les autres ? La pauvreté envahit tout.

* Formation : j'ai reçu cela.

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Orthographe : cela ne date pas d'aujourd'hui

Reçu de l'une de vous, merci :

Juste une petite nuance : la manie de l’orthographe n’est pas née avec les instituteurs de la 3è République, mais bien avant. Chervel (L’enseignement du français à l’école primaire, tome 2, p. 32) en parle fort bien : « même s’ils sont restés relativement discrets sur ce point hautement délicat, ni Ferdinand Buisson ni Jules Ferry n’ont fait mystère de refouler la vague orthographique qui a submergé l’enseignement scolaire au cours du demi-siècle qui a suivi la loi Guizot. Et leurs incitations vont toutes dans ce sens  :« vous avez compris qu’aux anciens procédés, qui consument tant de temps en vain, à la vieille méthode grammaticale, à la dictée – à l’abus de la dictée- il faut substituer un enseignement plus libre, plus vivant, plus substantiel […] épargnons ce temps précieux qu’on dépense trop souvent dans les vétilles de l’orthographe, dans les règles de la dictée qui font de cet exercice une manière de tour de force, et une espèce de casse-tête chinois. » J Ferry cité par Chervel.

Oui, je crois que l’orthographe est devenue un marqueur social, mais je crois que c’est surtout au 19è un instrument de pouvoir des instituteurs. Il est demeuré très longtemps un double réseau de scolarité, celui des écoles primaires et du primaire supérieur, qui demeure l’école du peuple, même si celui-ci a son élite qui obtient le certif, et le réseau des lycées, avec ses classes primaires, qui est l’apanage de la bourgeoisie (quand bien même la République, avec ses boursiers légendaires, a la conviction de donner leur chance aux meilleurs élèves des écoles primaires). La réelle rupture sociale est là, entre les deux réseaux, me semble-t-il.

Les classes primaire des lycées ont été sur le papier supprimées à la Libération, elles demeurent dans les stats jusqu’au milieu des années soixante, quand avec la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (Berthoin) et la création des CES, les écoles se sont vidées des plus de 12 ans. Aujourd’hui, l’orthographe est vraiment un marqueur social, tout comme la capacité à s’exprimer en public.

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Euthanasie, suicide assisté : je t'aime, moi non plus

C'était à prévoir : la « commission » chargée de donner un avis au président de la République conseille la reconnaissance du suicide médicalement assisté et de l'exception d'euthanasie. « Enfin un peu d'ouverture », crie la presse presque unanime. Il est tout de même surprenant de voir à quel point l'instinct de mort est plus « porteur » que l'instinct de vie. Et de constater le succès de « raisonnements » du genre « je t'aime tellement que je veux t'aider à mourir ».

Tout cela rentre malheureusement un peu trop dans les objectifs d'une société où tout compte, et où l'on finira bien un jour ou l'autre par constater que l'allongement de la durée de vie nous met en présence d'un nombre de personnes âgées qui coûtent beaucoup trop cher...

Peut-on ignorer à ce point la pression morale inexprimée qui s'exerce sur une personne dépendante, et qui se dit en permanence « je suis une charge insupportable pour ma famille, autant les laisser tranquilles et en finir ».

Peut-on ignorer, comme on le fait dans la plupart de ces raisonnements, la souffrance de la personne valide, qui supporte difficilement la souffrance du mourant ? Qui souffre ?

Peut-être serez-vous intéressés par

www.solidairesfindevie.fr

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La physique autrement, de nouvelles façons de présenter la physique moderne

Reçu de l'un de vous, merci :

Une équipe de recherche du Laboratoire de Physique des Solides (LPS) de l'Université Paris-Sud et du CNRS travaille sur de nouvelles façons de présenter la physique de la matière et ses récentes découvertes au grand public. 

http://hebergement.u-psud.fr/supraconductivite/index.html

Toujours le même problème : comment vulgariser la science actuelle, qui s'exprime dans un formalisme mathématique complexe ?

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Justice

Nicolas Sarkozy avait créé le principe de la rétention de sûreté : une fois sa peine totalement terminée le condamné passe devant une commission qui peut décider de le garder en prison, non pas pour ce qu'il a fait (sa peine est terminée) mais pour ce qu'il pourrait faire. C'est une loi totalement contraire aux principes élémentaires du droit, et dans sa campagne F. Hollande avait promis de la supprimer. Où va-t-on si l'on met en prison des gens pour ce qu'ils pourraient faire?

Un homme a assassiné une petite fille de façon particulièrement horrible. Il vient d'être condamné à trente ans de réclusion incompressible. Soit. Mais le tribunal a aussi décidé que, au terme des trente ans, il sera soumis à la loi sur la rétention de sûreté.

F. Hollande est très hésitant sur la politique pénale proposée par Mme Taubira. Mais pour la rétention de sûreté, il n'était tout de même pas difficile de la supprimer dès la prise de fonction du nouveau président. Eh bien non, elle est toujours en vigueur, et sa suppression n'est plus envisagée.

Je sais bien qu'il n'est pas facile de dire cela concernant quelqu'un qui a commis un crime particulièrement horrible.

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Le droit de propriété est sacré

En 2013 le droit de propriété est beaucoup plus sacré que les autres droits humains, qu'ils datent de la Révolution, de la déclaration universelle des droits de l'homme et autres plaisanteries.

Sans être du tout en légitime défense, des bijoutiers, soutenus par l'opinion publique, s'autorisent à tuer les voleurs pour sauver les diamants.

Un mari tue l'amant de sa femme. Normal, on voulait lui voler son « bien »...

Dans de nombreux pays il serait acquitté pour crime d'honneur et la femme lapidée. En France il bénéficiera sans doute des « circonstances atténuantes ! »

En fait je ne comprends pas tout. Le bijoutier qui tue les voleurs peut au moins espérer sauver ses diamants. Mais comment le mari peut-il espérer faire renaître l'amour de sa femme ? Il devra l’enchaîner, ce qui n'est pas favorable à la tendresse. Et puis quelle drôle d'idée que de préférer passer (quelques) années en prison sans sa femme, plutôt que de « céder son bien » à un autre...

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fin de la lettre du 2013 12 19 / 19 décembre 2013