Lettre [alerte] N° 23 - 7 octobre 2008
Par Jean-Michel Bérard le mardi 7 octobre 2008, 22:15 - Lien permanent
Plan de la lettre
1 Au fil des jours, des
lectures et des navigations
France, ton théâtre...
Les mots et les choses
Attention, banlieues
Ils l'ont dit, ils ne l'ont pas
dit...
2 Alerte
3 Citations et réactions de vous tous
J'édite deux lettres
: "[JM B] informatique et société" et "[alerte]". Ceci est la lettre [alerte]
***********************
Vous faites partie d'une liste limitée de
destinataires, constituée de façon purement arbitraire.Vous pouvez sans problème demander à
être rayé de la liste.
Diffusion
libre et bienvenue. Réactions et contributions
très bienvenues.
JM Bérard
JM Bérard
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Plan de la lettre
1 Au fil des jours, des
lectures et des navigations
France, ton théâtre...
Les mots et les choses
Attention, banlieues
Ils l'ont dit, ils ne l'ont pas
dit...
2 Alerte
3 Citations et réactions de vous tous
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Libéralisme sauvage :
l'un de vous a commis l'erreur de me dire qu'il avait bien aimé mes questions
sur le libéralisme sauvage.
Ne tenant plus sur
terre, je m'empresse donc de vous les envoyer à nouveau, en bonne place cette
fois-ci.
Pour cette année, le
prix Nobel d'économie, c'est trop tard, mais pour l'an prochain... Je n'ai pas
le droit de le solliciter, c'est vous qui devez me proposer.
Comment peut-on penser sérieusement :
- que la croissance peut-être constante et régulière (c'est
à dire, à terme, infinie) dans un système où les ressources (matières premières,
état de l'air, accès à l'eau, existence des espèces animales et végétales,
ressources humaines) sont nécessairement finies, limitées ?
- que le système peut perdurer alors même que, même en
France, un nombre croissant de personnes qui travaillent n'ont pas assez pour se
loger et se nourrir ?
- qu'un système qui a besoin pour survivre d'un taux de
profit immédiat de 15% par an peut investir dans l'avenir ? (Recherche, grandes
infrastructures.)
- qu'un système où le mode de vie de plus en plus luxueux
des plus riches s'étale sans vergogne ne va pas finir par provoquer
l'exaspération des plus pauvre ?
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1 Au fil des jours,
des lectures et des navigations
* France, ton
théâtre...
Début juillet avait lieu au théâtre de la Ville à
Paris le très beau colloque "Théâtre, ciment de l'Europe", qui inaugurait la
partie "Culture" de la présidence française de l'Europe.
Un article de Brigitte Salino dans "Le Monde"
du 30 septembre 2008 montre toutes les conséquences que le gouvernement a tirées
de cette importante rencontre internationale.
Synthèse de l'article : le
ministère des affaires étrangères a décidé de supprimer à court terme la
subvention qu'il accordait aux Francophonies en Limousin. Ce ministère souhaite
se centrer mieux sur ses tâches diplomatiques. Par ailleurs il privilégiera la
création des sites par rapport au théâtre vivant.
Remarque d'un ignorant : je croyais que la diplomatie
(puis la guerre) étaient des outils pour faire progresser une politique,
culturelle par exemple. Voici la diplomatie érigée au rang de politique,
indépendamment du contenu.
Le ciment, ("théâtre, ciment de l'Europe") c'est trop
cher, même pour construire l'Europe. Il vaut mieux construire sur du sable. En
période de crise, cela prépare mieux l'avenir.
* Les mots et les
choses
Ce que l'on ne nomme pas n'existe
pas. Tous les ministres le garantissent, il n'y a pas de récession en France. Il
y a une récession technique, un passage récessif, une croissance molle, une
croissance négative (on ne voit pas bien la différence avec la récession, mais
la croissance négative c'est mieux que la décroissance), une faible croissance
(certes, elle est faible, elle est même négative...). Une fois de plus, c'est le
nom qui agit... La récession une fois nommée ferait encore plus baisser la
bourse.
En fait, une fois de plus, par un
tour de prestidigitation magnifique, le gouvernement, en détournant l'attention
par ces jeux de mots, réussit un très beau coup de bonneteau. Normalement les
calculs qui prouvent qu'il y a une récession auraient du être publiés dans un
mois. En les faisant "fuir" dès maintenant, le gouvernement les mêle à tout le
maelstrom de la crise bancaire internationale. Au milieu de tout un tas de
nouvelles catastrophiques, la récession se fait moins remarquer. Qui sait, dans
un mois la crise sera peut-être finie (!) et la récession, mise en vedette,
aurait davantage focalisé l'attention sur les erreurs économiques propres
au gouvernement français.
*
Attention, banlieues
Sous la pression des
"émeutes" de banlieue (1995), le gouvernement avait annoncé des mesures
spectaculaires, des plans mirifiques : "on ne peut pas
laisser des quartiers entiers, des populations entières à l'écart." Et
puis voila que ce même gouvernement envisage de modifier le système de Dotation
de Solidarité Urbaine (DSU). Cela aboutirait, aboutira à supprimer des DSU pour
un grand nombre de communes à qui cette dotation avait déjà été promise. Selon
les maires concernés, et selon deux grandes associations de maires,
paradoxalement, ce redéploiement nuira davantage aux communes les plus pauvres.
La peur est passée, on peut
différer, jusqu'aux prochaines "émeutes".
Parallèlement, la rénovation
urbaine ne suit pas non plus le rythme prévu et la mixité sociale régresse.
(Source : Le Monde, 7 octobre 2008)
Quel étrange système que
celui qui se fait exploser lui même faute d'être capable d'investir pour
l'avenir.
* Ils l'ont dit, ils ne l'ont
pas dit
"La crise des
subprimes était prévisible". Nostradamus ? Le
président du Fonds monétaire international FMI ? De la banque fédérale
américaine fed ? De la banque centrale européenne BCE ? François Fillon, premier
ministre ?
C'est François Fillon. Il avait
tout prévu, mais, pour ne pas avoir l'air prétentieux, il n'a prévenu personne,
ni anticipé la crise.
Bon, les autres
l'avaient peut-être prévue
aussi. Ils n'ont pas prévenu non plus, ni anticipé.
"Parachutes
dorés, on veut la fin des excès". Madame Parisot,
présidente du patronat. (Medef).
Les parachutes dorés sont des
sommes aux montants absolument inimaginables qui sont versées au dirigeants qui
quittent leur entreprise, que l'entreprise ait été bien gérée ou non. Par "fin
des excès" madame Parisot veut seulement dire qu'il ne faut plus verser de prime
aux dirigeants qui quittent l'entreprise dans une situation d'échec.
En revanche, pas question pour
elle de limiter les montants proprement inimaginables de ces indemnités. Selon
elle, cela conduirait à ce que des dirigeants compétents quittent la France pour
aller ailleurs. Ah bon ? On croyait que la crise actuelle, partie des USA,
s'étendait à toute la planète. Où sont les dirigeants compétents ? Le montant
des parachutes est harmonisé au plan mondial, mais la compétence...
De plus, tout est à craindre. Pour
le Medef, un patron qui réussit c'est celui qui assure 15% de profit aux
actionnaires. Pour cela, il faut limiter les salaires, augmenter les horaires de
travail, licencier, délocaliser. Je me demande si les ouvriers et les cadres ont
vraiment intérêt à avoir des patrons qui réussissent...
"Nous ne
sommes pas en situation de déliquescence, mais nous sommes en difficulté."
Un dirigeant
du parti socialiste, pour préparer le congrès. S'il le dit... C'est encore une
question de vocabulaire. C'est comme le type qui tombe du soixantième étage du
building et qui, pendant toute sa chute, en passant devant chaque étage, se
rassure :" jusque là, ça va."
"Le médecin
urgentiste du SAMU a eu des gestes bizarres pour ranimer la femme victime d'une
crise cardiaque". Le procureur de la république, qui,
du coup, a mis le médecin en examen, et a diffusé largement l'information à la
presse. L'information a tourné en boucle sur les radios pendant tout le week
end. Finalement, le médecin avait accompli un geste normal (fermer la bouche de
la femme qui venait de décéder), geste que les témoins ont pris pour un
étranglement volontaire. Espérons que la réputation de ce médecin survivra à
cette "erreur" du procureur.
La presse dit que ce médecin était
étranger. On manque de plus en plus de médecins en France, surtout pour les
boulots non gratifiants. Il me semble que si le médecin avait eu un air
catholique, les témoins ne l'auraient pas soupçonné, ou au moins lui en auraient
parlé avant de le dénoncer au procureur. Mais j'exagère, comme
d'habitude.
"Le monde est au bord du gouffre
par la faute d'un système irresponsable. Il faut recadrer un système devenu
incontrôlable et sans éthique"
Karl Marx ? Arlette Laguiller ?
Non, c'est encore François Fillon. Il a découvert cela il y a huit jours,
lorsque les banques européennes ont commencé à s'effondrer sous l'effet de la
crise. Réveillez-vous, monsieur le premier ministre. C'est comme cela depuis
longtemps, et vous n'en aviez pas beaucoup parlé. M. Sarkozy, ferme partisan du
"laissez faire le marché" n'en avait jamais parlé non plus.
Cela dit, selon le jeu de mots
bien connu, si le monde est au bord du gouffre, pour avancer il suffit de faire
un grand pas en avant.
"Il ne faut
pas faire les mêmes erreurs que lors de la crise de 1929. L'état soutiendra les
banques, les particuliers, renflouera Dexia, rachètera les logements invendus
pour relancer l'immobilier, versera des fonds aux Petites et moyennes
entreprises". N. Sarkozy, F.
Fillon.
Même les députés UMP sont
perplexes. Tout cela coutera au moins 26 milliards. (Et encore, on ne sait pas
où nous mènera le fait d'indemniser les particuliers si les banques font
faillite). Le gouvernement avait eu du mal à trouver 1,5 milliards pour le
revenu de solidarité active. Alors, 26 milliards... Les députés UMP n'y
connaissent rien : quand la borne est franchie, il n'y a plus de limite, les
promesses n'engagent que ceux qui les croient, etc. etc.
"Le
réchauffement climatique n'est pas du à l'activité de l'homme. Il ne faut donc
pas sacrifier le développement de notre industrie à ces questions écologiques".
Ce n'est pas une citation précise de Sarah Palin,
candidate à la vice présidente des Etats-Unis d'Amérique, mais l'idée générale
est là. Même son patron McCain, qui, pour ses besoins électoraux, a un peu
progressé sur le plan de l'écologie, a été gêné.
Si le "ticket"
républicain est élu, et si le président meurt, elle sera présidente des USA.
L'aveuglement
des personnes qui ne voient pas à quelle vitesse nous sommes en train de
détruire notre propre environnement et de compromettre l'avenir de l'espèce
humaine me laisse toujours ébahi. Lorsqu'il n'y aura plus de caribous, comment
Mme Palin pourra-t-elle les chasser en tirant depuis son avion ? Souvenons-nous
de ce que dit Hubert Reeves : la vie survivra sur Terre, mais l'espèce humaine
est sans doute celle qui est la moins prête à survivre. Peut-être y aura-t-il
toujours des caribous, mais plus de Mme Palin.
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2
Alerte
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3 Citations et réactions de vous tous
Les milliardaires ne sont pas seuls à
souffrir de la crise
Contribution de l'un de
vous : "Petite parenthèse : j'ai
téléphoné hier à une de mes nièces, qui a repris, en tant qu'indépendante
(franchisée ?) une agence bancaire (Citibank, filiale de Citigroup) ; elle n'en
mène vraiment pas large : agressée de toutes parts par des clients inquiets (on
les comprend), et pourtant, elle fait son travail, je crois, correctement. Elle
fonctionne dans un système. Elle pleurait. Elle avait conseillé à un jeune
adulte, qui a économisé pour ses études, une obligation à 1 an, garantie au
maximum (AA+, excuse le jargon soi disant capitaliste) par Leemans et Brothers :
perte probablement totale. Elle pleurait, eh oui, ça arrive même aux
banquiers... elle cherchait un moyen de pouvoir rembourser au moins la plus
grosse partie à ce jeune homme, sur ses bénéfices propres.
Elle ne peut évidemment pas rembourser tout le monde... il y a trois semaines qu'elle ne dort plus.
Bien fait pour elle, diront quelques tordus ?... "
J'organise un concours entre vous, et celui qui aura la meilleure réponse recevra une action de Dexia payée de ma poche :
Elle ne peut évidemment pas rembourser tout le monde... il y a trois semaines qu'elle ne dort plus.
Bien fait pour elle, diront quelques tordus ?... "
J'organise un concours entre vous, et celui qui aura la meilleure réponse recevra une action de Dexia payée de ma poche :
réponse A : elle a fait une faute professionnelle, elle aurait du vendre
du triple A plutôt que du AA+, tout le monde sait
ça.
réponse B : tous les Etats (dont, pourtant, les caisses sont vides) ont
promis non seulement de renflouer les actionnaires des banques mais de
rembourser les épargnants. Aucun souci à se
faire.
réponse C : pourquoi se fait-elle du
souci, elle n'a joué que le rôle de conseil, c'est le client qui a décidé.
réponse D : cette dame ne dort plus
depuis trois semaines. Elle habite en Belgique. Qu'elle vienne en France, où les
gens n'ont pas ce genre de problèmes, puisque nous les masquons en ayant la plus
grande consommation de médicaments psychotropes
d'Europe.
réponse E : le système bancaire est un
système qui ne prend pas en compte l'humain, ce n'est pas dans son système de
valeurs. Si elle se met à se faire du souci pour les clients, il vaudrait mieux
qu'elle change de métier, car elle n'y survivra pas. Suggestions : devenir DRH
pour gérer les plans sociaux de licenciements, ministre de la culture pour
choisir quelles subventions supprimer, manieur de pistolet dans un abattoir à
moutons. Bon, arrêtez de me critiquer tout le temps. J'essayais de lui trouver
un avenir. Si vous avez mieux, ne gardez pas le
silence.
Ne vous faites pas de souci. Il est vrai que je ne connais pas, à la
minute où je parle, le prix de l'action Dexia que je vous ai promise en cadeau,
mais comme de toutes façons je n'ai pas fixé mes critères pour déterminer la
meilleure réponse...
Comprendre la
crise
L'un de vous me signale un site tout à fait
utile
et, sur ce site, un article "Comprendre la
crise", par Paul Jorion.
C'est passionnant, mais trop long et complexe
pour que je sois capable de résumer. A vous de lire, si vous
voulez.
Un angle de vue et des principes explicatifs
tout à fait différents de ceux des économistes dominants dans les média (ceux
que je lis...).
J'ai cru comprendre en lisant l'article
que, pour Jorion, les crises sont provoquées par le décalage entre la
rémunération du capital et la rémunération du travail. Mais c'est difficile, et
je ne suis pas sûr d'avoir
compris.
La conclusion de cet important article
:"Si l’on tire les leçons de la crise
actuelle, comme de toutes les précédentes, les mesures qu’il conviendrait de
prendre pour empêcher leur retour peuvent être élevées au niveau de principes,
et inscrites à ce titre au sein d’une constitution. Le seul obstacle à procéder
de cette manière est l’absence de volonté : les causes de la crise actuelle sont
connues, elles sont identiques à celles de la crise précédente, dont les causes
étaient déjà connues en son temps, même si l'oubli a été imposé à ce
savoir"
A la recherche des
heures célestes, struggle for
time
Signalé par l'une de vous, sur le site
Périphéries, un article sur le temps, de Mona Chollet.
http://peripheries.net/article320.html
http://peripheries.net/article320.html
Les intertitres vous mettront en appétit pour
la lecture
:
Il adorait être en scène, parce que, là, aucun
appel téléphonique ne pouvait
l'atteindre.
Solliciteurs et
sollicités.
La valse des importants, des surimportants
et des sursur
importants.
Le livre, la musique et le papier
blanc.
Un temps par essence
insuffisant.
Un pachyderme sur une coquille de
noix.
Libérer le temps, un enjeu de
civilisation.
Des existences
asphyxiées.
Donner du jeu au
temps.
Momo contre les voleurs de
temps
"Les hommes, ils sont ici de trop, et depuis
longtemps !
Ils ont tout fait eux-mêmes pour ne plus avoir leur place sur cette terre."
Ils ont tout fait eux-mêmes pour ne plus avoir leur place sur cette terre."
Les liens entre nous
*
Claris
http://blog.claris.org/ Important article :
"La technique du contrefeu pour banaliser la circulation de données sensibles".
Analyse de la stratégie du gouvernement sur les fichiers Base élève et
Edvige.
* La vie des
idées
Plaidoyer pour le livre numérique :
http://www.laviedesidees.fr/Plaidoyer-pour-le-livre-numerique.html
Plaidoyer pour le livre numérique :
http://www.laviedesidees.fr/Plaidoyer-pour-le-livre-numerique.html
* Education
financière
L'un de vous,
pour qui j'ai une estime sans limite, anime ce site. Mais tout de même, cher A.,
comment peut-on conclure un article sur les garanties offertes aux
déposants pendant la crise par la phrase "Mais encore une
fois, ces mécanismes sont très largement théoriques. A ce jour, aucun Etat
n’envisage de « laisser tomber » les déposants et les épargnants. En amont même
de ces mécanismes de garantie, l’Etat et les Banques centrales viennent à la
rescousse des établissements en difficulté." Il me semble que,
aujourd'hui, nul ne connait l'avenir de la crise. Même si aucun état
"n'envisage" de laisser tomber les épargnants, quels moyens auront les états
pour le faire si l'ampleur de la crise dépasse leurs prévisions ?
* Prochoix,
Caroline Fourest
* La revue
Ravages, éditée par l'association "Les amoureux des genres humains" est
en vente sur commande dans les librairies. Prochain numéro à paraitre en janvier
2009. Dernier numéro paru : printemps 2008
* Ligue
contre la violence routière
* Agoravox,
"le média citoyen"
* Contre
info